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Critiques de Marcel Aymé (598)
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Le passe-muraille

Seconde recommandation littéraire de mon alter ego, où je me demande encore comment il peut connaître des auteurs dont le nom n’a jamais résonné à ma cochlée !



De par son résumé alléchant (il pourrait me vendre tout et son contraire), j’imaginais d’abord un roman, finalement ce sera plusieurs nouvelles. Et elles sont toutes si piquantes et intéressantes ! La science-fiction, écrite en pleine guerre, est très réussie et donne un ensemble cohérent. Quelques nouvelles sont cependant hors de ce champ, mais l'humour fait le tout. Je trouve que ce recueil raisonne énormément avec Ravage (pessimisme, marasme, conditions de vie), lui aussi écrit sous l’Occupation la même année



Quand vais-je arrêter de faire des découvertes aussi intéressantes et inattendues ? Jamais, grâce à lui ! En tout cas, je connais désormais Marcel Aymé
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Le passe-muraille

L'Occupation, entre humour et surréalisme.



Recueil de 10 nouvelles originales et succulentes.

Toutes les attentes, les sentiments refoulés, durant cette période sombre, sont revisités ici par Marcel Aymé. En général teintées d'humour, ces nouvelles basculent souvent dans le fantastique, comme si l'irréel devenait la norme. La norme dans une société abasourdie, hébétée par une situation jusque-là inconcevable: l'occupation de la France par l'ennemi, jadis battu, qu'est l'Allemagne.

A lire sous le prisme historique.
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Le passe-muraille

Coup de coeur !



Quel plaisir de plonger dans ces huit nouvelles fantastiques, toutes aussi originales les unes que les autres ! Et surtout, d'avoir le sourire aux lèvres qui s'installe aussi longtemps.



A chaque fois, le quotidien dérape avec un petit rien qui surprend et dont les conséquences sont souvent amusantes et décalées. Les deux premiers textes sont géniaux : les personnages s'aperçoivent qu'ils peuvent traverser les murs (le passe-muraille) ou se dupliquer à l'infini (Les Sabines). Et nos héros ne se gênent pas pour en profiter. On s'amuse aussi beaucoup avec les histoires mettant en scène l'absurdité des décisions administratives.



Cette légèreté fait un bien fou, même si le livre, publié en recueil en 1943, n'oublie pas d'évoquer la guerre qui dure et qui dure, la pauvreté, les rationnements et autres conséquences de la vie en France au début des années 1940.





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Le vin de Paris

"Foutez-moi le camp, salauds de pauvres (...)"



Dans sa cave, Marcel Aymé entrepose grands crus et piquette. Si l'on ouvre une bouteille au hasard, on peut tomber sur un nectar inoubliable comme sur une bibine aux relents de vinaigre.



Personnellement je rangerais dans la catégorie des tisanes la nouvelle éponyme dans laquelle un brave soiffard, à l'instar du Capitaine Haddock dans Le Crabe aux Pinces d'or, hallucine et se met à déboucher les passants comme de vulgaires bouteilles de picrate mais aussi le faible Dermuche et le navrant La Fosse aux péchés.



Avec La Bonne Peinture et Le Faux Policier, on est dans la catégorie Crus bourgeois : la première élucubre sur des productions picturales nutritives (au sortir de la guerre, le peintre Lafleur, grâce à ses toiles, rassasie une population carencée) tandis que la seconde erre en absurdie (l'habit fait-il le flic ?).



Enfin, on s'enivrera à lamper quelques Grands Crus classés. On plongera son nez avec délices dans le cynisme intégral de L'indifférent, le parcours d'un tueur sans affect et on goûtera les forts arômes de La grâce, où un brave homme tente, en vain, de se débarrasser d'une auréole bien encombrante.



Mais surtout on se délectera de La Traversée de Paris. Plus audacieuse que l'inoubliable film d'Autant-Lara, cette dive bouteille est une petite merveille. Un nez sans défaut, une attaque réjouissante, des tanins élaborés et une persistance en bouche inoubliable.



Marcel, tu remets une tournée ?
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Les contes du chat perché

- Et si les animaux parlaient, hein, qu’est-ce qu’ils diraient ?

- Et si… et si… Et si ma tante en avait on l’appellerait mon oncle ! Et si mon oncle en était on l’appellerait ma tante ! Allons donc, les animaux ne parlent pas : les chats miaulent, les chiens aboient (comme les ciseaux), les moutons bêlent (comme Isa) et les lions rugissent (sous l’émotion), mais non, les animaux ne parlent pas ! Mon cher vous êtes dans la vraie vie, pas dans les contes de fée !

Pas tout à fait un conte de fée, mais de féerie, sans nul doute, puisque nous sommes chez Marcel Aymé. Il y a mille et une sortes de fantastique, celui de Marcel Aymé est un des plus attachants : c’est la vie de tous les jours, à peine décalée : c’est un type qui un matin s’aperçoit qu’il peut traverser les murs, c’en est un autre qui a une auréole derrière la tête, c’en est un autre, nain de naissance, qui se met à grandir… et ce sont les animaux de la ferme qui se mettent à jacasser comme vous et moi.

Vous connaissez l’histoire, on a dû vous la raconter à l’école, ou vous l’avez lue quand vous étiez plus jeunes, et comme vous aimiez ça, vous l’avez lue à vos enfants : Delphine et Marinette sont deux fillettes, pas nées de la dernière pluie, qui adorent bavarder avec les animaux, qui le leur rendent bien. Le chat (c’est lui le chat perché), qui répond au nom d’Alphonse (quand il daigne répondre) est le fil conducteur des histoires, narrateur, témoin ou acteur. Au total dix-sept contes qui mettent en scène toute une ménagerie (chat, chien, loup, vaches, moutons, coqs et poules, canard, oies, cochon et même éléphant), pleine de vie et de fantaisie, solidaire des fillettes devant la rudesse (relative) de leurs parents, et la bêtise des adultes en général.

Dans sa préface, Marcel Aymé déclare : « Ces contes ont été écrits pour les enfants âgés de quatre à soixante-quinze ans ». C’est positivement scandaleux. J’admets qu’à moins de quatre ans on ne peut pas saisir toutes les subtilités du texte, à la rigueur, je veux bien. Mais interdire les « Contes du chat perché » aux plus de soixante-quinze ans est tout à fait abusif, et avoisine la gérontophobie. Déjà que Hergé avait fixé pour Tintin une limite de soixante-dix-sept ans ! Alors maintenant les vieux n’ont plus le droit d’être jeunes ! Mais je ne suis pas inquiet, je suis certain que, le soir, sous leurs draps, ils liront en cachette ces contes ignominieusement interdits.

Et ils feront bien, car c’est un véritable retour à l’enfance, à l’innocence, à l’époque bénie si bien décrite dans sa préface par François Morel : « cette époque si merveilleuse, si surprenante, elle se réinvente chaque fois que des enfants s’enthousiasment en commençant leurs phrases par « on dirait que je serais capitaine, cosmonaute, cheval de cirque… On dirait que je serais la mer, les étoiles, un nuage au loin… »

Et le plus fin de nos humoristes (de très loin), l’un des plus drôles et des plus attachants, de conclure : « Il suffit d’ouvrir un livre de Marcel Aymé pour se retrouver illico plongé dans ce royaume où la fantaisie et l’imagination sont souveraines. Ce continent infini dans lequel tous les rêves sont possibles, toutes les libertés à portée de la main et qui, si je ne me trompe pas, s’appelle la littérature ».

Tout est dit, non ?

Pour vos minots, vos drôles, vos maynats, vos enfants, quoi, usez et abusez des « Contes du chat perché » et enchaînez avec les « Contes de la rue Broca » de Pierre Gripari, l’esprit n’en est pas très différent.





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Travelingue

"Accourez tous au jeu d' massacre !

La douzaine de balles pour vingt sous !"



Paru en feuilleton dans "Je suis partout" en 1941 et décrivant la France du Front populaire avec ses grèves et ses manifestations, Travelingue, équivoque et venimeux à souhait, est un pavé glaireux dans une mare de bien-pensance. le lire à la lumière de nos propres ambiguïtés est réjouissant, nous qui élevons des autels à un médecin halluciné, un animateur de télévision obscène, un polémiste raciste et charognard ou à des groupuscules d'abrutis safranés...



Marcel Aymé transforme notre hexagone nombriliste en une République de garçons coiffeurs et rabaisse le discours politique au niveau des brèves de comptoir. Ainsi Moutot, merlan flasque au patronyme ovin prédestiné, est-il devenu l'éminence grise d'un gouvernement Blum dépassé et, piteux Deus ex machina, mène le pays au rythme de ses molles flatuosités.



Roman sans cap, ni boussole, Travelingue -un Pot-Bouille réussi- avance au gré des dézingages d'un auteur particulièrement inspiré. le début, grandiose, nous présente une poignée de protagonistes à travers les filandreuses bribes de conscience d'un pater familias sous le coup d'un AVC mortel. Vif, rageur, nerveux, brutal, réaliste, caméra au poing, c'est du cinéma et du meilleur.



Passer en revue les tristes figurines sur lesquelles Aymé décoche ses balles -pur défoulement- revient à inventorier un ramassis de cloques et de boursouflures. Défilent sur leurs tringles basculantes, un écrivain catholique opportuniste, dont les velléités sont aussi sales que les pieds - Mauriac, que l'on devine sous la défroque du mielleux Pontdebois, en prend pour son grade- ; Johnny, un vieux sodomite flétri ("Riche, notoirement homosexuel, il passait de surcroît, pour être muni d'un anus artificiel, et ce détail curieux faisait rechercher sa société.") et Milou son giton autant bique que bouc, crétin érigé "homme du moment" ; Malinier, un ancien combattant, cocu satisfait et complotiste givré ; la famille Ancelot avec son faisan de père, sa tribu de gourdes prétentieuses et vicieuses -entre Cathos, Magdelon, Emma Bovary et Sidonie Verdurin- et son fils aboulique ; et la famille Lasquin, cerise sur le gâté, avec sa veuve exemplaire, sa fille insatisfaite et son gendre cornard et coureur (à pieds !). Nul ne résiste à l'éreintement du romancier... si ce n'est un couple illégitime (Chauvieux et Élisabeth Malinier), figures sensibles et désintéressées.



Rien de "cornichon, cucul la rainette, ratapoil et rantanplan" dans cet épatant minestrone méchamment hilarant : Marcel Aymé y vilipende une France moisie mais sans aigreur. le chamboule-tout reste un jeu -réac, certes- mais un jeu ; une fois les boîtes renversées, les poupées à bascule abattues, tout recommencera... D'où, malgré une ambiance vintage, une fraîcheur enthousiasmante.



Inutile de dire combien j'ai Aymé !



"Alors, cette fois, ça y est bien, dit-il d'une voix âpre. C'est bien ce que j'ai dit et répété. La France fout le camp comme un lavement. Quoi ? ce n'est pas vrai, peut-être ?"
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La Vouivre

Découverte d'un grand classique injustement pas lu, mais la liberté de la littérature audio m'a permis de combler ce manque. Merci aux donneurs de voix au passage. L'histoire débute comme un conte. Une légende Jurrasienne sévit dans le village. La Vouivre se baigne dans la rivière et si l'on vole son joyau les serpents vous attaquent. Un jeune homme la rencontre en vrai. Après une courte scène (mais intense) de bataille contre les viupères se terminant en un pur charnier reptilien, le récit mute en roman de terroir où moeurs, bisbilles de familles, querelles de clochers et bondieuseries s'entremêlent. La suite est surprenante de modernité, mettant à plat chaque argument, hypothèse faisant presque virer l'histoire vers une analyse philosophico-sociologique de l'évolution du milieu rural. On rêve de grosses machines, d'engrais chimiques et la Vouivre est toujours là, vêtue en vraie citadine. Elle observe, accompagne cette humanité balbutiante vers un destin que l'on ne connaît que trop. Ce n'était pas une grosse révélation, néanmoins je suis ravi d'avoir comblé ce manque.
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Les bottes de sept lieues et autres nouvelles

Trois petits contes sur l'enfance. Trois petites histoires moralistes et pleines de bons sens.

Ce monde de l'enfance et du début de l'adolescence, Marcel Aymé nous le dépeint avec affection, mais avec un sens critique et un humour bienveillant.

Cela donne trois petits contes savoureux, (qui font penser à du Jacques Tati, particulièrement le dernier, le proverbe) faciles à lire, qui vous donneront le sourire.

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Le passe-muraille

En 1943, c'est un savoureux recueil d'une dizaine de nouvelles que Marcel Aymé offre, en pleine période d'occupation allemande, à ses lecteurs.

Dans le premier texte, qui donnera son titre au volume, Dutilleul, modeste employé de bureau, possède la faculté de traverser les murs, il use d'abord de ce don pour se venger de son sous-chef de bureau M. Lécuyer, puis il devient, par un goût soudain de l'aventure, le fameux cambrioleur nommé Garou-Garou. Mais n'est pas Arsène Lupin qui veut...

Dans "Les Sabines", l'héroïne Sabine possède le mythique don d' ubiquité et en profite pour vivre plusieurs vies parallèles auprès d'Antoine Lemurier, son mari, sous-chef du contentieux au SBNCA, auprès de Théorème un jeune peintre débauché aux yeux noirs, auprès d'un vieillard, distingué, monoclé et riche nommé Lord Burbury ! Mais écœurée par cette vie dissolue elle reviendra à son premier amant pour disparaître en même temps que lui et ses 67000 doubles...

"La carte", le troisième texte prend acte de la drôle de décision du gouvernement de réduire le droit de vie des improductifs à un certain nombre de jours par mois, raconte le marché noir qui s'ensuivit et ses conséquences inattendues pour le narrateur, amoureux d’Élisa qui ne s'en doute pas...

Avec "Le décret" Marcel Aymé raconte comment, par l'entremise du Vatican, au plus fort de la guerre, un accord international fut conclu entre les belligérants pour avancer le temps de dix sept ans sans modifier pour autant l'issue normale des hostilités...

"Le proverbe" pose un problème à Lucien qui a eu 3 à son devoir de composition française, il va devoir l'expliquer à M. Jacotin son père, qui est proposé pour les "palmes académiques" mais qui est aussi l'auteur du fameux devoir....

L'ensemble des textes, signés dans ce recueil par Marcel Aymé, est à mi-chemin entre le "Fantastique" et le "Philosophique". Sa plume amusée et moqueuse fait merveille dans ces contes modernes qui brocardent nos travers et la société.

La meilleure, peut-être de toutes les nouvelles de l'ouvrage "Les bottes de sept lieues" sera reprise dans "Enjambées".

Les enfants de Montmartre rêvent tous devant la vitrine d'un vieux brocanteur d'acheter une paire de bottes, trop chère pour eux. Mais le vieux commerçant, sentimental et original, baisse son prix pour permettre à Germaine de l'acheter...
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Les contes du chat perché

Ce sont des contes pour enfants, mais on peut leur donner une portée philosophique. En utilisant des animaux, on s'adresse aussi bien aux enfants qu'aux adultes.

Dans cette ferme, deux fillettes découvrent le monde avec leurs animaux qui parlent et chacun a son rôle. Cette petite société grandit, s'émerveille, se questionne et s'inquiète, pour notre plus grand bonheur.

Ces contes sont mon premier souvenir de plaisir littéraire, en sixième, et ils restent pour moi dorés, par leur poésie enfantine et pour le souvenir qu'ils m'ont laissé.
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Le passe-muraille

J'ai ce livre dans ma PAL depuis de nombreuses années.... à mon avis, au moins 25 ans. je l'avais déjà commencé, et je me souviens m'y être ennuyée. J'étais clairement plus jeune, et je n'avais pas les mêmes attentes qu’aujourd’hui, c'est évident.

D'après l'emplacement du marque pages qui se trouvaient encore dans le livre, je n'avais lu que deux nouvelles. Je pense que mon abandon vient de là : j'avais imaginé que c'était un roman. Tellement imaginé, que j'ai été très surprise de découvrir des nouvelles quand j'ai repris ma lecture il y a quelques semaines.

C'est très agréable à lire. chaque nouvelle a un petit côté décalé, et à l'exception du fantastique des deux premières, toutes sont bien dans la réalité.

Alors voilà, au bout de 25 ans j'ai enfin fini ma lecture
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Lucienne et le boucher

Dans ma vie j’ai connu deux Lucienne : l’une aurait pu être ma grand-mère, l’autre est ma sœur. Autant vous dire que toutes deux me sont sacrées. Ce n’est pas comme la Lulu de cette pièce ! L’ami Marcel n’y est pas allé avec le dos de la cuiller, et quand je dis cuiller, c’est louche qu’il faut comprendre. Lucienne – celle du boucher – est une femme qui a, disons, hum, des appétits. De toutes sortes, si vous voyez ce que je veux dire. D’un côté, ce n’est pas tout à fait sa faute : voyez comme la vie est mal faite : elle est jeune, pimpante, mariée à un bijoutier cossu (pour l’instant il n’est que cossu, bientôt il va être autre chose), elle est la mère d’une jolie Madeleine à croquer… seulement Moreau, le bijoutier, est un avorton prétentieux, une sorte de Caius Détritus (si vous avez lu « La Zizanie ») et qui plus est on ne peut plus fier de sa place dans la société. La boutique d’à côté est une boucherie tenue par Duxin, un hercule jovial (Obélix), pas des plus fute-fute, mais plutôt honnête et assez naïf. Lui est père d’un sympathique Alfred. Inutile de préciser qu’Alfred et Madeleine sont amoureux l’un de l’autre et déplorent les incessantes disputes entre leurs pères respectifs. Il faut dire que Moreau n’en rate pas une pour rabaisser son prolétaire de voisin, qu’il place à peu près au même niveau que les parias intouchables dans la société indienne. Lucienne, ce qu’elle regarde chez Duxin, vous vous doutez bien que ce n’est pas son inscription au Registre du Commerce, ce serait plutôt… je ne vous fais pas un dessin. Et ce qui devait arriva. Et même pire encore. Les commerçants du quartier en parlent encore !

Marcel Aymé met le paquet (comme chez le boucher) dans cette comédie-farce réglée comme une horloge (comme chez le bijoutier) : Le trait est forcé, comme souvent, les personnages à la limite de la caricature : Lucienne, ne nous le cachons pas est une nympho de première, obsédée sexuelle, et de plus poussée dans cette attitude par l’attitude abjecte de son mari. Au fil de la pièce, elle va de plus se montrer calculatrice et finalement monstrueuse. Moreau, tellement imbu de sa (supposée) prédominance sociale, est parfaitement antipathique ; quant à Duxin, c’est Shrek, pas vraiment Einstein, pas non plus un idiot de village, mais un être naïf aux prises avec de sacrés margoulins.

C’est une histoire franchement amorale et en même temps, l’auteur se targue (avec une subtile ironie) d’avoir voulu écrire une pièce « morale » :

« Quelles qu'aient été mes intentions, une chose est sûre, c'est que Lucienne et le Boucher est une pièce hautement morale. L'adultère et ses terribles conséquences y sont représentées sous un jour bien propre à décourager les mauvaises tentations. De ce point de vue, le besoin se faisait justement sentir d'une telle pièce. On ne saurait trop la recommander à l'attention des jeunes femmes, des jeunes filles et des organisateurs de spectacles de patronage ».

Farce donc, vaudeville grinçant, si l’on veut, cette comédie de mœurs est aussi une satire d’une certaine bourgeoisie, qui établit des castes sociales entre les professions dites manuelles et celles qui le sont moins. Et la bluette entre les deux jeunots vient faire un joli contrepoint aux frasques du trio infernal.

Appel aux directeurs de salles et aux réalisateurs de télévision : le théâtre de Marcel Aymé est une mine d’or de bonne humeur et de bon sens, qui pourrait combler nombre de nos soirées. Et quels rôles en or pour des comédiens !

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Uranus

Dans l'immédiat après-guerre, le village de Blémont est aux deux-tiers en ruines et les cafés sont réquisitionnés pour servir de salles de classes pendant les heures creuses. Léopold, ancien lutteur de foire devenu patron du Café du Progrès se prend ainsi de passion pour Andromaque grâce aux cours qui ont lieu devant son zinc. La guerre passée a assigné à chacun son rôle et sa place, et la chasse aux anciens collabos est ouverte, l'occasion de montrer la lâcheté en chacun, quelle que soit l'étiquette dont il se revendique (communiste, ingénieur, commerçant, professeur...). Écrit en 1948, ce roman est en lien très fort avec son époque, et montre les accommodements de chacun sous un jour peu flatteur. Peu d'ironie ou de second degré dans la narration (au contraire de La jument verte), mais un portrait acide des contemporains de l'auteur, que nous serions bien en peine de juger.
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Le passe-muraille



Le passe-muraille est un recueil de dix nouvelles - du moins dans l'édition folio. Celle qui lui donne son titre est la plus célèbre, son adaptation cinématographique avec Bourvil, n'y est sans doute pas étrangère. Pourtant çà n'est pas la plus intéressante il me semble. Éditée en 1943, l'oeuvre a des résonances avec son temps. Marcel Aymé laisse libre cours à son imagination, son sens de l'absurde, son humour. Jugez plutôt : un petit fonctionnaire qui traverse les cloisons, une femme ayant le don d'ubiquité, des temps de vie mensuels rationnés selon l'utilité sociale de chacun et qu'on acquiert par des coupons qu'on revend au marché noir, un homme qui fait des aller-retours entre 1942 et 1957, un percepteur qui a la géniale idée (pardon) de permettre aux hommes imposables de se délester de leur femme comme solde de tout compte... Ce recueil n'est pas une oeuvre fantastique ou une dystopie, ce ne sont pas des univers cohérents et foisonnants tablant sur un hypothétique futur. C'est plutôt un florilège de situations cocasses exploitant la situation tragique dans laquelle était la France.

Je suis plutôt amateur de romans-fleuves que de nouvelles. Je préfère le goutte à goutte patient d'une oeuvre au long cour créant à mesure des concrétions surprenantes, plutôt que de ces créations concises qui vous laisse en plan à peine l'intérêt éveillé. Je reconnais néanmoins que ce recueil est d'un incisif à vous tailler un costard. Un bon moment de lecture.
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Le Vaurien

"Vous voyez, c'est à se demander si c'est un usage bien raisonnable d'être le père de son fils et s'il ne vaudrait pas mieux de choisir toujours."



Bernard, narrateur déprimé, se sent mal aimé par son père, ancien combattant rétrograde. Après une énième dispute, il claque la porte de la maison familiale et monte "à la Capitale". Là il se lie d'amitié avec une sympathique bande de désœuvrés : le poète fou Jouvedieu, qui rimaille avec les statistiques, Grelin, une ruine décavée des nuits parisiennes, Jiquiaud, un jovial placier en savonnettes et rapin amateur, également en délicatesse avec son paternel, et la fantasque Dine, putain écervelée et sentimentale.



La mère de Bernard, sèche punaise de sacristie, lui fait parvenir des nouvelles régulières du pays : il apprend ainsi que son daron vise la députation. "Grand bien lui fasse", pense le rejeton écœuré qui finit par trouver un emploi chez le papa de son copain Jiquiaud, une aimable fripouille. Coup de foudre réciproque entre les deux hommes en mal d'affection : ils se sont découvert l'un un vrai père, l'autre un fils idéal. Famille, je vous hai(me)s !



Avec Le Vaurien, farce triste, sur les parentés électives, Marcel Aymé ose le réalisme magique. Il chamarre l'étoffe rêche et grise de son récit d'un filet d'or fantastique (une fleurette mauve disparaît d'une tapisserie, une morte papote au bord d'une tombe, on offre un niveau à bulle d'air en signe d'amitié...) et l'orne de personnages extravagants (outre des héros passablement loufoques on trébuche, au cours du roman, sur un voleur de toutous, une veuve mamelue qui se dépoitraille aux heures de bureau ou un impayable teckel à poils durs).



L'auteur affûte son style et fait mouche avec ses phrases mal équarries qui résonnent comme du vers libre et sa fin cafardeuse en chute libre, comme un rire sans joie.



Cette chronique désenchantée des années d'apprentissage m'a embarqué. Bravissimo !
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Traversée de Paris

Quand on a vu le film, comme tout le monde, difficile de s'imaginer que la nouvelle puisse être aussi forte ... et pourtant ! Épurée, magnifiquement écrite, cette histoire que tout le monde croit connaître par cœur est redessinée à la lumière de ses origines. Les personnages de Grangil et Martin diffèrent singulièrement de ce que Gabin et Bourvil ont pu en faire au cinéma, particulièrement dans les dernières pages, sombres, dramatiques au point que les scénaristes voulurent la modifier pour l'adaptation sur grand écran. Il est donc temps de rendre justice à Marcel Aymé en redécouvrant cette Traversée de Paris, chef d'oeuvre littéraire avant tout !
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Gustalin

Dans un petit village pas très loin de Dôle, Gustalin ne rêve que de voir son garage devenir le plus beau, le plus grand des garages et passe ses journées à rêvasser à ses futures aménagements tandis qu'il répare ce qu'on veut bien lui confier, généralement une vieille bicyclette par ci par là. Pas si facile d'être garagiste dans ces temps où les voitures restent encore minoritaires, dans un village où il en passe une par semaine. Et pendant ce temps-là sa femme Flavie s'escrime à faire tourner la ferme!

Et Gustalin n'est pas le seul à ne pas se sentir à sa place au village. Marthe, l'épouse de son meilleur ami, se sent elle aussi mal à l'aise dans ce monde qu'elle estime étriqué. Quand elle a quitté les bois des années auparavant, quitté le monde des bûcherons et des charbonniers pour se marier, son époux était censé tenir un emploi à la ville grâce à ses études mais il a tout quitté pour revenir à la terre...

Et voilà que l'arrivée de l'oncle et de la tante de Paris, venus passer leur vieillesse au village, déclenche toutes une série de petites contrariétés, faisant remonter les vieux rêves brisés à la surface.

C'est un roman étonnant que celui-ci: mine de rien, c'est une tragédie, mais l'humour discret qui émaille le texte, le style qui se refuse au grandiloquent, empêche au début de le saisir.

Marcel Aymé est un écrivain à redécouvrir, bien au delà de ses œuvres les plus célèbres auxquelles on le limite parfois.
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Les contes du chat perché

Lire, relire "Les contes du chat perché"… et s'offrir un retour vers l'enfance. A l'époque de ma première visite, j'avais quelques comptes à régler avec la lecture... La lecture forcée ne pouvait donc facilement me convaincre. Pourtant, j'ai eu envie de me replonger dedans... plus de cinquante ans après un premier passage en force. Le second fut tout en douceur. J'ai aimé ces animaux (plus humains que les humains) fantaisistes et improbables (c'est bien ce que je disais...) On plonge dans l'impossible réel, dans l'absurde qui se justifie, dans la médiocrité d'une vie sublimée par l’imagination !



Les contes du chat perché, une aventure pour petits et grands... plus belle encore pour les grands qui acceptent l'idée de rêver !
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Le passe-muraille

Charmant recueil de nouvelles au parfum suranné peuplé de fonctionnaire traversant les murs, de jeune fille au don d’ubiquité, de carte de rationnement de temps et de percepteur d’épouses. Marcel Aymé est un merveilleux conteur et son écriture pleine d’humour est un vrai plaisir.
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La Jument verte

Dommage, je n'ai pas réussis à le lire jusqu'au bout.



Pour ma lecture démarrait bien mais petit à petit le récit s’essouffle et tout devient alambiqué...



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