AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Laurent Joffrin (Préfacier, etc.)
EAN : 9782070763245
133 pages
Gallimard (25/02/2003)
3.79/5   24 notes
Résumé :
C'était une impossible rencontre. À un siècle de distance, celle d'un empereur, Napoléon, et d'un écrivain maudit, Léon Bloy.
L'un croyait à peine au ciel, l'autre, pour ainsi dire, y vivait. L'un voyait dans la religion un simple instrument de gouvernement, un adjuvant de son ambition toute terrestre ; l'autre pratiquait l'extase et l'oubli de soi dans un catholicisme mystique, sombre et flamboyant. L'un mena sa vie comme un météore dont l'éclat illumine enc... >Voir plus
Que lire après L'Ame de NapoléonVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
* Léon Bloy propose une vision mystique de la symphonie Napoléon : "Napoléon, c'est la Face de Dieu dans les ténèbres". Il se place au moyeu de la Roue cosmique pour évaluer l'âme de l'Empereur :
"Napoléon n'a eu en propre que son âme. C'est par elle qu'il gagna toutes ses batailles ; c'est par elle qu'il fut un meneur d'hommes inouï, un administrateur infini ; qu'il osa pétrir l'Europe dans des mains empruntées à Dieu et qu'il espéra ne jamais rendre. C'est par son âme enfin et son âme seule qu'il eut la gloire de se tromper comme aucun homme ne s'était trompé avant lui, et d'être abattu à la fin, n'étant que l'Annonciateur, non par l'hostilité furieuse de quelques rois humiliés, mais par la coalition de tous les siècles et par le jusant de la Révolution française qui se retirait de lui, l'ayant porté jusqu'aux cimes."

* Nous sommes au plus loin de la biographie habituelle ! Cette apologie mystique pour la fin des temps abomine les tièdes. Lecteurs, accrochez-vous ! On aime ou on déteste. Je me suis surpris à suivre les incantations de Bloy avec grand intérêt. Mais beaucoup décrocheront de ce texte dès les premières pages.

* le style de Bloy atteint son apogée, passe de l'invective à la contemplation des siècles, trouve d'instinct la formule lapidaire, foudroyante comme une charge de cavalerie de Murat : "Il y a, çà et là, sur l'échiquier de l'Infaillible, les fauves redoutables dont il dispose : Davout, Augereau, Ney qui ne connaît ni fatigue ni peur ; Murat l'éventreur de bataillons, l'Achille de tous les combats ; le sublime Lannes, l'effrayant cuirassier Hautpoul, les généraux d'épopée Saint-Hilaire, Friant, Gudin, Morand, cinquante autres. Rapides et précis comme des anges de guerre, ils exécutent les derniers ordres de leur maître et le carnage commence."

* Bloy considère L Histoire avec une hauteur souveraine, faisant fi du temps et de l'espace. Il juge en prophète, fouetté par l'Idée, dont le verbe est de foudre : "L'Histoire est comme un immense Texte liturgique où les iotas et les points valent autant que des versets ou des chapitres entiers, mais l'importance des uns et des autres est indéterminable et profondément cachée. Si donc je pense que Napoléon pourrait bien être un iota rutilant de gloire, je suis forcé de me dire, en même temps, que la bataille de Friedland par exemple, a bien pu être gagnée par une petite fille de trois ans ou un centenaire vagabond demandant à Dieu que sa Volonté fut accomplie sur la terre aussi bien qu'au ciel."

* L'Âme de Napoléon, hochet entre les mains du Destin, n'est qu'une mendiante, inconsciente, enchaînée à des songes vecteurs d'apocalypse. "N'ayant pas l'investiture d'un Patriarche ni d'un Prophète, il importait qu'il fut inconscient de sa Mission, autant qu'une tempête ou un tremblement de terre, au point de pouvoir être assimilé par ses ennemis à un Antéchrist ou à un démon. Il fallait surtout et avant tout que, par lui, fut consommée la Révolution française, l'irréparable ruine de l'Ancien monde. Evidemment Dieu n'en voulait plus de cet ancien monde. Il voulait des choses nouvelles et il fallait un Napoléon pour les instaurer. Exode qui coûta la vie à des millions d'hommes."

"Cela ne crève-t-il pas les yeux que l'Evénement fut entièrement et absolument surnaturel ? (...) J'ai connu, dans mon enfance, des vieux mutilés incapables de le distinguer du Fils de Dieu."
Commenter  J’apprécie          40
Ouvrage où perce toute la lecture mystique de l'histoire par Léon Bloy. A l'instar de Joseph de Maistre, Léon Bloy a une approche métaphysique de l'histoire, cela se voit également dans son Constantinople et Byzance. Je trouve que dans l'Ame de Napoléon, Léon Bloy atténue un peu son style hyperbolique, ce qui loin de lui nuire, donne plus de puissance à ses envolées. Par ailleurs, son analyse de l'histoire nous donne envie, habitants d'un siècle rationnel, de plonger dans le passé à sa manière, pour le voir des yeux d'un Voyant et non d'un vulgaire historien. C'est une bonne entrée en matière pour s'attaquer au cas Bloy !
Commenter  J’apprécie          20

Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
En vérité, jamais un homme ne fut adoré comme celui-là, dans l’espérance ou le désespoir, dans les tourments infinis de la fatigue, de la faim et de la soif, au milieu des boues et des neiges, dans la mitraille ou les incendies, dans les exils, dans les prisons, les hôpitaux et parmi les agonies ; adoré quand même, adoré toujours, malgré tout, comme un rédempteur que la corruption du tombeau ne pouvait atteindre, comme une vierge de gloire qui ne pouvait pas mourir. J’ai connu dans mon enfance, des vieux mutilés incapables de le distinguer du Fils de Dieu.
Commenter  J’apprécie          90
Napoléon n’était pas la multitude. Il était seul, absolument, terriblement seul, et sa solitude avait un aspect d’éternité. Les anachorètes fameux de l’antiquité chrétienne avaient, dans leurs déserts, la conversation des Anges. Ces saints hommes étaient isolés, mais non pas uniques ; ils se voyaient entre eux quelquefois, et leur dénombrement est difficile. Napoléon, semblable à un monstre qui aurait survécu à l’abolition de son espèce, fut vraiment seul, sans compagnons pour le comprendre ou l’assister, sans anges visibles et, peut-être aussi, sans Dieu ; mais cela, qui peut le savoir ?
N’ayant pas d’égaux ni de semblables, il fut seul au milieu des rois qui ressemblaient à des domestiques aussitôt qu’ils s’approchaient de sa personne ; il fut seul au milieu de ses pauvres soldats qui ne pouvaient lui donner que leur sang et qui n’en furent point avares. Il fut seul à Sainte-Hélène au milieu des rats de Longwood et des dévouements rongeurs qui prétendaient le consoler. Il fut seul enfin et surtout au milieu de lui-même, où il errait tel qu’un lépreux inabordable dans un palais immense et désert. Seul à Jamais, comme la Montagne ou l’Océan !...
(p. 47)
Commenter  J’apprécie          30
Ce qu’il fallait à ce Personnage extraordinaire, c’était l’ange gardien du petit enfant abandonné sur la route du monde, un modeste protecteur pour éloigner de lui les chiens vagabonds, pour le guider parmi les ronces ou les cailloux qui eussent pu l’offenser, un humble et quasi timide ange gardien pour le plus grand de tous les hommes ! Un très doux ami invisible, déférent et grave, pour lui dire au fond du cœur :
“Pardonne souvent, mais ne pardonne pas toujours. Dieu t’a fait le père de cinquante millions de ses créatures qui ne peuvent pas savoir qui tu es puisque tu ne le sais pas toi-même. Ne dévore pas ces malheureux qui sont à la Ressemblance de Dieu et à ta propre ressemblance. On te permet d’enchaîner les rois et de les fouler à tes pieds parce qu’ils sont vomis de l’Esprit-Saint que tu signifies peut-être. Seulement ne sois pas trop habile et n’entreprends pas de supprimer les montagnes qui appartiennent à Dieu. Jusque-là tu seras invincible, mais pas plus loin et tu t’en apercevrais aussitôt. La neige et le déluge sont sur leurs cimes ; ne les force pas à en descendre.”
(p. 122-123)
Commenter  J’apprécie          20
[À la France] s’oppose, dans cette nation [=l’Angleterre] – aussi moderne par la bassesse de ses convoitises qu’elle est antique par sa dureté à l’égard des faibles – le gouvernement exclusif des intérêts mercantiles. Car telle est la honte et la tare indélébile de l’Angleterre. C’est une usurière carthaginoise, une marchande à la toilette politique, son isolement insulaire lui permettant, disait Montesquieu, « d’insulter partout » et de voler impunément. La fameuse Rivalité traditionnelle n’est pas autre chose que l’antagonisme séculaire d’une peuple noble et d’un peuple ignoble, la haine d’une nation cupide pour une nation généreuse.
Commenter  J’apprécie          40
Napoléon n'a eu en propre que son âme. C'est par elle qu'il gagna toutes ses batailles ; c'est par elle qu'il fut un meneur d'hommes inouï, un administrateur infini ; qu'il osa pétrir l'Europe dans des mains empruntées à Dieu et qu'il espéra ne jamais rendre. C'est par son âme enfin et son âme seule qu'il eut la gloire de se tromper comme aucun homme ne s'était trompé avant lui, et d'être abattu à la fin, n'étant que l'Annonciateur, non par l'hostilité furieuse de quelques rois humiliés, mais par la coalition de tous les siècles et par le jusant de la Révolution française qui se retirait de lui, l'ayant porté jusqu'aux cimes.
Commenter  J’apprécie          30

Videos de Léon Bloy (13) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Léon Bloy
http://le-semaphore.blogspot.fr/2015/.... Le 29 novembre 2015 - pour l'émission “Les Racines du ciel” (diffusée tous les dimanches sur France Culture) -, Leili Anvar s'entretenait avec François Angelier, producteur de “Mauvais genres” à France Culture, chroniqueur au Monde, auteur de nombreux ouvrages parmi lesquels on peut citer le “Dictionnaire Jules Verne” (Pygmalion, 2006) et le “Dictionnaire des voyageurs et explorateurs occidentaux” (Pygmalion, 2011). Il vient de publier “Bloy ou la fureur du juste” (Points, 2015), essai dans lequel il revient sur la trajectoire de Léon Bloy, qui ne cessa, entre la défaite de 1870 et la Première Guerre mondiale, de clamer la gloire du Christ pauvre et de harceler sans trêve la médiocrité convenue de la société bourgeoise, ses élites et sa culture. Catholique absolu, disciple de Barbey d'Aurevilly, frère spirituel d'Hello et de Huysmans, dévot de la Notre-Dame en larmes apparue à La Salette, hanté par la Fin des temps et l'avènement de l'Esprit saint, Léon Bloy, écrivain et pamphlétaire, théologien de l'histoire, fut un paria des Lettres, un « mystique de la douleur » et le plus furieux invocateur de la justice au coeur d'une époque dont il dénonça la misère sociale, l'hypocrisie bien-pensante et l'antisémitisme. Bloy ou le feu roulant de la charité, une voix plus que présente - nécessaire. Photographie : François Angelier - Photo : C. Abramowitz / Radio France. François Angelier est aussi l'auteur de l'essai intitulé “Léon devant les canons” qui introduit “Dans les ténèbres”, livre écrit par Léon Bloy au soir de sa vie et réédité par Jérôme Millon éditeur.
Invité : François Angelier, producteur de l’émission « Mauvais Genres » à France Culture, spécialiste de littérature populaire
Thèmes : Idées| Religion| Leili Anvar| Catholicisme| Mystique| Douleur| Littérature| François Angelier| Léon Bloy
Source : France Culture
+ Lire la suite
>Histoire de France>France : histoire>Premier Empire: 1804-1815 (36)
autres livres classés : napoléon bonaparteVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (67) Voir plus



Quiz Voir plus

Philo pour tous

Jostein Gaarder fut au hit-parade des écrits philosophiques rendus accessibles au plus grand nombre avec un livre paru en 1995. Lequel?

Les Mystères de la patience
Le Monde de Sophie
Maya
Vita brevis

10 questions
440 lecteurs ont répondu
Thèmes : spiritualité , philosophieCréer un quiz sur ce livre

{* *}