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Critiques de Alaa El Aswany (442)
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J'ai couru vers le Nil

Le pieux général Ahmed Alouani, suite à sa prière du matin à la mosquée, son petit déjeuner et sa petite sauterie licite avec sa femme de cent vingt kilos, se rend à ses bureaux de l'Organisation. de routine, il y assiste à l'interrogation d'un prisonnier politique , auquel après lui avoir fait envoyer une bagatelle de décharge électrique aux testicules, vocifère, « Nous avons amené ta femme Maroua et je te jure, fils de pute, que si tu ne parles pas je laisserai les policiers la sauter sous tes yeux. ».....Voici pour le portrait de l'irréprochable musulman, le mari parfait, l'homme intègre, qu' Aswany nous présente en guise d'apéro, dans son dernier roman. Un premier goût d'une galerie de personnages très divers qui vont suivre et dont les destins vont se croiser du début à la fin des événements de 2011 de la Place Tahrir. Une autopsie en directe, terrifiante, d'un pays sous la dictature, d'un pays corrompu jusqu'à la moelle, l'Egypte.



A travers un large éventail de personnages, représentatifs de la société égyptienne, du pieux militaire musulman tortionnaire à l'acteur copte spécialisé dans les seconds rôles, de l'enseignante idéaliste non voilée au cheikh charlatan, l'auteur nous fait prendre le pouls d'un pays nauséabond où complices et victimes se résignent à la servitude comme un destin fatal. Ceux qui n'ont pas encore perdu ce qui leur reste d'éthique, ont peur ou ne peuvent pas agir. Reste, une poignée de courageux qui vont se sacrifier. D'où la révolution avortée de 2011, dont on connaît d'or et déjà l' issue tragique.



El Aswany use de la langue de l'ironie à l'extrême, pour nous faire sentir l'absurdité de ce contexte de déchéance où manipulations, corruptions, escroqueries et mensonges sont à l'honneur face à un troupeau de moutons. "La chasteté, la droiture et la foi en Dieu sont les traits les plus authentiques de la personnalité du cheikh Chamel." dit-il parlant d'un charlatan, d'un escroc qui abuse de la religion pour s'en remplir plein les poches et assouvir ses désirs sexuels, sans scrupules. Il suffit de "deux fois le pèlerinage à La Mecque et avoir visité cinq fois les lieux saints" pour avoir le permis divin pour accomplir tout acte vil, jusqu'à la fin de ses jours, sans péril pour l'au-delà. "L'injustice est la règle" et tout ce qui est illicite au nom de la religion ou des moeurs , peut sans problème devenir licite, grâce "aux conditions atténuantes " inventées, selon les besoins et les convenances. Une société gangrenée, où presque personne ne veut voir, entendre ou parler. Et une énième fois la même question, les policiers et les militaires ne sont-ils pas des êtres humains ? Si oui, dans ces régimes comment deviennent-ils des monstres?

Malheureusement ces systèmes dictatoriaux corrompus sont des copies collées, tellement on les retrouve aux détails près dans divers pays et même à divers époques. On dirait qu'ils suivent un manuel d'instruction à la lettre. L'enfer, sur terre.



Encore un excellent roman choral d'El Aswany, absolument à ne pas passer à côté. Une plume de militant à l'ironie magistrale vu la triste vérité, que je recommande à tout ceux ou celles qui s'intéressent à ce sujet, plus que jamais actuel dans un autre pays aux portes de l'Europe. Un livre qui démonte aussi les aprioris sur une religion faussement interprétée selon leurs convenances, par les wahhabites et tous les fanatiques comme les Frères Musulmans, "Le cheikh Chamel et ceux qui lui ressemblent reçoivent des millions pour diffuser la pensée wahhabite et pour soutenir le pouvoir. Franchement, je ne les considère pas comme des hommes de religion. Ce sont des hommes d'affaires." de la religion malheureusement ils ont en fait un chiffon pour nettoyer toutes leurs immondices......Longtemps après avoir fermé ce livre, flottera dans ma tête, les images d'Asma, Mazen, Khaled, Dania et Achraf.......

Ce roman est interdit de publication en Egypte, et El Asnawy, depuis 2014

est interdit de télévision et de toute collaboration dans la presse égyptienne.



"J'ai couru vers le Nil. Les grenades lacrymogènes remplissaient l'atmosphère et moi je pleurais,......En revenant j'ai vu de mes propres yeux un grand nombre de morceaux humains laissés par le tank : des intestins, des cerveaux, des jambes, des moitiés de corps........Tout en Égypte est “comme si” ......Notre grande révolution était un sursaut, une belle fleur née toute seule dans un marécage.”

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J'ai couru vers le Nil

Qui ne se souvient de la place Tahrir? de la démission de Moubarak? de ces jeunes filles tête nue, libres et déterminées,   aux côtés de jeunes gens qui l'étaient tout autant, appelant la démocratie , la justice et l'égalité à corps et à cris?



Qui ne se souvient de la vague  d'espoirs qu'a fait naître la révolution égyptienne de janvier 2011?



Qui a oublié comment elle s'est terminée? 



Dans quelle répression, quel musèlement, quel torrent de fake news distillées par des médias aux ordres des militaires, de la police et des barbus - bien discrets, ceux-là,  pendant l'insurrection, et brusquement aux premières loges de la "normalisation", recevant le prix de leur discrétion dans une participation officielle  à cette Égypte "nouvelle", toujours pas démocratique, tout aussi dictatoriale, aussi profondément corrompue, ...mais  bien plus inféodée à l'extrémisme religieux ?



D'une  plume caustique,  Alaa El  Aswany campe  les personnages de sa détestation: celui  d'Ahmed Alouani, un général dévot, tartuffe tortionnaire de haut vol , ou  celui de Nourane, une star du petit écran,  opportuniste et manipulatrice, veuve noire au dard mortel derrière son voile pudibond.



D'une plume tendre, doucement ironique, il dresse le portrait d'une conscience qui naît : celle d' Achraf Ouissa,  un bey copte, hashishin par désoeuvrement,  hédoniste et cultivé par goût,    amoureux d'Akram, sa belle servante musulmane, qui, de spectateur passif  des événements, du haut de son balcon plongeant sur la place Tahrir, devient , éclairé par l'amour et guidé par l'empathie, acteur et même activiste de la révolution.



Autre conscience naissante: celle de Madani, un vieux chauffeur, sacrifiant tout ses salaires et bakchich pour payer à son fils, la prunelle de ses yeux, des études en médecine et qui découvre, avec la pire des violences faite à son coeur de père, la corruption, l'iniquité d'une justice aux ordres, et l'impunité révoltante des assassins en place. 



Mais les aînés ne sont pas les seuls protagonistes de ce récit polyphonique: des Romeo et Juliette de vingt ans échangent mails, lettres ou conversations passionnées.



De l'usine à la faculté, de la place Tahrir aux salles de réunion pédagogiques,  toute une troupe de jeunes gens courageux, de jeunes filles indépendantes et critiques tisse , dans le beau récit...fleuve d' El Aswany , le fil de la révolte sur la trame de leur amour.



Navette inlassable et obstinée que seuls la torture, l'exil ou la mort , brusquement , suspendent.



Qui ne se souvient de la place Tahrir?

Je me souvenais...mais j'avais beaucoup oublié aussi.



Les "tests de virginité"  subis , dans les commissariats, par les jeunes militantes ,  pour les humilier et les détruire.



La libération des criminels et l'instrumentalisation de la pègre pour discréditer les révolutionnaires.



La répression sauvage sous les roues des tanks , de la manifestation "musulman, chrétien, une seule main" défilant pacifiquement avec femmes et enfants devant Maspero, la radio télévision d'État.



Qui ne se souvient de la place Tahrir?



J'ai lu, non, j'ai dévoré "...j'ai couru vers le Nil", et j'ai pris une claque violente.



Ça fait mal, l'oubli, quand ce qu'on a édulcoré ou carrément oublié vous revient brutalement en plein coeur. 



Un livre magnifique, humain, sensible, vibrant.

Inoubliable.

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L'Immeuble Yacoubian

Il y a des livres dont on entend parler...et puis qu'on ne lit pas. Et puis un jour ce livre on l'a en main, presque par hasard...

L'immeuble Yacoubian on le découvre dans son ensemble et peu à peu les personnages qui y vivent. Premier étage... 2e ... 3 e... Et tout en haut, sur les toits, dans de petites constructions les pauvres...

On est en Égypte, au Caire dans les années 1930. Corruption, sexe, politique et montée de l'islamisme sont au coeur de ce roman. Tout s'achète...

Cette histoire nous entraîne dans un univers qui nous dépasse, comment peut-on prier sans cesse, invoquer la parole d'Allah et s'affranchir de certaines règles..

Des personnages qui se croisent, se rencontrent, mentent, magouillent... Des étudiants qui font des mauvais choix car ils ne rêvent que de vengeance après des rêves brisés.

Poussez la porte de cet immeuble, vous découvrirez des hommes qui nous touchent, révulsent ou inquiètent.

Et les femmes ? Leur vie n'est certes pas enviable..

Un roman effrayant, fort et terriblement actuel.

J'y ai beaucoup appris, je ne l'oublierai pas de sitôt cet immeuble dont j'ai mis du temps à pousser la porte.

Même s'il m'a bouleversée je ne regrette pas cette découverte. Une histoire très forte.

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J'ai couru vers le Nil

Oh la Vache (*) !

Ça démarre très très fort, avec trois chapitres d'introduction jubilatoires, et ça continue pareil.



L’Immeuble Yacoubian m’avait émerveillé ; Chicago m’avait ennuyé et j’avais lâché l'affaire. Mais là, ça cogne dès le début et ça y va ensuite joyeusement de plus belle. C’est drôle ET consternant.



On est rapidement pris à la gorge par ces destinées individuelles qui se croisent sur la place Tahrir et autour de la révolution égyptienne de 2011. La première moitié se déroule durant la montée en puissance du mouvement, jusqu’à chute de Moubarak.

Il y a alors, pile au milieu du livre, un chapitre charnière où se met en marche la riposte des institutions qui sont alors au bord du gouffre.

Et puis, après une courte euphorie liée au sentiment de victoire, la seconde moitié est celle de la mise en œuvre de la contre-attaque, la répression et le début du retour à la « normale ».



Le roman s’arrête avant la victoire des Frères Musulmans aux législatives de 2012, qui sera suivie par le coup d’état de 2013 et le retour complet à la situation pré-révolutionnaire, celle d’un pays aux mains du complexe militaro-industriel mafieux qui verrouille une société très conservatrice aux marge de laquelle les islamistes restent en embuscade. Je me demande si l’auteur écrira sur cette période, cela pourrait être aussi passionnant.



Le diagnostic de l’auteur sur l’état de la société égyptienne n’a pas fondamentalement changé depuis son Immeuble Yacoubian. Là, il le confronte aux évènements exceptionnels qu’a traversé l’Egypte dans la première moitié de la décennie 2010. Sa plume redevenue formidable nous fait ressentir l’espoir qui est né, qu’il a probablement partagé, et comment il a été étouffé.

C’est finalement très dur, voire désespérant, même si une partie des protagonistes conserveront malgré tout leur foi dans la lutte pour un avenir meilleur. Pour les autres, les tenants de la dictature comme la partie dégoutée des révolutionnaires, il y a une fatalité égyptienne, un peuple dont la mentalité multi-millénaire d’esclaves rend tout changement impossible. C’est d’ailleurs une thèse que j’ai entendue dans la bouche d’amis égyptiens, de la tendance « intellectuels opposants mais résignés ».



Côté écriture, les ficelles sont parfois un peu grosses, mais ça passe.

La première phrase semble une allusion au début de La recherche, comme un clin d’œil. Les « destins croisés » de ses personnages se traduisent par une succession de courts chapitres, souvent terminés par un cliffhanger. Il y a un moment où ça commence à faire un peu artificiel et puis ça se tasse. Des liens se créent entre des personnages initialement lointains, mais comme ils ne sont pas surexploités comme ressorts de l’intrigue, cela ne devient pas lourdingue. Au final, ces quelques artifices ne nuisent pas aux histoires et personnages tellement ils sont prenants.







(*) En référence à la sourate de la Vache dont la lecture, paraît-il, écarte durant trois jours le démon de la maison où elle a été lue. Puisse sa mention écarter le démon de cette critique !
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J'ai couru vers le Nil

C’est une lecture éprouvante mais passionnante que ce roman qui nous plonge en pleine révolution égyptienne, sur la place Tahrir au Caire en 2011.



La plume de ce militant démocrate fait d’Alaa El Aswany un adversaire redoutable pour le régime. Il est d’ailleurs, à ce titre, poursuivi par le parquet général militaire égyptien et interdit de toute publication en Egypte. Il craint beaucoup pour sa famille mais malgré tout, il continue de se battre pour défendre ses convictions et dénoncer la corruption qui règne dans son pays, coincé entre les militaires et les islamistes. Vous faites preuve d’un courage exemplaire Monsieur El Aswany, chapeau bas !



Son livre n’épargne personne, ni les autorités, ni l’égyptien moyen, ni les religieux de pacotille, tout ce petit monde qui avait tout intérêt à ce que rien ne bouge et qui s’est prêté à la mise au tombeau de ce vent de liberté qui soufflait sur l’Egypte. Pas de langue de bois mais une rhétorique qui se veut authentique doublée d’une ironie mordante.



Cette fiction est un très bel exercice de style qui mélange la grande et la petite Histoire pour mieux éclairer le lecteur sur ce qui s’est réellement passé en coulisse : les occidentaux ayant vécu cette révolution à travers le prisme des médias.



Pour faire de son lecteur un observateur avisé, il cherche à le projeter à l’intérieur de cette révolution pour que celui-ci puisse mieux appréhender les ressorts de cet apparent échec. Alaa El Aswany écrit un roman choral à la construction que j’ai trouvée ingénieuse. Il trace une succession de portraits de quelques personnes représentatives de la société égyptienne qu’il radiographie. Des jeunes étudiants rêvant d’une société plus juste, plus propre et laïc, en passant par les ouvriers d’une cimenterie et de son patron, ancien révolutionnaire, des studios de la télévision avec ses rivalités internes, d’un religieux affairiste, pour terminer sur l’intimité d’un général tortionnaire, dévot maladif, le lecteur est happé irrémédiablement par cet espoir qui se diffuse dans tout le récit.



Il s’attache à Asma, Mazen, Khaled, Dania, Achraf, Akram dont il épouse la cause et qu’il suivra jusqu’à l’épilogue. Et il honnit les religieux, la belle présentatrice télé, les flics, l’armée, l’Organisation, les médias, la justice.



Mais la dictature sait jouer avec la peur de certains et la lâcheté des autres, elle sait rendre les individus serviles. Avec l’aide des médias aux mains des hommes d’affaires les plus riches, elle diffuse de fausses informations, de faux témoignages, discréditant ainsi les révolutionnaires aux yeux d’une partie de la société civile en criant au complot organisé par les méchants du reste du monde qui manœuvrent pour faire éclater la guerre civile ! Rien de nouveau sous le soleil !



Terrible et monstrueuse cette répression sanglante, abjectes les manipulations et la désinformation dont a été victime une partie du peuple égyptien avec l’assentiment de l’autre partie, odieuses les humiliations subies par les femmes !!!



« Dieu est grand et Mohamed est son prophète » cette phrase est partout, elle ponctue tous les dialogues comme elle participe à toutes les exactions, à toutes les compromissions au prétexte que « nécessité fait loi ».



Il y a malheureusement des témoignages qui en disent long sur ces sombres journées sanguinaires constellées de sadisme où l’armée, aidée des Frères Musulmans, reprend la main après la démission du Président Moubarak.



J’ai refermé ce livre en pensant à Monsieur Madani, la détresse de cet homme m’a particulièrement touchée.



C’est un livre intense qui a été écrit par Alaa El Aswany pour bien informer le reste du monde de ce qui s’est passé en Egypte à ce moment là avec l’espoir de marquer les esprits pour ne pas oublier ce vent de liberté qui soufflait en 2011 dans ce pays.





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L'Immeuble Yacoubian

Pour certains auteurs écrire est un acte politique. Pour son brillant premier roman Alaa El Aswany a sorti l'artillerie lourde.



Baignant dans les eaux polluées de la société cairote au moment de la guerre contre l'Irak, cette mosaïque romanesque qu'est l'immeuble Youcoubian, nous permet de nous perdre dans les fascinants dédales où nous entraîne ce conteur redoutable.

On y découvre dans cet écosystème les inégalités sociales qui fomentent les crises, l'hypocrisie et la corruption dans la vie politique, l'absence de liberté sexuelle, la condition de la femme sujette au harcèlement des patrons et d'autres thèmes chers à l'auteur.



Foisonnant et riche en intrigues parallèles, ce roman est peuplé de personnages singuliers et attachants qui animent cet univers onirique et qui représentent chacun une partie de l'évolution sociétale qui pend au nez de l'Egypte.

La montée de l'islamisme radical menace l'équilibre d'une société en pleine transformation, la police torture ceux qui ne s'y plient pas et des jeunes se sacrifient pour le djihad.



Alaa El Aswany se positionne en auteur engagé et a composé un récit à son image, entre regard sur l'intime, analyse de la société et l'ouverture vers les nouvelles générations.





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L'Immeuble Yacoubian

L'immeuble Yacoubian, construit en 1930 en plein cœur du Caire, accueillait au départ des appartements de grand luxe. Quelques décennies plus tard, il a été redécoupé en logements plus petits, destinés à une population plus pauvre. L'auteur nous fait découvrir ses habitants : le fils du concierge bien décidé à passer le concours de police, sa petite amie qui vient de terminer ses études de commerce, de vieux aristocrates qui regrettent le mode de vie à l'européenne, etc.



Mais les rêves de ces habitants sont vite brisés . La corruption règne dans tous les domaines, et le plus riche a toujours raison. Il faut alors composer avec la réalité du pays : renoncer au concours à cause de ses origines modestes, accepter le harcèlement sexuel de son patron pour conserver sa place ou acheter sa place de député au prix fort. Les seuls refuges sont peu enthousiasmants : l'islam radical, ou la prostitution : « classique », comme seconde épouse, ou auprès de riches homosexuels.



Le ton change au fil de l'histoire : après nous avoir douillettement installé auprès de ses personnages, et nous faire aimer leurs qualités et leurs petits défauts, l'auteur ne nous épargne rien de leur sombre avenir : les humiliations, les injustices, la violence, qui resteront impunies puisque venues de plus haut dans l'échelle sociale.



Écrit quelques années avant la chute de Moubarak, ce livre aide à comprendre les événements qui se sont déroulés récemment, et donne aussi envie au lecteur d'aller manifester sur la place Tahrir.
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Automobile club d'Egypte

Honnêtement, il était peu probable que Alaa El Aswany puisse surpasser la force de son premier roman L'immeuble Yacoubian. Ce qu'il avait écrit depuis, de très bonne qualité, certes, l'avait démontré. Mais en se penchant sur le passé de son pays, la fin des années 40, en l'occurrence, il vient de signer avec Automobile Club d'Egypte, un roman qui fait mieux qu'égaler son chef d'œuvre. Un ouvrage polyphonique, foisonnant, d'une richesse inouïe qui dresse un tableau complet d'une nation sous tutelle anglaise et gouvernée par un roi, Farouk, fantasque et libidineux. Une époque pré-révolutionnaire, qui en rappelle une autre, évidemment, toute récente, qui prend vie à travers une bonne vingtaine de personnages dont les destins ne cessent de se croiser. Ce pavé de 500 pages, une fois passés les chapitres d'introduction, se dévore avec passion. Comme un Balzac, un Tolstoï ou un Dickens, El Aswany nous fait découvrir toutes les strates de la société cairote : riches et pauvres, maitres et serviteurs, conservateurs et rebelles, égyptiens et britanniques. Automobile Club d'Egypte passe avec une aisance stupéfiante du drame à la comédie dans une veine à la fois politique, sociale, sentimentale, religieuse, etc. Le contraire d'un livre fourre-tout, pourtant, l'auteur est un alchimiste qui utilise ses différents ingrédients dans un tempo parfait, sans jamais ennuyer ou perdre son lecteur. Et le souffle du romanesque nous emporte très loin, au bord du Nil et au comble du bonheur. Autrement dit, c'est une pure merveille.
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J'ai couru vers le Nil

Bookycooky, que d'émotions tu m'as fait vivre avec ce livre que tu m'as chaudement recommandé ! Attirance amplifiée par le fait qu'il est interdit de publication dans le pays de l'auteur de L'immeuble Yacoubian, l'Egypte et d'autres pays arabes. Profond respect à Alaa al-Aswany pour son courage, sa détermination, son talent, de défendre la cause des femmes. Je suis passée par toutes ces phases au travers des personnages : révolte, injustice, courage, corruption, amour, haine, partage de souffrance et d'humiliation pour les torturés, peur des chars, dégoût par les abus de pouvoir, hypocrisie et manipulation par les médias et les adeptes de religion. Egypte 2011. Peuple qui a toujours tout accepté jusqu'à maintenant. Les jeunes vont se révolter et tenter de faire démissionner le dictateur Moubarak mais le plus difficile est d'imposer ses idées aux parents et aux proches. Je ne sais pas ce qui est vrai ou romancé et n'ai pas envie de le savoir pour le moment, besoin de me distraire l'esprit après ces faits où il semble impossible de donner encore le mot homme à certains. L'état, pour empêcher aux manifestants de communiquer pour lieux de rendez-vous, a coupé Internet. À réfléchir...
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L'Immeuble Yacoubian

105 Babéliotes ont déjà poussé les portes de cette époque charnière faisant grincer les gonds de la destinée des habitants Cariotes de l’immeuble Yacoubian.

Au seuil de modifications politiques et sociales majeures, la terrasse de cet immeuble imposant cristallise tous les courants de cette Egypte fracturée et corrompue.

Alaa El-Aswany a su transformer de simples mots en émotions que nous ressentons aussi profondément que notre sensibilité et notre compréhension d’européen puissent le faire :

Accepter les rapports dominants-dominés.

Valider le comportement à « géométrie variable » pour l’homosexuel banni ou adulé suivant sa position sociale ou son capital sympathie.

Accepter que toute jeune femme se fasse harceler dès son premier emploi par un patron adipeux ou un vieux beau sur le retour.

Admettre qu’un fils de concierge, parce que recalé à l’école de police devienne islamiste humilié par l’administration pervertie.

Cette fresque relate les frasques de toute une génération plus intéressée par l’argent, les femmes et le pouvoir.

« Il n’y a pas de bienfaits, tout le monde agit dans son intérêt.»

Cet immeuble et ses habitants sont le parfait exemple d’une Egypte sûrement trop européanisée, glissant vers un islamisme difficile à maîtriser.

« La cause de la décadence du pays c’est l’absence de démocratie. S’il y avait un véritable régime démocratique, l’Egypte serait une grande puissance.»

Mais laissons là les grands mots, nous y pallierons avec les rêves.

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Automobile club d'Egypte

La façon dont Alaa El Aswany commence la narration est assez originale : il se met dans la peau de l'écrivain qui se retire dans sa maison de villégiature pour relire une dernière fois son roman, il n'a plus qu'à ouvrir son ordinateur et à brancher son imprimante lorsque l'on sonne à la porte ; méfiant, il ouvre et se trouve devant deux personnages sortis de son livre ...

Automobile Club d'Égypte est un roman foisonnant, l'histoire d'une famille ruinée qui a dû quitter la Haute-Egypte pour le Caire ; l'histoire des serviteurs de l'Automobile Club d'Égypte qui subissent les châtiments corporels distribués au gré d'un chef despote...

L' Automobile Club d'Égypte dont le Directeur est Anglais est fréquenté par le Roi et les aristocrates du Caire. Nous sommes dans les années 1940, c'est la fin d'une époque qui sera bientôt révolue, les prémisses d'une révolution s'amorcent.

Alaa El Aswany, de sa belle écriture, m'a emmenée dans son pays ... Belle découverte ! À lire.



Challenge Pavés 2015-2016
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L'Immeuble Yacoubian

Une vision de l'Egypte à la fois désabusée, cynique, et pleine de compassion. On partage la vie des personnages comme s'il s'agissait d'un autre monde. Et pourtant ces personnages sont proches, vivants et attachants, mais la société les a rendu fous au point que que l'on ne sait plus si on doit les plaindre ou les blâmer. L'auteur rend à merveille ces destins, la permanente confrontation entre idéal et réalité, les arrangements avec la religion, la dictature, et surtout le délabrement de la société égyptienne. le tout est décrit avec tant de talent que l'on ne s'ennuie pas une seconde et que le livre se lit d'un trait.

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J'aurais voulu être égyptien

Mustapha Kamel, un militant nationaliste égyptien du début du XXe siècle, a dit : « Si je n’étais pas né Égyptien, j’aurais voulu être égyptien. » (Évidemment, on parle ici des Égyptiens modernes, pas ceux des pharaons et des pyramides.) L’auteur Alaa El Aswany (qu’on connaît grâce à son roman « L’immeuble Yacoubian ») se demande pour quelles raisons l’on voudrait être égyptien. Quelles seraient les qualités du peuple égyptien ? Qu’a-t-il fait qui soit digne de mention ? En quoi se distingue-t-il ? C’est le point de départ de son recueil de nouvelles « J’aurais voulu être égyptien ». Il y présente le vrai visage de son peuple. Pas l’image polissée, mensongère que plusieurs essaient de faire croire. Par exemple, Issam Abd el Ati, qui souhaite devenir dessinateur dans un monde où les arts et la culture sont dénigrés ou, du moins, peu pris au sérieux, considérés comme un passe-temps, se butte contre des portes closes et un travail de crève-faim alors que, parfous en Occident, les caricaturistes et autres dessinateurs peuvent gagner leur vie en faisant ce métier qu’ils aiment. La culture n’est pas assez valorisée en Égypte.



Dans cette nouvelle et les autres, El Aswany raconte de destin de laissés-pour-compte, le quotidien des petites gens. Ceux qui subissent et, en même temps, ceux qui font subir. Ces chefs (pas exclusivement ceux à la tête de l’États, aussi les petits chefs de services qui se croient importants mais qui sont plutôt incompétents, même les chefs religieux intransigeants et vivant dans le passé) qui abusent de leur pouvoir. Parfois, même les formules pieuses et joliement tournées peuvent laisser transpirer des préoccupations égoïstes, comme dans « Ma chère sœur Makarem ».



Mais les petites gens ne sont pas innocents non plus, s’il le faut, ils sont prêts à voler leur prochain pour une bouchée de pain, un emploi. Ils sont prêts à tout, en fait. Ils sont souvent jeunes et ambitieux. Le meilleur exemple est Hicham, le jeune étudiant en médecine dans « Le factorum »,. Qu’a-t-il proposé à au professeur Bassiouni, le chef du département de chirurgie, pour obtenir son poste ? Surement rien de très honnête… Bref, ces jeunes qui dénoncent un système sont près à jouer le jeu quand cela fait leur affaire. Ainsi, ils perpétuent le système… Et pas seulement les jeunes. Tout le monde finit par se laisser corrompre. Dans « Une décision administrative », Mohamed Ibrahim, un brave homme employé au service de nettoyage d’un hôpital, se voit affecté contre son gré au poste d’agent de sécurité et devient un homme dur, intransigeant, méchant.



Petite parenthèse : j’ai beaucoup apprécié la nouvelle « Dans l’attente du guide », elle m’a replongé dans l’atmosphère de la Trilogie du Caire, de Naguib Mahfouz, que j’ai adoré.



Donc, « J’aurais voulu être égyptien » est un ouvrage très contestataire. D’ailleurs, il s’est attiré beaucoup de reproches, allant de l’anti-nationaliste à… bien d’autres choses. Mais cela m’importe peu, et à l’auteur également. Toutefois, ce style si incisif, si critique peut parfois sembler rébarbatif. Il y manque un peu de douceur à mon goût. On y retrouve des visages baignés de larmes (et même de sang), des visages ravagés par la honte et le désespoir. Sinon la cupidité. Des gens qui courbent l’échine. Et qui malgré tout sont fiers d’être égyptien ? Peut-être y a-t-il un peu de rancœur de la part de El Aswany. Dans tous les cas, comme on dit, on ne peut faire une omelette sans casser d’œufs… Le message est lancé, aux Égyptiens à y voir. En attendant, pour les lecteurs, c’est un moment de lecteur appréciable et intéressant.
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J'ai couru vers le Nil

La révolution égyptienne a fait couler beaucoup d’encre. Déjà, à l’époque, je me doutais ne connaître qu’une infime partie de ce qui s’y déroulait, de ses causes et de ses conséquences. J’avais suivi les nouvelles, ce qui se passait au Caire, ce qu’on racontait sur les réseaux sociaux. Les grandes lignes, quoi ! Mais très peu sur les destins individuels brisés par l’oppression. J’avais une vague idée de la corruption qui régnait en Égypte, des abus de la police ou de l’armée. Lesquels ? Je n’aurais pu le dire. Un peu de torture, sans doute. Eh bien, les choses étaient bien pires que ce qu’il me semblait. L’auteur Alaa El Aswany a mis des mots sur tout ça en replongeant dans ces événements avec son roman J’ai couru vers le Nil. Les Égyptiens qui manifestaient sur la place Tahir, qui y campaient, ce n’était qu’une partie seulement de ce grand mouvement. Il y a un autre côté à ces images presque festives, celui des êtres humains bafoués, au bord du désespoir, opprimés, torturés… tués Et El Aswany décrit tout, en long et en large. Des ouvriers privés de leurs revenus, d’autres de leur travail ; un étudiant en médecin abattu à bout portant par un soldat ; une jeune enseignante malmenée par son supérieur et ses collègues parce qu’elle refuse de porter le voile ; des jeunes filles soumises à des tests de virginité au commissariat, devant des hommes. Quelle cruauté ! Ceux qui démontre de la sympathie ou qui viennent en aide aux manifestant subissent la pression des membres de leur famille, des voisins, des autorités religieuses pour les forcer à abandonner la lutte. Ouf ! Ce roman fut difficile, plus que je ne l’aurais cru. Les rares moments joyeux étaient souvent suivis d’autres, sombres. Les fols espoirs vite envolés. Même quand Hosni Moubarak démissione, les cris de joies ne résonnent guère longtemps. Ils s’évanouissent quand tous se rendent compte que l’élite est toujours en place et que rien n’a changé. Pire, il y a une campagne de désinformation visant à manipuler les foules pour saquer l’héritage de la révolution. Puis l’injustice continue. El Aswany livre un roman choc, réaliste, un cri du cœur pour quiconque aime l’Égypte et espère que les choses changent vraiment… un jour.
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L'Immeuble Yacoubian

A mon tour d'ouvrir les portes de "L' Immeuble Yacoubian", de regarder son architecture révolue des années 30 à l'époque où le jazz accompagnait les autochtones raffinés et les européens orientalisés qui menaient la grande vie insouciante de la décennie sortie tout droit des années folles.



A mon tour de pénétrer dans ces appartements qui ne sont plus que le pâle reflet de ce qui fut et de grimper sur la terrasse où les plus pauvres se tiennent. La comédie humaine continue, chacun sa classe, chacun sa place.



Taha, fils de concierge, tu as tort de vouloir en changer, reste où tu es, de toutes façons, quoi que tu fasses, quoi que tu étudies, les autres t'en empêcheront, personne n'accepte l'ascension d'un fils de rien. Victime affaiblie, tu tomberas dans d'autres filets qui te manipuleront. La religion s'y entend pour ce genre de choses.



Une autre porte mène chez Hatem, le journaliste homosexuel. Tout le monde sait, juge, rejette. Tout le monde se tait. Hatem est trop brillant, Hatem est trop puissant. Hatem veut être amoureux, il en a assez de ces passes dégradantes. Il aime. Un drame bouleverse tout. La religion s'en mêle... jusqu'au drame.



D'autres portes : celle de Zaki, l'aristocrate "vieux beau", affublé d'une soeur intéressée et monstrueuse, d'un serviteur manipulateur. Son histoire sera la plus belle parce qu'enfin la corruption ne s'en mêlera pas et l'amour fleurira, vrai, sincère. La porte de Azzam s'ouvre sur un monde d'affaires, de politicaille, de pots-de-vin, de "parrain", trouble, répugnance, amoralité s'y côtoient.



La porte de la belle Boussaïna nous la montre pauvre et brisée parce qu'on attend d'elle ce qu'elle n'imaginait même pas...



J'ai refermé ces portes. J'ai aimé ce livre, je me suis demandé pourquoi puisque c'est laid. L'intérêt vient de l'écrivain qui nous entraîne d'un personnage à l'autre, crée des interruptions dans ce qu'il raconte titillant ainsi notre curiosité. Notre curiosité à savoir, notre étonnement, notre révolte devant toutes ces dégradations de l'histoire humaine, notre refus d'ignorer l'emportent. Tout est pourri, corrompu et c'est pour cela que ce livre est utile, nécessaire même si nous le savons depuis longtemps... Toujours être sur le qui-vive. Ne jamais se taire. Ne jamais accepter.



L'Egypte actuelle est en ébullition. Comment s'en sortira-t-elle? Comment dépassera-t-elle ces décennies corrompues? Fera-t-elle confiance à ses intellectuels démocrates? Un long chemin est à parcourir... Inch Allah.
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J'ai couru vers le Nil

Un livre où je me suis immergé dès les premières pages qui sont remarquables

Le portrait du général, homme parfait , religieux, fidèle,irréprochable

Aucune faille dans son armure .Une droiture exemplaire tant dans la sphère publique que privée

Le ton est donné .Car , derrière cette façade lisse de ce haut dignitaire égyptien, il y a déjà tout ce qui va suivre

La révolte gronde .On torture assez naturellement quelques chrétiens coptes et des opposants au régime

La Révolution est là, portée par une jeunesse insouciante mais qui ne le restera pas longtemps

La joie , sur la place Tahrir , laissera vite la place à la désillusion

Car le pouvoir peut sacrifier un homme , même chef d’état, pour maintenir son emprise

Tous les coups sont permis: reprise en main des militaires mais aussi alliance contre nature aves Les Frères Musulmans , qui savent opportunément fermer les yeux et s’arranger avec l’Islam.Il suffit de trouver la bonne sourate

Plus subtil, la reprise en main totale de la communication par les médias. Les vainqueurs écrivent l’ Histoire, éternel recommencement

Alaa El Aswany n’est pas le bienvenu en Égypte

Facile à comprendre après une telle charge contre le régime mais aussi contre certains partis islamistes

J’ai beaucoup aimé ce texte .Le style est fluide , les personnages multiples ,des deux camps, représentent bien tous les courants de pensée en Égypte

Le récit sait éviter l’écueil du nième livre sur l’Islam, la condition de la femme, la montée du terrorisme, le monde arabe

Ici, on reste en Égypte, on est dans le concret d’une révolution politique

Le constat est certes amer

Pourtant, j’en ai gardé l’impression que les racines de la révolte sont toujours là et que ce n’est que partie remise

Avis très personnel, bien entendu

Un livre que je conseille vivement même pour ceux qui peuvent être saturés par le flot d’ informations continu sur ces sujets

Vous serez surpris, je vous le promets

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L'Immeuble Yacoubian

Bâti en 1934 par un millionnaire, l’immeuble Yacoubian situé dans la rue Soliman Pacha du Caire est à la fois un vestige de l’influence occidentale passée et l’image de la société égyptienne des années 90 marquée par la corruption, l’injustice sociale et la montée de l’emprise des religieux.

Les beaux appartements logent une population riche pendant que les pauvres s’entassent sur la terrasse, dans des cabanes, autrefois débarras transformés en pièces minuscules. Riches comme pauvres sont soumis aux règles d’un pays qui n’en a plus et se laisse peu à peu submerger par la vague islamiste qui dénonce la démocratie corrompue, impose le voile aux femmes, ferme les bars, traque les homosexuels, impose la charia comme avenir unique.



Zaki Dessouki, homme à femmes et porté sur l’alcool, y a son bureau au rez-de-chaussée où il reçoit ses rendez-vous galants à l’abri de sa redoutable sœur, Daoulet, qui partage avec lui l’appartement que leur a légué leur père. Victime d’une de ses conquêtes pulpeuse mais pilleuse, il est jeté dehors et dépossédé par sa sœur courroucée. Quelques étages plus haut, Hatem, homosexuel aisé, y accueille son bel amant Abdou qu’il aide financièrement à nourrir femme et enfant. Relation compliquée, entachée de culpabilité, à l’avenir incertain…

Hadj Azzam qui a retrouvé sa vigueur sexuelle à l’âge de 60 ans, y loge une deuxième femme, épousée mais cachée, qu’il visite deux heures par jour. Soad, veuve démunie chargée d’un enfant, a accepté mais à condition qu’elle ne voit plus son fils et qu’elle ne tombe pas enceinte…

Taha, brillant jeune homme, rêvant de rentrer dans la police, est recalé au concours car fils de concierge…Écœuré il s’inscrit à la fac puis se laisse entraîner vers les frères musulmans. Arrêté, violé et torturé par les policiers, il décide de se venger…et s’engage dans le djihad. Sa petite amie, Boussaïna, habitante de la terrasse, contrainte de nourrir sa famille suite au décès de son père, est la proie d’un harcèlement sexuel impuni de la part de ses employeurs. Elle doit son salut à sa rencontre avec le vieux Zaki…



Quelques personnages au service de l’Etat corrompu comme El-Fawli font la pluie et le beau temps dans un pays, gouverné par le Grand Homme, où tout s’achète. Avec beaucoup d’humour mais également de colère, Alaa El Aswany nous dépeint un pays où tout est possible pour celui qui en a les moyens, acheter une femme, une élection, un contrat, des diplômes, un poste, des juges, des médecins…Même si l’on sourit parfois, le constat est amer et le sentiment d’un immense gâchis s’impose. Celui d’une société particulièrement violente, inégalitaire et phallocrate basée sur la loi du plus fort qui laisse aux plus faibles le choix de se soumettre ou de se tourner vers les prêcheurs d’arrière-mondes…

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L'Immeuble Yacoubian

Dans cet immeuble reflétant avec une telle réalité la société cairote, il y a le vieux Zaki Dessouki, fils du pacha déchu, amateur de femmes et chez qui la jeune Boussaïna se sentira enfin respectée, il y a le journaliste Hatem Rachid vivant difficilement son homosexualité avec un jeune soldat, il y a Taha, exclu de l'école des officiers suite à sa condition de fils du concierge et poussé dans les bras du djihad, il y a Soad, deuxième épouse secrète du corrompu hadj Azzam et qui se battra pour garder son enfant...



La révolte de Soad face au cheikh Samman est extraordinaire de même que les discours d'exhortation au djihad.



L'écriture est belle, classique, simple et pleine de pudeur. Puissent les autres œuvres d'Aswany autant me combler....avec la permission de Dieu!

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J'ai couru vers le Nil

Romancier du social depuis ses débuts remarquables dans L'immeuble Yacoubian, Alaa El-Aswany n'a jamais déçu dans ses ouvrages successifs même si on n'y retrouvait pas la fraîcheur de son premier livre. Avec J'ai couru vers le Nil, il opère un retour en force, avec un roman choral qui évoque la révolution égyptienne, moment de grandes espérances rapidement bafouées et déçues pour en arriver aujourd'hui à une situation qui n'a pas beaucoup évolué depuis les années Moubarak. Il y a un aspect documentaire dans le livre mais surtout une verve romanesque et une puissance d'évocation formidables. Un peu à la manière d'un Zola moderne, toutes proportions gardées. Certes, on pourrait taxer El Aswany d'un certain manichéisme dans sa galerie de personnages assez bien délimités entre acteurs et partisans de la révolution d'une part, et ses opposants, souvent proches du pouvoir, de l'autre. Mais la force du texte emporte tout et montre comment un élan populaire peut-être confisqué et comment une opinion publique peut être manipulée et trompée. Corruption, concussion, propagande : on connait les ingrédients par lesquels une dictature impose sa loi au plus grand nombre et le grand cinéaste égyptien Youssef Chahine l'a d'ailleurs démontré dans plusieurs de ses films même si situés à une autre époque. Mais il est vrai que comme le déclare El Aswany dans ses interviews, l'Egypte n'a cessé d'être une dictature militaire depuis l'arrivée de Nasser au pouvoir. Ardent défenseur de la liberté, humaniste convaincu, l'écrivain a signé un roman courageux qui n'a fait qu'augmenter la défiance et l'ostracisme du régime en place en Egypte à son égard. Cela parait un peu stupide d'écrire cela mais lire J'ai couru vers le Nil (et l'apprécier à sa juste valeur, qui est grande, et l'écrire) est un acte de solidarité et de résistance à l'obscurantisme qui est moins insignifiant qu'il y parait.
Lien : https://cin-phile-m-----tait..
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J'ai couru vers le Nil

Début 2011 au Caire la Révolution bat son plein. Une mobilisation populaire et étudiante inédite va pousser à la démission le président Moubarak alors que la jeunesse ne demande qu'une chose : vivre. Sortir du carcan d'une société figée dans l'hypocrisie religieuse, dans la corruption, dans la hiérarchie des classes sociales, étouffant une jeune génération qui se révolte via les réseaux sociaux, et bientôt physiquement place Tahrir. Où vont se retrouver Asma, jeune professeur qui refuse de porter le voile et d'obliger ses élèves à prendre des cours particuliers, son amoureux, Mazen, ingénieur, Kaled, fils d'un chauffeur qui vit un amour impossible avec Dania, fille de général, tous deux étudiants en médecine, Achrad, intellectuel copte viendra se joindre à eux avec sa maitresse, Akram, sa domestique devenue la femme de sa vie.



Mais l'armée reprend le pouvoir, et toute la spontanéité, la générosité, l'espoir en un monde meilleur des insurgés, ne viendront pas à bout de la violence, de la torture, de la désinformation des médias, distillée entre autres par la belle et hypocrite présentatrice Nourhane qui s'en remet à Allah pour bénir toutes ses basses œuvres. La religion peut servir à tout, du carriérisme aux pires actes de barbarie, pour assoir son pouvoir…

Beaucoup de courage et d'humour dans ce roman sans concession, qui se réfère à des évènements réels, beaucoup de sang et de larmes également. Le prix de la liberté souvent trop chèrement payé, pousse au découragement et à l'exode. Mais une note d'espérance subsiste malgré tout, quelque chose est en route qui, on l'espère, deviendra un jour un combat universel contre toutes les dictatures, y compris celle de l'argent, tous les fanatismes religieux, idéologiques, politiques, toutes les intolérances. Mais le chemin à parcourir est encore long...
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