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Serge Niemetz (Traducteur)
EAN : 9782253140405
506 pages
Le Livre de Poche (01/11/1996)
4.45/5   1420 notes
Résumé :
Le monde d’hier, c’est la Vienne et l’Europe d’avant 1914, où Stefan Zweig a grandi et connu ses premiers succès d’écrivain, passionnément lu, écrit et voyagé, lié amitié avec Freud et Verhaeren, Rilke et Valéry… Un monde de stabilité où, malgré les tensions nationalistes, la liberté de l’esprit conservait toutes ses prérogatives.
Livre nostalgique ? Assurément. Car l’écrivain exilé qui rédige ces «souvenirs d’un Européen» a vu aussi, et nous raconte, le form... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (152) Voir plus Ajouter une critique
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Comme j'ai souffert avec vous monsieur Zweig !

J'aurais aimé vous aduler tout entier, vous l'homme et l'écrivain. Mais ce fut impossible. J'ai détesté en vous l'homme.

Issu d'une grande famille viennoise juive, vous avez eu la chance de faire de longues études. Mais ça ne va pas, vous trouvez vos professeurs médiocres. Vous regrettez presque que vos parents n'aient pas connu la guerre, alors que vous en avez connu deux. Quand vous évoquez votre jeunesse, vous déplorez le manque de liberté sexuelle que votre génération a connu par rapport à la génération suivante.

Après avoir terminé vos études, vous voyagez en Europe surtout, mais aussi en Inde et en Amérique. Vos multiples voyages vous permettent de faire connaissance avec de nombreux artistes. Ce qui vous enchante. On sent bien chez vous une soif d'échanges intellectuels.

Quand la première guerre mondiale se déclare, vous êtes réformé. On ne sait pas pourquoi, vous ne nous en dîtes rien. Mais vous avez à coeur d'être solidaire avec ceux partis au front, alors vous trouvez une place comme archiviste dans les armées. A quoi en êtes vous réduit ? Enfin le côté positif est que cette place vous laisse du temps libre, vous pouvez alors songer à écrire. C'est ainsi que naît votre pièce de théâtre "Jérémy". Vous êtes pacifiste et par cet écrit, vous dénoncez l'absurdité de la guerre et de ses ravages. Vous nous informez vous-même que lors de la première guerre mondiale, les autorités des différents pays continuent à exporter leur culture. Votre pièce a la chance d'être sélectionnée par un théâtre suisse, donc vous avez la possibilité de quitter l'Autriche pour la Suisse. La bas, vous rencontrez des intellectuels de tous pays qui s'y sont réfugiés. Votre soif d'échanges peut ainsi continuer d'être assouvie. Vous retrouvez Romain Rolland à qui vous vouez une admiration sans borne et ce pauvre Guilbault, que vous évoquez avec une certaine condescendance, qui dit tout haut ce qu'il pense et finira presque à la potence.

Vous restez en Suisse une année, oui une année. Vous adorez tellement ce pays pour toutes ses richesses. Puis à la fin de la guerre, vous décidez après moult réflexions de rentrer au pays. Cette décision est difficile (tout le monde le comprend et tout le monde aurait aimé avoir ce choix) car vous savez qu'à nouveau vous allez rencontrer la guerre, enfin la suite de la guerre, c'est-à-dire la faim, le froid, les destructions mais aussi les vagabonds sur les routes, etc. Ce qui vous meurtrit beaucoup.
Lors de votre retour au pays, vous en profitez pour vous arrêter à Salzbourg. C'est là que vous avez acheté une maison pendant la guerre. Oui certains vont au front et d'autres achètent des maisons.

La paix est maintenant là, vous en profitez pour vous remettre à écrire et à voyager. le succès est au rendez vous. C'est lors de ses voyages, grâce a votre don d'observateur, que vous vous rendez compte que la paix est fragile et qu'il suffirait d'un rien pour que tout s'embrase à nouveau.
Vous décidez enfin de visiter la Russie où tous vos amis se sont déjà rendu, et là vous vous interrogez sur l'enthousiasme de certains d'entre eux car vous comprenez que le décor et les dialogues ne sont que copies de pièces de théâtre donnant illusions.

Vous avez maintenant 50 ans et vous faîtes le bilan de votre vie, très positif, vous le reconnaissez. Enfin, ce ton plaintif s'éloigne.
Vous brossez avec réalisme et précision la montée au pouvoir d'Hitler qui a su si diaboliquement se mettre d'accord avec tous les partis, toutes les tendances. Vous comprenez qu'il faut que vous quittiez votre patrie afin de conserver votre liberté. Vous vous rendez donc à Londres où vous vous taisez, n'osant contredire les Anglais aveugles sur le sort de l'Autriche.
Vous avez bien compris que la guerre est là, vous avez bien compris que l'Angleterre ne pourra plus se voiler la face au vu de la situation outre-atlantique. Et vous décrivez vos sentiments et votre situation de manière si intense, si sensible, si bouleversante qu'enfin monsieur Zweig, je me sens proche de vous et s'éloigne mon ressentiment vis à vis de votre personne.


Pardon ? C'est vrai, vous êtes fin observateur et vous remarquez parfois une certaine ironie dans le portrait que je viens de brosser. Oui, je le reconnais. Je n'ai pu supporter votre ton geignard, la façon de vous plaindre sans le dire vraiment. Vous êtes né avec une cuillère d'argent dans la bouche, vous observez le monde avec le prisme de votre statut privilégié. Je n'ai pas ressenti d'empathie envers les petites gens. On est bien loin de Pierre Michon (Vies minuscules) et de son petit peuple !
Bien sûr, votre éducation et votre milieu ne vous ont pas préparé à subir la guerre, à connaître les restrictions. Mais qui est préparé à l'enfer ?

Bon, quittons l'homme et passons maintenant à l'écrivain. Là, ma réaction est toute autre.
Vous êtes un excellent portraitiste de votre époque. Vos chroniques sur Paris, sur sa population, sur l'ambiance de la ville, par exemple, sont remarquables et très détaillées.
Vos écrits sur l'inflation galopante après-guerre et les conditions de vie (le marché noir par exemple) sont des pages excellemment bien écrites, riches de détails qui aident à comprendre le climat de l'époque.
Mais ce que j'ai par dessus tout admiré, ce sont vos rencontres avec les artistes. Les personnes que vous croisez et que vous admirez sont d'abord de vrais portraits et ensuite les échanges que vous entretenez avec elles sont riches de curiosité intellectuelle. On reconnaît bien là tout le bonheur, tout le respect et toute la frénésie intellectuelle que vous avez ressentis face à ces personnalités. Votre description du travail de Rodin est splendide. J'étais avec vous dans l'atelier, aussi muette que vous et observant l'artiste en plein travail, s'oubliant au monde. J'ai comme vous assisté aux entretiens de Gorki avec son visage animé et mimant les répliques qu'il vous faisait, lui qui ne parlait que le russe. J'ai participé auprès de vous aux joutes oratoires entre Shaw et Wells. Quelle puissante évocation, quelle précision dans ce duel littéraire ! Quel bonheur de lecture !


En fait, monsieur Zweig vous êtes un esprit. Entendez-moi bien, je ne parle pas de fantôme mais d'un pur esprit, d'une pensée pure. Et pour finir, je dois bien avouer que votre vision de l'Europe, bien avant-gardiste et qui ne relève pas d'une utopie, me prouve à quel point vous avez compris et cerné notre monde. Vous êtes, avant l'heure, un citoyen du monde (les pages concernant le passeport sont un vrai réquisitoire sur la liberté de circuler).

Difficile de conclure après tout ça ?
Et bien non pas vraiment. Je vais appliquer ce que vous recommandez vous-même et qui vous tient à coeur, vous qui ne supportez pas les intrusions dans votre vie privée. Je vais distinguer le nom de l'homme. Je vais oublier l'homme et m'attacher à votre nom. Je vais maintenant lire vos oeuvres car oui, monsieur Zweig, l'écrivain m'a éblouie.
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Merveilleux Stefan Zweig. Après avoir été éblouie par ses nouvelles et romans, époustouflée par ses talents de biographe, me voilà subjuguée par son livre-testament.

C'est en 1942 que Stefan Zweig envoie cette autobiographie à sa maison d'édition, le lendemain il met fin à ses jours avec sa jeune épouse au Brésil où ils s'étaient exilés. Quittant un monde qu'il ne reconnaissait plus, lui l'humaniste pacifiste d'origine juive qui a assisté impuissant à la « décadence morale » de sa génération après en avoir goûté le fruit d'une jouissive « élévation intellectuelle ».

Empli de lyrisme et de poésie ce livre est à la fois le testament de sa vie et celui d'un siècle confronté à de grands bouleversements. Zweig nous captive avec le récit de sa jeunesse, partage des souvenirs nostalgiques de sa Vienne natale flamboyante, de ses années d'études et d'une Europe où les arts et la culture étaient florissants. Grand voyageur, érudit, il a fréquenté les plus grands intellectuels, scientifiques et artistes de son époque de Freud à Rilke de l'intellectuel Romain Rolland au poète Émile Verhaeren en passant par Rodin pour ne citer qu'eux. le récit de leurs échanges est passionnant.

Le Monde d'Hier c'est l'Europe des années 1900 et celle des années folles, de la joie de vivre, de l'insouciance, de la sécurité.
Mais ce monde d'hier, aube du monde d'aujourd'hui, c'est aussi un lent glissement vers les partis politiques d'extrême droite qui vont éteindre son espoir dans le progrès, signer la faillite de la démocratie, la fin de l'unicité de l'Europe et la déchéance de la culture humaniste.
Observateur lucide de son époque Zweig est un témoin clairvoyant et désarmé de la montée du nazisme et de sa stratégie machiavélique pour contaminer même les esprits les plus sains. Son témoignage est saisissant.

Après avoir connu dans sa propre patrie la censure, avoir vu Vienne, paradis de son enfance, assombrie par l'Anschluss, désenchanté, apatride, il finit par s'enfuir en Amérique du Sud hanté par « l'échec de la civilisation ».

Le testament à la fois terrible et sublime d'un homme sensible qui a perdu foi en l'humanité.
Inoubliable chant du cygne ♥
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Rédigé en 1941 au Brésil, Stefan Zweig adresse à son éditeur, peu avant son suicide en compagnie de son épouse, le 23 février 1942, cet important témoignage d'une époque où en Autriche, toute sa génération est passée d'une période de pleine sécurité, d'une grande stabilité, à une période plongée dans l'horreur. C'est extrêmement émouvant de l'imaginer à sa table en train d'écrire, se retournant sur toute l'histoire de l'Europe comme sur sa propre histoire, afin de laisser derrière lui un témoignage d'une grande richesse historique.
Ce n'est pas son testament personnel, le lecteur ne trouvera pas de bribes de son intimité, de ses relations amoureuses, mais plutôt le testament de toute une époque qui va de 1895 à 1941 assorti de sa propre réflexion d'observateur, avec toujours cette merveilleuse écriture qui le caractérise.
Il part de sa période scolaire afin de mettre en évidence sa propre critique d'une période qui lui aura paru monotone, étouffante. Il ne garde pas un bon souvenir de ses enseignants qu'il a trouvé imbus d'eux-mêmes, ne cherchant nullement l'épanouissement de l'élève, mais plutôt sous une discipline de fer, à dompter les personnalités individuelles de chaque enfant. D'ailleurs, il est un élève moyen. C'est l'université, où il s'inscrit en philo, qui va lui apporter ce souffle de liberté auquel il aspirait tant.
Descendant par son père, d'une famille juive de Moravie, industriel qui a fait fortune dans le textile en Bohême, et par sa mère, d'une famille juive allemande, il pourra ne pas travailler et laissera son frère, Alfred, reprendre les rennes de l'entreprise familiale.

A cette époque, l'antisémitisme fait partie du décor. Emancipés depuis 1848 et ayant réussi leur ascension sociale, les juifs viennois font partie de l'élite brillante : ils occupent un tiers des professions libérales et représentent plus de la moitié des médecins et des avocats et trois quart des journalistes : ce qui leur vaut en retour rancoeur et inimitiés. D'ailleurs, à cet effet, les premières pages de son témoignage m'ont donné l'impression qu'il éprouvait le besoin de se justifier de sa judéité et d'expliquer son judaïsme éclairé.
Il dépeint très bien la Vienne d'alors. C'est un monde solide, tranquille, pérenne mais somnolent à l'image de l'empereur François-Joseph, monté sur le trône à 18 ans, en 1848. Et la jeunesse n'a pas sa place, la génération précédente ne lui fait pas confiance. Pourtant avec la nomination de Gustave Mahler, à moins de 40 ans, directeur de l'opéra impérial, un murmure d'inquiétude va parcourir Vienne. L'approche du nouveau siècle va réclamer un ordre nouveau et Vienne deviendra le centre d'un renouveau artistique dans le domaine des arts : peinture, littérature et musique.
Pourvu de son diplôme il va alors voyager, s'affranchir de son milieu familial. le lecteur va s'embarquer avec lui et rencontrer Théodore Herzl, Rainer Maria Rilke, Rodin, Romain Rolland, Verhaeren, Ratheneau, Gorki, Mussolini, Freud, et bien d'autres. C'est passionnant pour celles et ceux qui veulent en savoir plus sur cette période.
Zweig est un cosmopolite, il est modeste et doux, il aime l'Autre, ces voyages l'amèneront à rêver d'une Europe sans frontière, c'est un pacifiste, il ne comprend pas, au moment des guerres, pourquoi rejeter celui que l'on a aimé hier. Il n'aime pas les conflits, il les évite, il a besoin d'amour, d'amitié, peut-être dû au fait que la société viennoise de son enfance ne laissait pas de place aux enfants et évitait soigneusement toutes démonstrations d'affection. Enfin je ne sais pas ! Chaque individu est unique et différent. Mais un écrivain qui nous laisse « La Confusion des sentiments » ne peut être qu'un « écorché vif » un être qui a été cruellement atteint dans sa chair, dans son âme, un être qui comprend, est à l'écoute de l'Autre avec bonté, plein d'une compassion fraternelle et pour qui la création artistique devient la beauté du monde dans un monde qui part à la dérive et va droit vers la folie, l'horreur, l'insoutenable car en plus, il était clairvoyant.
Il évoque aussi sa manière d'élaguer ses textes, son besoin de perfection, comment il va droit au coeur de ses oeuvres.
A aucun moment je n'ai ressenti de lamentations, de nostalgie mais plutôt l'analyse des causes ayant entraîné une première guerre mondiale elle-même ayant engendré une deuxième guerre mondiale. Toutes ces atrocités sont devenues insoutenables pour cet homme pour qui j'ai une profonde affection.
Friderike Zweig, les larmes aux yeux, dira « Un homme qui aima profondément ses semblables ».
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Le Monde d'hier, livre testament autobiographique, débuté en septembre 1939, montre que Stefan Zweig en tant qu'écrivain juif autrichien, humaniste et pacifique, fut le témoin malmené d'une époque sismique.

Stefan Zweig qui débute son récit par Vienne aux temps heureux, avant la grande Guerre, quand la ville était tournée vers la création artistique la plus exigeante. Un dynamisme culturel soutenu par la bourgeoisie juive fortunée, polyglotte et cultivée dont Zweig faisait partie avec ses amis, tous assoiffés d'un renouveau artistique mais attachés à un conservatisme politique.

Une situation politique et sociale en apparence immuable bientôt bousculée par l'apparition d'un parti socialiste autrichien auquel s'opposent un parti chrétien-social, petit bourgeois et antisémite, et plus anti juif encore, un parti national-allemand agressif, dont Hitler devait reprendre les méthodes brutales et la théorie raciale antisémite : « La saloperie c'est la race ».

A l'époque Zweig, étudiant en philosophie, n'est pas encore sensible à ce danger émergent. Il commence à publier et est heureux de cette reconnaissance. Mais la découverte de Berlin de ses idées nouvelles et de son atmosphère épicée le poussent à se remettre en cause ; il décide de « commencer par apprendre du monde ce qu'il a d'essentiel ». Il traduit Baudelaire, Verlaine, Keats, voyage en Europe, en Inde en Amérique en Afrique, découvre Émile Verhaeren dont l'enthousiasme pour le monde moderne le fascine, devient l'ami de Paul Valéry, Romain Rolland, Rilke, qu'il admire profondément, et de tant d'autres.

Une curiosité et une quête intellectuelles qui ne se démentiront jamais au cours de sa vie. Mais si Stefan Zweig témoigne de joies incomparables, de rencontres et de lectures merveilleuses, de voyages oh combien enrichissants, qui furent les siens pendant cinquante ans, les ouragans du monde, avec le gâchis de 1914, l'effondrement de l'empire austro-hongrois, les épouvantables régimes nationalistes et le sort inique qu'ils ont réservé aux juifs, auront raison de tout cela, et par conséquent de son envie de vivre. Et c'est assez émouvant.

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Dans le monde d'hier, Zweig évoque ses souvenirs, de façon d'autant plus poignante qu'il les rédige, après le suicide de son ami Freud à Londres, avant que la situation politique concernant les juifs ne dégénère. Sa femme Lotte Altmann a tapé à la machine le texte certainement remanié, et envoyé le manuscrit à New York, par courrier.

Un jour avant qu'ils ne se suicident, ensemble.

Ces souvenirs d'un des très grands écrivains du XX siècle, pourrait être perçu comme la nostalgie d'un monde révolu : la sérénité, la liberté d'esprit et le bonheur de grandir dans cette Vienne où les gens dansent, où la sécurité règne.
Pourtant, Zweig est trop intelligent pour dresser un monde où tout était parfait.
Il présente le tableau de cette bonne bourgeoisie juive à laquelle il appartient. Disant cela, il écarte définitivement les futurs (même s'il est mort) critiques lui opposant que le peuple viennois de la fin du XIX siècle ne partageait pas ce sentiment de sécurité.

Voici donc son testament, témoin de son évolution intellectuelle, de sa pensée, concernant la liberté, la naïveté de croire en un monde toujours pareil, et nous nous devons de le lire comme tel, avec sa prise de conscience que les changements ont au départ été bénéfiques : l'école reproduisait un ensemble de valeurs rétrogrades, rigoristes, le mépris de la jeunesse et de la liberté d'esprit.
En réaction, les jeunes se tournent vers la poésie, dont Rilke, alors que le mouvement national socialiste perpétue, ou renouvelle, la brutalité et l'intolérance. Intolérance par rapport à la sexualité, où l'hypocrisie règne : il y a des bordels, à la seule condition de ne pas en parler. Les femmes «  normales », elles, n'ont pas de sexualité, ne doivent pas en avoir.
Puis, après l'Université, Zweig voyage, avec les moyens octroyés par son milieu : Paris, Bruxelles, Londres, New York sont les endroits de sa rencontre avec les autres écrivains, Verhaeren, Romain Rolland et artistes : Rodin. Goethe, restant son modèle.
En Inde, il rencontre un monde pétri d'inégalités, s'appuyant sur la race. Des jeunes filles élevées à Lausanne et Londres, mais filles métisses d'une Française avec un commençant indien, ne sont pas admises dans les bals organisés dans le bateau. Prolégomènes du nazisme, pense Zweig.

Qui continue de voyager, tout en méditant sur son statut d'apatride, puisqu'il a voyagé au départ comme fils de famille intellectuel, puis il se trouve sans patrie, la montée du nazisme, qui se termine dans son dernier chapitre par «  incipit Hitler » l'empêche de rentrer à Vienne et le force à s'exiler au Brésil. « L'apatride se trouve en un nouveau sens libéré, et seul celui qui n'a plus d'attache à rien n'a plus rien à ménager. »

Zweig relève aussi le paradoxe de la judéité dont on subodore que la richesse constitue le plus fervent désir et capacité.
« Rien n'est plus faux. La richesse n'est pour lui (le juif) qu'un degré intermédiaire, un moyen d'atteindre son but véritable, et nullement une fin en soi. La volonté réelle du Juif, son idéal immanent, est de s'élever spirituellement, d'atteindre à un niveau culturel spirituel supérieur ». Paradoxes de la pensée, écrits avec une élégance particulière, brillant testament sur ce monde qui n'existe plus.
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critiques presse (1)
Elle
16 avril 2024
Depuis que la série « La Fièvre » l’a remis au goût du jour, « Le Monde d’hier », de l’écrivain autrichien, connaît un regain de succès pour ses accents étonnamment visionnaires.
Lire la critique sur le site : Elle
Citations et extraits (284) Voir plus Ajouter une citation
Au cours de ces heures passées en sa société, j'avais souvent parlé avec Freud de l'horreur du monde hitlérien et de la guerre. En homme vraiment humain, il était profondément bouleversé, mais le penseur ne s'étonnait nullement de cette effrayante éruption de la bestialité. On l'avait toujours traité de pessimiste, disait-il, parce qu'il avait nié le pouvoir de la culture sur les instincts ; maintenant - il n'en était, certes, pas plus fier - on voyait confirmée de la façon la plus terrible son opinion que la barbarie, l'instinct élémentaire de destruction ne pouvait pas être extirpés de l'âme humaine.
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Nous autres jeunes gens, dans le cocon de nos ambitions littéraires, remarquions peu de chose de ces dangereuses transformations dans notre patrie ; nous n'avions d'yeux que pour les livres et les tableaux. Nous ne prêtions pas le moindre intérêt aux problèmes politiques et sociaux. Que signifiaient dans notre vie ces violentes querelles ? La ville s'agitait à l'approche des élections, et nous allions dans les bibliothèques. Les masses se levaient, et nous écrivions et discutions des poèmes. Nous ne voyions pas les signes de feu inscrits sur le mur et, inconscients comme jadis le roi Balthazar, nous nous gorgions de tous les mets délicieux de l'art, sans jeter vers l'avenir des regards anxieux. Et c'est seulement lorsque, des dizaines d'années plus tard, toits et murailles s'effondrèrent sur nos têtes que nous reconnûmes que les fondations étaient depuis longtemps sapées, et qu'avec le siècle nouveau avait débuté la ruine de la liberté individuelle en Europe.
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Mais peut-être une puissance plus profonde, plus mystérieuse, était-elle aussi à l’œuvre sous cette ivresse. Cette houle se répandit si puissamment, si subitement sur l’humanité que, recouvrant la surface de son écume, elle arracha des ténèbres de l’inconscient, pour les tirer au jour, les tendances obscures, les instincts primitifs de la bête humaine, ce que Freud, avec sa profondeur de vues, appelait « le dégoût de la culture », le besoin de s’évader une bonne fois du monde bourgeois des lois et des paragraphes, et d’assouvir les instincts sanguinaires immémoriaux. Peut-être ces puissances obscures avaient-elles aussi leur part dans cette brutale ivresse de l’aventure et la foi la plus pure, la vieille magie des drapeaux et des discours patriotiques — cette inquiétante ivresse des millions d’êtres, qu’on peut à peine peindre avec des mots et qui donnait pour un instant au plus grand crime de notre époque un élan sauvage et presque irrésistible.
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Et quand nous rencontrions une de ces hordes enrubannées, nous tournions prudemment au coin de la rue ; car à nos yeux, à nous pour qui la liberté individuelle était le premier des biens, ce plaisir puisé dans l’agressivité ainsi que cet amour de la servilité grégaire ne révélaient que trop ostensiblement ce que comportait de pire et de plus dangereux l’esprit allemand.
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En ma qualité d’Autrichien, de Juif, d’écrivain, d’humaniste et de pacifiste, je me suis toujours trouvé à l’endroit exact où les secousses sismiques exerçaient leurs effets avec le plus de violence.
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