Ah non,
François Busnel, vous n'allez pas vous y mettre vous aussi ! Vous nous avez parlé aujourd'hui (2 janvier 2021), dans votre P'tite librairie, en 2 minutes, de
Mémoires d'Hadrien, de
Marguerite Yourcenar.
Le livre fait près de 400 pages. Mais que choisissez-vous d'évoquer ? Une soi-disante histoire d'amour, d'amour fou, dites-vous, entre Hadrien et un jeune éphèbe. Et vous nous racontez, qu'une fois le jeune garçon décédé, et seulement dès ce moment, Hadrien se tourne vers la politique.
Bon, l'émission a été fugitive, elle n'est pas encore sur internet en rediffusion. Mais je crois bien que c'est ce que vous avez dit.
Or, j'ai lu le livre aussi - il n'y a pas si longtemps : ce n'est pas dutout ce qu'il se passe !
Hadrien y parle à la première personne, avec les mots que lui prête Maguerite
Yourcenar. Il parle avec de belles phrases de sa relation avec son jeune amant.
Et vous
François Busnel, vous prenez pour argent comptant ce qu'il dit ?
Pourtant, à la lecture de ses confidences, on peut se figurer assez précisément la situation, non ?
Et on voit bien qu'il ne s'agit pas d'une "histoire d'amour" et que la mort du garçon n'est pas sans rapport avec sa relation avec Hadrien.
Pour moi, il est clair que l'adolescent se suicide parce qu'il est délaissé par le grand homme (usure du désir) et qu'il se retrouve renvoyé à sa misérable réalité.
Est-ce que son impuissance et son désespoir n'est pas l'évidence ?
Sa façon d'être victime ressemble parfaitement à ce qu'est aujourd'hui celle des enfants ou adolescent(e)s victimes des pédocriminels. En lisant cette histoire (entre les lignes), c'est en tous les cas ce qui m'a saisie.
Et vous, M.
Busnel, vous nous re-servez le baratin sur ces histoires d'amour fou d'adultes (en position de pouvoir) pour des ados !
Marguerite Yourcenar utilise très finement la première personne pour nous faire connaître la vie et les pensées d'Hadrien. Ce n'est pas elle qui parle. Mais là, monsieur
Busnel, c'est vous qui le dites !
Vous l'affirmez l'air de rien, vite fait, comme si c'était l'histoire d'Hadrien, telle que racontée dans ce livre.
Qu'est-ce qu'il vous prend ?
Nous sommes le lendemain de la diffusion de cet l'épisode, le 3 janvier et l'épisode présentant les
Mémoires d'Hadrien, celui du 2 ne figure pas... Tiens, un rapport ?!
Mais est-ce que le mal n'est pas fait ? Est-ce que des milliers de télespectateurs, gourmands de vos interventions quotidiennes, ne vous ont pas entendu et ne se sont pas surpris à penser, au passage, que de telles histoires d'amour existent et ont toujours existé ?
En tous les cas, j'ai bondi, moi, en croyant reconnaître cette complaisance, finalement si banale, envers tous ces crimes d'hommes en position de pouvoir, qui touchent les enfants ou adolescents (et les femmes aussi) et alors que les colères d'Adèle Haenel et de
Virginie Despentes, à l'occasion de la dernière cérémonie des césars, résonnent encore à mes oreilles. Vous vous souvenez de cette colère ? Lorsqu'un réalisateur ultra connu, coupable d'agression sexuelle sur une mineure, 40 ans plus tôt, et ayant fuit son incarcération, obtenait une fois de plus le soutien d'un jury prestigieux, laissant entendre que ses crimes sexuels importaient moins que son supposé talent.
C'est pourtant vous, M.
Busnel, dans votre émission "La grande librairie", qui m'avez fait connaître une auteure racontant, dans son livre "Le consentement", son agression, par un écrivain célèbre, lui aussi récompensé d'un prix prestigieux. Ce prix avait quelques années plus tôt récompensé l'oeuvre de ce monsieur, où, manifestement, il fait tout au long l'étalage de sa vie de pédocriminel. Scandale. (mais comment cela va-t-il se terminer ? Je crois bien par exemple qu'il n'y a toujours pas de loi instituant un âge minimum en-dessous duquel il ne peut être question de consentement).
Et est-ce que votre compagne, elle-même, n'a pas fait courageusement l'autopsie littéraire du crime incestueux subi par sa mère, qui l'avait sans doute atteinte elle-même en la rendant anorexique et dont elle risquait à son tour de transmettre le traumatisme à ses enfants, n'était le travail fait en écrivant son livre ? C'est comme cela que j'avais en tous les cas compris ce récit incroyable, tout en retenue, "Rien ne s'oppose à la nuit". Sa mère, de son côté, bien des années avant, avait eu beau dénoncer son père devant sa famille, cette dernière avait continué de faire comme si de rien n'était. Parler n'avait pas suffit - le père ne pouvait être reconnu coupable.
Est-ce parce que vous êtes devenu un homme important, présent quotidiennement au petit écran, intervieweur d'
Obama et de prix nobels de littérature, que vous parlez ainsi ? Il vous faut montrer patte blanche ?
En tous les cas Mesdames les vigies, lanceuses d'alerte ou simplement femmes sensibles, la banalisation des abus de pouvoir continuent d'occuper le terrain médiatique.
Ce n'est pas faute de ripostes pleines de panache.
(Ah cette tribune de
Virginie Despentes dans le Monde - que Lio a dernièrement lu à France Inter (rediffusion Boomerang du 29 décembre) et qui m'inspire lorsque j'écris, là... elle était en verve aussi notre Lio !
On n'a pas notre langue dans notre poche mais "ils" ont le pouvoir. Et "ils" ne sont pas prêts de renoncer à dominer.
Il nous faudra autre chose que des hashtags, tribunes et interviews.
Sans doute faudra t il un autre mai 68 avec sa grève générale ouvrière. le combat contre le patriarcat, contre la domination et l'exploitation de la femme (et de l'enfant) par l'homme est indissociable du combat contre l'exploitation de l'homme par l'homme.