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Critiques de Antonio Muñoz Molina (234)
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Les mystères de Madrid

Les mystères de Madrid est d'être le meilleur roman d'Antonio Munos Molina, paru pour la première fois sous forme de feuilleton dans le journal El Pais en 1992.

Lorenzo Quesada, un garçon de magasin vivant chez sa maman dans une petite ville d'Andalousie et correspondant local du journal Provincial est contacté par le comte Don Sebastian, notable de la ville car la statue du divin Christ à la Tignasse a été volé 18 jours avant les processions de la semaine Sainte.

Cette mission envoie notre anti héros, candide des temps modernes, à la capitale . Il sera confronté à de nombreuses péripéties et des rencontres farfelues et rocambolesques.
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En l'absence de Blanca

En l'absence de Blanca est le premier roman que je lis d'Antonio Muñoz Molina. J'ai tout de suite aimé l'ambiance du roman et le style de l'auteur, dès les premiers mots, nous sommes plongés dans un flou, on se pose beaucoup de questions. Petit à petit, l'auteur nous narre la relation amoureuse de Blanca et Mario et on voit à quel point leur relation est malsaine, basée sur le syndrome du sauveur, la codépendance. Deux êtres que tout oppose, qui ne se reconnaissent plus, mais se sont-ils vraiment connus ? Je vais pour sûr me pencher sur la biographie de Muñoz Molina tant j'ai apprécié son écriture. Une belle découverte !

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Le sceau du secret

Je suis plutôt agréablement surprise par cette première lecture d'Antonio Muñoz Molina d'autant plus que j'avais lu pas mal de critiques mitigées sur les livres de cet auteur espagnol.

"Le Sceau du secret" est un court roman qui porte bien son titre et dont le pitch présenté en quatrième de couverture résume bien le livre.



Un homme se souvient de sa jeunesse miséreuse, pleine d'espoir d'une vie meilleure. En 1974, il part étudier le journalisme à Madrid où il se trouve impliqué dans une conspiration visant à renverser la dictature du général Franco qui va échouer parce qu'il n'a pas su tenir sa langue.

Il faut dire que "Le Sceau du secret" est une locution adverbiale qui signifie À condition de ne le dire, de ne le révéler à personne.

On doute quand même de sa responsabilité dans cet échec alors qu'il avait la confiance d'un avocat pour lequel il faisait des travaux de dactylographie qui s'est révélé être le secrétaire général de la Fédération anarchiste ibérique. La FAI va pactiser avec la bourgeoisie et des membres de l'armée ou de la hiérarchie catholique au grand dam de son ami Ramonazo maoïste à qui il raconte le projet de complot.

Ils ne seront pas arrêtés mais les jeunes gens se rangeront vite de la politique pour vivre une vie tranquille en bon pères de famille.



On retrouve dans ce roman les grandes espérances de la jeunesse à l'esprit révolutionnaire et de la lutte antifranquiste, le narrateur étant admiratif de la Révolution des oeillets au Portugal alors qu'il se souvient encore du crissement des bottes des policiers à Madrid. Sa sensibilité du jeune provincial le rend touchant et c'est un plus.





Challenge Riquiqui 2023

Challenge Solidaire 2023

Challenge XXème siècle 2023

Challenge Gourmand 2023-2024

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Séfarade

« Séfarade : ce mot s'applique aux Juifs bannis de l'Espagne médiévale par le décret du 31 mars 1492, promulgué par les Rois Catholiques » : c’est la définition du dictionnaire. Mais dans le livre d’Antonio Muñoz Molina, il prend un sens beaucoup plus large, de toutes les formes d’exil forcé et d’oppression totalitaire. Je me demandais bien comment j’allais pouvoir parler de ces 17 « nouvelles » quand la dernière page affichée sur ma liseuse (donc sans doute la quatrième de couverture des éditions du Seuil) m’est apparue comme une assez parfaite présentation et je me permets de la partager ici :



« Séfarade, c’est la patrie de tous les accusés, exilés, bannis, chassés de leur quotidien, de leur maison, de leur terre et qui, où qu’ils se trouvent, sont à jamais des étrangers. Séfarade, c’est la patrie de la mémoire, celle des disparus, morts ou vivants, personnages réels ou imaginaires réunis par la fraternité et la solidarité d’un écrivain. Séfarade, ce sont dix-sept chapitres racontant chacun une histoire différente, toutes traversées par des motifs, phrases, personnages qui assemblent un discours dont le thème central est la persécution.

À travers la voix émouvante et forte d’Antonio Muñoz Molina résonnent celles de Primo Levi, Franz Kafka et Milena Jesenska, Willi Münzenberg, Evguénia Guinzbourg, Margarete Buber-Neumann, mais aussi l’attente d’une femme qui ne revit jamais son père, les nostalgies de Mateo le cordonnier, la folie amoureuse d’une nonne ou encore le souvenir d’une rescapée des geôles argentines. Autant d’êtres détruits au plus intime d’eux-mêmes par l’Histoire. »



Séfarade, que l’auteur a lui-même qualifié de "sorte d'encyclopédie de l'exil" est donc un mélange de fictions, de souvenirs, de confidences, de rencontres et d’anecdotes de voyages. On y croise des personnages célèbres et d’illustres inconnus, on voyage en Espagne, en Russie, en Europe de l’Est, à New-York, destinations choisies ou exils forcés qui mèneront , pour certains, aux wagons plombés des camps de concentration.



Le livre ouvre et se ferme sur des souvenirs plus autobiographiques : le retour du jeune Antonio dans sa ville natale, Ubeda, puis le voyage à New-York avec sa femme et la découverte insolite d’un fabuleux

musée , la Hispanic Society of America, créée par un multimillionnaire fou amoureux de l’Espagne et où l’on peut admirer entre autres des tableaux de grands maîtres (Velásquez, Goya , le Greco) et une bibliothèque d’une grande richesse.



Je ne connaissais que de nom Antonio Muñoz Molina, et j’ai été impressionnée par la richesse de son écriture, ses longues phrases qui pourraient sembler rébarbatives et qui m’ont paru au contraire d’une rare élégance.



Un livre déroutant et envoûtant qu’il faut déguster lentement ( plus de 500 pages quand même !)

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Beltenebros

J'ai connu des thrillers plus faciles à lire... Non pas que l'intrigue soit complexe. Non, finalement, elle est plutôt simple. J'y reviendrai. Mais le style d'Antonio Munoz Molina est riche, très riche, et c'est parfois déstabilisant. Je dirai qu'il y a des moments propices pour un tel style. De longues phrases, à la ponctuation sans faille, où les adjectifs et les verbes ricochent et se complètent. On sent le désir de l'auteur de sélectionner le mot qu'il faut. Rien n'est laissé au hasard (et dans l'intrigue non plus). Cela dit, ce style cadre parfaitement (et c'est forcément intentionnel) avec l'ambiance qui se dégage du roman. Ce style participe à la mise en place de l'atmosphère oppressante qui s'abat comme une chappe de plomb sur le lecteur.



Si vous aimez les styles précis, pointus, réglés au cordeau.... ce roman est pour vous. Si vous aimez lire des romans offerts à l'achat de 2 boîtes de kleenex... passez votre chemin.



Atmosphère, atmosphère, donc. Le roman est principalement nocturne. Si je me repenche sur les événements du roman, je ne vois que du noir... et pour cause ! L'explication arrive à point nommé, mais chut...



Darman est un commerçant en manuscrit et documents anciens. Il vit en Angleterre, mais il est Espagnol. Il était, il est toujours, capitaine dans l'armé républicaine. Antifranquiste convaincu, il est auréolé d'une aura de héros. Tueur à gages pour le réseau, lors d'escales multiples entre Londres, Florence, Milan... il est mandaté pour tuer un homme qu'il n'a jamais vu. Il doit se rendre à Madrid pour rencontrer Andrade et le tuer en lui faisant croire qu'il a des faux papiers pour lui. Le réseau est convaincu qu'Andrade est le traître, il vient de s'échapper trop facilement lors d'un transfert de prisonniers.



Madrid évoque pour Darman un lointain passé, où il a tué Walter, un compagnon d'armes qui avait changé de camp, où il avait rencontré Rebeca Osorio qui écrivait des romans de gare dans lesquels elle distillait -à la demande de Walter- des indications pour le réseau. Rebeca était la maîtresse de Walter et de Valdivia, un autre compagnon abattu.



Une fois à Madrid, les fantômes du passé vont s'immiscer dans la mémoire de Darman. Il va retrouver des lieux, des sensations, des ambiances qui le ramèneront 20 ans en arrière. La mémoire est un thème récurrent chez Munoz Molina. Darman va alors évoluer entre culpabilité et désir charnel. D'autant plus facilement qu'il croisera une Rebeca Osorio âgée de 20 ans, qui ressemble à celle qu'il a connue du temps de Walter.



Le récit est raconté par Darman. Dès lors, habilement Munoz Molina va instiller chez le lecteur l'idée que Darman sombre dans une certaine folie, et que ce que le lecteur lit n'est pas la réalité, mais le fruit d'un filtre que Darman surimpose au récit.



On pense à Chandler, évidemment. Ces faux-semblants, ces pièges, ces confrontations entre ennemis qui se croisent et se jaugent... On pense aussi à Kafka ou Lem, à Brazil, et même à toute la veine de fantastique espagnol, de Borges à Bunuel. Mais au final, on a bien un polar noir entre les mains.



En ce qui me concerne, il y a toujours un moment charnière où la lecture devient plus fluide, rapide, tendue, nerveuse, quand j'ai passé le cap du style de l'auteur... Le roman s'emballe pour moi vers la page 170 (sur 233...) quand on distingue le dénouement final (plus ou moins) et qu'on sait que l'on a un polar entre les doigts.



A maintes reprises, j'ai relu des phrases, pour en ressentir les effets. Pour plonger, m'immerger dans la froide et gluante épaisseur des mots, pour en ressentir les vapeurs méphitiques et malsaines. Par exemple...



"L'excitation et la honte se consommaient devant moi, au rythme fébrile du bongo qui paraissait frapper la jeune fille comme un boxeur épuisé, la disloquer, la jeter à genoux par terre, lui imposer méthodiquement les mouvements syncopés d'une danse où elle se dénudait comme si elle s'arrachait des lambeaux d'elle-même, des gants interminables, l'un après l'autre, les bretelles de la robe, le satin noir qui descendit jusqu'à sa taille avant de tomber à ses pieds comme une matière liquide et luisante, comme une flaque de mercure d'où elle émergea, nue, le visage baissé et dissimulé sous ses cheveux, les mains croisées sur son ventre, haletante de rancoeur plus que de fatigue, s'évanouissant l'instant d'après dans les ténèbres et le silence comme un éclair fulgurant. (p.99)
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Dans la grande nuit des temps

A l'ouverture du livre, c'est d'abord sa densité qui surprend. Pas seulement parce que c'est un pavé, cela se voyait déjà à l’œil nu, mais bien par la longueur des phrases, les très rares alinéas et la quasi absence de dialogues. On plonge donc dans La grande nuit des temps un peu comme en apnée, à la rencontre d'Ignacio Abel et de son histoire d'amour avec Judith Biely, sa jeune maîtresse américaine dans le Madrid de 1935. Puis très vite, le souffle et la respiration s'adaptent, le rythme est pris, et la lecture se fait fluide, prenante.

La liaison d'Ignacio Abel et Judith Biely et le contexte historique semblent indissociables, comme si l'une était le reflet miniature de l'autre, avec ses lâchetés, ses mensonges, sa cruauté involontaire et ses souffrances inutiles.

Malgré l'épaisseur du volume et la narration par retours en arrière, il est facile de s'y retrouver, tant la langue nous porte par son rythme, lent et précis, et certainement aussi grâce au travail du traducteur. C'est la fluidité de ces phrases à la lenteur imposée, dans lesquelles toute interruption est fatale et oblige à revenir en arrière, qui rend cependant aisé de tourner les pages. La mise en évidence, puis en relation, des personnages permet de les connaître de très près ; la fréquentation de personnages historiques les ancre davantage encore dans cette guerre civile espagnole qui n'en porte pas le nom. La difficulté vient, parfois, lorsqu'il s'agit de distinguer un camp de l'autre tant la frontière peut être fluctuante, surtout si cette partie de l'histoire est peu connue.

C'est pour moi une belle expérience de lecture que ce roman, conseillé par un ami, qui m'attendait depuis plusieurs années. Plaisir encore plus grand car partagé lors d'une lecture commune avec Sandrine (HundredDreams) et Bernard (Berni29).
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Dans la grande nuit des temps

« Dans la grande nuit des temps » est une de ces oeuvres dont je repoussais depuis très longtemps la lecture, en raison de son nombre impressionnant de pages. Cela doit être une sorte de phobie, mais les pavés m'impressionnent. Et je peux vous garantir que celui-ci est très lourd et donne une très forte impression de densité lorsqu'on le feuillette.



Au final, comme bien souvent, je suis très contente de l'avoir lu et d'avoir repoussé mes appréhensions. A part quelques passages vers le milieu du roman où j'ai eu des difficultés à apprécier le personnage principal pour son manque de sincérité et d'engagement, ce livre est impressionnant de maîtrise littéraire : elle réside dans sa capacité à capturer l'atmosphère d'une époque, à dompter le temps du récit et de l'Histoire, à faire vivre des personnages qui appartiennent au passé.



« La nuit est un puits sans fond où tout semble se perdre mais où tout continue d'habiter et de persister, au moins durant un certain temps, aussi longtemps que la mémoire reste claire et lucide la conscience de celui qui gît les yeux ouverts, attentif aux bruits qui prennent forme dans ce qui semble être le silence, cherchant à deviner à la respiration de l'autre s'il est encore éveillé ou s'il s'est laissé emporter par la somnolence de la jouissance accomplie. »



*

L'histoire se déroule en 1936 à Madrid, dans le contexte des événements tragiques qui ont divisé l'Espagne, des affrontements qui ont conduit le pays à la guerre civile et à l'arrivée au pouvoir de Franco.



Le roman suit le destin d'un architecte espagnol notoire, Ignacio Abel, tombé amoureux d'une jeune américaine, Judith Biely. Cette liaison est intense, passionnée et l'homme en oublierait presque qu'il a une femme et deux enfants.

Dans le tumulte des affrontements du 17 et 18 juillet 1936, Ignacio perd la trace de sa maîtresse et décide de partir la retrouver aux Etats-Unis où un poste de professeur l'attend.



*

Le roman débute alors qu'Ignacio monte les marches de la gare de Pennsylvanie à New York.

Il semble perdu au milieu de la foule qui le croise, indifférente à son désarroi. Seul avec sa petite valise usée d'avoir tant voyagé, il apparaît comme un homme usé, brisé, inquiet, tourmenté par sa fuite hors de son pays où la guerre civile vient d'éclater.



Dans le train qui le conduit, il espère, vers elle, ses pensées se bousculent dans son esprit, s'éloignent du présent, s'enfoncent dans les zones d'ombre de son passé. En regardant le paysage défiler par la fenêtre du train qui l'emmène à Burton College, son esprit voyage sans aucune chronologie sur le fil du temps, ses souvenirs s'égarent dans les recoins les plus sombres et troublants de son passé, comme autant d'instantanés, de petits fragments de vie : son pays déchiré par la guerre, sa rencontre avec Judith, l'effleurement de sa main sur sa peau, cette double vie source de tourments et de honte, cet amour passionnel qui l'envahit et le tourmente, ses manques de père, l'incertitude du futur, l'espoir de revoir un jour ses enfants.



*

Oscillant entre politique et Histoire, amour et guerre, rêve éveillé et réalité, souvenirs et imagination, « Dans la grande nuit des temps » est un roman intimiste et sensuel dans lequel l'auteur sonde avec minutie et sensibilité les émotions de son personnage principal. Cette longue et triste histoire est teintée de nostalgie et de mélancolie, de rêves et de désirs, d'espoirs et de regrets, d'erreurs et de honte. L'amour et le désamour, la tristesse et la solitude, la peur et le temps qui passe se cristallisent au fil des pages pour former une oeuvre pleine de poésie, de finesse, de profondeur mais également de douleurs et de rancoeurs.



Le lecteur se fait voyeur, spectateur de scènes intimes. C'est une histoire d'amour passionnel, mais je ne l'ai pas trouvé magnifique, ni merveilleuse. C'est un amour entaché de honte et de remords, un amour qui fait souffrir, et en cela j'ai eu beaucoup de mal à m'attacher à Ignacio et à Judith.

Son choix de vivre dans le confort d'une vie familiale tout en ayant des plaisirs avec une autre femme plus jeune, sa décision définitive d'abandonner sa famille dans un pays en guerre pour retrouver sa maîtresse m'ont plutôt attachée à la femme trahie, belle et respectable dans sa douleur silencieuse.



Ainsi, malgré l'écriture délicate et poétique, cette histoire d'amour entachée de d'erreurs et de peines ne m'a pas permise de me fondre dans les premières pages du roman. J'ai trouvé Ignacio vaniteux, faible, égocentrique.



C'est dans la deuxième moitié du roman que mes sentiments ont évolué et que j'ai pu être véritablement comblée. En effet, la relation amoureuse, relégué au second plan, s'estompe dans les méandres de l'Histoire et Ignacio apparaît dans ce contexte, seul, fragile, vulnérable, moins lâche et égoïste.



*

La relation adultérine est bien sûr au coeur du récit, mais le roman va beaucoup plus loin qu'une simple histoire d'amour. Il entremêle avec profondeur et foisonnement, la vie de son personnage en butte à ses sentiments et à la violence des événements politiques qui secouent l'Espagne.



Le roman comporte peu d'actions et de rebondissements, mais qu'importe, c'est avant tout une grande fresque historique sur les mois qui ont précédé le soulèvement nationaliste à l'origine de la guerre civile espagnole, puis de la dictature franquiste. L'ambiance est réaliste, immersive.



« À Madrid, il a vu les visages de personnes qu'il croyait connaître depuis toujours se modifier du jour au lendemain : devenir des visages de bourreaux, ou d'illuminés, ou d'animaux en fuite, ou de bêtes menées sans résistance au sacrifice ; visages occupés tout entiers par des bouches qui crient l'enthousiasme ou la panique ; visages de morts à demi familiers et à demi transformés en une bouillie rouge par l'impact d'une balle de fusil ; visages de cire qui décidaient de la vie ou de la mort derrière une table éclairée par le cône lumineux d'une lampe, tandis que des doigts très agiles tapaient à la machine des listes de noms. »







*

Ce récit en clair-obscur est dominé par des images, des paysages, des senteurs, des sonorités, des voix, des regards, des sensations, des émotions.

C'est un voyage sensoriel dans le Madrid des années 30 : le rythme lent des phrases renferme les parfums délicats du géranium, les odeurs de tabac et de brillantine. Puis le récit avançant, d'autres odeurs se substituent, métalliques, celles du sang et de la mort qui s'incrustent dans le tableau de ce pays meurtri.



*

Lauréat du Prix Méditerranée Étranger 2012, « Dans la grande nuit des temps » est accueilli comme un chef-d'oeuvre de la littérature contemporaine espagnole.



L'auteur domine parfaitement la narration, alternant l'histoire en marche, les pensées d'Ignacio et des extraits de lettres qu'Ignacio a dans la poche de son manteau. Narrateur de l'histoire, du moins je le suppose, il accompagne son personnage comme un observateur, promenant son regard en de brefs coups de projecteur.

Le roman est extrêmement bien écrit, l'écriture très belle, serties de phrases souvent très longues et ondulantes, d'une justesse infinie quant à l'expression des émotions et des sentiments. J'ai rarement vu un auteur s'appuyer avec autant d'aisance sur les temps des verbes et la ponctuation pour traduire la fuite du temps, les sentiments. L'auteur privilégie également le style indirect et la quasi-absence de dialogues, ce qui permet à mon sens de rendre plus intenses certaines émotions.



Ces choix d'écriture parfaitement assumés par l'auteur rendent le récit dense, complexe et son rythme lent. Pourtant, une fois entrée dans le récit, j'ai trouvé la lecture fluide et agréable à lire, le style élégant, délicat, sensoriel et addictif.

Cette houle m'a emportée dans un flot de mots qui tantôt lumineux, irradié de raies de lumière, tantôt soucieux et morose, se diluant dans les errances et les doutes de la vie.



Le sifflement et le roulement du train en bruit de fond sont là pour nous faire prendre conscience que le récit prend un chemin parallèle à la réalité.



La fin est magistrale.



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La construction du récit est habile. Antonio Muñoz Molina a un talent certain pour déambuler, tel un acrobate, sur la ligne du temps, insérant des personnages de la vie politique espagnole de l'époque, jonglant avec le destin de ses personnages de fiction, leurs rêves et leurs espoirs, leurs peurs et leurs désillusions.

Même si le temps fuit, s'écoule, inéluctable, on a souvent la sensation que l'auteur accélère, dilate, ou ralentit son cours jusqu'à le mettre en suspens pour quelques minutes. Il existe en effet plusieurs temps dans le récit, passé, présent et futur se chevauchent : celui de leur amour, L Histoire en marche, ou même celui du voyage.



« Il s'était trompé sur tout, mais plus que tout sur lui-même, sur sa place dans le temps. Passer toute sa vie à penser qu'il appartenait au présent et à l'avenir, et maintenant commencer à comprendre que s'il se sentait si décalé c'était parce que son pays était le passé. »



Le second aspect qui m'a fortement impressionnée, c'est cette façon de faire vivre les personnages à travers les souvenirs et le passé d'Ignacio. On ne les connaît que par son regard. Ils traversent le récit sans consistance, sans présence physique, comme des fantômes.

Avec subtilité, Antonio Muñoz Molina donne aux deux femmes du roman des traits très distincts : Judith illustre la modernité, le changement alors qu'Adela symbolise la tradition.



Le troisième aspect du livre qui m'a plu est la présence en arrière-plan de gares et de trains : lieux de croisement, de destinée, ils sont le carrefour de chemins de vie.



*

C'est un roman profondément introspectif qui gagne à être lu lentement. Il offre une réflexion profonde sur l'humanité et la complexité des émotions humaines. Ainsi, il aborde des nombreuses réflexions sur la vie et la perte, la fugacité du temps, la mémoire et les souvenirs, l'amour et l'obsession, la solitude et la trahison, l'attente et le désir.

L'auteur offre également une réflexion autour de la guerre et de ses conséquences, de la violence et de la peur, de la conscience morale et de l'exil.



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Pour conclure, avec ces mille pages, « Dans la grande nuit des temps » est un long monologue intérieur qui demande de se laisser porter. Mais en lâchant prise, en se détachant du monde qui nous entoure, Antonio Muñoz Molina nous entraîne dans une spirale où des visages anonymes sont aux prises avec leurs émotions et le cours de l'Histoire.

Absorbée par l'atmosphère d'une autre époque, c'est en refermant le livre que j'ai véritablement pris conscience qu'il y avait quelque chose de brillant dans ce roman.

A découvrir bien entendu si le nombre de pages ne vous fait pas peur.



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« Dans la grande nuit des temps » est un roman subtil fait pour une lecture commune où la multiplicité des regards ont toute leur place pour se croiser et s'enrichir. J'ai été heureuse de partager ce moment avec Delphine(@Mouche307) et Bernard (Berni_29).

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Dans la grande nuit des temps

Nous sommes en octobre 1936. Ignacio Abel a fui le chaos de la capitale espagnole pour les États-Unis d'Amérique. Cet architecte madrilène de renom y est attendu pour enseigner dans une université. Il est parti seul, dans l'urgence, laissant derrière lui sa femme Adela et leurs deux enfants. En Espagne, c'est la guerre civile. Les a-t-il abandonnés pour autant ? En rejoignant les États-Unis d'Amérique, il espère aussi retrouver Judith Biely, la jeune Américaine qu'il a aimée à Madrid et qui a rompu leur liaison parce que celle-ci devenait impossible. Mais tout, depuis un moment est devenu impossible dans une Espagne à feu et à sang.

Le narrateur, omniscient tout au long du récit, perce la foule agglutinée sur le quai de la gare de Pennsylvanie à New-York. On imagine aisément la scène, le bruit, l'ambiance. Il nous invite à nous frayer un chemin dans cette cohue, jusqu'à rejoindre Ignacio Abel, le suivre dans ce voyage où l'architecte espagnol espère retrouver son ancienne amante, mais aussi l'épier dans ses gestes et dans les méandres de ses pensées, le souvenir de ce qui fut et qui l'amène aujourd'hui à monter dans un train dans cette ville de New-York.

J'ai reconnu ici l'obsession des trains qui partent et laissent au bord des quais des rêves fracassés, des amours en partance, l'exil, la violence des guerres qui continuent malgré nos pleurs, le malheur du monde incessant.

C'est une mémoire qui se dérobe sur le bord d'un quai de gare.

J'aime les gares et les trains pour cela, - ou plutôt non je ne les aime pas à cause de cela justement, sauf en littérature ou au cinéma, les trains et leur fuite éperdue traversant le temps et les paysages.

Ce livre de plus de mille pages pourraient se résumer juste en quelques battements de coeur au bord du quai de cette gare à New-York où l'émoi d'Ignacio Abel se fait sentir à chaque fois qu'il aperçoit une jeune femme dont la silhouette lui rappelle celle de Judith. Biely...

L'histoire en elle-même pourrait tenir en quelques pages, en quelques faits. Mais se souvenir est aussi un voyage. Ce sont les réminiscences du temps qui vont nous inviter à revenir en arrière, dans ce passé encore proche, où les cendres sont encore tièdes. Remettre ses pas dans les souvenirs confus et douloureux d'un homme, c'est parfois dégringoler dans un vide abyssal.

C'est alors un balancement, une oscillation incessante qui va se mettre en marche tout au long de la suite du récit, entre un présent incertain et un passé non encore clos où les fantômes s'en échappent et où les bonheurs n'ont pas terminé leur course effrénée. Ici le futur n'est pas encore imaginé.

Le temps ne cesse de s'inviter dans ces pages somptueuses comme s'il était le personnage principal de ce livre, où notre plus grande quête de lecteur est de venir fouiller la mémoire d'un homme fugitif.

C'est aussi un passé qui couture l'intime à l'universel.

L'intime, c'est le parcours de ce fils d'un maçon et d'une concierge, devenu un architecte reconnu et célébré par son talent immense. En dépit de ses fortes convictions de républicain engagé, sans doute cette ascension sociale lui a valu de rencontrer et d'épouser une femme de la bourgeoisie espagnole conservatrice et catholique.

Désormais, la République, qu'il appelait de ses voeux comme un idéal, se déchire dans la violence et la répression. Aujourd'hui il ne trouve pas réellement sa place, ni dans sa vie, ni dans sa maison, ni dans son pays. Sa rencontre avec Judith Biely va bouleverser son existence. Avant elle, il a le sentiment que rien n'était vivant, qu'il n'existait pas. le sens de la vie, n'est-ce pas dans les bras de cette jeune femme, qu'il lui a été révélé ?

« Bien qu'elle ne soit presque plus jamais visible dans ses rêves, Judith Biely y rôde telle une absence impérieuse, celle d'une personne qui, du fait de son départ, semblera plus présente encore dans la révélation du vide qu'elle a laissé, comme le tranchant d'une lame est révélé par la blessure ouverte, et un inconnu par les traces qu'il a laissées sur le sable humide. »

Dans la grande nuit des temps écrit par Antonio Muñoz Molina fut pour moi une lecture tout d'abord laborieuse durant les premières pages, jusqu'à ce que l'éblouissement vint. Et alors...

Et alors, je suis monté dans le train, j'ai été emporté par le texte autant par sa forme inouïe, vertigineuse, que par la toile de fond historique.

Ici, il y est question en effet d'exil et d'Espagne. de la guerre civile et des terres lointaines. du passé que l'on laisse et qui ne passe pas. Des engagements, des renoncements tristes. du courage, du silence. Et aussi de ce qu'aimer veut dire...

Antonio Muñoz Molina m'a entraîné dans un récit construit en réminiscences et en digressions, où la relation d'Ignacio Abel au monde, à ceux qui l'entourent, ceux qu'il aime et qui l'aiment, est ici lié à l'Histoire de l'Espagne en train de se faire dans le bruit et la fureur.

C'est un aller-retour entre une gare de New-York et Madrid par le truchement d'un narrateur qui continue de nous entraîner dans le dédale du temps.

Dans la grande nuit des temps est un roman au fantastique pouvoir d'envoûtement et d'incarnation grâce à l'entremise des mots et du temps, dans sa dilatation, dans la manière très proustienne qu'a l'auteur de scruter un instant très court et de le faire résonner dans la durée…

L'obsession d'un amour peut-il être plus fort que la tragédie d'une guerre civile ?

D'ailleurs, est-ce un roman d'amour avec en toile de fond une fresque historique ? Ou bien l'inverse ? Les deux dimensions se côtoient, s'épousent à merveille, mêlant l'intime d'une rencontre clandestine à celle de la grande Histoire.

La beauté fracassante de ce roman vertigineux tient sans doute pour ces raisons, portée par la respiration d'une écriture sublime qui fut pour moi un ravissement.

L'Espagne meurtrie est palpable à travers les sensations si incroyablement représentées par l'auteur. C'est un roman sensoriel autant dans le plaisir des gestes amoureux que dans l'horreur infinie de la guerre.

« Il se rappelle la peur primitive, la peur qui revient avec la nuit, obscurité plus profonde et plus chargée de dangers que dans les histoires qu'on lui racontait dans son enfance. Non seulement rentrer chez soi lorsqu'il faisait encore jour et fermer les portes, en tirant targettes et verrous ; mais aussi se pelotonner comme un enfant sous les couvertures, fermer les yeux en serrant les paupières et se boucher les oreilles pour ne pas entendre, comme s'il suffisait d'avoir vu ou entendu pour attirer le malheur. »

À travers le personnage d'architecte qu'est Ignacio Abel, j'ai aimé ici rencontrer une sorte de métaphore des édifices que l'on construit si longuement et que l'on met peu de temps à les faire s'écrouler comme des châteaux de sable. La vie ressemble si souvent à cela.

Ignacio Abel est typiquement le personnage romanesque que j'aime par-dessus tout car il est rempli de doutes et d'interstices, personnage plutôt détestable au premier abord...

Est-il une sorte de déserteur, celui qui se retourne de temps en temps pour contempler le monde qu'il a quitté ? Les siens, sa famille, ses amis, son pays, sa patrie, une vie tout entière...

Est-il lâche ? Peut-être tout simplement ne trouve-t-il plus sa place dans ce temps absurde et convulsif ? Dans cette vieille Europe agonisante ?

Ce roman parle des renoncements, des trahisons, des lâchetés qui semblent reposer ici sur un seul homme.

J'ai failli me perdre dans les ténèbres de ce roman et je me suis retrouvé à chacun instant dans la lumière des personnages et les chemins tortueux qui les révèlent.

La lumière, ce fut autant celle d'une chambre mercenaire où les heures se défont que la révolte de la rue où les républicains farouches ont défendu jusqu'au bout les valeurs qui les animaient.

Le roman est traversé d'une certaines irréalité, fracturée par la frontière incertaine qui sépare le réel de l'imaginaire.

Mais ce qui rend le roman magnifique, c'est le temps qui façonne et se livre en digressions, en éclats, en convulsions, en rhizome.

C'est le temps du flux et du reflux.

Le temps de l'attente.

Le temps de l'éblouissement.

Un temps illicite.

Celui de l'amour et de la guerre.

Le temps de l'exil.

Un temps de l'oubli.

Le temps qui s'écoule étranger à nous-mêmes.

Un temps de l'impatience aussi.

Le temps délicieux et fugitif de la jouissance.

Un temps qui est une fenêtre ouverte, battant dans le vent.

Les dernières pages du récit disent effroyablement le sang qui coule, l'urine de celui qui a peur et qui fait sur lui face à l'ennemi qui tend son arme devant sa tempe, les cris de ceux qu'on torture, qu'on fusille dans une clairière ou au coin d'une rue déserte. L'espoir aussi, peut-être après, longtemps après, qui sait...

Mais ce que je retiens de ce livre, c'est le sentiment de quelque chose de tragique et de beau à la fois.



« Et quand viendra le jour du dernier voyage,

Quand partira la nef qui jamais ne revient,

Vous me verrez à bord, et mon maigre bagage,

Quasiment nu, comme les enfants de la mer. »

Antonio Machado



Merci à mes deux compagnes de voyage avec lesquelles j'ai cheminé dans cette lecture commune, Delphine (Mouche307) et Sandrine (HundredDreams).

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En l'absence de Blanca

Blanca et Mario, un couple que tout devrait séparer, leurs goûts, leurs origines, leur milieu social, leur culture, mais, malgré tout, un couple qui dure depuis plusieurs années.

Mais comment ne pas souffrir d’un sentiment d’infériorité, comment vivre à deux quand on ne partage pas les mêmes rêves ?

Un texte court, des phrases longues, très longues, une goutte de fantastique.

Une histoire d’amour aveugle qui m’aura laissée de marbre.

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Pleine lune

Antonio Munoz Molina écrit très bien. Mais son style est trop compliqué pour moi !



Le sujet est pourtant intéressant : un inspecteur, en proie à des difficultés personnelles, enquête sur une, puis bientôt plusieurs, agressions qui le remuent profondément. Le viol et le meurtre d'une petite fille, survenus alors qu'elle était sortie acheter un bristol et des crayons de couleurs pour terminer ses devoirs...



Le problème, c'est que même bien écrit, c'est terriblement long, et pendant des pages et des pages que dure une phrase, il ne se passe rien ou presque.



Bref, je n'ai pas aimé du tout, et je le déplore, parce que pour le coup, la langue est belle chez cet auteur.
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Le sceau du secret

Ce roman d'apprentissage espagnol met en scène un jeune homme qui veut devenir journaliste. Sans le sou, il accepte un travail de dactylo pour un inconnu qui lui donne le goût du whisky, des cigarettes et des bons repas.



Cet inconnu, ce n'est pas n'importe qui. Anarchiste, il complote contre le régime en place. Nous sommes en 1974, à la veille de la mort de Franco (1975). C'est ainsi que notre apprenti journaliste va apprendre qu'il participe à un complot. Pas facile de garder la tête froide et un secret ...



Ce petit roman n'est pas désagréable mais manque de tonus, d'allant et d'un fil directeur autre que les atermoiements du narrateur, qui peine à s'affirmer et à trouver sa place.



Je me suis d'ailleurs demandée s'il ne s'agissait pas d'un récit à fort caractère autobiographique.









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Carlota Fainberg

Claudio est coincé dans l’aéroport de Pittsburgh en raison d’une tempête de neige. Il doit se rendre à Buenos Aires pour un congrès. Abordé par Marcelo, qui reconnait qu’il est espagnol grâce au journal dans sa poche, Claudio se voir obligé d’écouter pourquoi Marcelo n’ira plus jamais à Buenos Aires. À cause d’une femme, Carlota, qu’il a rencontré dans un hôtel en ruine et avec qui il a eu une relation torride de deux jours. La tempête se calme, les deux hommes se séparent. Claudio arrive à Buenos Aires, suit son congrès plus ou moins assidûment, se promène dans la ville et tombe sur l’hôtel dont Marcelo lui a parlé. Il y entre, l’hôtel est encore plus décrépi, ferme à jamais le lendemain. Claudio croit y voir Carlota, puis elle disparaît, et tout doucement la réalité se confond avec le rêve. Un peu agaçant parfois de lire un livre où se mêlent trois langues, français, anglais, espagnol, mais une belle histoire.
Lien : https://redheadwithabrain.ch..
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Beatus ille

Ils se sont connus sur les bancs de l’école, Manuel fils d’un riche propriétaire, Jacinto fils d’un paysan pauvre. Ils sont restés amis, même quand Jacinto est parti à la capitale et est devenu poète, même quand c’est Manuel qui épouse Mariana, que Jacinto lui avait présentée en 1933.

C’est chez Manuel que Jacinto se cache lors des évènements tragiques de la guerre d’Espagne.

C’est encore chez Manuel qu’il trouve refuge en sortant de prison, 10 ans plus tard.

Et c’est là que se trouvent ses derniers écrits.

Écrits que vient explorer Minaya, neveu de Manuel, à la fin des années 60, sous prétexte d’une thèse.

Mais il va découvrir beaucoup, beaucoup plus que des poèmes.

J’ai eu du mal à entrer dans ce roman ; dès les premières pages on sent que ça va être oppressant. L’écriture est dense, très dense. Et en effet, tout est oppressant dans ce récit, à commencer par la maison, personnage à part entière avec ses pièces innombrables, certaines condamnées, son patio, son pigeonnier maudit.

Tout ici est hanté : par les souvenirs, par les mensonges, par les secrets.

Tout est énigmatique.

Tout est pesant.

Et pourtant, quelle beauté dans ce roman, dans sa densité et sa pesanteur même, dans le tragique de ces destinées humaines brisées par la guerre et la dictature.

Traduction impeccable de Jean-Marie Saint-Lu.

Challenge Solidaire 2023

LC thématique avril 2023 : "Un roman historique"
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En l'absence de Blanca

C'est un roman très court, et pourtant, tout est dit. 

Mario est un provincial. Non, il n'est pas monté à Madrid, il est monté de sa campagne à Jaen où il est dessinateur industriel - un fonctionnaire. Or, pour Blanca, sa femme, qu'il aime passionnément, rien n'est pire que l'esprit fonctionnaire, même si elle lui assure qu'il n'en est pas doté. Blanca, c'est tout le contraire de Mario : elle vient d'une famille aisée, elle a toujours vécu dans l'aisance, elle abandonne un travail du jour au lendemain parce qu'il ne lui convient plus, elle est profondément artiste dans l'âme, et souffre de tous les opéras qu'elle ne pourra pas entendre, de toutes les expositions qu'elle ne pourra pas voir. Avant de connaître Mario, elle partageait la vie d'un peintre en pleine ascension, peintre qu'elle a soutenu, et qui l'a laissée dans une profonde dépression. Alcool et drogue ne l'ont pas aidée non plus. Nous sommes dans l'Espagne des années 80, celle qui s'apprête à entrer dans l'Otan puis dans l'union européenne (alors, la CEE), celle qui rentre dans l'Otan, qui est en pleine modernité et ne connaît pas encore la crise. Mario, lui, pense comme ses parents, le monde est une "vallée de larmes", et ne comprend pas, finalement, l'appétit de vivre de sa femme, sa passion pour toute chose - même s'il l'aime, même s'il pense qu'elle le quittera un jour, ce qui finit par arriver. Mario se rejoue le film de leur vie, de leur rencontre à cet instant présent, il pense ne pas avoir assez profité de chaque instant, lui qui ne vivait pourtant que pour ses instants, partageant peu avec ses collègues, puisque l'essentiel pour lui, était d'être avec elle. Mario qui avait toujours peur - pour elle. 

Si je retiens une chose de ce livre, c'est qu'il est avant tout une grande histoire d'amour - et que tout espoir n'est pas forcément perdu. 
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En l'absence de Blanca

Un après-midi, de retour du travail, Mario rentre chez lui et y trouve sa femme comme tous les jours. Mais quelque chose ne va pas : elle lui ressemble mais est-ce bien Blanca qui l’accueille.



Une lecture très agréable. Je découvre Antonio Munoz Molina avec ce petit livre. J’ai aimé cette remise en question de Mario, du couple qu’ils forment avec Blanca. Couple désassorti, lui « petit » fonctionnaire, elle, issue d’une riche famille et évoluant dans le monde de l’art contemporain. Mario se remémore sa rencontre avec Blanca, comment ont-ils pu se rencontrer, eux qui vivaient dans des mondes complétement opposés. Ce mariage était-il une erreur et était-il voué à l’échec dès le début.

Un auteur à explorer.

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Un promeneur solitaire dans la foule

Il m'a fallu un mois pour venir à bout de ce livre, non pas parce qu'il est aussi mauvais que ça, au contraire, j'ai passé un moment que je dirai agréable avec, mais il m'a manqué de l'enthousiasme, de véritables mobile pour pouvoir m'acharner sur ma lecture. Comme le titre l'indique, l'ossature de l'intrigue le regard de notre narrateur, autrement dit, ce sont des observations d'un promeneur solitaire. En effet, Un promeneur solitaire dans la foule nous ressort la préoccupation première est de soigner son image autant pour la publicité que pour les hommes...
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Carlota Fainberg

Ce fut un peu les montagnes russes avec ce roman, heureusement d'ailleurs qu'il est court.



Je l'avais choisi, pour découvrir la plume d'Antonio Munoz Molina, parce que le sujet de départ, ce qui est vendu dans la quatrième de couverture, m'intriguait beaucoup. Deux hommes, deux compatriotes espagnols qui ne se connaissent pas, se retrouvent dans un aéroport américain, à attendre leur avion respectif. L'un d'eux commencera à raconter son histoire argentine au narrateur, ce dernier attendant en effet de s'envoler vers Buenos Aires.



Ne me demandez pas pourquoi mais, au démarrage de cette histoire, je croyais que j'allais lire une sorte de roman noir. Vous savez, deux hommes qui ne se connaissent pas, qui se racontent leurs galères, et qui décident de s'aider mutuellement, l'un en tuant la femme de l'autre, ce dernier se chargeant d'assassiner le patron du premier. Quelque chose dans le genre.

Il n'en est rien.



Je dois bien avouer que j'ai trouvé au début que c'était long, mais long. D'autant que les anglicismes qu'on retrouve au détour de chaque page commençaient furieusement à m'agacer (ce qui est fait exprès, au final). Puis, soudain, j'y ai trouvé un moment de grâce, je revoyais une scène du roman La chute d'Albert Camus, récit qui m'avait fortement marquée à l'adolescence. Et, de nouveau l'ennui... jusqu'aux cinquante dernières pages qui m'ont pour le coup emballée.



Je ne saurais pas vraiment vous dire, au final, de quoi parlait réellement ce bouquin, ni expliquer pourquoi certains passages m'ont plu. La plume m'a charmée à certains endroits, m'a ennuyée à d'autres. Par contre, ce roman, cette écriture ont à coup sûr une identité. Me plaît-elle? Cela est une bonne question, je n'en sais rien.



En bref, un roman qui m'a déroutée et sur lequel je ne saurais donner un avis tranché. Je n'ai peut-être aussi pas fait le meilleur des choix pour découvrir cet auteur.
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Pleine lune

Le challenge solidaire m'a fait découvrir des auteurs que je n'aurais jamais lus sinon, comme George Eliot ou Elizabeth Gaskell, auteures que j'ai adorées et lues ensuite... Et puis parfois, c'est un pensum, c'est compliqué, c'est long, c'est lent et je me force à lire....

Là c'est le cas. Pourtant mon mari a plutôt apprécié, lui....

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L'histoire (glauque) : le viol et le meurtre d'une gamine de 8 ans.

Un inspecteur (jamais nommé), une ville (jamais nommée), l'Espagne des attentats basques. Et des phrases de 30,40 lignes voire plus.... Pas des subordonnées, juste des accumulations. Je ne sais pas si ce style qui a fait que j'étais éloignée de l'histoire, mais je n'ai ressenti aucune empathie ni pour l'histoire ni pour aucun personnage. Pourtant avec un meurtre d'une fillette.....

Donc un livre lent, très lent, avec une originalité : chaque chapitre voit un nouveau narrateur jamais annoncé qu'on va découvrir au fil des pages (enfin en 1 phrase longue comme un paragraphe, on a trouvé). Comme j'avais du mal à m'investir dans le livre, ce changement de personnages m'a plutôt perdue qu'autre chose.

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Sans le challenge solidaire, j'aurais abandonné ce livre. Je vous conseille donc de lire les autres critiques voire le livre pour vous faire une idée. Moi clairement je ne compte pas prolonger ma découverte de l'auteur.....
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En l'absence de Blanca

En l'absence de Blanca est un court roman d'un auteur que je n'avais jamais lu et que je découvre grâce au challenge solidaire. On y suit le délitement du couple formé par Mario et Blanca. Blanca est fantasque, aime l'art moderne et méprise les "fonctionnaires mentaux". Ce qu’est au fond Mario, un homme solide, stable, qui se satisfait de son travail de dessinateur à Jaen. Si Blanca a voulu Mario, désormais elle lui échappe...

J’ai aimé les réflexions d'Antonio Munoz Molina autour de la différence de classe sociale de ce couple. Devant ses amis, Blanca prête à Mario des connaissances qu'il n'a pas, manière de le grandir et de se grandir à leurs yeux, tandis que Mario, impressionnée, n'ose pas dire son désintérêt devant les œuvres et les artistes qui passionnent Blanca.

Je ne peux pas dire que j'ai adoré ce roman, mais je ne regrette pas ma lecture... Une œuvre à laisser décanter, peut-être.
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L'hiver à Lisbonne

Années 80. Espagne, ici et ailleurs. A une autre époque, Giacomo Dolphin, pianiste de jazz portait le nom de Santiago Biralbo. Mais pourquoi ce changement d'identité? Entre fumée de cigarettes et verres d alcools, l'évocation de son ancienne vie. le piano, son ami Billy Swan a qui il doit beaucoup, sa relation avec la belle et énigmatique Lucrecia, son attente, sa vie menacée pour d'obscures raisons ... Vérité qu'il apprendra lors de ce voyage à Lisbonne. Ambiance sombre, nocturne la plupart du roman. Passant de bars en bars sous fond jazzy ou d'hôtels plus ou moins miteux.
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