Citations de André Gide (1875)
Ne souhaite pas trouver Dieu ailleurs que partout.
c’est avec les beaux sentiments que l’on fait la mauvaise littérature.
Étéocle
Au fond, qu'est-ce que nous cherchons dans les livres? C'est toujours, plus ou moins, des autorisations. Et même ceux qui se prétendent amoureux de l'ordre, respectueux des choses établies ; ceux que Tirésias appelle "les bien-pensants", ce qu'ils y cherchent, c'est la permission de gêner, d'opprimer, de terroriser leurs voisins. Ce qu'ils y cherchent, c'est des apophtegmes, des théories, qui mettent leur conscience à l'aise, et de leur côté le bon droit.
Polynice
Et ce que nous y cherchons, nous, mal-pensants, c'est des autorisations de faire ce que la coutume, la bienséance,ou, par contrainte et par peur, les lois, nous enseignent à ne pas faire.
LES PLATEAUX
Les plateaux où viennent se reposer les collines ;
Les couchants où s'évanouissent les jours ;
Les plages où viennent déferler les marines ;
Les nuits où viennent s'endormir nos amours…
La nuit viendra vers nous comme une rade immense ;
Les pensers, les rayons, les oiseaux mélancoliques
Viendront s'y reposer de la clarté du jour ;
Dans les halliers où se tranquillise toute l'ombre…
Et l'eau calme des près, les sources pleines d'herbes.
… puis, au retour des longs voyages.
Les rivages calmés, — les navires au port.
Nous verrons sur les flots qui se sont apaisés
Dormir l'oiseau nomade et la barque amarrée —
Le soir venu vers nous ouvrir sa rade immense
De silence et d'amitié.
Voici l'heure où tout dort. —
De retour près de Marceline, je ne lui cachait point l'ennui que ces fréquentations me causaient.
"Ils se ressemblent tous, lui disais-je. Chacun fait double emploi. Quand je parle à l'un d'eux, il me semble que je parle à plusieurs.
-Mais, mon ami, répondait Marceline, vous ne pouvez demander à chacun de différer de tous les autres.
- Plus ils se ressemblent entre eux et plus ils diffèrent de moi."
Et puis je reprenais plus tristement :
"Aucun n'a su être malade. Ils vivent, ont l'air de vivre et de ne pas savoir qu'ils vivent. D'ailleurs, moi-même, depuis que je suis auprès d'eux, je ne vis plus......"
p.104
C'est par noblesse naturelle, non par espoir de récompense, que l'âme éprise de Dieu va s'enfoncer dans la vertu.
Combien il est difficile aux jurés de ne pas tenir compte de l’opinion du président (...).
Il m’a paru que les plaidoiries faisaient rarement, jamais peut-être (du moins dans les affaires que j’ai eues à juger), revenir les jurés sur leur impression premiere - de sorte qu’il serait à peine exagéré de dire qu’un juge habile peut faire du jury ce qu’il veut.
Je pris ma main, je me souviens, ma main gauche dans ma main droite ; je voulus la porter à ma tête et le fis. Pourquoi ? Pour m'affirmer que je vivais et trouver cela admirable.
Il me semblait avoir jusqu'à ce jour si peu senti pout tant penser, que je m'étonnais à la fin de ceci : ma sensation devenait aussi forte qu'une pensée.
Avant je ne comprenais pas que je vivais. Je devais faire de la vie la palpitante découverte.
Les plus détestables mensonges sont ceux qui se rapprochent le plus de la vérité.
André Gide
Je ne saisirai plus les mots que par les ailes.
Le rôle de chaque instrument dans la symphonie me permit de revenir sur cette question des couleurs. Je fis remarquer à Gertrude les sonorités différentes des cuivres, des instruments à cordes et des bois, et que chacun d’eux à sa manière est susceptible d’offrir, avec plus ou moins d’intensité, toute l’échelle des sons, des plus graves aux plus aigus. Je l’invitai à se représenter de même, dans la nature, les colorations rouges et orangées analogues aux sonorités des cors et des trombones, les jaunes et les verts à celles des violons, des violoncelles et des basses ; les violets et les bleus rappelés ici par les flûtes, les clarinettes et les hautbois.
Bien des choses se feraient facilement, sans les chimériques objections que parfois les hommes se plaisent à inventer.
Il me semble parfois que je n'existe pas vraiment, mais simplement que j'imagine que je suis. Ce à quoi je parviens le plus difficilement à croire c'est à ma propre réalité. Je m'échappe sans cesse et ne comprends pas bien, lorsque je me regarde agir, que celui que je vois agir soit le même que celui qui regarde, et qui s'étonne, et doute qu'il puisse être acteur et contemplateur à la fois.
Rien ne saurait-être plus différent de moi que moi-même.
Je crois que c’est le propre de l’amour, de ne pouvoir demeurer le même ; d’être forcé de croître, sous peine de diminuer ; et que c’est là ce qui le distingue de l’amitié.
Il a trop lu déjà, trop retenu, et beaucoup plus appris par les livres que par la vie.
C'était l'heure douteuse où s'achève la nuit, et où le diable fait ses comptes.
Les passions mènent l'homme, non les idées.