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Portnoy et son complexe, quatrième livre de Philip Roth, contient en un mot plusieurs des caractéristiques qui deviendront distinctives de l'écrivain américain, c'est-à-dire l'une des plumes les plus tranchantes et les plus pénétrantes du dernier demi-siècle. Avant Pastorale américaine - roman qui lui a valu le prix Pulitzer en 1997 - et les vicissitudes de Zuckerman, personnage récurrent dans plusieurs romans, l'auteur expose ici les revendications libertaires qui seront plus tard, peut-être, meilleures définies et formalisées, mais qui sont maintenant grossièrement criées et véhiculent un sentiment de libération explosive rarement décelable dans les oeuvres ultérieures. le patient Alexander Portnoy donne vie dans ces pages à un monologue qui ne devient dialogue que dans les dernières lignes, le seul endroit où le psychanalyste prononce ses mots, dix dans tout le livre : « Alors (le Docteur a dit). Peut-être que maintenant nous aurions pu commencer. Non?" (.
le monde, dans la vision manichéenne qui prévaut dans la maison Portnoy, est partagé entre juifs et goyim (non-juifs). Ces derniers, il va sans dire, incarnent l'anti-modèle par excellence aux yeux de leurs parents. Ce sont eux que Dieu punira pour leur conduite immorale et pour avoir transgressé des interdits absolus comme manger des homards. Cependant, il convient de répéter que la satire juteuse de Rothian pointe vers une forme mentale qui infecte ceux qui entrent en contact avec elle et assure le développement de névroses insidieuses. Une religion n'est pas attaquée : elles sont toutes visées, quoique de manière moins insistante, dans la mesure où elles appuient leur main sainte sur l'individu, limitant sa liberté : « Écoutez, je ne crois pas en Dieu et je ne crois pas croire en la religion juive ou en toute autre religion. Ce sont tous des mensonges », et plus loin on lit : « Je méprise les Juifs pour leur étroitesse d'esprit. Pour l'ostentation de leur droiture […] mais lorsqu'il s'agit de criarderie et d'ostentation, des croyances qui feraient honte même à un gorille, il est pratiquement impossible d'atteindre les niveaux des goyim. "
Même la psychanalyse, n'échappe pas à l'ironie de l'écrivain. le langage déformé du médecin suggère peut-être une issue pas tout à fait rose de la thérapie dont tout le roman est le monologue préparatoire.
Pour garantir des polémiques sans fin et, en même temps, un succès enviable auprès du public était l'utilisation de termes et de descriptions à la limite, et au-delà, de la pornographie. le jeune Alexandre anticipe la sexualité à venir en se consacrant, dès la première puberté, à des activités onanistiques épuisantes, agréables échappatoires aux contraintes quotidiennes. Les rêves de pénétration se matérialiseront dans des « rapports sexuels » improbables avec des steaks ou des pommes, et le sexe sera alors conçu comme une forme mixte de vengeance et de liberté.
« Pourquoi aurais-je si honte d'être, comme on l'appelait honorablement il y a des années, un célibataire ? En gros, tout se résume à ceci : le célibat. Quel est le crime? Liberté sexuelle ? de nos jours? Pourquoi devrais-je m'incliner devant les bourgeois ? Est-ce que je lui demande de s'incliner devant moi ? […] Je suis, si je puis dire, un homme honnête et sensible ; à en juger par l'homme moyen, je suis... Mais pourquoi dois-je me justifier ? Pardon! Pourquoi dois-je justifier mes envies avec Honnêteté et Sensibilité ? J'ai juste des envies...
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Que reproche-t-on à ce bon Alexander Portnoy ? D'être un mâle viril qui use et abuse de son corps en performances sexuelles nombreuses ? de ne pas être un bon fils de famille, au sens où il n'est ni un père aimant ni un mari dévoué et fidèle ? Publié sous la forme d'une longue introspection psychanalytique, le roman de Philip Roth évoque le parcours d'un homme dont l'éducation juive et la société américaine rejettent les aspirations intérieures profondes.

La vie d'Alexander Portnoy est traversée par trois personnages principaux : sa mère, Sophie Portnoy ; sa compagne, Mary Jane Reed, surnommée le Singe à cause d'une anecdote sexuelle ; son propre sexe, qui gouverne littéralement sa vie. Avec sa mère, le petit Portnoy a les rapport qu'entretient un petit garçon, puis un adolescent, enfin un jeune adulte avec son ascendance : profonde attirance, émerveillement devant les capacités hors-normes de ladite mère, puis affranchissement et honte, enfin tendresse et distance face à cette mère qui pense toujours à son fils comme à son bébé. L'éducation, naturellement, ne repose pas que sur la mère. le père, représentant en assurance, mène une carrière difficile dans des quartiers qui ne le sont pas moins. Ces parents, qui vouent à leur fils une adoration due à sa beauté et à son intelligence, se désespèrent aussi de ses moindres écarts avec la bonne conduite à tenir et ne cessent de lui rappeler ce qu'il convient de faire. Cette éducation marque durablement Portnoy, dont la frénésie sexuelle s'accorde mal avec les préceptes d'une éducation juive plutôt rigoureuse.

Le Singe, ou plutôt Mary Jane Reed, représente pour Portnoy un dilemme social. En effet, cette jeune femme est capable de prouesses sexuelles qui contentent largement Portnoy. Mais cette immoralité propre à l'exciter, conjuguée à un niveau intellectuel jugé largement insuffisant par celui qui travaille dans l'équipe du maire de New York, ne peut déboucher sur un amour véritable et, donc, sur le mariage tant désiré par la société américaine et par ses parents. C'est d'ailleurs ce goût immodéré pour le sexe féminin qui empêche Alex D envisager sérieusement de se marier, et donc de ne plus connaître qu'une seule femme pour le reste de sa vie.

Sa verge, donc, dicte le sens de sa vie à Alex Portnoy. Une verge qu'il a découverte, adolescent, toujours gonflée, raide, insatiable, et qu'il tâchait de contenter matin, midi et soir, dans sa chambre, dans sa salle de bain, au milieu des culottes de sa soeur aînée, dans le bus scolaire à côté d'une camarade endormie. Entre ce moi profond, représenté par une verge vaillante et très souvent mise à contribution, et l'éducation stricte donnée par ces parents au fin fonds du New Jersey, Portnoy est tiraillé. Tout s'emmêle dans son esprit, et l'écriture de Philip Roth rend bien cette imbrication intime (en passant d'une anecdote à une autre d'un simple retour à la ligne) entre les aspirations d'un individu - aussi triviales soient-elles - et celles qui lui ont été inspirées par sa famille, son milieu social et la société dans laquelle il vit. Car Alexander Portnoy n'est pas qu'un jeune élève brillant et un haut fonctionnaire de la ville de New York, il est aussi juif, et cela est une problématique de plus à prendre en compte dans l'établissement de cette identité décidément déstabilisée. En effet, Alex semble n'aimer que des shikses, des femmes non-juives lorsque son destin devrait le détourner des goyim même si, le quartier de Weequahic dans lequel vivent les Portnoy pourrait le jurer, il n'y a pas plus Américains qu'eux.

Voilà donc un homme qui semble avoir coché toutes les cases de l'ascension sociale et d'une vie réussie, et qui pourtant, à cause de son désir sexuel, est encore célibataire à 33 ans, se démenant entre des parties de jambes en l'air avec le Singe, des expériences plus ou moins perverses avec des prostituées à Rome, d'autres expériences lamentables avec une jeune juive d'un kibboutz israélien et des séances de masturbation frénétiques. Tragédie peut-être, mais relatée avec un humour féroce. Cette férocité n'est finalement que la réponse d'un homme qui, tout en acceptant partiellement les codes d'une société et d'une éducation donnée, ne peut y répondre entièrement sans se nier tout à fait lui-même. L'homme noyé dans le groupe n'est plus lui-même. Ainsi peut-on voir l'épisode, presque final, de la tentative désespérée d'Alex Portnoy de demander en mariage la jeune juive du kibboutz. En Israël, Alex est un juif parmi d'autre, l'équivalent d'un WASP, comme il le dit lui-même. La jeune femme, ressemblant physiquement à sa mère, semble surpasser moralement Alex. Dernier secours, la psychanalyse est une confession et l'aveu que fait un homme d'être au pied du mur. Central par sa position sociale, marginal par ses attitudes amoureuses, Portnoy est à la fois fier et misérable, vivant sinon libre.
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Comment devenir un grand avec une mère juive, un père constipé et les culottes de sa soeur dans le linge sale ? Je n'ai pas pu m'empêcher tout au long du livre de voir Roth en Portnoy et ainsi de pouvoir répondre à ma question : c'est le miracle de la vie car cela fait un grand écrivain, un que l'on ne lit pas pour ses récits mais simplement pour lire ce qui est écrit. Et puis la dernière phrase est elle-même un chef d'oeuvre mais je ne vais pas la citer car il faut la lire après avoir lu Portnoy et son complexe en entier.
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Dire quoi de plus sur ce roman fondateur d'un grand écrivain américain. Je ne l'avais pas lu, j'en ai lu d'autres, plus récents, plus verbeux mais celui-là ! Je comprends le scandale qu'il provoqua à l'époque et je pense qu'il provoquerait aujourd'hui aussi un grand tintamarre mais pour d'autres raisons.
Parler de cul ne gêne plus personne aujourd'hui mais parler des juifs de cette façon, ce n'est plus autorisé même si on l'est soi-même, je ne sais pas mais l'étroitesse d'esprit qui prévaut chez certains me fait douter.
La charge contre la famille juive est redoutable, d'autant plus qu'elle est drôle. Ils sont juifs, ils pourraient être n'importe quoi, ce serait tout aussi risible mais...rire de ces gens vingt ans après la guerre, rire de leur minuscule vie quotidienne laisse à penser que, s'ils ont été persécutés, c'est qu'ils l'ont bien cherché. Roth le mentionne, cette façon de courber l'échine, face contre terre et...lâche, mot terrible. Je peux, moi, difficilement écrire cela, sans être soupçonné d'antisémitisme aujourd'hui. Il rend service à ses coreligionnaires en dénonçant habilement une insupportable fatuité, suffisance du peuple élu.
Et moi, dit-il, je ne crois pas à toutes ces bêtises !
La justification de ce sentiment de supériorité s'effondre sous les coups de boutoir de ce fils iconoclaste, obsédé sexuel et jouisseur impénitent, brisant ainsi la pénitence de tout un peuple.
A lire ou re-lire.
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Portnoy est chez son psy.
Il a tour à tour 4, 16 ou 35 ans. Il crache sa bile, son amour et sa détestation de la médiocrité du monde. Qui l'a fait tel qu'il est. Et qu'il abhorre. Portnoy s'écorche mot à mot, phrase après phrase, dans un cri de rage.

Alors tous y passent. Son père, sa mère, sa soeur, l'institution familiale (juive, bien évidemment) dans un jeu de massacre sans fin. La bêtise crasse, les mesquineries, l'étroitesse d'esprit, les carcans mentaux, la perversion et la méchanceté de personnages implacables sont éviscérés dans une diatribe ininterrompue, logorrhée verbale, exécration diarrhéique.
Il y a une jouissance de la profération, les points d'interrogation n'ont jamais autant résonné que dans cette éructation libératrice. Portnoy et son complexe ou de l'écriture utilisée comme un lance-flamme.

Dévoré par ses pulsions sexuelles, une libido qui ne demande qu'à déborder, ainsi la joie de la masturbation (hilarant épisode de l'ampoule), Portnoy est un moderne Kafka qui aurait enfin trouvé le chemin du psychanalyste.
Mais surtout, bien plus que la dénonciation, Philip Roth donne à entendre une voix, la singularité d'un être en quête éperdue de libérté.
Si Vipère au poing était un cri haineux contre la Famille et crachait le chagrin et la colère de l'enfance sans amour, Portnoy, en revanche, dit quelque chose de la solitude de l'adolescence en général et de l'identité masculine en particulier (il n'y a que le Virgin Suicides de Sofia Coppola qui ait ausculté avec autant d'acuité, quoique à l'autre bout du spectre des émotions, l'âme des garçons).
Très écrit, le texte de Roth est cependant fait pour être déclamé. A plusieurs reprises le lecteur est tenté de lire à haute voix. Dès qu'il est énoncé, le texte laisse entendre la musique de la littérature, dans sa fiévreuse et impérative nécessité.
Lien : http://leslecturesdecyril.bl..
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Cet article a été publié sur : http://souslevolcan.over-blog.com/

« Drôle et émouvante variation sur le thème du sexe, de la culpabilité et des origines » pourrait-on lire sur l'affiche du film tiré de cette histoire. C'est la fièvre sexuelle de son enfance que Philip Roth exploite pour nous dévoiler l'être intime d'un homme contemporain. Sa confession insiste sur les émois libidineux du héros enfant en compagnie d'une tranche de foie de veau ou d'une bouteille de lait au goulot graissé, et nous fait hurler de rire devant l'appréhension néanderthalienne de ses parents pour tout ce qui touche l'ailleurs, les autres et la transgression des interdits de sa religion. Mais le rire ne serait pas si plein et salvateur s'il n'était pas le miroir personnel du désarroi et de la souffrance du narrateur pour qui la peur du grotesque occupe une place plus importante que la peur de Dieu.
Les premières pages traitent des problèmes de constipation du père, c'est l'occasion d'admirer l'affection comique avec laquelle le narrateur va considérer ses parents tout au long du livre. Tendresse et culpabilité. le regard du héros sur les conditions d'existence du milieu juif des années cinquante en Amérique vaut son pesant de causticité et de tendresse, il dessine avec pertinence un monde révolu, la stratification religieuse, la stratification morale dans un panégyrique tout à la gloire de sa transformation en homme du siècle. Il est l'enfant tourmenté par son désir, il est l'enfant tourmenté par le monde des gentils. Il est le témoin de la corruption de la réalité, mais la corruption de son monde viendra d'un au-delà plus puissant que la simple trahison à son clan, la trahison à lui-même, car la femme qu'il aime le plus lui est un amour impossible par le seul jeu des conventions sociales (elle est stupide et illettrée), et le long monologue à son médecin qui est le prétexte au récit n'est que la recherche du sens. Philip Roth nous livre une réflexion sur le fait d'être un juif dans le monde, sur le fait d'être un homme. Sa visite finale en Israël achèvera de le convaincre qu'il est étranger partout, même au pays des juifs, parce qu'il est surtout étranger à lui-même et à sa vie.
Un livre brillant et drôle (je ne compte pas les éclats de rire digne d'un bon spectacle de stand-up), une pépite, une pépite !


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Quel roman! L'écriture est incroyable, ce texte est composé de longues phrases avec des digressions, typiques de la pensée. Ce n'est pas évident de retranscrire à l'écrit une pensée, un monologue qui se déroule, mais ici c'est parfaitement maîtrisé. le personnage principal est attachant malgré sa névrose, son obsession crue et perturbée pour son sexe. Il observe l'Amérique avec un regard cynique, tout y passe, les femmes, les hommes, les Noirs, les intellectuels etc. Mais surtout les Juifs et lui-même. C'est très drôle! Enfin, si l'on comprend que ce roman est imprégné de second degré... ! D'ailleurs, je ne sais pas si aujourd'hui, à l'ère de la "cancel culture", ce texte serait publié. En ce qui me concerne ce roman m'a beaucoup impressionnée et je n'hésiterai pas à lire d'autres textes de Philip Roth.
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Les choses sont simples: Alexander Portnoy est un obsédé sexuel. Adolescent, il pratique l'onanisme à une fréquence vertigineuse, et adulte, il ne voit dans les femmes que des êtres destinés à assouvir ses fantasmes. C'est, le plus souvent, ce que l'on retient de ce livre. Il y a pourtant aussi ceci: plutôt dans la première partie du livre (Alexander est enfant), la description de l'ambiance gentiment oppressante d'une famille juive, d'une mère possessive, comme on en a connues avec Albert Cohen ou Romain Gary, par exemple. Cette partie est spirituelle, légère et plaisante. Viennent ensuite les performances sexuelles du jeune homme: passons. Et enfin les considérations fumeuses et, il faut le dire, assez ennuyeuses, de l'homme embarrassé par sa culture juive, révolté contre les religions, y compris la sienne, et qui, s'il ironise sur la platitude et la médiocrité de la vie des autres (ceux qui se marient, qui ont des enfants, une belle maison et une bonne auto), se rend compte de la vacuité de sa propre vie et de l'impasse qu'il a choisie en centrant toutes ses préoccupations sur les choses du sexe, en méprisant les hommes, et en refusant sa considération aux femmes.
Quel bilan? Outre la curiosité d'un livre au thème et aux propos choquants - écrit il y a presque 50 ans - , et que l'on lit parce qu'il faut l'avoir lu, il ne reste pas grand chose. Philippe Roth a été reconnu pour l'ensemble de son oeuvre, certainement à juste titre. En tout cas, il a fait, fort heureusement, beaucoup mieux que ce Portnoy, je pense notamment à Nemesis.
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Kid-la-Gale, M. Crache-Sa-Bile, artiste en branlette, Shlemiel, voilà un échantillon des noms d'oiseau qu'Alexandre Portnoy, 33 ans, a essuyé jusqu'ici.
Ecrit comme une confession à son analyste le narrateur conçoit ce texte comme une catharsis, un acte libératoire de sa jeunesse juive pleine d'interdits et de souffrance et des improbables conquêtes féminines qui ont suivi.
Sa jeunesse est marquée par une appétence sexuelle hors du commun. Une culpabilité auto-destructrice due à une mère juive abusive, un père borné, « producteurs et stockeurs de culpabilité les plus ingénieux de notre époque» à une religion juive honnie dont la haine emporte avec elle toutes les religions.
C'est un acte libératoire car il y a surenchère verbale permanente, vociférations provocatrices. La brillante réussite scolaire et professionnelle ne viendra pas apaiser les douleurs du jeune homme.
Narration très dense sans un moment de répit, sans pause, on poursuit la lecture éprouvante car il y a dans ce texte un souffle qui emporte. Néanmoins on arrive à la fin avec soulagement et je ne suis pas certaine que j'aimerais voir une adaptation filmée de tels ravages.
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Je n'ai pas eu une bonne idée de vouloir aborder Philip Roth par ce livre. Un professeur de littérature américaine (j'ai depuis relativisé la qualité de son cours sommaire) m'avait détourné de Roth, il préférait Saul Bellow, trouvant Roth en dessous. Néanmoins, sensible aux dithyrambes dans les médias à son décès, je me suis décidé pour le livre qui l'a propulsé sur la scène littéraire, aiguillonné par la difficulté de le trouver disponible dans les bibliothèques de la ville (Liège).

"Portnoy et son complexe" (1967) est une satire du milieu juif américain dans lequel l'auteur a grandi dans les années 1960. Il s'agit d'un monologue lucide et féroce en présence d'un psychanalyste, le docteur Spielvogel. Portnoy est un Juif dans la trentaine, bourré de complexes et d'obsessions. Il dépeint de manière caricaturale les stéréotypes de la communauté juive de l'époque : extravagance, possessivité des mères, soumission des enfants et des maris, la volonté de maintenir la famille au sein de la communauté, une forme de racisme envers les non-juifs.

Excessivement couvé par une mère envahissante et futile, navré par un père constipé chronique, Alex Portnoy développe en réaction une sexualité débridée qui pulvérise les dogmes et les préjugés. Sans pudeur, il dévoile les aspects paillards et sexuels de son psychisme. La litanie de ses moeurs, exutoire auquel il semble prendre un plaisir salutaire, n'empêche pas la honte d'une sexualité débordante qu'il trimbale du début à la fin du livre. Tenaillé entre tendresse et animosité envers les siens, entre ses besoins charnels et la culpabilité du surmoi (le petit garçon poli et bon élève), Portnoy crie ses tiraillements au fil des pages.

Le flot des mots est furieux et talentueux. Densité démesurée de points d'exclamation, d'incises et de termes juifs (lexique en fin de volume). Pétillant mais un peu étourdissant. Jamais sordide.

Les cent premières pages, on se réjouit et sourit beaucoup du culot de Roth, du sexe sans pincettes et des astreintes étouffantes de la famille juive. Au-delà, le ton impétueux persiste avec la redite des mêmes emportements et remords, les femmes goys se suivent avec l'impossibilité de s'attacher, d'aimer au-delà des étreintes et caprices libidineux plus ou moins sophistiqués. Une lectrice écrivait sur Babelio avoir hâté la fin de sa lecture, lassée de "Portnoy et son schlong". J'avoue avoir eu tendance à faire de même – ôtez donc cent pages à ce livre! – en espérant retrouver prochainement un Philip Roth moins turbulent. Sans dénier le cynisme vigoureux et cocasse dont fait preuve le provocant Alexandre Portnoy pour dénoncer les tabous.

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