Pièce relativement peu jouée de l'auteur, elle a été écrite et jouée en 1762 à Venise, c'est la dernière pièce de l'auteur créée dans cette ville avant son départ pour Paris, sous les coups de ses adversaires, et tout particulièrement de
Carlo Gozzi et de ses satires mordantes.
Goldoni a en quelque sorte perdu l'espoir de voir ses conceptions du théâtre triompher à Venise et en Italie, et tente l'aventure à l'étranger. Ce qui rend en partie cette pièce, dans laquelle un des personnages principal est sur le point de s'exiler, émouvante.
Nous sommes dans la société d'aisés marchands et fabricants. Zamaria, un tisserand, a invité quelques amis et relations pour un dîner suivi d'un bal. Sa fille Domenica, prépare la soirée, d'autant plus minutieusement qu'elle guette l'arrivée d'un charmant jeune homme, dessinateur pour les créations de tissus. Mais le bel Anzoletto est sur le point de partir à Moscou, une opportunité de travailler dans un autre cadre, loin des critiques dont il semble avoir été la cible dans son pays, le tente. Mais il aime Domenica, et il est prêt à l'épouser et à l'amener avec lui. le père de la jeune fille ne l'entend pas de cette oreille : il ne veut pas se retrouver seul (il est veuf), loin de sa fille chérie. Les différents invités de la fête, vont chacun jouer un petit ou grand rôle dans l'affaire.
Sur un canevas très simple,
Goldoni donne une pièce à la fois drôle et émouvante. Les différents personnages ont tous leurs caractéristiques et personnalités, opposées et donc complémentaires pour donner un tableau riche de la société qu'ils représentent. Les deux jeunes mariés exclusifs et jaloux, l'insupportable épouse et son mari aux petits soins, le couples élégant et ironique etc forment un tableau riche et chatoyant, dans lequel s'insère le motif central amoureux. Toutefois une mélancolie discrète mais persistante nimbe l'ensemble : il s'agit de partir, et celui qui part dit son amour pour la ville qu'il quitte, même s'il espère la revoir, revenir auréolé d'un succès extérieur, qui pourrait lui donner une légitimité dans son pays natal.
Goldoni met ses plus belles phrases dans la bouche d'Anzoletto, et il est difficile de ne pas donner une dimension autobiographique à ses mots. L'auteur n'aura malheureusement pas l'opportunité de réaliser le projet de son personnage : revenir dans la ville après un exil temporaire, et il est difficile de suivre la pièce sans y penser, ce qui donne un côté émouvant et sensible aux répliques de son personnage. Malgré tout, la soirée se finit par le bal projeté, et par trois projets de mariage, nous sommes dans une comédie, et la tristesse cède aux plaisirs de la fête. Simplement, pour le lecteur qui connaît la suite de la vie de
Goldoni, cette fête prend les couleurs des adieux, c'est une dernière occasion de se réjouir, d'être ensemble, de faire des projets communs, avant la séparation définitive.
A la fois drôle et tendre, émouvante et réjouissante, c'est une pièce d'une grande finesse et élégance, qui sous des allures anodines d'une soirée entre amis, effleurent des thématiques importantes, sans en avoir l'air.