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EAN : 9782381410043
48 pages
Editions Sillage (26/10/2020)
4.06/5   24 notes
Résumé :
James Joyce, dans une lettre à sa fille datée d’avril 1935, écrivait qu’il tenait Ce qu’il faut de terre à l’homme pour « la plus grande histoire jamais écrite ».

Dans ce conte fantastique sur la cupidité et la vanité des désirs humains, Tolstoï raconte comment un paysan russe trop ambitieux voit tout à coup ses projets étrangement favorisés par le Diable...

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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Ce court texte pourrait être un conte : deux soeurs que tout oppose, l'une vivant en ville, l'autre vivant à la campagne, et l'intervention du diable qui va faire naître la jalousie, et l'envie - ce qui est, d'ailleurs, un pêché capital. Cela pourrait être aussi une fable, avec une morale. J'ai pensé à la Grenouille qui voulait se faire plus grosse que le boeuf - je ne sais pas toutefois si Tolstoï connait La Fontaine.
Mais l'idée est la même : un paysan qui vit de ses terres de façon correcte veut avoir de plus en plus de terres pour être plus à l'aise. Mais l'appétit vient en mangeant, le désir de richesse avec la richesse... Et comme la grenouille, cet homme va enfler, enfler, jusqu'à en crever.
Ce que j'ai particulièrement aimé, ce n'est pas forcément cet aspect de l'intrigue qui n'est pas d'une grande originalité, mais la description du peuple des steppes, peu évoqué me semble-t-il dans les romans russes classiques. Cette description est presque ethnographique, c'est un peuple différent, par ses moeurs, son mode de vie, mais qui apparaît finalement plus sage que le paysan russe.

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Pakhom, un moujik russe, doit régulièrement payer des amendes à une propriétaire terrienne car son bétail va paître sur ses terres à elle. Ladite propriétaire envisageant de vendre ses biens, les moujiks se rassemblent afin de lui demander de leur en réserver les terres, Pakhom en souhaitant une partie pour lui et sa famille. Pour se faire, il vend lui-même quelques biens et loue son fils pour des tâches de ferme. Pakhom obtient un terrain mais déchante vite : un matin, tous ses tilleuls ont été coupés. C'est alors qu'il entend parler d'un lieu lointain et paradisiaque où le travail de la terre rapporte énormément en peu de temps. Voulant s'émanciper et gagner gros, il se lance dans l'aventure.

Arrivé sur place, il demande un contrat légal afin d'obtenir une grande surface de terre, mais ce que les autochtones lui proposent est on ne peut plus étonnant : « Tu partiras d'un endroit que tu choisiras. Nous y resterons, tandis que tu feras le tour. Nos garçons te suivront à cheval et, là où tu l'ordonneras, planteront des jalons. Puis, d'un jalon à l'autre, nous tracerons un sillon avec la charrue. Tu pourras englober autant de terre que tu voudras. Seulement, sois revenu à ton point de départ avant le coucher du soleil. Tout ce dont tu auras fait le tour sera à toi ».

Cette brève nouvelle de 1886 pourrait être aisément classée parmi les contes de TOLSTOÏ. Elle est écrite de manière légère et détachée, mais pour mieux faire passer un véritable message social, condamner la vanité, la cupidité, la soif d'argent, de pouvoir. Tout en recensant brièvement certaines lois alors en cours pour la paysannerie ainsi que les croyances ancestrales (apparition du Diable en rêve), TOLSTOÏ s'applique à appuyer son propos derrière une apparente candeur. « Ce qu'il faut de terre à l'homme » fait partie de ces petits chefs d'oeuvre qui, en quelques dizaines de pages, vous assène un coup de pied monumental dans le fondement. Ce conte peut être vu comme une sorte de revendication « proto-décroissante » déterminée, la dernière phrase vous cueille à froid et vous cimente. A-t-on fait aussi fort dans un format aussi bref ? Je n'en suis pas persuadé. James JOYCE voyait en ce texte « La plus grande histoire jamais écrite ».

Le moujik Pakhom (c'est d'ailleurs sous ce titre que le texte apparaît parfois dans des recueils) est de ces hommes vils qui pourraient être les exemples parfaits des premiers capitalistes du XIXe siècle : « Une heure à souffrir, un siècle à bien vivre » en profitant naturellement du travail des autres. Derrière une sorte d'allégorie, son personnage est loin d'être caricatural, même s'il est difficile de le développer en si peu de pages (40, et encore l'aération est de rigueur). Après avoir donc paru dans de nombreux recueils (il a cependant été jadis plusieurs fois disponible seul en monographie), après avoir été adapté avec talent en bande dessinée par Martin VEYRONCe qu'il faut de terre à l'homme » en 2016, voir la chronique en ces pages), après avoir même été adapté de fort belle manière en album pour tout petits par Annelise HEURTIER et Raphaël URWILLER sous le titre « Combien faut-il de terre à un homme ? », il est de nouveau disponible dans sa version originale, avec la première traduction française, celle d'Ély HALPÉRINE-KAMINSKY publiée la même année que la rédaction du texte en 1886. Cette réédition de 2020 est due aux éditions Sillage, spécialisées dans les publications de vieux textes parfois oubliés et appartenant au domaine public. Allez faire un tour sur leur site, il renferme quelques petits bijoux, notamment en littérature russe. Ce texte inoubliable et écrit simplement est un ravissement de bout en bout, d'une puissance rare pour un format aussi court.

https://deslivresrances.blogspot.com/

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Ce qu'il faut de terre à l'homme.
Conte écrit en 1886, année de la Mort d'Ivan Illiitch où l'on mesure toute la puissance du style de l'écrivain ici d'une simplicité merveilleuse. Une dimension philosophique et morale sous-tend ce texte, on peut parler de parabole.

Le décor est planté dès le premier chapitre, on sait que Pacôme le paysan a un problème à régler avec le diable dont il s'est moqué en prétendant qu'avec plus de terre à cultiver il serait plus fort et ne craindrait personne y compris le diable. Dans ce même chapitre, on reste sur une divergence quant à l'appréciation de la vie à la ville et de la vie à la campagne par deux soeurs, l'une est citadine, l'autre paysanne qui n'est autre que la femme de Pacôme ..

Ce texte a été traduit en France pour la première fois en 1890 par B. Tseyline et E. Jaubert, Paris
Les éditions Ressouvenances ont replié ce texte en Janvier 1985.
On en a reparlé en 2016 à l'occasion de la sortie de la BD de Martin Veyron reprenant avec fidélité le thème de Tolstoï et qui a connu un franc succès
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L'herbe est-elle réellement plus verte ailleurs ? Et l'homme ne peut-il se contenter de ce qu'il possède ou doit-il saisir toute opportunité d'avoir plus ?

Dans ce court récit, Léon Tolstoï questionne le désir de l'homme et sa capacité à se contenter de ce qu'il possède. Tenté par le diable, un paysan se voit proposer de devenir propriétaire de terres toujours plus grandes, lui assurant toujours davantage de profits. Mais ces opportunités ne sont-elles pas des leurres ? La soif de richesse de cet homme peut-elle être jamais satisfaite ?

Finalement, à travers ce récit court mais percutant, l'auteur nous appelle à la mesure. Comme tous les flux qui circulent dans notre corps, qu'il s'agisse d'air ou d'eau, l'important est d'assurer un équilibre et ne pas chercher l'ivresse bercée d'illusions qui pourrait causer notre propre perte.

L'écriture de Tolstoï nous imprègne dans la culture slave à travers ce récit intemporel que l'on s'imagine écouter autour d'un feu de bois crépitant.
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Incipit

"Il était une fois deux soeurs ; l'aînée était mariée à un marchand de la ville, la cadette à un paysan.
L'aînée vint de la ville pour visiter sa cadette à la campagne. Elle se mit à vanter son existence citadine. Elle raconta comme elle vivait largement : elle était proprement mise, habillait bien ses enfants, mangeait et buvait de bonnes choses et se rendait aux promenades ou aux théâtres.
La cadette en fut vexée. Elle se mit à rabaisser la vie des marchands et à vanter la sienne, celle d'une paysanne."

Ce conte fantastique, publié en 1886 sous forme de nouvelle nous fait réfléchir sur la cupidité humaine à travers le portrait désabusé d'un paysan russe.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Il était une fois deux soeurs, dont l'aînée était mariée à un marchand de la ville, et la cadette à un paysan de la campagne. Un jour, la citadine vint faire visite à la campagnarde, et lui vanta l'existence qu'elle menait à la ville ; elle vivait à son aise, elle était bien mise, ses enfants étaient bien vêtus, elle ne mangeait et buvait que de bonnes choses ; elle avait, pour se distraire, les promenades et les spectacles.

La cadette, touchée au vif, riposta en rabaissant l'existence d'une marchande, et en célébrant outre mesure la vie d'une paysanne, la sienne.

- J n'échangerais pas mon sort contre le tien, disait-elle. Notre vie est terne. Il est vrai, mais elle n'est pas empoisonnée par la crainte. Votre existence est plus agréable ; mais si parfois vous gagnez beaucoup d'argent, il vous arrive aussi de tout perdre. Et comme dit le proverbe, la perte est la grande soeur du gain. Riches aujourd'hui, vous êtes exposés à mendier demain. Notre vie, à nous autres paysans, est bien plus sûre. Le paysan a le ventre mince, mais long ; si jamais nous ne nous faisons riches, il nous reste toujours de quoi manger.

- Oui, répondit l'aînée, mais votre condition est de vivre avec les cochons et les veaux. Ton mari a beau s'épuiser de travail, vous ne connaîtrez jamais les belles manières ni les aises, nés dans l'ordure, vous y vivez et vous mourrez, comme y vivront et mourrons vos enfants.

- C'est que le métier le veut ainsi, répondit la cadette. Mais c'est pour cela que notre vie est plus stable, lorsque nous possédons des terres. Nous n'avons à nous humilier, à trembler devant qui que ce soit. Et que de tentations vous guettent à la ville ! Aujourd'hui, les affaires sont bonnes ; mais que le diable, demain, tente ton mari par le jeu ou la boisson, et c'est la ruine. Et c'est ce qui arrive souvent.

Assis sur le poêle, Pacôme, le mari de la cadette, prêtait l'oreille aux caquetages des deux femmes.

- Rien de plus vrai, opina-t-il. Occupés que nous sommes, dès notre enfance, à fouiller notre mère la terre, nous n'avons pas le temps de songer aux bagatelles. Notre seul ennui, c'est que nous n'avons pas assez de terre. Ah ! si j'en avais assez, le diable lui-même ne me ferait pas peur !

Les deux femmes prirent le thé, reparlèrent de toilette, rentrèrent la vaisselle et s'en furent dormir.

Or le diable, de derrière le poêle où il était tapi, avait tout entendu. Il était enchanté que la femme du paysan l'eût poussé à défier le diable, à déclarer bien haut que, s'il possédait de la terre à volonté, le diable lui-même ne lui ferait pas peur.

"A nous deux, songeait-il. Je t'en donnerai, de la terre, et c'est par elle que je viendrai à bout de toi"
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