AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782490155170
420 pages
Éditions Emmanuelle Collas (10/01/2020)
3.81/5   8 notes
Résumé :
Un inconnu débarque un jour dans une petite communauté qui a fui loin des vicissitudes du monde moderne et de ses technologies et s'est constituée en cité idéale au coeur de la nature. Très vite les habitants l'accueillent comme un prophète venu de " l'extérieur " , dont presque tous ne savent rien, les sauver d'un étrange phénomène. En effet, les femmes perdent toujours leur premier-né, et personne ne sait pourquoi.Or, la présence du prophète révèle peu à peu les f... >Voir plus
Que lire après Le sang des roisVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Méfions–nous des prophètes

Sikanda de Cayron pourrait bien être l'un des noms à retenir de cette rentrée littéraire. Avec «Le sang des rois», il nous offre une dystopie glaçante et nous met en garde contre les dérives autoritaires.

Vous avez aimé La servante écarlate ? Vous vous régalerez avec ce premier roman signé par un auteur de 22 ans qui s'est servi de son service civique – durant lequel il a travaillé les violences conjugales – pour nourrir ce récit. Comme dans le livre de Margaret Atwood, il nous propose un futur dystopique, peut-être proche, où un régime totalitaire va se mettre en place, presque à l'insu d'une communauté en proie au doute. Tout commence avec l'arrivée d'un étranger blessé et épuisé que les habitants soignent, espérant secrètement que l'homme pourrait leur venir en aide : «tous brûlaient intimement d'une flamme neuve et excitante».
Réfugiés au coeur de la nature, la communauté rêve d'une vie harmonieuse avec des règles sociales égalitaires, faisant un usage respectueux des ressources. Un équilibre qui est pourtant fragile, car une malédiction s'abat sur les femmes enceintes : leur premier enfant meurt de façon systématique sans que rien ni personne ne puisse expliquer pourquoi. Alors très vite l'étranger va être érigé au rang de prophète. Chaque geste, chaque parole va être scrutée, chaque conseil suivi à la lettre. Insidieusement se met ainsi en place un pouvoir autocratique, un seul homme fixant désormais les règles avait l'aide d'un entourage qui le vénère.
Hateya, une jeune fille qui vient de terminer ses études et de passer brillamment son examen de guérisseuse, reste sur ses gardes. Une attitude qui ne va pas tarder à la marginaliser. Car désormais ceux qui entendent remettre en cause l'autorité de celui qui est désormais appelé «le guide». La violence, qui semblait avoir disparu de cet endroit fait «pour vivre en paix et en harmonie» ne tarde pas à s'exercer à l'encontre des récalcitrants et de ceux qui ne veulent se plier aux strictes injonctions.
Et alors que la situation s'envenime, les positions se cristallisent entre ceux qui entendent sauver à tout prix la communauté et ceux qui ne croient plus que leur avenir sera meilleur parmi ces habitants embrigadés dans leur utopie.
Quand un jeune couple décide de fuir, il est pris en chasse par les villageois qui n'hésitent pas à les lapider. «Lorsque les deux êtres, enlacés parmi les cailloux éclaboussés de sang, cessèrent de bouger, les assaillants foncèrent sur eux et entreprirent de ramener leurs corps jusqu'au village.»
Un drame qui ne va pas remettre en cause la nouvelle politique, bien au contraire. Les femmes n'ont plus le droit de travailler, soi-disant pour les protéger. Mais comme ce nouveau diktat touche aussi celles qui ne sont jamais tombées enceintes, l'irrationnel gagne encore du terrain. Et que dire de l'idée de faire bénéficier aux jeunes femmes de la «semence pure» de leur guide? Face à la folie, les résistants ont-ils encore une chance?
Sikanda de Cayron met habilement en scène ce basculement d'une communauté qui, se sentant menacée, bascule insidieusement vers l'irrationnel, n'hésitant pas à piétiner les valeurs qu'ils entendaient défendre. Ce faisant, il nous met garde et nous appelle à la vigilance. Face aux discours simplistes et aux solutions trop évidentes, ce roman – et la littérature de façon plus générale – brille comme un signal d'alarme et enrichit notre réflexion sur la nature humaine. Y compris sur cette malédiction qui touche les femmes et qui va finir par trouver son explication. Sikanda de Cayron, un nom à retenir !

Lien : https://collectiondelivres.w..
Commenter  J’apprécie          370
Je n'avais à priori aucune raison d'être attirée par ce roman, à la fois dystopie et conte pour adulte. Ce ne sont pas mes univers littéraires de prédilection mais je ne regrette absolument pas la curiosité qui m'a portée vers "Le sang des rois" car j'ai été happée par l'histoire, les personnages et les thèmes traités.
Nous sommes dans un village, au milieu d'un désert, érigé par les Grands Anciens pour créer une société utopique idéale loin des travers du reste du monde. Cette communauté est fondée sur des relations humaines harmonieuses, l'égalité parfaite entre tous, le partage strictement égalitaire des tâches et des responsabilités entre hommes et femmes, la fidélité dans le couple parce que chacun(e) a trouvé sa moitié parfaite (on pense à Platon et au mythe de l'être parfait, complet, divisé en deux, chaque partie n'ayant de cesse de retrouver sa moitié manquante). Mais une douleur frappe la communauté: tous les premiers-nés meurent sans explication. L'arrivée d'un étranger, dont la chef de village, Winema, va se servir pour assouvir sa soif de pouvoir, en en faisant un Dieu capable d'éloigner la malédiction, brise cette harmonie; seule Hateya, la guérisseuse, unique dépositaire du savoir qu'il existe un monde hostile à l'extérieur, s'oppose aux dérives autoritaires de Winema. On assiste à la disparition des valeurs d'entraide, d'égalité au profit de la jalousie, de la violence, de la recherche de la richesse à tout prix.
Ce roman est riche en thèmes qui donnent à réfléchir; qui détient le savoir peut s'emparer du pouvoir au détriment de ceux qui n'ont pas les clefs pour analyser, réfléchir, s'opposer mais qui sont prêts à croire à des discours simplistes et manichéens qui calment leurs angoisses. leur apportent des réponses même si elles ne sont pas adaptées.
Sikanda de Cayron souligne avec la force de son récit, les mécanismes subreptices et pervers, les renoncements individuels, la lâcheté de certains qui permettent à la tyrannie et à l'autoritarisme de s'installer et de perdurer.
La place et le rôle des femmes est un élément essentiel dans cette dystopie; elles sont les premières victimes de l'autoritarisme qui s'installe comme souvent observé dans le monde; elles sont contraintes d'arrêter de travailler, sont réduites à leur ventre, à leur fonction reproductrice; ce n'est pas sans rappeler "La servante écarlate" de Margaret Atwood. Ce qui est intéressant, ce sont les deux personnages principaux, deux femmes, Winema et Hateya, qui incarnent deux conceptions de vie radicalement différentes, qui sont les seules à détenir le savoir; la violence s'installe par une femme qui asservit les autres femmes; ce type de personnages est, je pense, assez nouveau; la rentrée littéraire nous en offre un autre exemple avec "La dictatrice" de Diane Ducret qui dépeint également une femme pervertie par le pouvoir. Tendance à suivre???
Ce roman se déploie avec force, créant une atmosphère étrange et envoûtante, avec une tension rendue palpable grâce au talent de Sikanda de Cayron.
Commenter  J’apprécie          00
Une dystopie qui rappelle à plusieurs reprises l'oeuvre de Margaret Atwood, La servante écarlate.
L'auteure décrit sans ambages la dissolution d'une communauté initialement unie, qui, suite à un événement anodin, sombre peu à peu dans le totalitarisme, l'esclavagisme, la misogynie.

On s'interroge : comment est-il possible de basculer en si peu de temps d'une société idyllique à une telle dictature ? Et pourtant...

Le style d'écriture est direct est simple. A travers des descriptions détaillées de ses personnages et de leur environnement, Sikanda de Cayron donne une réalité à cet imaginaire.
Et pour moi cela a marché : je suis devenue membre de cette communauté. Au fil de la lecture, ce village et ses quartiers me sont apparus familiers, j'ai ressenti l'injustice comme ses habitants, la peur de l'exclusion, l'espoir de naissances viables et la tristesse des séparations.

Le lecteur se fera sa propre idée de l'époque à laquelle l'histoire est supposée se dérouler. Mais certains événements rappellent cruellement la période actuelle, ce qui donne bien sûr à réfléchir.

Un roman imaginaire et à la fois bien ancré dans la réalité. Une très agréable découverte !
Commenter  J’apprécie          00

Citations et extraits (4) Ajouter une citation
INCIPIT
La nuit venait de tomber. La vie s’était faite discrète derrière les volets tout juste fermés, et seule flottait dans l’air la rumeur d’une journée trop chaude. Un pépiement d’oiseau qui s’endort, puis plus rien que l’on puisse vraiment percevoir. On couchait les enfants ; une paresse joyeuse empêchait d’aller soi-même dormir, parce que mille plaisanteries et autant de mots tendres devaient encore être échangés ce soir.
Ainsi, les heures auraient pu s’enchaîner sans encombre jusqu’au petit matin, sans un hurlement rauque, presque animal, qui suspendit le temps vers les dix heures du soir. C’était le gémissement d’une tristesse indicible, d’une douleur physique insupportable, une plainte venue du plus profond des tripes, qui glace le sang et résonne longtemps après que le silence est revenu.
Tous se figèrent, et personne n’osa plus bouger avant que l’écho ne se fût totalement tu. La surprise et la frayeur avaient brusquement capturé les habitants, les précipitant dans un état d’alerte instinctif. Ils avaient été extraits de leur tranquillité habituelle, découpés dans la masse de leur quotidien. Ne connaissant rien d’autre que le son étouffé des pas dans la poussière et les rires des enfants entre les murs d’argile, le village plongea dans une stupéfaction nouvelle.
Peu à peu, des visages timides apparurent derrière les volets, de petites jambes cuivrées sautèrent à bas de leurs lits. Une foule hésitante enfla bientôt dans la rue principale. Autour d’eux respirait tranquillement cette nuit particulière des déserts et des montagnes, une nuit à la texture irréelle.
Devant eux, poussiéreuse, avançait la route, éclairée par la lumière pâle du ciel. Au bout, à l’entrée du village, une silhouette maigre se tenait à genoux, les bras levés. Son visage était tourné vers la lune. Tout le désespoir du monde semblait être tombé sur ses épaules vêtues de haillons. Le hurlement qui s’était échappé de ses poumons avait dû épuiser ses dernières forces, et seule la puissance d’un sentiment magnifique paraissait le maintenir en équilibre. Il vacilla.
L’homme semblait porter en lui une rare violence, à en croire ses yeux fiévreux qui scrutaient l’air avec rage et le tremblement de ses mains. Mais si en lui se livrait un combat sans merci, autour de lui tout avait cessé de bouger. Les murmures des oiseaux s’étaient tus, et l’air même ne semblait plus pouvoir s’épandre. La nature et l’espace s’étaient immobilisés en une sorte d’attente et de respect improbables, dans l’espoir que l’étranger impulse une action, un mouvement, quelque chose qui redonnerait à la vie sa légitimité d’être. Le champ immense de ce qui se trouvait autour de lui n’existait plus. Dans la rue, les visages pressés les uns contre les autres ne vivaient en cet instant que pour le prochain geste de l’homme.
Pourtant, peu à peu, la nervosité s’empara de la foule, parce que rien ne se passait. L’homme n’avait pas bougé. Et la réponse stellaire qu’il semblait attendre ne venait pas. La nuit s’épaississait. Bientôt, sa silhouette fut si obscure qu’on douta presque de sa présence. La foule retenait son souffle. Elle redoutait la disparition de cet être fascinant et puissant, craignant le goût amer de l’insaisi.
Soudain, l’ombre esquissa un mouvement, tangua sur ses genoux quelques infimes secondes et s’effondra de tout son long dans la poussière.
À cet instant, la foule sortit de sa torpeur et se mit à courir vers le corps.
Il se passa deux jours et deux nuits avant que l’homme ne sorte de son étrange sommeil. Ses blessures avaient été soignées par les deux guérisseurs du village, qui le veillaient sans trêve depuis son arrivée. Ils avaient canalisé l’énergie de leurs corps dans leurs mains, et avaient appliqué leurs paumes à quelques millimètres des blessures de l’homme. Cela avait permis d’atténuer ses plaies et d’apaiser son sommeil tourmenté et fiévreux. C’était comme cela que l’on soignait dans le village. Les guérisseurs avaient aussi recours aux pierres précieuses, aux potions et aux herbes, et ils avaient tout essayé sur le vieil homme pour qu’enfin, au bout du deuxième jour, il ouvre ses deux grands yeux bleus.
La vie, dans le village, avait vaguement repris son cours, mais tous brûlaient intimement d’une flamme neuve et excitante. Des cadeaux, des lettres et des assiettes de nourriture s’étaient amoncelés devant la porte derrière laquelle respirait le dormeur.
Commenter  J’apprécie          00
Lorsque les deux êtres, enlacés parmi les cailloux éclaboussés de sang, cessèrent de bouger, les assaillants foncèrent sur eux et entreprirent de ramener leurs corps jusqu’au village. p. 146
Commenter  J’apprécie          150
Le village avait été créé environ cent ans auparavant : un beau jour, une poignée de nomades avaient trouvé sur leur chemin un immense terrain enclavé dans la montagne, dont la terre pouvait être facilement modelée, et la roche utilisée pour ses arbres. Dans cette montagne vivaient de nombreuses espèces d’oiseaux extraordinaires. Cependant, l’endroit était très chaud, la température difficilement supportable à certaines heures. Mais, las de leurs nombreux voyages, conscients du peu de temps qu’il leur restait à vivre, ils avaient décidé d’y bâtir un village. La malédiction semblait s’y être installée en même temps qu’eux. Ces femmes et ces hommes venaient tous de contrées différentes et lointaines mais aucun n’avait appris à ses enfants qu’un monde entier s’étendait au-delà des frontières, parce qu’ils y avaient vécu trop d’horreurs qu’ils voulaient à jamais enterrer. Depuis, ceux qui avaient essayé de s’aventurer au-delà n’avaient trouvé qu’un désert immense à perte de vue et des montagnes trop hautes pour être escaladées, derrière lesquelles la rumeur disait que tout n’était que ruines et désolation.
Commenter  J’apprécie          10
Dès le plus jeune âge, les habitants étaient encouragés à trouver la personne qui leur correspondait le mieux et qui accepterait de partager leur vie jusqu’au dernier instant. Chacun devait la reconnaître immédiatement, « savoir » que c’était bien elle, et s’y tenir. Il ne devait y avoir entre les tehila aucun sentiment négatif, aucune colère ni amertume, preuve que les deux parties d’un même tout s’étaient enfin rejointes. Et rares avaient été ceux qui s’étaient rendus compte au bout de quelque temps qu’ils s’étaient trompés de tehila ou qui n’en avaient jamais trouvé. C’était le cas d’Hateya.
Or les tehila avaient le devoir tacite d’assurer la pérennité de la communauté. Lorsqu’un individu trouvait un ou une tehila de sexe opposé, la question des enfants était simple. Quant aux tehila de même sexe, ils pouvaient demander à une femme d’une autre famille de porter leur enfant ou bien encore adopter. Tous suivaient la règle de la procréation mais, quel que soit le moyen choisi, l’ombre de la malédiction planait au-dessus d’eux.
Commenter  J’apprécie          10

autres livres classés : nature humaineVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus

Autres livres de Sikanda de Cayron (1) Voir plus

Lecteurs (16) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (2 - littérature francophone )

Françoise Sagan : "Le miroir ***"

brisé
fendu
égaré
perdu

20 questions
3679 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , littérature française , littérature francophoneCréer un quiz sur ce livre

{* *}