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EAN : 9782253124184
96 pages
Le Livre de Poche (03/11/2010)
3.74/5   87 notes
Résumé :
C'était un petit Pierrot bancal, grossier, mal peint, au regard ourlé de noir, au sourire de mystère et de mélancolie, une larme figée à son œil gauche, un pantin à trois sous que l'on vendait dans les rues jadis. Alors il sentit, en même temps que le pantin paraissait le fixer lui, et lui seul, comme il n'aurait pu fixer personne d'autre, même si des milliers, des centaines de milliers d'hommes et de femmes eussent été dans le même lieu, il sentit s'ouvrir dans sa ... >Voir plus
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Un superbe livre de Philippe Claudel, une fois de plus et je n'en suis pas surprise. J'apprécie Philippe Claudel autant pour ses écrits que pour ses films.
Ici, beaucoup de poésie, de nostalgie, d'émotion. J'ai une préférence pour la seconde nouvelle "Mains et merveilles" et pour la troisième "Pierrot Lunaire" qui sont des textes forts, durs, terribles, qui s'accordent bien aux époques auxquelles ils se rapportent la guerre de 14-18 et celle de 39-45. Deux existences traversées par des tragédies, bouleversées. de superbes descriptions, un texte ciselé, une bien belle plume. Merci Monsieur Claudel pour votre grand talent. Un livre à lire avec délectation. Trois nouvelles à savourer.
Lien : http://araucaria20six.fr/
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Recueil de nouvelles de Philippe Claudel.

Hyppolite Framottet est un industriel bourgeois très sûr de son importance. « Il était reçu chez l'évêque, le préfet, quelques secrétaires d'État. Il en concevait une fierté de dindon. Il aspirait à la députation. » (p. 8) Il a fait fortune dans les jouets en bois, mais alors que la demande explose pour un certain type de miniatures, l'orgueil rance teinté d'humiliation d'Hyppolite le précipite vers la faillite.

Firmin Vouge est le meilleur tourneur de l'atelier : il connaît le bois et il sait faire parler les machines. Comme tous les autres hommes du village, il doit rejoindre le front en 1914. « Alors que beaucoup de soldats écrivaient leurs souffrances et leurs pensées profondes, Firmin dessinait des jouets. Son éphéméride de la boucherie universelle se composait de toupies, de moines, de totons, de pantins désarticulés, de poupées à emboitage, de chevaux chantournés, de soldats de bois à la face rieuse. C'était sa façon à lui de survivre. » (p. 36) Hélas, la guerre a des conséquences pires que la mort pour ceux qui reviennent au pays.

Un homme, ancien enfant de l'Assistance, décide un matin de tout quitter pour vivre enfin. « Il lui avait fallu plus de soixante ans enraciné quelque part avant d'oser couper les liens ténus et partir sans autre but de voyage que cette errance elle-même. » (p. 75) Au hasard de son périple, dans un musée poussiéreux, un Pierrot en bois réveille ses souvenirs et renomme un passé qui avait disparu.

Trois histoires, trois portraits, trois façons de peindre la douleur, qu'elle soit physique ou intime. Alors que, selon l'image d'Épinal, le jouet renvoie à l'enfance joyeuse et insouciante, Philippe Claudel en fait des témoins cruels des défauts humains, toujours avec des phrases délicates où la pudeur le dispute à la poésie. J'ai dévoré ces quelque 80 pages en moins d'une heure et je sais que c'est un texte vers lequel je reviendrai souvent.
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Tout petit recueil de nouvelles écrit alors que Philippe Claudel est en résidence en Franche Comté, Trois petites histoires de jouets fait naturellement honneur à ce qui fait la fierté de la région : l'industrie du jouet. Trois histoires, trois personnages, trois destins, trois raisons de s'émouvoir de l'écriture de Mr Claudel, qui dans la concision réussit à faire passe l'essentiel.
Si Pierrot Lunaire est celui des trois qui m'aura le moins parlé, Bon anniversaire Monsieur Framottet m'aura fait intrigué par le côté enfantin de son personnage principal mais surtout par l'analogie faite entre le jouet que son entreprise fabrique, et le jouet dont il a fait sa toute première voiture. Néanmoins, c'est Firmin qui m'aura le plus émue.
Chacune de ces trois vies nous ramène à notre imaginaire d'enfant, et nous replonge au temps béni de nos premiers jouets.

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L'auteur nous incite à poser un autre regard sur le jouet qui, sous sa plume, n'est pas uniquement objet d'amusement mais devient aussi un symbole, un souvenir ou un rêve. J'ai été particulièrement touchée par les deux dernières nouvelles Mains et merveilles et Pierrot lunaire qui font référence à des événements douloureux dans la vie des personnages principaux. En période difficile, les toupies et autres pantins réveillent le souvenir d'une vie paisible ou deviennent les révélateurs d'une enfance oubliée. Les histoires sont fortes, empreintes de tristesse lorsqu'elles font référence aux ravages de la guerre, mais marquées par une grande humanité, qui touche au coeur.

Au-delà du jouet, ces nouvelles ont pour élément récurrent le travail et le façonnage du bois. Secondaire dans la première nouvelle, il prend toute son importance dans Mains et merveilles où la passion de Firmin pour son métier est palpable, le poursuivant jusque dans les tranchées de la guerre de 1914.

Trois petites histoires de jouets est le premier livre que je lis de Philippe Claudel et je découvre une très belle plume, toute en nuances et pleine de tendresse, qui me donne envie de poursuivre par la lecture d'autres romans. Un petit livre qui se lit en quelques heures mais qui reste en tête longtemps après avoir été refermé. Un coup de coeur !
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L'écriture de Claudel m'a toujours enchantée. Mais là je crois que j'ai rarement lu un livre aussi lentement, car je trouvais que chaque phrase méritait d'être relue...et savourée! Cette idée de jouets désirés par de grands adultes un peu déboussolés m'a vraiment émue.
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Citations et extraits (31) Voir plus Ajouter une citation
C'était un petit Pierrot bancal, grossier, mal peint, au regard ourlé de noir, au sourire de mystère et de mélancolie, une larme figée à son oeil gauche, un pantin à trois sous que l'on vendait dans les rues jadis. Alors il sentit, en même temps que le pantin paraissait le fixer lui, et lui seul, comme il n'aurait pu fixer personne d'autre, même si des milliers, des centaines de milliers d'hommes et de femmes eussent été dans le même lieu, il sentit s'ouvrir dans sa chair une immense déchirure, comme si d'un coup et sous l'effet du regard de ce Pierrot de bois, tout son être se fendait en deux, jusqu'à l'âme, une déchirure nette, violente mais aucunement douloureuse, un voile que l'on fend d'un trait, un voile ou plutôt un lourd rideau posé sur la part la plus intime de sa mémoire, et cela depuis plus de cinquante années.
Il tituba.
Son front heurta la vitrine.
Le pantin le regardait toujours par-delà la paroi de verre et par-delà le temps.
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Jamais le vieux Vouge ne posa de questions à Firmin sur les circonstances dans lesquelles il avait perdu ses bras. Qu'est-ce que cela changeait de demander, de savoir? Rien ne sert de fouiller les plaies vives. Firmin lui en sut gré.
[ ... ] La douleur de la perte de ses membres s'augmentait de la douleur d'une autre perte : celle du petit carnet. C'était la première chose qu'il avait demandée à l'hôpital.
[ ... ] Firmin essayait en fermant les yeux de relire son calepin perdu. Il tournait les pages, revoyait ses croquis, relisais les notes qu'il avait écrites. Mais il y avait trop de vides, trop d'espaces effacés, trop de pages manquantes. A chaque fois, cela le rendait encore davantage mélancolique. C'était un peu, comme si en plus de lui voler ses bras et ses mains, la guerre lui avait volé son âme.
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Il y avait eu alors un épais silence, comme si soudain tout le monde prenait conscience de la réalité des choses. Des hirondelles griffaient le ciel. Quelques chiens gueulaient dans les lointains. Les enfants aux cheveux tondus n'osaient plus bouger. Ils regardaient leurs pères ou leurs frères en mordillant leur pouce. Alors les gars étaient montés dans une grande charrette, tous ensemble, comme une fournée d'échafaud, et la carriole s'était éloignée dans des grincements d'essieux et des souffles de bêtes. Plus un mot, plus rien. Simplement des regards et des gestes timides, de brefs au revoir du bout des doigts, des mains levées comme pour caresser l'air. Ce fut seulement lorsque l'équipage tourna l'angle de l'église et disparut à la vue qu'on entendit, comme sorties désormais de nulle part, des voix entonner, tout d'abord faiblement, puis ensuite comme un claquement de fouet "Guillaume, Guillaume, tu s'ras foutu, ton casque à pointe on va te le mettre dans l'cul".
Sur la place, personne n'avait bougé ni parlé. Le maire était toujours là. La chanson s'éloignait. Il faisait bon. Un couple de pies perché sur le faîte d'un toit jacassait et se cognait le bec. On n'entendit bientôt plus quelles et plus du tout la chanson. Alors, seulement, les uns et les autres se décidèrent d'un pas traînard à quitter la place du village, en évitant les regards et les mots, en tirant les enfants par le bras, comme si toutes et tous venaient d'assister à un évènement dont il valait mieux ne pas parler. On s'enferma dans les maisons. Les rues ressemblèrent à un corps ouvert et vidé de son sang. Cela dura jusqu'au jour suivant.
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Chaque mois, Firmin recevait une lettre de son père, et chaque mois, Firmin lui écrivait. C'était sa seule famille. Son père était un vieillard. Il avait attendu d'avoir quarante ans pour prendre une femme qui, l'année suivante, avait donné naissance à Firmin, avant de mourir deux jours plus tard des suites de l'accouchement. Ne subsistait de cette mère lointaine qu'une photographie imprécise et comme effacée, que le vieux Vouge gardait dans un tiroir d'une haute armoire en noyer, et qu'il sortait à quelques occasions pour la montrer à son fils. L'enfant avait donc grandi entre cette image d'un jeune fantôme et la douceur quasiment muette d'un père qui n'avait jamais trop aimé les mots.
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A 9 h 10 du matin, il enclencha le contact. L'automobile toussa. Un nuage de fumée d'une puanteur stupéfiante sortit du moteur. Des vapeurs d'eau, d'huile et de pétrole montèrent dans l'air estival. Puis l'engin fut secoué comme un panier à salade par les trépidations du moteur. Les deux garçons chahutaient, tapaient du poing sur le dossier du conducteur. La belle-mère serrait les dents. L'épouse enfin conquise par la modernité arborait désormais le même sourire de bienheureux que son mari. Alors, Framottet, le coeur au bord de l'extase, dessera le frein et l'automobile bondit d'un coup, emportée par une vitesse frôlant les vingt-cinq kilomètres à l'heure.
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« le rapport de Brodeck » de Philippe Claudel, c'est à lire au Livre de poche.
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