Quel régal !
Je ne suis pas convaincu qu'
Un carnet taché de vin soit le meilleur recueil pour découvrir le vieux dégueulasse, mais certainement l'un des bons pour obtenir quelques clés supplémentaires sur le bonhomme.
Publié après sa mort, Un carnet... contient quelques inédits et surtout une série de textes publiés dans des revues underground et jamais réédités. Si l'on a droit à toute la palette de l'auteur, que ce soit les calculs « infaillibles » à l'Hippodrome, les bagarres « perdues » dans la ruelle à la sortie du bar, les lectures arrosées, ou encore les histoires torrides avec Karyn et Nina ; ce recueil se distingue des autres par une série de texte sur la littérature, de ses inspirations, de ses contemporains, et même de la place de la poésie dans ce monde sans sens. Même s'il n'y a rien de neuf sous le soleil, on y retrouve
Hemingway, Anderson, Fante, Pound, Ginsberg... mais cette fois-ci, il me semble, ce ne sont plus de simples allusions lors d'une discussion,
Bukowski développe ici son propos, on a presque la sentiment qu'il fait une dissertation pour faire sa place. « Je suis Beatnik avant les beatniks », la place des mots de Pound dans la page, il faut sauver le premier
Hemingway, pas le dernier, (ou encore
Bob Dylan ne passera pas à la postérité)... Nous avons même le droit à un véritable panégyrique de
John Fante.
Ces développements soutenus montrent que derrière sa carapace, le vieux Hank tient à faire partie de ce groupe, et ne souhaite pas (malgré son apparente indifférence) être mis de côté. le fait que les textes soient ordonnés de manière chronologique démontrent très bien ses intentions.
Les premiers textes, lorsqu'il crève de faim, on comprend enfin pourquoi derrière ce masque nihilisme il écrit et continu d'écrire toute sa vie : Il ne peut pas faire autre chose, ok, il dit aussi qu'il préfère écrire à faire le trie à la poste, ok, mais surtout, il nous fait l'aveu qu'il croit en la poésie ! Et, il me semble que cette révélation faite dans l'un de ses premiers textes, atteste pourquoi il écrira tout sa vie des textes aussi fabuleux.
Les textes de la deuxième partie de sa vie, quant à eux, nous renseignent sur la manière dont il construit son image de Chinasky. La chronologie accentue cette progression; on s'aperçoit que le vrai et le faux sont devenus un mélange indiscernable...Le rocambolesque du vieux Hank s'est glissé sur la peau de vieux
Bukowski de telle manière à le rendre comme on le connait, et « fait » qu'on l'a suivi pendant tous ses livres.
Ces textes de 1944 à 1991 nous permettent de savourer (encore plus) toutes les nuances du bonhomme et nous permettent surtout de l'apprécier encore d'avantage.