Livre reçu dans le cadre de l'opération Masse Critique.
Début des années 2000, dans le Poitou. A quinze ans, Antonin a la vie ordinaire d'un adolescent sans histoires, sans relief non plus. Fils unique d'une famille qui n'en a que le nom, Antonin connaît, dans son année scolaire, deux événements particulièrement marquants pour lui, l'un permettant l'autre : le décès brutal d'un copain de classe, et ses premiers émois amoureux avec Lisa. A travers ce premier roman à la narration linéaire,
Alexis le Rossignol conte l'intimité d'un garçon ordinaire sur fond de France rurale.
Les voies parallèles, ou le roman d'apprentissage de la génération Y.
Le parcours d'Antonin est, d'une certaine manière, une photographie littéraire d'une France rurale. À ce titre,
Alexis le Rossignol n'hésite pas à digresser et à tirer le fil des vies de certains de ses personnages. Derrière la façade sociale qui doit tenir à tout prix apparaissent les failles profondes que tel ou tel événement a creusées. Ainsi Johann, ancien espoir du basket local dont la carrière avorta, à la suite de la mort du frère aîné à laquelle a succédé une grave blessure. Ainsi Véronique, qui regarde avec mélancolie les photos heureuses de son mariage et de sa vie de famille ; son bonheur est là, imprimé sur papier glacé, disparu avec les soirées bistrots du père de ses enfants. Ainsi Gilles, tenancier d'un bar de village, anonyme parmi les anonymes, qui souffre de voir ses clients réguliers déserter son zinc pour tel bowling, telle discothèque. Les pages du roman se font kaléidoscope mais, au lieu des couleurs vives, ce sont de sombres destinées qui apparaissent.
La France du début des années 2000 est celle de la télévision toute puissante, des téléphones portables qu'une partie des lycéens regardent encore avec envie, des magazines pseudo érotiques qui ne sont pas encore concurrencés par la déferlante porno. Pour s'amuser, pour voir des copains, Antonin consent à faire des dizaines de kilomètres en mobylette ; dans cet archipel rural de toits et de clochers, la campagne est un océan qu'il faut souvent traverser pour apprendre, pour se divertir et pour aimer.
Antonin n'a rien d'un héros. Dans son lycée, c'est un élève anonyme ou presque. Observateur, il n'est pas pour autant marginal : ce qu'il veut est tout à fait banal : exister aux yeux des autres pour ce qu'il est, tout en sachant pertinemment que, sans le bagout des uns, la beauté physique des autres ou encore le charisme d'autres encore, sa volonté n'a aucune chance d'être exaucée. Ce que voudrait Antonin, aussi, ce serait d'être remarqué par Lisa, dont il est secrètement amoureux. Mais l'amour, à cet âge, n'est pas quelque chose qui se claironne. Il faut ajouter à cela une forme de honte sociale qui frappe ceux qui, comme Antonin, sont issus des basses classes moyennes, celles dont les parents touchent à peine plus que le SMIC et qui ne partent pas à chaque vacances. Antonin voudrait aimer, mais il n'en a pas les moyens : ni physiques, ni sociaux, ni économiques. La mort accidentelle de son copain, Maxime, lui offre la chance de se montrer à Lisa. Malgré ses appréhensions, malgré ses soucis familiaux, malgré un capital social que Bourdieu qualifierait de pauvre (la soirée chez Lisa est fortement révélatrice), Antonin fonce.
Si son style paraît simple voire, peut-être, convenu, il faut souligner qu'
Alexis le Rossignol vise particulièrement juste pour décrire une époque et des milieux géographiques et sociaux donnés. Pas tant roman à thème que roman témoignage,
Les voies parallèles dessine avec justesse le portrait d'une jeunesse ordinaire et contemporaine.