Prologue
1er février 2021 (Onee)
Tout commence avec Charles, le noeud central qui va cristalliser sentiments et problèmes. Notre première rencontre est fulgurante :
« 30 mars (Charles)
(…) L'heure était venue de faire face aux hommes, leurs silhouettes de bipèdes dressées dans le crépuscule comme des arbres en mouvement ».
1er février 2021 (Onee)
Il sont bien
Entre fauves mais il est seul contre tous. Il n'a aucune chance.
« 30 mars (Kondjima)
- Oui, sauvage, c'est comme ça qu'ils disent. C'est ça qui les fait rêver. S'ils dépensent autant d'argent pour venir chasser chez nous, c'est parce que chez eux ils ont déjà tué tous les animaux, tu vois. Avant, là-bas, il y avait des loups, des ours, mais maintenant il n'y a plus rien, juste des villes et des immeubles. »
1- Identifier sa proie
« 16 avril (Martin)
(…) Ils occupaient le quotidien de nos gosses, fiers comme des seigneurs dans les
Walt Disney, doux comme des nounours sous les couettes bariolées. Les gamins, ils les pensaient immortels, ces félins d'exception. Mais la vérité, c'est que sur cette terre, que l'homme n'a pas fini d'abimer, il existait plus de lions en peluche que de lions vivants. »
2 décembre 2020 (Onee)
Dès que mon regard a accroché le sien en couverture, j'ai su que je lirai ce livre.
« 15 avril (Martin)
(…) Une photo différente de toutes celles que j'avais vu jusqu'à présent. Elle était prise de nuit, au flash. Au premier plan, il y avait une jeune femme blonde, le buste coupé au niveau du ventre, qui tenait un arc de chasse à bout de bras. (…) Derrière, on devinait un paysage de savane africaine, embroussaillée. Avec un énorme cadavre de lion. Un mâle, la crinière noire, un beau trophée comme dissent ces sauvages. »
24 août 2020 (Onee)
Après des années à penser bêtement que les livres parlant d'animaux sont ennuyeux, j'ai eu envie de lire
le Lion, de
Joseph Kessel. Je l'ai trouvé sublime et bouleversant : l'histoire passionnante, les personnages - dont
le Lion - ultra bien rendus, la plume attachante. Bref, un presque coup de coeur qui m'a marquée profondément.
Et cette question qui, depuis, ne me lâche plus : pourquoi chasser et tuer des animaux, qu'on trouve par ailleurs magnifiques, lorsque ce n'est pas pour survivre ?
« 15 avril (Martin)
(…) Parce que l'histoire
des hommes, c'est surtout ça. L'histoire
des hommes, c'est une défaunation à grande échelle, des deuils d'animaux à n'en plus finir. »
2- L'approche
2 décembre 2020 (Onee)
Il faut que je sache. Que je comprenne pourquoi. Alors j'achète ce livre.
1er février 2021 (Onee)
J'avais tellement hâte de plonger dans cette histoire, d'approcher ce lion, de comprendre ce qui se passe dans la tête
des hommes qui font ça ! Alors dès le départ la construction me plaît, parce qu'elle permet de se glisser dans la peau de chaque partie prenante : Charles,
le lion qui va être chassé, Kondjima, le villageois africain qui veut sa mort malgré l'interdiction de tuer cette espèce en voie de disparition, Apolline, l'étudiante de vingt ans à qui son père offre une chasse au lion à 50.000 dollars pour son anniversaire ; et Martin, gardien des parcs naturels dans les Pyrénées, scandalisé par la disparition des espèces, animateur d'un site internet dénonçant les chasseurs milliardaires qui posent avec leurs trophées morts sur les réseaux sociaux…
La narration repose sur chacun de ces personnages. A chaque changement de chapitre, un personnage différent, mais aussi une date différente. Tantôt avant la date fatidique, tantôt après. Si on croit connaître le drame intervenu entre temps, le noeud du problème qui va entrainer une fin que l'on sent tragique, on se rend compte, en démêlant le récit avec les témoignages antérieurs, que ce n'est peut-être pas aussi simple que prévu.
Un récit tout sauf linéaire, et qui pourtant reconstitue à merveille le drame qui est en train de se jouer sous nos yeux fascinés.
« 26 avril (Martin)
(…) de Fuckleschasseurs : On devrait organiser une chasse et lui faire subir la même chose à cette femelle. »
« 24 mars (Kondjima)
(…) C'est ce qu'on appelle un « problem animal » : un lion qui a causé trop de dégâts sur les troupeaux et que le gouvernement autorise donc à « prélever ». Moi-même j'y croyais à peine : les lions du désert, les écolos veulent pas qu'on y touche »
« 13 mars (Kondjima)
(…) Tu verras, ton père acceptera que je t'épouse (…) Ce lion qui lui a pris une vache, c'est moi qui vais le tuer ».
« 17 mars (Apoline)
(…) - Joy-eux anni-ver-saire Apo !!
Il y a au moins trente personnes. Je les regarde tous, des larmes de joie dans les yeux »
3- La traque
2 février 2021 (Onee)
Plaçant mes empreintes dans celles des personnages, je comprends la psychologie qui les anime, les péripéties qui les ont chacun amené là où ils en sont, et à faire ce qu'ils vont faire…
Un lion magnifique qui s'effondre dans le bush africain.
Traqué par un jeune africain du village dont il a mangé toutes les chèvres.
Poursuivi par une riche chasseuse braconnière dont il est le cadeau d'anniversaire.
Elle-même la cible de fervents défenseurs des animaux, issu d'un Béarn où les ours, chassés par les braconniers, ont disparu, qui ont très envie de lui faire subir ce qu'elle fait subir à ses proies pour son unique plaisir…
« 18 avril (avec Martin)
(…) - Moi je ne savais pas du tout qu'elle chassait, en fait. C'est un ami qui m'a dit ça. Il paraît qu'aux vacances de Pâques, elle était partie en Afrique du Sud avec ses parents. Tuer des gazelles, ou un truc dans le genre. J'avais trouvé ça sinistre comme passion, mais bon… »
2 février 2021 (Onee)
Tandis qu'on en apprend plus sur nos chasseurs de fauves, la traque de la tueuse de lion par les internautes continue, distillant un suspense permanent et régulier, comme un compte-gouttes.
Et plus va, plus la traque de notre gardien des parcs devient… personnelle.
« 24 avril (Martin)
(…) J'avais envie d'en savoir plus sur elle, de comprendre ce qui pouvait bien se passer dans la tête d'une fille comme celle-là, capable d'être gentille avec les vieux cathos de Lourdes, puis d'aller tuer un lion avec son arc comme si c'était un passe-temps comme un autre.
(…) J'ai regardé les livres de sa bibliothèque, pour me faire une idée de ce que pouvait bien lire une fille comme elle »
3 février 2021 (Onee)
Tandis que Martin traque Apolline dans sa vraie vie, nous glanons des informations sur son vécu de chasseuse… Par ce procédé, l'auteur nous place nous aussi dans la position du traqueur d'information qui, une fois toutes les données réunies, décidera ce qu'il ferait à la place de Martin ou, en tous cas, s'il juge Apolline (physiquement ou moralement) coupable ou non.
Mais en attendant, Martin ne se place-t-il pas lui-même dans la peau de celle qu'il condamne…?
4- La mise à mort
4 février 2021 (Onee)
Je viens à bout de ce livre, où toutes les ambitions, les haines, les hâtes, se rejoignent enfin.
Alors qui va vivre ? Qui va mourir ? Qui sera la bonne surprise, et qui la mauvaise ?
Trouvera-t-on un sens à tout cela ? Apprendra-t-on à moins juger sans connaître ? A moins tuer sans nécessité ?
J'aimerais vous dire que oui… Mais vous devrez le lire pour le savoir.
« 2 avril (Apolline)
(…) En Afrique, la vie avait moins de valeur que chez nous ».
5- le rituel
6 février 2021 (Onee)
J'écris ma critique, qui coule toute seule comme à chaque fois que j'aime un livre. Des flash de lecture me reviennent, des mots qui claquent, des flèches qui montrent. des balles. Perdues.
A part le prologue qui annonce une crise sérieuse, les situations de chacun s'installent doucement et de manière assez légère.Puis les trois traques se rejoignent en même temps ; Alors le rythme s'intensifie, plus de temps mort, on ne lâche plus le livre. le suspense s'accélère de manière palpable, après nous avoir baladé entre toutes ces vies.
Même si on ne cautionne pas certaines attitudes, on ne peut que déplorer l'effet miroir des réseaux sociaux qui les reflètent, c'est à dire d'abord les montre sous des angles forcément incomplets puis, le comble, les reproduisent eux-mêmes : Ils jugent des apparences et reproduisent ce qu'ils condamnent, encouragés par le phénomènes de masse.
Des attitudes qui devraient inviter à une autre sorte de réflexion…
Epilogue
Une lecture plaisir sous ses faux airs de polar ! Mais méfiez-vous des avis babélio qui font 5 lignes, l'un d'eux révèle la fin et vous n'aurez plus du tout le même tension et la même envie de savoir, qui font le sel de la construction que l'auteur s'est escrimé à monter…
Le seul bémol qui demeure pour moi, en refermant ce livre, c'est que je ne suis pas parvenue à réellement comprendre la passion et la motivation de ces chasseurs de trophées. Surtout en l'occurrence, alors qu'ils s'extasient devant la beauté de ces espèces en voie de disparition… Mais comment justifier l'injustifiable…? Il est magnifique, c'est incroyable, je vais le tuer…?
« 2 mai (…)
L'instinct de survie, allait dire mon avocat quelques semaines plus tard, plaidant la légitime défense. Ou l'instinct de chasse, peut-être. »
11 février 2021 (Onee)
Serait-ce partout simplement ça, la chasse : le plaisir de traquer et de tuer, n'importe où, pour se sentir (artificiellement) plus fort que l'animal ?