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Robert Marrast (Autre)Miguel Angel Asturias (Autre)
EAN : 9782070373710
544 pages
Gallimard (14/04/1982)
4/5   32 notes
Résumé :
On pourrait comparer cette œuvre fougueuse et violemment lyrique à un puzzle gigantesque dont les pièces innombrables auraient été démontées, dispersées, puis à nouveau rassemblées en désordre.
Si le centre même du livre - la pièce maîtresse du puzzle morcelée elle aussi - est situé à Mexico au cours de l'année 1951, les mille fragments qui viennent l'interrompre se jouent sur plusieurs plans où le temps et l'espace tour à tour se juxtaposent et se brisent. L... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Un roman foisonnant, que La plus limpide région. Les critiques parlent d'un puzzle et je suis complètement en accord. Un roman déroutant, aussi. C'est que son auteur Carlos Fuentes propose une galerie de personnages impressionnante. J'ai déjà vu plus en termes de quantité mais le hic c'est que, même s'ils sont récurrents, ils n'ont pas tous la même importance ou présence, et la structure même du roman n'aide pas.

Mais je vais trop vite. Carlos Fuentes raconte la révolution mexicaine (celle du début du XXe siècle, pas celle contre l'Espagne). Une période troublée, coup d'état par-dessus coup d'état, mouvements populaires, contre une élite probablement corrompue, dans tous les cas incapable de faire face aux besoins ou aux revendications. Cette histoire est racontée du point de vue de plusieurs personnages, certains s'entrecroisant, d'autres pas. Il y a les riches propriétaires terriens (certains se réfugiant à l'étranger, rentrant pour tenter de récupérer leurs biens) (comme la famille de Ovando), d'autres, un peu moins riches, à la tête de petites haciendas (comme les Zamacona), des officiers, des bourgeois (comme Federico Robles, qui sert un peu de héros, du moins, celui qui peut le plus prétendre à ce rôle dans un roman), quelques étrangers venus tenter leur chance et plusieurs autres, qui représentent autant de points de vue différents. Certains sont des révolutionnaires convaincus, d'autres ne sont que des citoyens ordinaires qui ne savent pas de quel côté va pencher la balance et qui, de toute façon, doutent que leur situation s'améliore peu importe qui se trouve à la tête du pays. C'était très représentatif de la société de l'époque et des étrangers de toutes sortes qui venaient y tenter leur chance.

Dans l'édition Folio, il y a bien au début un tableau chronologique des événements évoqués, en deux colonnes, présentant les vrais, ceux s'étant réellement produits, puis ceux inventés concernant les personnages fictifs. Je croyais lire un squelette du roman. Eh bien, plus ou moins. Les événements entourant les personnages sont présentés chronologiquement mais le roman bouscule cet ordre. En effet, le tableau commence avec la naissance de Federico Robles mais le roman débute alors qu'il est adulte. Plusieurs des événements entre les deux sont présentés en flashback à différents moments (et pas dans l'ordre non plus). Pareillement pour d'autres personnages ou situation. Ainsi, certains des événement figurant dans le tableau ne sont qu'évoqués, peut-être au milieu du roman, peut-être vers la fin. Ça peut être mélangeant.

Conséquemment, se faire une tête de ce roman imposant peut s'avérer une expérience difficile. Chercher le fil conducteur… ouf. Tout un défi. Eh bien, justement, mettez ça de côté. La vraie vedette de ce roman, c'est la révolution mexicaine, le peuple, la ville.

La plus limpide région ne transforme pas la révolution en geste héroïque. Puisque des personnages récurrents évoluent dans un cercle intellectuel proche des socialistes, parfois, j'avais l'impression que l'auteur lui-même avait des affinités avec la gauche (je regrette de ne pas m'être informé là-dessus avant d'entamer ma lecture). Toutefois, c'était suffisamment honnête pour ne pas idéaliser ce mouvement et présenter les limites du socialisme et de ses représentants. Et des Mexicains en général. Bref, La plus limpide région alternaient constamment entre échanges philosophiques, peinture sociale, critique et condensé des grands événements touchant le pays au début du siècle dernier. Un grand roman intéressant mais que la forme peut rendre difficile d'accès. Heureusement, il y a suffisamment d'humour pour alléger le tout.
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Premier roman de Carlos Fuentes, véritable biographie de la ville de Mexico et du présent mexicain, ce livre, sorte de roman-collage, entame un parcours ironique dès son titre : la plus limpide région, emprunté à Alfonso Reyes qui avait repris l'expression aztèque de limpidité de l'air du plateau du Mexique. Or l'air y est pollué, la violence obscure, la corruption bien sombre et le désespoir aussi noir que la perdition.
Au chaos urbain de Mexico, Carlos Fuentes répond par une composition en kaléidoscope où l'espace et le temps sont fragmentés.
Pas de héros mais une histoire collective aboutissant à un être collectif, avec une interrogation majeure sur la trahison de la révolution mexicaine, mêlant les obsessions préhispaniques aux inquiétudes existentielles contemporaines. Volontiers polyphonique, le discours sur cette tour de Babel qu'est Mexico laisse transparaître l'antique Tenochtitlan, révélant un thème majeur dans toute l'oeuvre de Fuentes : les tensions. Tensions entre désir et objet, entre individu et collectivité, tension entre le mythe et l'histoire.
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Voici une lecture plus que difficile, ardue, mais ô combien intéressante.
A l'âge de 28 ans et en 1958 Carlos Fuentes a voulu nous expliquer ce qui est l'idiosyncrasie mexicaine.
Voici un roman total dans sa définition la plus large, de structure très complexe. Mais le livre est aussi beaucoup d'autres choses : un roman polyphonique, un roman urbain, un roman circulaire (la première scène se répète à la fin), un roman réaliste, un roman précurseur, un roman social, un roman historique, un roman d'idées, un roman cosmopolite, un roman biographique, un roman satirique, un roman avec du réalisme magique.
La protagoniste du roman est la ville de Mexico DF où Carlos Fuentes évoque les problèmes de l'industrialisation au moment où l'Occident se posait des problèmes avec l'existentialisme et le discours critique et la conscience de classes.
Il y a deux axes dans le roman : 1) la critique de la société mexicaine des années 50; et 2)l'histoire du peuple mexicain, de ses racines hispaniques, de la survivance de ses rites et de ses fantasmes ancestraux.

Lien : https://pasiondelalectura.wo..
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Oeuvre écrite en 1958, c'est une sorte de radiographie de la ville de Mexico, qui met en relief toutes les réalités de la ville du haut en bas de l'échelle sociale. On y retrouve tous les problèmes des années 50: accélération de l'exode rural, croissance urbaine monstrueuse. Par ironie, cette "région la plus limpide de l'air" ( la region más transparente) représente en fait la région très polluée de la vallée de l'Anáhuac.
Sur le ton de la dérision, l'auteur Carlos Fuentes présente une vision globalisante de son pays, le Mexique, depuis la nouvelle bourgeoisie issue de la Révolution jusqu'aux marginaux des "cinturones de miseria".
Une oeuvre très riche, où tous les styles et tous les parlers se cotoient..
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Si Christophe et son oeuf est un hommage appuyé à Sterne et son Tristram Shandy, ici on est en plein dans les Somnambules de Broch, avec la dégradation des valeurs, la ville impériale, ses poètes, sa diaspora, ses déclassés, son aristocratie décimée, ses violences, sa putasserie à tous les niveaux. Fuentes avait une admiration particulière pour le roman de Broch, pour son aspect mi-pamphlet mi-littéraire, qui s'accorde parfaitement avec le lyrisme politique bien connu des auteurs latino-américains. Parce que le lecteur reconnaît aussitôt le style de ce grand observateur qu'est Fuentes, une prose dense et belle, un torrent de verbe dans un regard souverain: il écrit sensiblement le même roman à chaque fois, mais chaque histoire se veut une entaille, une face ciselée du même minéral qu'on appelle Mexico D.F. (Distrito Federal de México).
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Je m’appelle Ixca Cienfuegos. Je suis né et je vis à Mexico. Ce n’est pas grave. À Mexico il n’y a pas de tragédie : tout devient outrage. Outrage, ce sang qui m’aiguillonne comme un piquant de maguey. Outrage, ma paralysie effrénée qui teint de caillots toutes les aurores. Et mon éternel saut périlleux vers le lendemain. Jeu, action, foi – jour après jour, pas seulement le jour de la récompense ou du châtiment : je vois mes pores sombres et je sais que jeu, action, foi, me sont interdits en bas, en bas, au fond du lit de la vallée, berceau du monde mexicain. Démon familier de l’Anahuac qui n’écrase pas des raisins – des cœurs ; qui ne boit pas de liqueur, baume de terre – son vin, gélatine d’ossements ; qui ne recherche pas la peau joyeuse : se chasse lui-même en une liquéfaction noire de pierres tourmentées et d’yeux de jade opaque. À genoux, couronné de nopals, flagellé par sa propre (par notre) main. Sa danse (notre danse) suspendue à une lance de plumes, ou au pare-chocs d’un camion ; mort dans la guerre fleurie, dans la rixe de bistrot, à l’heure de la vérité : la seule heure qui vienne à point nommé. Poète sans commisération, artiste de la torture, croquant courtois, rusé candide, ma prière désarticulée se perd, gaudriole, rigolade. Me maltraiter, moi toujours plus que les autres : oh, défaite mienne, ma défaite, à qui je ne saurais faire participer personne, qui me place face aux dieux qui ne me prodiguèrent pas leur pitié, et qui ont exigé de moi que je l’épuise jusqu’au bout afin de tout savoir sur moi et mes semblables ! Oh, face de ma défaite, insupportable face d’or saignant et de terre sèche, face de musique déchirée et de couleurs troubles ! Guerrier dans le vide, je suis revêtu de la cuirasse de la fanfaronnade ; mais mes tempes sanglotent, sans nul répit dans leur quête des choses douces : la patrie, le clitoris, le sucre des squelettes, le cantique hérissé, imitation de la bête encagée.
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Sans le vouloir, il prit la manche de Robles, et la pressa, l’obligeant à marcher. – Apollon, Dionysos, Faust, l’homme moyen sensuel, que diable signifient-ils ici, que diable expliquent-ils ? Rien, ils se brisent tous contre un mur impénétrable, fait du sang le plus épais qui ait arrosé sans justice la terre. Où est notre clef, où, où ? Vivrons-nous assez pour la connaître ? – Manuel ôta sa main de la manche de Robles : – Il faut ressusciter quelque chose et en finir avec quelque chose pour que cette clef apparaisse et nous permette de comprendre le Mexique. Nous ne pouvons vivre et mourir à tâtons, vous me comprenez ?, vivre et mourir en essayant d’oublier tout et de renaître chaque jour en sachant que tout est vivant et présent et en train de nous écraser le diaphragme, pour autant que nous voulions l’oublier : les Quetzalcoatl et les Cortés et les Iturbide et les Juárez et les Porfirio et les Zapata, tous, un nœud dans notre gorge. Quelle est notre véritable effigie ? Laquelle entre toutes ?
– Vous les intellectuels vous adorez compliquer tout. – dit Robles en ouvrant la moitié de sa bouche bourrée de tabac. – Ici il n’y a qu’une vérité : ou bien nous faisons un pays prospère, ou bien nous mourons de faim. Il n’y a qu’une alternative, ou la richesse ou la misère. Et pour parvenir à la richesse il faut hâter la marche vers le capitalisme, et soumettre tout à ce patron. Politique. Style de vie. Goûts. Modes. Législation. Économie. Tout ce que vous voudrez.
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Nous ne pouvons vivre et mourir à tâtons, vous me comprenez? vivre et mourir en essayant d'oublier tout et de renaître chaque jour en sachant que tout est vivant et présent et en train de nous écraser le diaphragme, pour autant que nous voulions l'oublier: les Quetzalcoatl et les Cortés, et les Iturbide et les Juárez et les Porfirio et les Zapata, tous, un nœud dans notre gorge. Quelle est notre véritable effigie? Laquelle entre toutes? (p. 322)
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L'équinoxe de la souffrance s'est produite au Mexique; ici fraternisèrent toutes les promesses, toutes les trahissons, ici le soleil est plus vieux et ridé: et seulement ici ses rayons sont lumière de ténèbres. Le soleil rugit sans trêve, mais il fait toujours nuit. Nuit des dieux qui ont fui épouvantés, nuits passées à prier pour que n'arrive pas ce qui est déjà arrivé, nuits longues devant un miroir, à faire la mimique des modèles tandis que nos dos tombent en lambeaux et que les larmes suent par nos mains. Nuits chargées de fardeaux et de coffres d'or et d'argent, nuit de la baïonnette et du silex (p. 434).
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Les révolutions, ce sont des hommes de chair et d'os qui les font, pas des saints et elles finissent toutes par créer une nouvelle caste privilégiée.
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Videos de Carlos Fuentes (10) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Carlos Fuentes
Mercredi 20 octobre 2011, Carlos Fuentes reçoit les insignes de Docteur Honoris Causa.
Biographie: Né en 1928 à Panamá où son père était alors Ambassadeur du Mexique, Carlos Fuentes est un des plus grands écrivains du XXe et du XXIe siècle. Sa pensée et son œuvre romanesque ont largement influencé les écrivains et les intellectuels espagnols et latino-américains contemporains. Catégorie Éducation Licence Licence de paternité Creative Commons (réutilisation autorisée)
>Littérature (Belles-lettres)>Littérature espagnole et portugaise>Romans, contes, nouvelles (822)
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