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EAN : 9782021329179
288 pages
Seuil (18/08/2016)
4.23/5   1175 notes
Résumé :
Aux confins de l'Extrême-Orient russe, dans le souffle du Pacifique, s'étendent des terres qui paraissent échapper à l'Histoire...
Qui est donc ce criminel aux multiples visages, que Pavel Gartsev et ses compagnons doivent capturer à travers l'immensité de la taïga ? C'est l'aventure de de cette longue chasse à l'homme qui nous est contée dans ce puissant roman d'exploration. C'est aussi un dialogue hors du commun, presque hors du monde, entre le soldat épui... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (248) Voir plus Ajouter une critique
4,23

sur 1175 notes
Je ne sais pas vous, mais les récits gigognes m'ont toujours fascinée. Ils ont le pouvoir, mine de rien, de nous emmener dans des terres inconnues, rien qu'en passant le relais d'un narrateur à l'autre, d'un récit à l'autre, et de nous perdre en nous charmant ou de nous charmer en nous perdant.

L'Archipel d'une autre vie est comme la flûte du joueur de Hamelin : un irrésistible appel à le suivre et à se perdre avec lui.

Au fin fond de la taïga, traversée de torrents et de bêtes farouches, au bout de l'hiver, dans les glaces sibériennes, au bord de la mer d'Okhotsk, dans l'archipel des Chantars, sur la Belitchy, cette grande île sauvage gardée par son terrible « souloï », un mur liquide de quatre mètres de haut…

Vous êtes perdus déjà ? Tant mieux ! Laissez-vous faire !

Un jeune orphelin, fils de prisonniers disparus dans le Goulag stalinien enfin dispersé, rencontre à Tougour un voyageur qui l'intrigue, le fascine. Un nomade à capuche, à la fois fraternel et mystérieux qui a l'âge d'être son père. de loin, d'abord, dans l'épaisseur de la taïga, il le suit.

Mais le suit-il ou est-ce l'étranger qui insensiblement se laisse rattraper par le jeune homme ?

Bientôt en effet, ils se rencontrent. L'homme s'appelle Pavel Gartsev ; il raconte à l'adolescent son histoire. Attentivement, sans l'interrompre, il la suit.

Pavel était soldat, dans un camp où l'armée soviétique, en pleine guerre froide, se préparait à la guerre nucléaire, en Sibérie est-orientale. Un prisonnier s'évade. Un commando de cinq hommes est nommé pour le rattraper, vivant, afin de lui infliger un châtiment dissuasif et exemplaire. Pavel, simple troufion, est le bouc émissaire tout trouvé en cas d'échec.

Mais il n'y a pas à discuter. Il les suit.

Le groupe s'enfonce dans la taïga aux derniers feux de l'été sibérien trop court. Devant eux, le fugitif marche, jamais très loin, allumant des feux multiples pour les leurrer, croisant et recroisant sa piste comme pour les égarer, ou les retrouver, à sa guise. Ils le suivent.

Mais le suivent-ils ou sont-ils subtilement menés par lui, dans une forêt dangereuse, pleine d'embûches et de pièges ? Comme dans l'histoire des Horace et des Curiace, l'évadé se laisse suffisamment approcher pour se débarrasser un à un de ses poursuivants, qui repartent pour le camp, l'un après l'autre, meurtris, sur des radeaux de fortune..

Pavel, lui, est toujours là. Il suit.

Ne comptez pas sur moi pour vous dire qui est ce fugitif habile qui se confond si familièrement avec la taïga, et semble apprivoiser l'hiver redoutable qui vient.

Mais sachez que cette poursuite obstinée va changer le cours de deux existences : celle de Pavel et celle, bien des années après, du jeune orphelin apprenti en géodésie dans la Russie devenue post soviétique. Plus de dictateur à moustache avec son enfer blanc de Kolyma, mais des capitalistes oligarques avec leurs paradis fiscaux et touristiques. Autres machines à détruire les hommes, les existences, les rêves.

Quelque cinquante ans d'histoire russe défilent en trame de fond derrière ce récit plein d'ombres menaçantes- et cependant si lumineux. Car le paysage est là, qui éclaire tout : la Sibérie est-orientale tant aimée de Makine, le pays de l'hiver aux étés si brefs, à la neige si blanche, une terre d'ours et de loups, une mer de baleines chantantes et d' îles farouches - refuge inexpugnable des exilés volontaires, fuyant la folie des hommes.

Un pays qui peut se refermer sur vous comme un piège à ours, ou vous ouvrir les portes de la vie.

L'archipel d'une autre vie. La vraie vie. Celle d'une osmose entre l'homme et la nature, pas tendre pourtant. Celle où les baleineaux viennent se faire caresser par de longues tresses noires. Celle d'un amour éternel, presque mythique, dont l'esquif à voile carrée revient, comme la barque de Tristan et Yseut, hanter ces parages de glaces et de brumes.

Suivez, à votre tour, la piste du fugitif, mettez vos pas dans ceux de Pavel.

Découvrez le courageux Vassine et son chien Almaz, Louskass le chefaillon, qui « se croyant au service d'une idée, ne supportait pas les imperfections de la vie », Ratinsky, éternel mouchard, éternel traître, éternel esclave du pouvoir en place, le rude commandant Boutov, et Elkan, du peuple toungouze, dont je ne vous dirai rien…

Découvrez la différence entre exister et vivre. Entre poursuivre et suivre. Descendez au fond de vous-même et tuez ce pantin de chiffon qui vous brouille la vue, qui vous gâche la vie.

Même s'il faut, pour cela, se perdre dans la taïga un soir d'hiver, et guetter les lueurs clignotantes de trois feux dans la nuit, cela en vaut la peine.

Suivez les trois feux dans la nuit.

Suivez-les !
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Il faut absolument lire L'archipel d'une autre vie, c'est magnifique, c'est grandiose, ça vous laisse sans voix.
Au début du livre qui est fort bien écrit et nous fait découvrir la vie en Sibérie, le régime de Staline et l'immensité de la taïga, on s'interroge sur ce fugitif plutôt inoffensif et on se demande pourquoi malgré une lecture agréable tout le monde en dit tant de bien, puis à la page 120 après une certaine révélation, la lecture s'emballe et le temps est aboli jusqu'à la toute dernière phrase.
Ce livre est un questionnement sur la civilisation : nous rend-elle plus humain ou fait-elle de nous des pantins déshumanisés incapables de réfléchir par nous- mêmes.
Une chose est sûre je suis tombée sous le charme de la plume d'Andreï Makine et si ce ne sont plus les îles Chantars, je visiterais d'autres coins de Russie et d'autres époques avec plaisir grâce à lui. Merci pour un si beau livre.
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Andreï Makine, nouveau membre de L'Académie Française, nous offre avec « L'Archipel d'une autre vie » un magnifique roman. Avec un grand talent il nous entraine dans une grande aventure dans sa Sibérie natale.

Nous sommes dans les années 1970 en Sibérie extrême-orientale, un jeune garçon rencontre Pavel Gartsev. Cet homme va commencer à lui raconter son histoire.

Flashback !

Nous sommes en 1952, l'URSS de Staline se prépare à une possible guerre atomique. Cinq soldats dont Pavel sont envoyés à la poursuite d'un évadé du Goulag. Commence alors une longue chasse à l'homme dans la taïga Russe. Dans cette nature hostile, les hommes, de plus en plus épuisés par cette battue d'un fugitif qui les tient toujours à distance, vont révéler leur réelle personnalité. Lorsque Pavel réussira à le rejoindre et connaîtra qui est l'évadé, sa vie ne sera plus la même.

Dans ce décor hostile mais magnifique, l'homme prendra conscience de la violence de notre monde et se rendra compte qu'il est du mauvais côté. Andreï Makine, car c'est bien lui le jeune garçon qui recueille le témoignage de Gartsev, nous envoie un message : arrêtez la violence, les armes, les fanatismes, les pollutions, regardé notre terre, il y a une autre façon de vivre.

L'écriture de Makine est magnifique, le style est vivace. L'auteur nous transmet son amour pour sa Sibérie et son inquiétude pour notre monde. L'histoire vous tient jusqu'à la dernière page. Un roman qu'on dévore.
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Les quelques livres que j'ai déjà lus d'Andreï Makine m'amènent à la conclusion suivante : il est explorateur !
Explorateur des mots, de la phrase habilement troussée, mais surtout de l'âme humaine, de la vie même.
J'avais tout particulièrement apprécié le livre des brèves amours éternelles, des nouvelles d'une universalité et d'une sensibilité rares. Son archipel d'une autre vie m'a entrainée dans ce que j'appellerais volontiers un western sibérien, rythmé, prenant, et magnifiquement écrit. Une réussite !

L'intérêt de ce roman est double. Certes, c'est un formidable roman d'aventure au coeur de la taïga russe extrême-orientale, c'est aussi et avant tout une quête existentielle - le tout se déroulant principalement à la fin de l'époque stalinienne, dans les années cinquante.
La traque d'un fugitif dans une nature hostile va permettre à cinq soldats de dévoiler leurs vrais visages et d'aller pour certains loin, très loin, au point de se remettre totalement en question.

Dénoncer bêtise et violence humaine, faire prendre conscience de la beauté mais aussi de la fragilité de la nature, éprouver la résistance humaine…pour donner à voir la possibilité d'une autre vision de la vie.

« Les semaines passées dans la taïga m'avaient appris un savoir-faire plus instinctif, débarrassé des raisonnements peureux qui retardent l'action. » 
« Je n'aurais jamais cru que l'homme avait besoin de si peu. »
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Voici un roman d'aventure et de passion, une histoire rude et puissante, une marche forcée dans la taïga mâtinée de forts accents politiques.
Aux confins de la Sibérie extrême orientale, nous faisons connaissance avec un étrange "homme à capuche", un certain Pavel Gartsev.
En 1952, ce vétéran de la guerre, alors âgé de 27 ans, ayant connu une désillusion amoureuse se trouve enrôlé par le comité militaire pour un stage des plus curieux.
Les autorités Russes anticipent la 3° guerre mondiale..
Ils ont choisi ce lieu, pas loin du Pacifique pour effectuer une simulation, soumettant ces jeunes gens aux séances de tir obligatoires, à des marches forcées dans de lourdes combinaisons.

Pavel exécute une mission étrange en compagnie des camarades : Ratinsky, Boutov, Vassine, Louskass et le chien Almaz.
Cette patrouille doit mettre la main au plus vite sur un évadé, agent occidental?, ancien soldat nazi? Echappé d'un camp de prisonniers armé d'un fusil ......
Cette traque prendra un tour tout à fait inattendu mais ....n'en disons pas plus....
L'auteur a l'art d'installer la situation, le talent de brouiller les pistes, de plonger le lecteur dans ce décor hostile , oú brusquement des surprises peuvent survenir ...
Une chasse à l'image d'une bête traquée , poursuivie sans relâche , haletante......
Au total, un superbe récit de voyage oú les sentiments dominent la prédation, une histoire d'amour touchante et inattendue, un bel hommage à la taïga : nature brutale, froide, puissante , prenante.
Une exploration des émois et des tréfonds de l'âme humaine aux confins de l'Union Soviétique dans les années 50 , à un moment où le " communisme vieillissant " connaît un certain déclin........

Un bien belle découverte de la rentrée littéraire que l'on pourrait qualifier :"l'individu qui voulait être proie"........
Merci infiniment à mes ami(e)s de la bibliothèque de Pierrefitte
qui m'ont proposé ce beau livre !
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critiques presse (6)
LaPresse
04 octobre 2016
Makine compose une superbe fable qui met en lumière la nature profonde des gens lorsqu'ils sont privés de leurs repères.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Lexpress
03 octobre 2016
Un puissant récit d'aventures métaphysique.
Lire la critique sur le site : Lexpress
LeFigaro
16 septembre 2016
Andreï Makine superpose roman d'aventure et quête métaphysique en explorant les confins de l'Union soviétique des années 1950.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Lexpress
06 septembre 2016
Une puissante histoire de traque dans la taïga aux accents politiques. L'Archipel d'une autre vie, par Andreï Makine, un de nos coups de coeur de la rentrée littéraire.
Lire la critique sur le site : Lexpress
LeFigaro
05 septembre 2016
Avec L'Archipel d'une autre vie, l'auteur livre plus qu'un récit survivaliste haletant.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LeJournaldeQuebec
22 août 2016
Élu depuis peu à l’Académie française, Andreï Makine continue à explorer les tréfonds de l’âme humaine avec élégance en nous offrant une mystérieuse chasse à l’homme.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
Citations et extraits (228) Voir plus Ajouter une citation
Vu de l'intérieur tout se confondait dans la même fluidité pâle. Dehors, cette unité éclate, la mer gonfle, explose, se chiffonne de crêtes d'écume, gonfle dans un rapide murissement des masses d'eau qui exhibent leurs entrailles verdâtres, me fouettent de sel, entraînent le bateau dans un glissement oblique lui faisant heurter une vague en fuite. Au-dessus de ce chaos le ciel demeure d'une sérénité impassible, égale dans sa tonalité d'acier, un miroir mat qui reflette ce grain de poussière : notre bateau, perdu au milieu du néant.
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Je pensai aux philosophes que j'avais étudié. Les grecs, les Romains, les mystiques du Moyen Âge, Kant, Hegel, les inévitables Marx et Lénine ... Tous apparemment avaient ignoré l'essentiel : ce noyau de l'homme, cet alliage bestial et tribal qu'aucune Idée absolue ne pouvait transcender, aucune Révolution ne parvenait à mater.
Tout autour, dans les camps que cachait la taïga, des milliers d'ombres meurtries peuplaient les baraquements à peine plus confortables que mon abri. Que pouvait proposer un philosophe à ces prisonniers ? La résignation ? La révolte ? Le suicide ? Ou encore le retour vers une vie ... libre ? Mais quelle était cette "liberté "? Travailler, se nourrir, se divertir, ,se marier, se reproduire ? Et aussi , de temps en temps, faire la guerre, jeter des bombes, haïr, tuer, mourir ... Nulle sagesse ne donnait une réponse à cette question si simple : comment aller au-delà de notre corps fait pour désirer et de notre cerveau conçu pour vaincre dans les jeux de rivalités ? Que faire de cet animal humain rusé, unique, toujours insatisfait et dont l'existence n'était pas si différente du grouillement combatif des insectes qui s'entre-dévoraient dans les fentes de mon abri ? La "légitimité de la violence ", comme je l'écrivais dans ma thèse ...
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Ce que je vis, arrivant là-haut, fut impossible à exprimer. L'infini, le néant, la chute dans le vide...Ma pensée articulait ces mots qui s'effaçaient devant la vertigineuse beauté qui n'en avait plus besoin. Une légère brume voilait l'horizon. L'océan unit au ciel était l'unique élément qui nous entourait de toutes parts. Et le soleil, déjà bas, renforçait cette sensation de fusion, recouvrant tout d'un poudroiement doré, ne laissant pas le regard s'accrocher à un détail. Nous étions, je le voyais à présent, au point culminant d'une petite péninsule et la hauteur du lieu créait cet effet de lévitation au-dessus de l'immensité océanique.
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Désormais, il n'y avait que moi, un homme, éreinté par la poursuite, le mauvais sommeil, la nourriture insuffisante. Comme elle, j'avais allumé un feu, préparé un repas et je restais immobile, le regard perdu dans les flammes. Je humais le même air empli de douceur méridionale, entendais la même plainte monocorde d'un oiseau survolant nos deux refuges. Chacun de nous percevait ces minutes intimes égarées dans le temps ample et vague de la taïga.
Je n'avais encore jamais été uni à quelqu'un par un lien aussi transparent. La femme était là et sa présence suffisait pour changer l'instant que je vivais. Nous n'étions, elle et moi, que de simples témoins d'une révélation nocturne. Le discret avènement d'un monde inconnu. Je tentai de le nommer, songeant à l'intuition d'un sens caché, au pressentiment d'un mystère...Ces mots, issus de mon passé,compliqué et raisonneur, ne firent qu'obscurcir ce qui n'avait plus besoin d'être expliqué. Il suffisait de penser (et j'étais sûr qu'elle y pensait aussi) que nous pourrions nous lever et marcher l'un vers l'autre, uniquement pour échanger un regard qui aurait attesté ce que nous venions de comprendre.
De nouveau j'imaginai le portail d'une demeure perdue dans la forêt. Sauf que cette fois je me voyais déjà franchir le seuil, la main retenant encore la porte.
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La forêt s'effeuillait, protégeant mal ma fuite. Ce qui me sauvait, c'était la vitesse de mon déplacement et ma connaissance, presque tactile, des endroits que je traversais. Et, les premiers jours, l'oubli de la faim. Le manque de nourriture se fit sentir subitement : en traversant un affluent de l'Amgoun, je remarquai que la rivière, peu profonde, se gondolait sous mes pas, se colorant, puis virant au noir. Pris de vertige, je trébuchai, m'accrochant au vide, la tête remplie de cris, de carillon et, brusquement, de longs échos mats...
L'eau glacée m'éveilla. Je me vis étendu sur la berge - le sable était marqué par la trace de la reptation qui m'avait traîné hors du flux... Je me relevai dans un équilibre incertain et trouvait la force de pousser plusieurs pierres pour dévier une partie du courant. Dans la petite baie qui se forma, je jetai des coquillages écrasés, en guise d'appât, et me mis à getter la proie, armé d'une branche cassée en pointe... Au bout de quelques minutes, un jeune taïmen s'y montra. Trop faible, je ne pris pas le risque de frapper le poisson avec ma pique. Je me laissai tomber sur lui, l'étreignant sous ma poitrine, dans une grande gerbe d'éclaboussure et de vase remuée. Il se débattit vigoureusement et commença à m'échapper, grâce à sa peau glaireuse. Je comprenais que je n'aurais pas la chance d'en attraper un autre. Et donc de manger. Et de survivre. Plongeant la tête dans l'eau, je mordis son corps, entre la nageoire dorsale et l'os du crâne.
Je sortis sur la berge, mes mains retenant les soubresauts de ce fuseau argenté, mes dents enfoncées dans les écailles qui vibraient...
A la chute du jour, en dévorant la chair grillée sur les braises, je pris conscience de n'avoir jamais pensé, avec un tel chagrin et une telle reconnaissance, à une parcelle de vivant qui m'épargnait la mort. En vérité, jamais je ne m'étais senti aussi uni à cette vie dite sauvage et à laquelle à présent j'appartenais...

A partir de ce jour-là, un éloignement, plus mental que physique, allait faire évanouir le monde où les hommes se haïssent tant, le monde de Louskass, de Ratinsky, le monde de l'abri numéro dix_neuf. Un matin, en reprenant ma marche, je me rappelai les coups que j'avais reçus au visage et, très clairement, je compris qu'il n'y avait plus, en moi, aucune envie de vengeance, aucune haine et même pas la tentation orgueilleuse de pardonner. Il y avait juste le silence ensoleillé de la rive que je longeais, la transparence lumineuse du ciel et le très léger tintement des feuilles qui, saisies par le gel, quittaient les branches et se posaient sur le givre du sol avec cette brève sonorité de cristal. Oui, juste la décantation suprême du silence et de la lumière.

(P234)
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Videos de Andreï Makine (48) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Andreï Makine
Augustin Trapenard reçoit Andreï Makine, écrivain, académicien, pour "L'Ancien Calendrier d'un amour", édité chez Grasset. Ce titre énigmatique fait référence à une "parenthèse enchantée" pendant laquelle Valdas et sa bien aimée peuvent vivre "en dehors de la comédie humaine" entre l'ancien calendrier de la Russie et le nouveau.  En effet, le livre raconte l'histoire d'un jeune aristocrate russe embarqué dans le tourbillon de la révolution de 1917 qui finira sa vie en France. L'homme fera l'expérience de l'amour et ne cessera jamais d'oublier celle qu'il a aimé. Son histoire c'est aussi l'histoire d'un exil, un exil qui rappelle celui connu par l'auteur. 

Retrouvez l'intégralité de l'interview ci-dessous : https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/
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