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Bernard Pautrat (Traducteur)
EAN : 9782844852755
63 pages
Allia (22/05/2008)
4.03/5   55 notes
Résumé :
Ces Notes datent de 1898 et se composent de 40 brefs paragraphes. Rilke a alors 23 ans. Il a rencontré L. A. Salomé l’année précédente, à Munich, où il étudie la philosophie et l’histoire de l’art. On peut supposer qu’elle lui a longuement parlé de Nietzsche, on trouve dans ces Notes, l’influence implicite de la « Naissance de la tragédie »».
À la lumière de ce que sera l’oeuvre de Rilke, c’est sa poésie même qui, ici, se cherche. Ces « Notes », d’une grand... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
NOTES SUR UN POÈTE EN DEVENIR

Rainer Maria Rilke n'a encore que vingt-trois ans lorsqu'il se lance, en cette année 1898, dans la rédaction de ce petit recueil de Notes sur la mélodie du bonheur, mais quel style déjà, quelle profondeur de vue et de sensation, une entrée magistrale dans l'univers si singulier et tellement complexe - mais enthousiasment et saisissant de grâce - de ce grand poète autrichien de langue allemande !

Prenant prétexte - mais c'est un prétexte important pour le jeune écrivain en devenir - d'une réforme fondamentale et indispensable de l'art théâtral de son époque, englué dans un dramatisme réaliste et déclamatoire déjà de plus en plus critiqué par la nouvelle génération d'auteurs dramatiques européens, il s'empare de ses découvertes d'artiste rencontrés en Italie de la période du trecento chez lesquels le fond, l'arrière plan sont les fondations, les bases mêmes de l'oeuvre sur lequel -et sans lequel ne - peuvent prendre forme et vie le premier plan donné à l'oeil du spectateur. Très vite, cependant, le lecteur comprend qu'il s'agit de bien plus que le projet d'une nécessaire réforme artistique auquel l'auteur des futures Élégies de Duino, de la Mélodie de l'amour et de la mort du cornette Christoph Rilke ou des Sonnets à Orphée nous convie. Mais, bien plus largement, et avec un sens absolument inouïe du mot juste, de la phrase tant belle qu'abyssale de profondeur, c'est à une réflexion pleinement OUVERTE sur l'existence que R.M. Rilke nous convie.

Bien qu'encore en pleine formation intime, philosophique, artistique et amoureuse, le jeune homme nous parle de solitude et de communauté, d'art et de condition humaine, de son essence, de beauté du monde et de sens de la destinée, du proche et du lointain, du petit et de l'infini comme s'il avait déjà vécu mille vies, entreprenant de réunir tous ces concepts, tout le foisonnement de ses pensées au sein d'un immense orchestre personnel sur le point de pouvoir nous jouer le chant universel, la grande mélodie du monde, qu'il nomme avec humilité et une simplicité désarmante : la Mélodie des choses.

Rilke estimait lui-même que son oeuvre n'avait véritablement débuté que l'année suivante, en 1899. Pour autant, il ne faut pas toujours croire ni donner foi aux affirmations des poètes ni des écrivains. Ces notes, aussi rapides et courtes soient-elles, sont, à n'en point douter, une introduction émouvante, magnifique, un programme de vie en Poésie, une cartographie superbe préparant ainsi les premiers pas de l'arpenteur des créations lyriques, philosophiques et littéraires à venir de ce poète fondamental.

Précisons au futur lecteur de ce petit et indispensable ouvrage (au coût dérisoirement modique) qu'il est proposé par les excellentes éditions Allia en édition bilingue et dans une très juste traduction de Bernard Poutrat, qui signe un très éclairant notule en fin d'opus.
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Un tout petit essai poétique et philosophique sur l'essence même des "choses", de ce qui "est derrière", tel le fond d'écran de notre vie, de notre existence ou encore le décor de fond d'une représentation artistique. La mélodie des choses, c'est donc la capacité de percevoir une atmosphère, pouvoir ressentir avec une grande sensibilité grâce aux couleurs, aux formes, aux sons et capter une "aura" qui nous fait comprendre les autres, le monde et nous-même au-delà des mots. Entendre cette mélodie, faire partie d'un orchestre et savoir au bon moment quand jouer notre solo.

Du moins, c'est de cette manière que j'ai compris cet essai poétique, en prose, qui derrière des métaphores pas forcément évidentes à comprendre, est une réflexion profonde sur l'essence des choses, sur l'art et sur la façon de vivre pleinement (en sensibilité) en société sans compromettre notre essence primitive, naturelle.
Un peu surprise car j'avais choisi de lire ce petit bout de poésie grâce au titre : je pensais "les choses" comme des objets et j'imaginais donc une vision poétique et une façon de voir les objets au moyen de couleurs , de musiques, et autres perceptions sensibles.

Sympathique, mais très court ! Lu en juste 15 minutes !
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Rilke n' a que vingt trois ans lorsque qu'il rédige ces notes. La mélodie de choses qui font ressortir toute la beauté de son geste. Celui de l'Art, celui de l'Être, celui de la poésie.
C'est à l'arrière plan que Rilke nous demande de porter, de considérer, notre regard. Cet arrière plan que met en scène si prodigieusement de Trecento. le plan d'une note : Une mise en scène portée par le choeur. L'heure devra survivre à l'instant, et à égale demeure, l'homme doit vivre le moment. L'arrière plan préfigure. Mieux tous y figurent. le fond, cet arrière plan, porte l'intégralité d'une oeuvre, qu'elle soit faite de pigments ou de verbe. Qu'elle soit théâtre, ou peinture, l'intelligence du geste doit reposer sur l'arrière plan, être soutenu par le choeur. La base, le fondement même de tout ce qui se meut ne peut s'épanouir, exister réellement que par la reconnaissance de l'ensemble. C'est à cet instant que se crée la vision, dans la lueur émise par le choeur.
Au commencement donc était le Tout, et pour finir... bien au delà de nous.

NB : Présente édition : Version bilingue

Astrid Shriqui Garain
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Ce petit recueil de notes exige une lecture particulière, je dirais même qu'il faudrait avoir une sorte d'oreille musicale pour saisir l'écriture à la fois belle et mélodieuse mais aussi hermétique de Rilke. Ce dernier nous offre un bijou orné de pensées philosophiques, d'aphorismes et de poésie. Tout se lit comme une partition, bien qu'à des moments, on ne saisit pas la complexité de certaines notes, mais ce n'est pas grave car les zones d'ombre en littérature font aussi sa force.

Les choses possèdent une musicalité. Rilke convie donc le lecteur à voguer par-dessus les reliefs mélodiques de son existence ,et ce, à travers l'art, la solitude, les sensations et l'introspection dans l'arrière plan, dans le filigrane, du paysage de sa vie.

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Un tout petit texte très court, datant de 1898, prélude de la poésie de Rainer Maria Rilke.
Il n'a que 23 ans à l'écriture de ces textes.
On sent déjà que certains thèmes ne le quitteront pas pour ses prochains écrits.
C'est un texte un peu exigeant mais si philosophique quand on sait le laisser nous transporter.
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Citations et extraits (26) Voir plus Ajouter une citation
" Si nous voulons être des initiés de la vie, nous devons considérer les choses sur deux plans :
D’abord la grande mélodie, à laquelle coopèrent choses et parfums, sensations et passés, crépuscules et nostalgies, -
et puis : les voix singulières, qui complètent et parachèvent la plénitude de ce chœur.
Et pour une œuvre d’art cela veut dire :
pour créer une image de la vie profonde de l’existence qui n’est pas seulement d’aujourd’hui, mais toujours possible en tous temps, il sera nécessaire de mettre dans un rapport juste et d’équilibrer les deux voix, celle d’une heure marquante et celle d’un groupe de gens qui s’y trouvent.

A cette fin, il faut avoir distingué les deux éléments de la mélodie de la vie dans leur forme primitive ; il faut décortiquer le tumulte grondant de la mer et en extraire le rythme du bruit des vagues, et avoir, de l’embrouillamini de la conversation quotidienne, démêler la ligne vivante qui porte les autres. Il faut disposer côte à côte les couleurs pures pour apprendre à connaître leurs contrastes et leurs affinités.
Man muss das Viele vergessen haben, um des Wichtigen willen.
Il faut avoir oublié le beaucoup, pour l’amour de l’important. "
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Que tu sois entouré par le chant d’une lampe ou la voix de la tempête, par le souffle du soir ou le gémissement de la mer, toujours veille derrière toi une vaste mélodie, tissée de mille voix, où ton solo, de temps à autre seulement, trouve sa place. Savoir quand tu dois intervenir dans le chœur, c’est le secret de ta solitude, de même que c’est l’art de la relation véritable...
Si nous voulons être des initiés de la vie, nous devons considérer les choses sur deux plans :
D’abord la grande mélodie, à laquelle coopèrent choses et parfums, sensations et passés, crépuscules et nostalgies, -
et puis : les voix singulières, qui complètent et parachèvent la plénitude de ce chœur.
Et pour une œuvre d’art cela veut dire :
pour créer une image de la vie profonde de l’existence qui n’est pas seulement d’aujourd’hui, mais toujours possible en tous temps, il sera nécessaire de mettre dans un rapport juste et d’équilibrer les deux voix, celle d’une heure marquante et celle d’un groupe de gens qui s’y trouvent.

A cette fin, il faut avoir distingué les deux éléments de la mélodie de la vie dans leur forme primitive ; il faut décortiquer le tumulte grondant de la mer et en extraire le rythme du bruit des vagues, et avoir, de l’embrouillamini de la conversation quotidienne, démêler la ligne vivante qui porte les autres. Il faut disposer côte à côte les couleurs pures pour apprendre à connaître leurs contrastes et leurs affinités.

Man muss das Viele vergessen haben, um des Wichtigen willen.
Il faut avoir oublié le beaucoup, pour l’amour de l’important.
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Souviens-toi de gens que tu as trouvé rassemblés sans qu'ils aient encore partagés une heure. Par exemple des parents qui se rencontrent dans la chambre mortuaire d'un être vraiment cher. Chacun, à ce moment-là, vit plongé dans son souvenir à lui. Leurs mots se croisent en s'ignorant. Leurs mains se ratent dans le désarroi premier. - Jusqu'à ce que derrière eux s'étale la douleur. Ils s'asseyent, s'inclinent et se taisent. Sur eux bruit comme une forêt. Et ils sont proches l'un de l'autre comme jamais.
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Et l'art n'a rien fait sinon nous montrer le trouble dans lequel nous sommes la plupart du temps. Il nous a inquiétés, au lieu de nous rendre silencieux et calmes. Il a prouvé que nous vivons chacun sur une île ; seulement les îles ne sont pas assez distantes pour qu'on y vive solitaire et tranquille. L'un peut déranger l'autre, ou l'effrayer, ou le pourchasser avec un javelot - seulement personne ne peut aider personne.
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XXXVIII

Mais tout élément commun présuppose une série d’êtres isolés distincts. Avant eux, ce n’était qu’un tout dénué de rapport, du coup face à lui-même. Il n’était ni pauvre ni riche. Dès l’instant où certaines de ses parties prennent leur distance d’avec l’unité maternelle, il entre en opposition avec elles ; car c’est en s’éloignant de lui qu’elles se développent. Mais il ne les lâche pas des mains. La racine a beau tout ignorer des fruits, il n’empêche qu’elle les nourrit.

XXXIX

Et nous sommes comme des fruits. Nous pendons haut à des branches étrangement tortueuses et nous endurons bien des vents. Ce qui est à nous, c’est notre maturité, notre douceur et notre beauté. Mais la force pour ça coule dans un seul tronc depuis une racine qui s’est propagée jusqu’à couvrir des mondes en nous tous. Et si nous voulons témoigner en faveur de cette force, nous devons l’utiliser chacun dans le sens de sa plus grande solitude. Plus il y a de solitaires, plus solennelle, émouvante et puissante est leur communauté.

XXXX

Et ce sont justement les plus solitaires qui ont la plus grande part à la communauté. J’ai dit plus haut que l’un perçoit plus, l’autre moins, de l’ample mélodie de la vie ; en conséquence, incombe à ce dernier une tâche moindre ou plus médiocre dans le grand orchestre. Qui percevrait toute la mélodie serait tout à la fois le plus solitaire et le plus lié à la communauté. Car il entendrait ce que nul n’entend, et ce pour l’unique raison qu’il comprend en son achèvement ce dont les autres, tendant l’oreille, ne saisissent que d’obscures bribes.
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