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3,89

sur 1126 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Il est très difficile pour moi de faire une critique sur ce livre, qui m'a « vidé ». Nostalgie, mélancolie, folies ressortent de ce récit. Lisez les critiques d'Isabelleisapure et de Latina, pour ne citer qu'elles. de même que la 4ème de couverture résume tellement mieux que ne je ne pourrais le faire ce qu'est ce roman de Laurent GAUDÉ, qui à travers les siècles, raconte les défaites. Même les victoires ne sont que défaites. Défaites liées à l'amour, à la vie tout simplement.

Puissance, puissance des mots, puissance de l'écriture, poésie, beauté, art, amour dans tous les sens du terme, sont des palliatifs à ces défaites. Combats, non pas seulement combats en tant de guerre, combien atroces, mais également et surtout combats de chacun, tous les jours, à travers nos choix, contre la maladie, contre la bêtise, contre l'ignominie, contre nos démons …

Récit éblouissant qui ne laisse pas indifférent.

Laurent GAUDÉ est un de nos plus grands auteurs contemporains. Il laissera son empreinte à travers les siècles, j'en suis certaine. Chaque roman est différent. C'est un caméléon. Il s'empare des maux de notre époque. Il se fond dans le thème qu'il veut aborder pour nous en restituer la quintessence, l'élixir des idées les plus fortes et les plus puissantes qui soient. Il touche le lecteur au coeur.
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On passe d'un personnage à l'autre, avec de petites phrases courtes qui traduisent plus leurs impression que les faits. C'est beau, c'est bien écrit, mais cette dispersion avec les multiples personnages, dans le début du livre, nous donne un peu l'impression que Gaudé fait du Gaudé. Heureusement, la cohérence du roman augmente au fil des pages pour finir par nous laisser une marque profonde. Oui, certes, Gaudé fait du Gaudé, mais il le fait bien !
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La victoire, est-ce un sentiment, un fait ou une faribole ?
Laurent Gaudé, en entremêlant et en superposant des grands conflits de l'Histoire, nous parle des dégâts collatéraux récurrents des guerres, du prix à payer pour chaque décision prise par les chefs, du doute qui habitera celui qui osera prendre du recul sur ce sang versé.
En nous parlant de notre soif d'écrire L Histoire, et notre soif de remplir les musées, on se retouve avec de la souffrance et du gâchis plein les yeux.
Tout le monde y perd quelque chose.

Belle prouesse de Laurent Gaudé pour nous imbiber aussi bien de ce vaste sujet dans un bouquin pas très épais. Il a les mots.
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On ne présente plus Laurent Gaudé, romancier français multi-primé qui nous a déjà offert un chef d'oeuvre de la fantasy avec La Mort du roi Tsongor couronné par le prix Goncourt des lycéens ou encore le Soleil des Scorta, saga familiale à l'ombre des Pouilles en Italie récompensée par le prix Goncourt et le prix Jean-Giono. En 2016, il revient chez Actes Sud avec un nouvel ouvrage au titre intriguant : Écoutez nos défaites. On y retrouve non seulement toute la beauté de l'écriture du français mais également son appétence si particulière pour l'Histoire avec un grand H.

Dans Écoutez nos défaites, Laurent Gaudé tisse un roman choral où les voix des perdants se font échos à travers le temps. On pense d'abord qu'il s'agit d'une simple rencontre entre Assem Graïeb, agent des services secrets français, et Mariam, une archéologue irakienne devenue chasseuse d'artefacts volés. On croit à une nuit à part, une nuit qui s'écoule en dehors de la course folle du temps, deux êtres brisés, l'un par ses multiples identités et assassinats commandités, l'autre par le désespoir d'un monde qui lui retire la beauté même de son métier, qui la prive de l'infinie dont elle rêve si ardemment.
Mais Laurent Gaudé ne veut pas se limiter à cette nuit d'amour qui deviendra un fantôme entêtant pour les deux amants éphémères. Bientôt, il joint à ce couple un troisième homme, un ancien Navy Seal devenu mercenaire et trafiquant, un certain Sullivan Sicoh grimé en Job mis à l'épreuve.
Un fragment du futur qui attend Assem Graïeb, épuisé par les horreurs et les défaites. Un éclat de miroir brisé pour deux personnes qui ont compris l'engloutissement qui guette.
De là, les épopées d'antan sont aspirées par la plume mirifique de Laurent Gaudé. On croise Hannibal marchant sur Rome avec ses éléphants, on accompagne le général Grant dans la boucherie de la guerre de Sécession américaine, on marche avec le roi des rois, Hailé Sélassié qui sait déjà qu'il a perdu devant la ligne des Italiens à l'horizon, prêts à envahir son pays, prêts à mettre à feu et à sang tout un peuple qui ne demande pourtant qu'à être libre.
Car dans Écoutez nos défaites, tout est tristesse de la perte, tout est mélancolie d'un temps qui passe et d'une Histoire qui file pour se répéter, pour se défiler. C'est tout le tragique de ce roman impressionniste, tout le talent incroyable dont fait preuve Laurent Gaudé : porter un regard sur l'homme à travers le vaincu, définir notre Histoire par la défaite et non par les batailles remportées.

Curieusement, dans cette galerie de vaincus, on trouve pourtant le général Grant. Mais on comprend dès les premiers bains de sang, dès les premières batailles de la guerre de Sécession qui annonce les horreurs innommables à venir de la Première Guerre Mondiale, qu'il n'y pas de vainqueur dans une guerre. Que tout est charogne, espoirs brisés, fantômes obsédants, corps en miette, esprits en lambeau.
Pour Laurent Gaudé, peut importe la victoire, au fond, il y a toujours la défaite, l'engloutissement des hommes, qu'ils soient grands comme Hannibal ou Selassié, ou petits et anonymes comme Mariam et Assem.
Comme une histoire d'amour, on peut croire un temps à l'illusion d'un « plus jamais » comme on prononce un « je t'aime », à la grandeur d'un avenir meilleur, mais bien vite, l'Histoire nous rattrape et broie ce qu'il reste de nous.
Au centre de ce roman, davantage encore qu'une réflexion philosophique sur le sens même du mot victoire, Laurent Gaudé prend de la hauteur et fait sacrilège. Les tueries et les charniers sont impardonnables, ils laissent une tâche indélébile sur les hommes, victimes ou bourreaux, mais c'est le crime contre la pierre, contre le monument, contre le temple qui constitue la transgression suprême. Avec Mariam, on comprend la peine intense qui saisit l'archéologue devant l'avancée de l'État Islamique rasant Palmyre ou pillant Mossoul, on comprend que ce ne sont pas des corps voués à l'oubli mais bien une Histoire qu'on arrache, qu'on décapite, des millénaires que l'on efface.
Mariam se questionne, sur la futilité de son action ou, au contraire, la prime importance de son combat, sur l'hypocrisie de son métier d'archéologue, à la fois pilleur et chercheur, conservateur et vautour, sur la possibilité de vaincre le barbare sans tirer un coup de feu, en tentant de mettre à l'abri, de cacher, encore et encore.
De l'autre, Assem s'inquiète des mêmes choses, des mêmes hypocrisies sur ce métier assassin où il fait chuter des dictateurs pour en voir d'autres surgir, de ce métier où il verse le sang pour une patrie qu'il n'est même pas sûr de comprendre. Assem et Mariam sont deux faces d'une même pièce, deux faces usées d'une infinie tristesse qui ont compris que peu importe ce que l'on fait, peu importe ce en quoi l'on croit, l'Histoire n'est que défaite même quand on clame victoire à corps et à cris.

Il y a tout ça dans le roman de Laurent Gaudé. Toute ces pensées lancinantes qui saisissent le coeur du lecteur grâce à cette plume, toujours cette plume, encore cette plume. Que peut-on dire du style de Laurent Gaudé si ce n'est qu'il est aussi divin que les figures mythiques qui parsèment cette épopée protéiforme ? C'est cette façon d'écrire, de glisser sur les mots, de leur donner une musicalité et une vie propre, de créer des torrents à peine séparés par des virgules qui parfois semblent ne jamais vouloir finir. C'est cette façon de saisir l'intime et l'épique, la grande et la petite histoire, la beauté et la mort, la tristesse et le futile. C'est aussi ça Laurent Gaudé, une manière de croquer les choses qui pourrait paraître grandiloquente pour le néophyte mais qui finit toujours par révéler sa vraie nature flamboyante.
Si vous étiez dans les tranchées avec les soldats de la Grande Guerre dans Cris, dans l'Afrique onirique et sublimée de la Mort du roi Tsongor, dans les Pouilles intemporelles et presque surnaturelles dans le Soleil des Scorta, ici, vous pénétrez l'Histoire elle-même avec l'auteur. Vous en trouverez les échos, les peines et les spectres. Ceux des hommes devenus symboles ou reliques, de ces anonymes qui sont tombés ou qui se battent encore, de ces héros fatigués d'un éternel recommencement qui ne voit plus dans la victoire que les corps ensanglantés.
On dira alors qu'il est bien pessimiste ce roman, presque nihiliste, mais on pourrait aussi consacrer sa grandeur, son ambition, et son infinie beauté qui ne laisse aucun doute à la fin : dans la tristesse demeure des mots, et le monde, malgré ses malheurs, ne pourra jamais entièrement nous les voler.

De nouveau Laurent Gaudé affronte l'Histoire et les hommes qui l'ont faites ou, plutôt, qui la subissent. de nouveau, il déploie un style et une plume qui font défaillir de la première à la dernière ligne. Mais ici, surtout, il construit un récit intemporel qui dit la tristesse de la perte, l'inanité de la victoire et la défaite d'être un homme quand la guerre ronge le monde. Magistral, tout simplement magistral.
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Laurent Gaudé confirme sans cesse son grand talent avec des récits, des pièces de théâtre et surtout des romans comme La mort du roi Tsongor et La porte des enfers.

Avec Écoutez nos défaites, il réussit le prodige littéraire de mêler adroitement l'histoire de Mariam qui se bat pour sauver les trésors d'archéologie menacés par l'État islamique, et d'Assem qui travaille pour les services secrets, faisant office de chasseur, de tueur de la République, avec Hannibal, Hailé Sélassié et le général Grant.
Alors que rien ne semble réunir ces personnages historiques, l'auteur nous plonge dans les moments les plus importants de leur vie, succès ou défaites : « celle du temps qui nous fait doucement plier, celle de la vigueur que l'on sent s'amenuiser et disparaître. »
Tout commence à Zurich avec la rencontre de Mariam et Assem. Elle parle de ses fouilles en Égypte et de son travail d'archéologue. Avant de le quitter, elle lui confie, à son insu, une précieuse statuette du dieu Bès.
Brutalement, Laurent Gaudé nous plonge en pleine guerre de Sécession, dans les pas de Grant puis c'est Hailé Sélassié, le Négus, en Éthiopie, qui fait face aux troupes de Mussolini et enfin Hannibal qui, depuis Gibraltar, l'Hispanie et les Pyrénées, vole de victoire en victoire pour renverser Rome.
Nous suivons Mariam et Assem au Proche-Orient, en Afrique du nord, autour de cette Méditerranée qui concentre tant d'Histoire tout en ne perdant pas de vue les batailles menées par Hannibal, Grant et Hailé Sélassié. C'est précis, documenté, passionnant et très instructif.
Les belles pages de nos livres d'Histoire, ces batailles notées en caractère gras ou simplement évoquées avec un brin de nostalgie ou de fierté se sont avant tout soldées par des montagnes de cadavres, de vies brutalement interrompues pour qui, pour quoi ?
Depuis toujours, on élimine, on supprime des adversaires gênants : « On ne peut partir au combat avec l'espoir de revenir intact. » Pendant ce temps, Mariam apprend qu'ils ont pris Mossoul et qu'ils détruisent les trésors de l'archéologie à la disqueuse, à l'explosif, saccageant les musées et les sites, reflets d'une civilisation depuis longtemps disparue.
Grant, on l'appelle « le Boucher » : « La boucherie, voilà ce que c'est la guerre. ». Hannibal fait massacrer 15 000 hommes puis 45 000 : « 45 000 corps qui mettent des jours, des semaines à se décomposer. Elle est là, sa victoire, laide comme une boucherie sans nom. ». le Négus fuit son pays, signe la fin de la Société des Nations incapable d'arrêter l'invasion de son pays : « Les empires croissent, prospèrent et tombent. »
On massacre, brûle, détruit depuis que l'homme est sur terre comme lors de cette guerre civile entre Nordistes et Sudistes pour enfin en finir avec l'esclavage. Lincoln appelle à la réconciliation car « On ne fête pas la victoire dans une guerre civile. L'ennemi d'hier est le voisin de demain. »

À Canne della Battaglia, des vignes ont poussé là où 45 000 Romains ont été tués. Khaled al-Assaad a été martyrisé à Palmyre alors qu'il défendait son musée… Mariam pense à lui et à Assem dans le cimetière marin de Sidi Bou Saïd, proche de Carthage et du musée du Bardo qui revit sans oublier le drame. Alors, écoutez nos défaites pour apporter, enfin, douceur et sérénité.
Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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Assem Gaieb est un agent des renseignements français. Il opère sans scrupule et sans remords sur tous les fronts, il obéi aux ordres sans discuter. Mais s'il est las de cette vie, de ces morts…. il consent malgré tout à assurer une dernière mission.
Mariam, archéologue irakienne, travaille pour l'UNSECO et passe sa vie à rechercher les oeuvres d'art volées dans les musées du moyen orient, alors que l'EI détruit inexorablement les merveilles de Khorsabad ou de Palmyre. Elle vient de découvrir qu'elle est malade, le cancer est là, sournois, et lui fait envisager sa vie autrement.
Le hasard les fait se rencontrer à Zurich, et partager quelques heures intenses et quasi irréelles d'amour, d'écoute et de fusion. Dès lors, sans se revoir, ils penseront l'un à l'autre.
En contre point de ces deux vies, Laurent Gaudé nous parle de batailles, celles des sudistes et des nordistes, avec le général Grant écrasant enfin les armées confédérées. Celles d'Hannibal, marchant sur Rome, un temps seulement vainqueur, laissant des milliers de morts sur les champs de batailles depuis l'Afrique jusqu'aux plaines Romaines. Enfin, celles du roi des rois, descendant de la reine de Saba, Hailé Sélassié, empereur d'Éthiopie, qui se dresse contre l'envahisseur italien pendant la seconde guerre mondiale, et subira de lourdes pertes parmi les hommes qui l'accompagnent dans son combat. Les batailles de ces héros auréolés de gloire sont des victoires, mais l'auteur nous montre surtout que chaque victoire est aussi une défaite. J‘ai ressenti une infinie tristesse dans ces lignes, un désespoir aussi, car comment vaincre si ce n'est au prix de tant de morts ! Comment être victorieux si ce n'est en assumant ses choix, ceux qui impliquent les massacres, les carnages, le sang versé, la mort, la faim, de tant d'hommes. Difficile cas de conscience des vainqueurs. Puis vient l'après, comment vit-on quand on a connu des moment aussi forts et que soudain on n'est plus personne.
Roman étrange, parfois dérangeant, mais qui reste longtemps en tête et questionne, car que devons-nous croire et penser des apparences. J'ai d'abord eu un peu de mal avec les alternances de temps, d'époque, de situations. Puis finalement j'ai plongé aisément dans les différents récits, d'abord en me demandant où l'auteur voulait nous conduire, puis en suivant les méandres du récit et en me posant de nombreuses questions. Il fait noter aussi quelques rayons de soleil, ce lien universel que nous avons avec ces merveilles que nous ont légués nos ancêtres, ces découvertes et cet espoir toujours présent grâce à ces hommes prêts à se sacrifier pour sauver ces beautés et qui nous prouvent que rien n'est totalement perdu.
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"Ecoutez nos défaites, nous n'étions que des hommes, il ne saurait y avoir de victoires.. le désir jusqu'à l'engloutissement".
Laurent Gaudé avec brio, éclaire des scènes de guerre, des personnages qui y participent à l'aide de plans rapides, saccadés, courts, impersonnels : comme un cinéaste avec sa caméra qui filmerait des séquences de la vie de ces guerriers qui, dans le temps et dans l'espace ont marqué l'histoire !
Il commence par évoquer à Zurich la rencontre d'Assem qui est agent de la DGSE aux multiples missions pour la France et Mariam, archéologue irakienne qui récupère des vestiges dans un Moyen Orient pillé, dévasté ! Ils sont les 2 seuls personnages d'un présent qu'ils vont vivre dans une nuit d'amour, d'oubli du monde déchiré et atroce qui les attend !
***Coup de projecteur sur Hannibal Barca qui à la tête de ses armées et avec ses éléphants traverse les Alpes pour fondre sur Rome et la détruire enfin ! Mais, après la défaite de Zarma ( 202 av J.C ) qui a englouti des milliers de soldats dans le sang, il est obligé de fuir pour échapper à ceux qui veulent la mort de ce généralissime qui a fait trembler Rome. Il s'exilera et, c'est le roi Prussias chez qui il s'est réfugié qui le trahira ! Il sera obligée de boire le poison de sa bague pour périr lui aussi ...
*** Ulysses Grant aidé de Sherman va anéantir sauvagement les Confédérés à la bataille Appomatox et offrir à Lincoln une victoire sanglante . Cinq jours après ce massacre, ce dernier sera tué par un sympathisant des Sudistes et, Grant surnommé "le boucher " sera élu par 2 fois Président des US.
***Hailé Sélassié : le roi des rois qui descend de Salomon et de David par la reine de Saba va être défait par les troupes italiennes de Mussolini qui vont anéantir son peuple, son pays et l'obligeront à fuir ! Même son intervention à la tribune de la SDN pour en appeler à la conscience des autres nations sera vaine mais, ils le feront revenir pour finalement le faire périr étouffé dans un matelas !
Toutes ces batailles, tous ces morts, ces corps suppliciés, ces terres ensanglantées pour quelles victoires ?
Laurent Gaudé nous démontre que tout est dérisoire, que la défaite comme la victoire finissent par aboutir au même résultat et, que justement, les hommes n'écoutent pas les leçons de leurs échecs et continuent de s'entretuer !
Trois destins funestes, trois exemples de ce que sont capables les êtres humains pour se détruire et détruire les leurs : pour la gloire ? l'honneur ? la religion ? l'argent ? Qu'importe : ils " laissent le monde leur voler les mots " !
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Ecoutez nos défaites. Fallait du cran pour s'attaquer à pareille matière et un sacré talent pour nous la rendre aussi subjuguante. C'est comme une mêlée de rugby ce roman pour moi. de loin c'est un peu le bordel! En s'approchant à petit pas, peut être encore un peu, mais on y voit plus claire, son coeur est bien protégé. Chacun est à sa place, sait quelle part lui revient pour faire avancer l'ensemble, on dose l'effort, on retient son envie de capituler, on fait confiance à celui qui tient la vision globale. Pour ainsi dire, je dois avouer que tout se confond assez facilement dans ma tête pendant ma lecture, et puis tout s'emmêle, se modèle, prend forme et se déforme et c'est une déroute qui donne à réfléchir : et sur le sens de nos défaites, matière du roman, et sur le travail d'auteur, Laurent Gaudé toujours aussi ingénieux, pas un autre que lui pour manier l'art pareillement!
Écoutez nos défaites sonne comme une plasmodie, les échos du titre en fin de récit closent en beauté l'histoire de chacun, reliant la boucle de la victoire inatteignable, la victoire qui n'en sera jamais une de par son essence, des combat perpétuels qui n'offrent aucune paix même aux vainqueurs, pas de gloire, fatalistes défaites.
On ressent bien l'installation de la fureur des combats, puis les conjonctures, les rebondissements, les destins, les chaos, les folies, les fatalités qui laissent fatigues et abattements s'installer, prendre corps et âmes jusqu'au déclin, jusqu'à la mort.
Il est très bien fait ce récit, il résonne et donne donc à réfléchir très large, sur des plans d'histoire très lointains mais aussi très à notre portée (à la volée : historiquement les romains, géographiquement le moyens orient, émotionnellement le cancer, professionnellement les métiers qui prennent et perdre du sens…) homme, femme, grand roi des rois, homme de main, brutes, usurpateurs, pions des coups d'états, homme sans identité (cf le bureau des légendes) vraiment ça ramène large large pour ouvrir notre conscience sur la défaite, ceux qui plient, ceux qui luttent, ceux qui monnayent, ceux qui résistent, ceux qui s'épuisent. Pour nous montrer à voir que tout s'amenuise et se défait. Plus ou moins dans la douleur ou la résiliation.
La mémoire des lieux qui gardent (vallée de combats sanglants) la mémoire des objets saccagés (pillages musées et mosoles, archéologues)
Plus je referme ce livre plus je me dis que Laurent Gaudé a levé le niveau très large mais aussi très haut, abyssale et si bien construit, intelligent dans le chaos des récits qui se croisent et se rejoignent au fil des chapitres qu'on s'y perd, combien de fois j'ai été baladé d'une bribe à l'autre avec peine à me ressaisir, comme pourrait l'être finalement le combat. Les choses nous échappent et reprennent tout leur sens plus loin, avec plus de hauteur.
Pour finir, faire confiance à l'auteur. Ce roman contre toute attente, rend un bel hommage aux paix qui n'arriveront jamais.
Laurent Gaudé, mon préféré, ma valeur sûre pour un plongeon singulier. Et cette couverture encore. Toujours magnifique.
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On est très rarement déçu avec Laurent Gaudé. Ce cru 2016 confirme la règle, cet auteur est particulièrement doué.
En plus d'écrire remarquablement bien , Laurent Gaudé nous livre systématiquement des livres aux constructions élaborées , d'une culture , finesse et intelligence flamboyantes.
Ici, les histoires se croisent. L Histoire avec Hannibal , le colonel Grant, le Ras Tafari et l'histoire de deux contemporains , un agent secret français désabusé et une irakienne luttant pour la conservation du patrimoine archéologique menacé par daesch.
Au fil des chapitres , L Histoire avance vers la défaite , que ce soit celles sur le terrain ou celles des vainqueurs et nos deux contemporains vers leur destin .
L'une des forces, mais il y en a tellement , de ce livre est de nous livrer les vainqueurs comme vaincus. Dans la guerre, il n'y a pas de vainqueur . Ou si peut être , le perdant, comme le général Lee dont la propriété servira de terrain au cimetière d'Arlington.
Un livre à ne pas manquer.
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Et on referme ce livre... les lèvres serrées, l'esprit retourné, le coeur en joie...
Paradoxales mais intenses émotions.
Comme cet amour issu d'une nuit unique qui se promène sur les vestiges de nos guerres. Nous enseignant à quel point faire la guerre à la guerre est toujours être en guerre... Que l'oeil pour l'oeil est en perdre la vue... Que verser le sang pour faire cesser le sang de couler est le non sens le plus signifiant...
L'humanité n'a pas tout compris... mais elle sait pourtant aimer...
Et Laurent Gaudé est un magicien... je trouve :)
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