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René L. F. Durand (Autre)
EAN : 9782070377428
213 pages
Gallimard (30/11/-1)
4.03/5   39 notes
Résumé :
Centré sur le personnage de Christophe Colomb, le roman est construit en trois parties distinctes: la Harpe, la Main et l'Ombre. Dans la première partie, le futur pape Pie IX, en voyage au Chili en 1824, envisage déjà la béatification de Colomb. La seconde partie, de loin la plus importante, est constituée par la confession du navigateur à l'heure de sa mort. Enfin, dans L'Ombre, on assiste au fantastique procès en béatification, procès hypothétique, où l'écrivain L... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
La harpe et l'ombre est un superbe récit testamentaire qui médite à la fois sur la nécessaire démythification de la découverte de l'Amérique par un Colomb homérique telle que racontée par le Vieux Monde, mais aussi sur la solitude et sur la mort.
Alejo Carpentier, grand prosateur d'une érudition inouïe, centre son récit sur le personnage controversé de Christophe Colomb, construisant sa narration comme un triptyque dont les volets latéraux relatent l'échec de la tentative de béatification du découvreur de l'Amérique, tandis que le panneau central, narré à la première personne est une longue confession de Colomb à l'heure de sa mort. Dans une écriture virtuose, merveilleusement baroque et un humour souvent carnavalesque, le récit se mue en sorte de Sainte Trinité historique avec un titre pour chacun des trois volets : la harpe, la main, l'ombre. le titre du livre devient alors binaire, ne conservant que la harpe et l'ombre pour mieux opposer le sacré au profane tandis que "la main" arbitre cette nouvelle contrehistoire proposée par Alejo Carpentier.

Dans cet ultime livre, l'auteur joue avec brio de l'intertextualité en invitant Paul Claudel, le journal de bord de Colomb, les Chroniques des Indes, et intègre un vaste corpus de références, d'auteurs souvent anachroniques et de citations pour déconstruire le discours historique officiel de la grande aventure Colombienne et présenter une vision critique de l'Amiral en découvrant des facettes moins glorieuses : l'auteur s'attache à dénoncer les appétits hégémoniques économiques, politiques et religieux du Vieux Monde à l'égard du Nouveau Monde, dans ce qui fut une entreprise de colonisation sous couvert d'une aventure civilisatrice et évangélisatrice de peuples dits barbares.
Au fond Colomb n'est qu'un prétexte pour Alejo Carpentier car il nous invite surtout à réfléchir sur la mémoire officielle des vainqueurs qui s'impose comme discours historique dominant à la mémoire oubliée des souffrances des vaincus.
L'auteur invite également à considérer la force du langage comme matériau de construction de la réalité notamment historique et la puissance de l'écriture pour déconstruire un discours et en proposer un nouveau. Si Carpentier, comme Colomb dans ses chroniques, participe à un jeu de rhétorique, montrant que tous deux peuvent être inventeurs du discours historique, le choix du langage dans ce livre, comme dans le reste de son oeuvre romanesque, est une langue singulière qui intrique baroque et réalisme magique, seule voie possible selon l'auteur pour rendre compte des réalités latino-américaines et de son Histoire.

Comme dans son livre le partage des eaux, Alejo Carpentier nous signifie une dernière fois que nous sommes contemporains de tous les temps de l'homme et que l'opposition entre civilisation et barbarie est vaine et aveuglante. Enfin, avec cette oeuvre testamentaire, Alejo Carpentier construit une ultime célébration historique d'une l'Amérique Latine par essence baroquisante.
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La harpe et l'ombre procure une sensation étrange. Non que sa lecture en soit désagréable ni lassante ; elle pourra même apparaitre fluide à qui survolera ses incessantes allégories. En refermant ses pages, on se dit qu'on s'en est plutôt bien tiré, qu'on a su filtrer l'impalpable et garder le principal, laisser l'obscur pour la lumière, tirer la moelle épinière de ce sac d'os et d'ors.
Puis on reprend le quatrième de couverture, et là stupeur – on découvre qu'on n'a pas saisi grand-chose. On parcourt les différents résumés qui jalonnent le net, et on comprend qu'on n'a pas compris. Que peut-être tel et tel n'étaient pas le même, qu'ici il y avait lui et là c'était un autre.

Oui, c'est la honte. Mais Alejo Carpentier ne nous facilite pas la tâche. Entre érudition crâne et désordre narratif, son écriture réclame attention et surtout connaissances. A moins d'être rompu à la théologie des océans, le lecteur enthousiaste aura tôt fait de calmer ses ardeurs.
Saviez-vous que Caïphe était une insulte ? Que la canonisation d'un homme se jouait dans un tribunal ecclésiastique entre un Protonotaire et un Avocat du Diable ? Connaissez-vous Cypango, Cathay, Chersonèse ? Des évidences pour l'auteur, qui ne s'embarrassera pas à nous les introduire. A nous de les sentir au fil des phrases, quand sans elles plus rien n'aurait de sens.

Alors une fois n'est pas coutume, laissez-vous guider par quelques indices. La harpe, c'est l'espoir, la révélation d'un Pape pour un Saint, l'admiration d'un découvreur de nouveaux mondes par son émule clérical. L'ombre, c'est le héros déchu, le fantôme invisible condamné à l'éternité, l'homme qui reste homme et l'âme qui reste à terre.
Et puis entre les deux, la main. Celle qui agit, celle par qui l'aventure prend tournure. A partir d'archives éparses et voilées, l'écrivain tisse les derniers souvenirs du navigateur, testament imaginaire couché sur papier en attendant la mort. Trouver les fonds, les appuis, les mécènes, les talents ; embarquer, voguer à l'aveugle, chercher les mots pour rester unis, affronter la colère du Très-Haut et les tentations du Démon. Les doutes, et puis les certitudes, et puis les déceptions, et puis la ruine. Cette partie est la meilleure, et Dieu merci la plus longue.

Que penser de ce roman ? Eh bien avant tout qu'il rend humble. Et qu'il est difficile de porter un avis tranché quand on se sait impuissant. S'il m'arrivait d'engager un Masters d'Histoire, promis je lui offrirais une seconde chance.

3/5
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N°207
Juillet 1999



LA HARPE ET L'OMBRE - Alejo CARPENTIER - Éditions Gallimard.


Je dois bien l'avouer à mon improbable lecteur, tout ce qui concerne la papauté m'intéresse. Je ne sais pas pourquoi, mais c'est ainsi. le livre d'Alejo Carpentier ne pouvait donc me laisser indifférent.

De quoi s'agit-il donc sinon d'une parcelle de l'histoire qui n'est peut-être pas restée dans la mémoire collective comme un fait majeur. Au tout début du roman est évoquée la personnalité d'un prélat franciscain : Giovani Maria Mastïa qui avait choisi de servir l'Église autant, nous dit-on par déception amoureuse qu'en raison de la pauvreté de sa famille pourtant de haute lignée. Il se fit pourtant remarquer par ses prêches aussi ardents qu' éloquents mais cela ne pouvait raisonnablement lui laisser espérer une ascension rapide dans la hiérarchie catholique. Il fut cependant désigné pour accompagner un prélat dans une mission apostolique en Argentine et au Chili. Celle-ci ne fut pas couronnée de succès mais il en est revenu avec l'idée que la découverte des Amériques avait été l'événement capital des temps modernes.
Plus tard, devenu pape sous le nom de Pie IX il était toujours possédé par cette idée au point de décider d'ouvrir le procès en béatification, qui est le préalable à la sanctification, de Christophe Colomb!

L'auteur nous propose les portraits croisés de ces deux personnages, le pape et le marin qui finit par convaincre, après moult pérégrinations, Isabelle la Catholique de financer son expédition.. Mais qui était-il donc, ce navigateur, un génie, un aventurier, un imposteur, un mystificateur, un arriviste qui ne reculait devant rien pour parvenir à ses fins? Alejo Carpentier nous restitue ce qu'il imagine être l'ambiance de cette époque, en plaine reconquista mais aussi pendant l'expulsion des juifs d'Espagne. Il fait du génois l'amant de sa royale protectrice qui finit par lui faire confiance autant par exercice de l'autorité que par la volonté de trouver des richesses pour porter contre les Maures la guerre en Afrique.
A partir de documents d'archives l'auteur nous donne à entendre la voix même de Colomb, en quelque sorte la manière dont il aurait lui-même jugé son entreprise et dont il se serait jugé lui-même. Il nous fait partager ses hésitations, ses doutes. Il se révèle menteur quand il promet de trouver de l'or et des épices aux Indes qu'il recherche, cynique quand il envisage de faire le commerce des esclaves à la place des richesses qu'il n'a pas rapportées... Mais tout ce qu'il avait espéré découvrir reste introuvable et le commerce des esclaves est interdit par ordre du roi. Alors il met en avant les âmes des indigènes qu'il faut sauver et c'est le spirituel qui prend le pas sur le temporel qui pourtant était la vraie raison de son expédition.
En fait Christophe Colomb fut rejoint par son destin, rattrapé par ses forfaitures et dépassé par son exploit. le luxe a pâli ainsi que les ors à l'heure du jugement et c'est un pauvre homme sans richesse, honni par l'Espagne, moqué par les hommes qui s'apprête à rendre des comptes. Lui, le découvreur de l'Amérique a, en fait, apporté à ce continent vierge si semblable au paradis terrestre la cupidité, la luxure, le vice, le péché, ce qui n'est pas le moindre des paradoxes. Il est loin, si loin de sa légende!

Restait le décret pontifical introduit « par voie d'exception » qui ouvrait le procès en béatification. « Disputant doctores »... et pour cela, par la magie de l'imaginaire le romancier convoque pêle-mêle, pour témoigner, Victor Hugo, Lamartine, Jules Vernes; Bartholomé de las Casas...

Il reste un roman qui ou l'humour et le style, sans doute servis par une traduction de qualité, m'ont fait passer un agréable moment de lecture.

©Hervé GAUTIER
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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Le roman de Carpentier est en trois sections. La première a lieu au Vatican en 1864, le jour où le pape Pie IX signe un document qui, espère-t-il, sera le premier pas vers la canonisation de Christophe Colomb. Les motifs de Pie pour lancer la procédure se révèlent être politiques plutôt que religieux, faisant partie des intrigues constantes de l'Église pour renforcer son pouvoir en Amérique latine. le mythe de Colomb découvreur d'un nouveau monde, peut devenir une métaphore qui favorisera l'illusion d'un colosse à cheval sur les continents : l'Église elle-même. le mythe dépend, bien sûr, d'une connaissance limitée de la vie de Christophe Colomb. Mais le problème est que sa canonisation est peu probable à moins que l'on en sache plus sur lui. Cette section du roman se termine avec Pie imaginant l'excitation d'être le prètre qui avait entendu la confession finale de Colomb.

La seconde partie du roman nous présente donc Colomb, parlant de sa propre voix, sur son lit de mort en 1506. Ce que l'on surprend, c'est tout ce qu'il finit par décider de ne pas dire à son confesseur, la réalité plutôt que le mythe. Ainsi, nous apprenons qu'il est, dans l'ensemble, un escroc, un lubrique, un raciste et un meurtrier. C'est un rêveur ivre, un navigateur indifférent et un marchand d'esclaves vicieux. Comme Pie IX, ses prétentions au pouvoir sont couvertes d'un vernis de religion. La réussite du livre étant de montrer comment de telles stratégies politiques se sont poursuivies longtemps après Christophe Colomb. En fin de compte, cependant, la narration de l'histoire à la fin de la vie de Columbus révèle la chose la plus surprenante à son sujet : que tout était né d'un échec incroyable dont les petites réalisations se sont produites par accident plutôt que par dessein.

La troisième section du roman se déroule à l'approche du tricentenaire du premier voyage de Christophe Colomb. Pie est mort et il y a peu d'enthousiasme pour la cause de Colomb. le fantôme de Colomb lui-même hante le Vatican dans l'attente illusoire de son succès. Il est témoin de l'avocat du diable, un démagogue flagrant, l'exposant comme l'instigateur de l'esclavage dans les Amériques et (comiquement vu comme un délit équivalent) le père d'un bâtard. Ses chances de sainteté anéanties, nous assistons à la disparition de l'ombre de Christophe Colomb dans l'air de la place Saint-Pierre. La richesse verbale et le mordant satirique de ce roman sont tout autant à recommander que la manière dont il raconte un récit familier. le style de Carpentier est souvent décrit comme baroque mais La Harpe et l'Ombre (160 pages) est composé avec une soigneuse économie qui n'est pas suggérée par ce mot. le lecteur a l'impression que Carpentier, décédé peu de temps après avoir terminé le livre, savait tout ce qu'il y avait à savoir sur Colomb, et le savait à l'envers. Mais son érudition est loin d'être voyante et est souvent plus évidente dans des phrases apparemment futiles. Traiter avec humour un chapitre aussi ignoble de l'histoire du monde était à la fois difficile et risqué, mais Carpentier a réussi, peut-être parce qu'il avait lui-même une assise solide sur les deux continents, ayant partagé sa vie principalement entre Cuba et Paris.

Mais La Harpe et l'Ombre n'a pas été écrite pour mettre fin au mythe de Christophe Colomb. En Europe, la coïncidence de l' anniversaire de Christophe Colomb et du marché unique fut délibérément exploitée pour renouveler la foi en l'Europe en tant que berceau de la civilisation mondiale et leader naturel de la culture mondiale.

Un très salutaire et très beau livre d'Alejo Carpentier, un des très grands écrivains du 20° siècle...
Lien : http://holophernes.over-blog..
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Pourquoi donc proposer la canonisation de Christophe Colomb ? La mérite-t-il vraiment ? C'est la question que se pose Alejo Carpentier. Et pour y répondre, il se glisse dans la conscience du navigateur qui, à l'heure de sa mort, attend la venue de son confesseur.

L'auteur retrace, non sans un certain sens de la dérision, les aventures du marin - pas si bon que cela, à ses propres dires -de son obsession à trouver la terre que les Vikings avaient déjà abordée et dont le souvenir traînait encore dans les confins de l'Islande, de sa ténacité à ne jamais dévoiler son secret, de la duplicité de la reine Isabelle et de sa soif de reconnaissance, dut-il pour cela instaurer le commerce d'esclaves.


"Mais le monde était impatient de s'arrondir. Et moi je brûlais d'une impatience pus vive encore, empêtré que j'étais de nouveau dans des imbroglios, des controverses, des cogitations, des démonstrations, des arguties, des discussions - quel merdier ! - des cosmographes, géographes, théologiens, que j'essayais de convaincre du bien-fondé de la haute utilité de mon entreprise : mais, comme toujours, je ne pouvais découvrir mon grand secret celui que m'avait révélé Maître Jacob pendant les nuits blanches de la Terre de Glaces".

Ecrit dans une langue où le rythme des phrases rappelle les ondulations de la joule, ce roman se termine par un pied de nez à la grande Histoire et au mythe qui a permis à une civilisation de se croire supérieure et donc dans son bon droit.

Du grand art littéraire et une lecture jouissive !
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Ils disaient que nos maisons puaient la graisse rance; nos rues étroites, la merde; que nos plus fringants chevaliers sentaient du gousset et que si nos dames portaient tant de jupes, de corsages, de colifichets et de falbalas, c'étaient qu'elles voulaient cacher des difformités et des plaies qui les rendaient répugnantes, ou bien qu'elles avaient honte de leurs seins, si gros, qu'ils semblaient toujours prêts à déborder de leur décolleté! Nos parfums et nos essences - y compris l'encens - les faisaient éternuer; ils étouffaient dans nos appartements étroits et s'imaginaient que nos églises étaient des lieux de châtiment et d'épouvante, à cause des nombreux infirmes, estropiés, pouilleux, nains et monstres qui s'entassaient sur les parvis.
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Mais, comme il est évident qu'il n'est pas possible d'évangéliser ces cannibales, à cause de notre ignorance de leurs langues (elles sont très nombreuses et d'une trop grande variété), je crois que la solution de ce grave problème, qui ne peut laisser l’Église indifférente, est de les transporter en Espagne, en qualité d'esclaves. J'ai dit d'esclaves.
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La pampa par son immensité, par l’image parfaite d’infini qu’elle donnait à l’homme, le plaçant en présence d’une figuration de l’illimité, lui faisait penser à la vision allégorique du mystique pour qui l’être humain, introduit dans un corridor sans commencement ni fin connus, s’efforce d’éloigner grâce à la science et à l’étude, les deux murailles qui limitent à droite et à gauche le champ de la vision, réussissant à la longue à faire reculer les murs mais sans jamais les détruire, ni parvenir jamais pour aussi loin qu’il les écarte à modifier leur aspect ni a voir ce qu’il y a derrière eux.
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