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Critiques de Antonio Muñoz Molina (234)
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En l'absence de Blanca

Mario n'a pas d'amis. Il n'en a pas besoin, car il ne vit que pour sa femme et à travers elle. Les sept années passées avec elle n'ont en rien entamé le bonheur qu'il a de courir pour la retrouver quotidiennement après son travail.

Le roman commence par la fin et le début est un peu déroutant. Puis l'auteur s'amuse à nous promener dans le temps dans le désordre le plus construit. Il analyse la relation entre Mario et Blanca avant et après leur mariage. Ce sont deux personnages très différents, elle issue d'une famille beaucoup plus aisée que lui, d'un tempérament beaucoup plus curieux et assoiffée de culture. Lui est fou amoureux de sa femme, mais elle ? Pourquoi se sont-ils mariés ? Comment a évolué leur relation ? Qui est cette nouvelle femme qui ressemble à Blanca ?

C'est un très court roman, presque une nouvelle, qui se lit d'une traite. Deux personnages principaux, à peine deux ou trois autres secondaires. L'analyse psychologique de Mario et Blanca est remarquable et je ne peux m'empêcher d'avoir beaucoup d'empathie pour Mario qui, pendant des années, a essayé de ne pas faire remarquer son côté « paysan » sans jamais y parvenir, et qui a laissé de côté tout ce qui comptait pour lui.

Si vous n'aimez pas du tout les romans sans dialogues, j'aurais tendance à vous dire de passer votre chemin. Mais vous vous priverez d'une magnifique écriture qui traduit si bien l'amour inconditionnel d'un homme et son abnégation, et d'un auteur qui décortique de façon brillante une relation.

C'est le troisième roman d'Antonio Munoz Molina que je lis et je suis une fois de plus sous le charme. Bien que ce récit n'ait pas la même puissance que Dans la grande nuit des temps, car beaucoup plus court, je l'ai quand même trouvé très fort et j'ai beaucoup aimé la fin.
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Pleine lune

Ce livre tant policier que psychologique est inoubliable.



L'enquête policière est prenante mais finalement secondaire.



Ce que l'on retient ce sont les personnages, leur vérité, leur profondeur mais aussi l'ambiance de l'Andalousie, la noirceur de l'histoire.



C'est un roman envoûtant, très humain et magnifiquement écrit.
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Beatus ille

Vous avez aimé Dans la Grande Nuit des Temps, vous apprécierez aussi Beatus Ille. On se dit que le style est le même avec des phrases qui n'en finissent plus, des personnages dont les noms Minaya, Mariana, Medina, Manuel, Magina se succèdent, s'enchaînent en sautant d'une époque à une autre (1937, 1947 et 1969) pour perdre en route le lecteur inattentif et négligent.

« Elle a tout doucement fermé la porte et elle est sortie sans faire de bruit, comme lorsqu'on quitte, à minuit, un malade qui vient de s'endormir. J'ai écouté ses pas s'éloigner lentement dans le couloir, redoutant ou désirant qu'elle revienne, au dernier moment, poser sa valise au pied de mon lit et s'y asseoir avec un air de renoncement ou de lassitude, comme si déjà elle rentrait de ce voyage qu'avant ce soir elle n'a jamais pu faire. Les volets ouverts laissent entrer un air de nuit d'été tout proche, une nuit déchirée, au loin, par le sifflet des express qui suivent la livide vallée du Guadalquivir avant de monter la pente qui mène à la gare de Magina où lui, Minaya, l'attend en ce moment, sans même oser espérer qu'(elle)… apparaisse à un bout du quai ».

Triangle amoureux ? Oui, mais pas comme on le croit à la lecture de ces toutes premières lignes dont vous n'aurez la clef qu'après avoir lu le dernier chapitre. Molina raconte tellement bien les amours malheureuses, les amoureux transis qui n'osent pas ou ceux qui osent tout pour finalement tout perdre, les amoureux heureux mais honteux du bonheur qu'ils ont dérobé à l'ami de toujours, qu'on peut penser que c'est le thème principal du roman au même titre que l'amitié...

« Elle m'avait pris par le bras et elle regarda l'objectif quand le photographe nous demanda de sourire, mais Solana était derrière lui…Ce fut exactement à ce moment-là que le photographe déclencha l'appareil. de quelque endroit du cabinet que tu la regardes, elle a l'air de sourire et de te regarder, mais c'est Jacinto Solana qu'elle regarde. »

Et si c'était une enquête policière ?

« Il pouvait les entendre et reconnaître la voix de chacun, parce qu'ils étaient tous dans le cabinet, de l'autre côté de la porte, mais également ici, dans le cahier bleu, dans les dernières pages qu'il commençait à lire, en se demandant lequel d'entre eux, lequel, parmi les vivants ou les morts, avait été, trente-deux ans plus tôt, un assassin. »

Sans avoir l'air d'y toucher, en arrière-plan, il y a bien un mystère enfoui dans le lointain passé qui va se dissiper peu à peu. Lorsque la vérité apparaît enfin, la surprise est totale et soudain tout s'explique. Pas mal pour un roman qui n'est pas un roman policier.

Alors, c'est un roman sur la guerre civile espagnole ?

Elle ne sert que de décor et de prétexte à des événements extraordinaires mais sa condamnation qui met dans le même sac les assassins de gauche et de droite, la folie des discours enflammés enrobés de postures généreuses et la bassesse des foules déchaînées pour lyncher un homme seul est au coeur du roman et de la pensée de l'auteur. Elle y est traitée, de façon assez similaire à Dans la Grande Nuit des Temps, comme une formidable machine à détruire des vies, bien sûr, mais aussi à anéantir les rêves, les aspirations et les talents de tous ceux qui lui survivent. On y croise un héros qui n'en était pas un, qui ne voulait surtout pas en être, mais qui, pour exister et devenir quelqu'un, en prit toutes les apparences et tous les travers. La tentation du repli sur soi, du refus de prendre parti et de participer à la curée est symbolisée et magnifiée par l'homme portant le prénom de Justo (sans doute pas un hasard) dont le sort ressemble à celui du réfugié allemand de la Nuit des Temps. Quant au titre Beatus Ille, il suffit de se remémorer les premiers vers du poème d'Horace pour confirmer le jugement :

Qu'il est heureux (en latin Beatus ille), loin des affaires,

Comme les mortels des premiers âges,

Celui qui travaille les champs de ses pères, avec ses boeufs à lui, libre de tout prêt à usure.

On ne le réveille pas, soldat, au son terrible de la trompette,

Il ne connaît pas l'horreur de la mer démontée,

Et se tient à l'écart du forum et des seuils arrogants des citoyens puissants.



C'est un roman magnifique, déroutant par son style, captivant par son intrigue mystérieuse et sa construction habile et émouvant par les sentiments qu'il dépeint. C'est beaucoup, mais prenons un instant encore pour dire un mot du personnage que constitue la ville où se situe l'intrigue. Derrière Magina, il faut imaginer Ubeda, la petite ville d'Andalousie (classée avec sa voisine de Baeza au Patrimoine Mondial de l'Humanité) où Munoz Molina est né. Pour y avoir passé une journée ensoleillée de fin mai, je ne peux qu'encourager à y faire halte. Outre l'architecture Renaissance italienne à admirer à chaque coin de rue, vous y retrouverez, comme dans le roman, la place du Général-Orduna (dans la réalité la place d'Andalousie) et sa statue du général criblé de balles. Vous y chercherez, dans le centre historique, la maison de l'oncle Manuel où tout ou presque se déroule. Vous descendrez ensuite vers la plaine du Guadalquivir et ses innombrables oliviers pour vous imaginer dans la scène où les fugitifs tentent d'échapper à leurs poursuivants. Lisez ce roman époustouflant, puis, en allant vers Grenade ou en en remontant en direction de Madrid, arrêtez-vous savourer la beauté et le calme d'Ubeda. Vous n'oublierez ainsi ni le roman, ni la ville, ni le plus célèbre de ses écrivains.

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Le royaume des voix

Ce livre a été mon premier contact avec l'oeuvre d'Antonio Munoz-Molina. Lorsque j'en ai attaqué la lecture, j'ai été tout d'abord dérouté : en effet, les premières pages ne sont qu'une seule et unique phrase. Mais il y avait un rythme, une cadence, une fluidité des mots qui laissaient entrevoir une parfaite maitrise de l'écriture, et qui m'ont incité à persévérer. Bien m'en a pris, puisque l'histoire de ce jeune homme est captivante. A travers ses souvenirs et l'histoire de son village natal Magina, il retrouve petit à petit sa mémoire de cette nuit particulière où sa vie a pris un nouvel essor.

C'est avec un grand talent que se dévoilent petit à petit à la fois une fresque historique de l'Espagne du vingtième siècle et le cheminement intérieur de cet homme. J'en ai gardé le souvenir d'un roman attachant et splendide, certainement un livre à relire dans quelques années.

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Beatus ille

Antonio Munoz Molina m'avait enchantée (le mot est faible) avec Dans la grande nuit des temps, un roman qui restera à jamais parmi mes cinq livres préférés. J'ai donc voulu connaître un autre roman. Beatus Ille est son premier.

Comme dans la grande nuit des temps, il est question de guerre civile espagnole. Il faut dire que Molina est un spécialiste. Mais ce n'est pas le sujet principal et même si on n'y connaît rien, ça passe très bien, mieux que ça même.

C'est une histoire en 3 parties qui se déroule entre 1933 et 1969 et qui commence par la fin ou presque (comme dans l'autre roman). Un narrateur, dont on ne connaîtra le nom qu'à la fin, place les principaux personnages. Au début, on est un peu perdu parmi ces personnages et les époques évoquées, mais rapidement on va connaître les liens qui existent entre eux. L'auteur nous balade dans le temps et nous fait vivre l'histoire de plusieurs points de vue (comme dans l'autre roman). le puzzle prend forme au fil de la lecture.



C'est un livre magnifique, magnifiquement écrit et remarquablement construit, mélangeant sans cesse les époques. L'auteur est capable de parler du passé, du présent et du futur dans une même phrase. Souvent, on évoque ce que les personnages diront ou penseront plus tard de la situation qu'ils sont en train de vivre.

Il y a peu de dialogues, des phrases qui font souvent la moitié d'une page avec beaucoup d'adjectifs pour qualifier au maximum les choses décrites, les comparer à la nature, à des animaux. Les sentiments des personnages, leurs pensées, la ville de Magina, chaque pièce de la maison, les ambiances, les lumières, les arbres, le fleuve, la guerre … tout est parfaitement décrit et rendu.

Certains y verront surtout un livre sur la guerre civile. D'autres y verront plutôt un livre policier avec une enquête pour résoudre un meurtre. Pour moi, la guerre civile est secondaire, juste un « décor », même si elle intervient régulièrement.

C'est un livre sur l'amitié, l'amour, une réflexion sur l'écriture, sur la transmission de la mémoire, d'une histoire personnelle et collective.

Encore un grand livre de ce grand auteur. Peut-être un chouïa au-dessous de la grande nuit. 9 étoiles pour Beatus Ille et 10 pour la grande nuit, si c'était possible d'en mettre autant.

Au suivant !
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Beatus ille

Un livre que je referme en me disant que cet auteur est brillant. Non seulement la construction de ce roman est phénoménale mais Antonio Munoz Molina possède une plume qui me subjugue. Certes, j'ai souffert au début, mais cela n'était que pour me donner un plaisir grandissant au fil des pages. Il est tellement proche de la poésie dans sa forme d'écriture que j'y ai puisé un enivrement, aiguisé plus j'avançais, à m'accrocher pour absorber ce qu'il avait à dire de manière si sensible. Si je puis me permettre un conseil, ne lâcher pas prise après les cent premières pages. Cela en vaut vraiment la peine car on finit par se couler dans cette forme d'écriture très particulière et, sans vraiment comprendre de manière très raisonnée, on sent que l'arrangement interne du roman, sa structure déstabilisante au début, va se révéler et s'épanouir comme une fleur au soleil au fil de la lecture. Progressivement, on s'habitue et les non-dits ou juste suggérés, inconsciemment se mettent en place dans l'histoire que l'on découvre page après page.
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Dans la grande nuit des temps

CHEF D'OEUVRE ABSOLU, D'UNE TOTALE MAÎTRISE, SUBLIMEMENT ÉCRIT

Ce livre magistral démarre en octobre 1936 quand Ignacio, architecte renommé socialement installé, fuit l'Espagne et la république qui se meurt sous les assauts des forces de la future dictature. Une désillusion qui est aussi celle d'un homme amoureux (dans le genre amour impossible). Ce livre nous propose "la petite histoire dans l'Histoire" de manière magistrale. C'est passionnant, addictif, incomparable. Et comme toujours chez Molina, outre un héros fragile et attachant, à la fois faible et courageux et des personnages secondaires pas secondaires justement, un contexte -les prémisses de la guerre d'Espagne immersif et remarquablement documenté-, il y a la plume de l'auteur. Des phrases longues et belles qui s'enroulent autour du lecteur pour le captiver et l'ensorceler. La poésie est toute proche. Respect au traducteur pour avoir su restituer cela. Que du bonheur !
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Dans la grande nuit des temps

Formidable évocation d'une passion amoureuse, surprenant à l'approche de la cinquantaine un homme sans histoires, comme une parfaite allégorie de la passion belliqueuse qui s'empare de l'Espagne au milieu des années 30 et que nous allons vivre par ses yeux, son coeur et son cerveau !

Ignacio est un architecte reconnu mais solitaire, un père aimant mais silencieux, un mari fidèle mais distant, un socialiste convaincu mais raisonnable, un gendre respectueux mais fuyant. La société espagnole, assoupie depuis si longtemps dans ses habitudes et ses injustices, se réveille depuis quelques années sous des influences étrangères. Certains rêvent des soviets de la révolution bolchevique tandis que les autres rêvent de l'ordre allemand ou italien. On s'agite, on découvre les joies d'aller voter, de défiler bruyamment et forcément, peu à peu, la joie cède la place à la peur alimentée par les premiers excès des extrémistes des deux camps.

En parallèle, voici Ignacio, lui aussi, qui s'embrase sous influence étrangère, en la personne d'une jeune et séduisante américaine dont il devient l'amant.

Son absence quand il est au foyer familial, son impatience, ses mensonges, ses hésitations avant d'annoncer qu'il doit s'absenter, tout est fort bien décrit, « Accoutumé à ne pas mentir, il était surpris par la facilité avec laquelle, pour la première fois depuis très longtemps, il cachait quelque chose (...) La vérité et le mensonge se disaient exactement avec les mêmes mots. Dire ces mots était si facile et la récompense si démesurée que cela lui provoquait par avance une sensation d'ivresse, presque de vertige, à l'heure du dîner, dans la léthargie de la salle à manger familiale, où le temps passait si lentement ». J'ai lu quelques commentaires déçus où certains le trouvent égoïste et aveugle. C'est tout à fait vrai, mais c'est précisément l'état dans lequel une passion amoureuse et adultérine vous plonge. Cet aspect du roman me semble une totale réussite par les sentiments décrits, ce profond tumulte dans lequel vous savez que vous êtes en train de causer autour de vous beaucoup de chagrin mais auquel rien ne peut vous faire renoncer. le comble de l'égoïsme sans doute, d'autant plus surprenant et choquant quand il frappe un individu irréprochable jusque là.

Le premier temps de la passion, celui des premiers mensonges faciles est aussi celui du plaisir, de la joie et de l'ivresse retrouvés comme celle de la république nouvelle de 1931. Puis l'orage qui gronde finit par éclater au printemps de 1936, le soulèvement militaire dans le sud va libérer dans Madrid toutes les lâchetés, les injustices et les cruautés, qui sommeillaient derrière les défilés et les banderoles. Chez Ignacio, c'est une clé oubliée un matin sur un tiroir qui va déclencher le drame. Les soupçons muets deviennent des certitudes, voici venu le temps des larmes, du chagrin, des remords et des renoncements.

Les trois personnages de cette passion amoureuse sont des « gens bien » et c'est ce qui fait l'intensité de cet aspect du roman. L'épouse délaissée qui, toujours amoureuse de son mari, fait preuve d'une douleur aussi muette que violente est d'une dignité admirable. La maîtresse qui, se rendant enfin compte de ce qu'ils ont provoqué, a le courage de rompre. le mari quant à lui, déchiré entre ses enfants, le chagrin de sa femme et la passion qui le dévore, ne saurait renoncer, pas plus que l'Espagne qui s'enfonce chaque jour davantage dans la folie meurtrière.

Ignacio est devenu un bourgeois mais ses sympathies sont toujours à gauche, c'est un républicain convaincu qui va découvrir que les assassinats en pleine rue, que la victime soit un monarchiste ou un républicain, se ressemblent tous. Lorsque la rébellion éclate, Madrid est livrée aux milices de tous poils (socialistes, communistes, anarchistes) et les exécutions sommaires sont bien souvent d'une iniquité sans nom (son ami le professeur Rossman, juif allemand ayant échappé à Hitler et à Staline n'échappera pas à une milice anonyme). On ne peut s'empêcher de penser à José Robles, l'ami de Dos Passos, exécuté après un simulacre de procès et qui causera la rupture avec Hemingway (lire à ce sujet l'excellent Adieu à l'Amitié de Stephen Koch). Il semble bien que dans cette querelle, Munoz Molina ait choisi Dos Passos.

Les pages concernant la guerre, les arrestations arbitraires et les exécutions nocturnes sont un puissant manifeste pacifiste dont je n'ai pas souvenir d'avoir déjà lu l'équivalant. Sa force réside dans le fait qu'il émane d'un membre du camp que l'Histoire a retenu comme le camp du Bien. On en est plus vraiment certain en refermant le livre car il est vraiment difficile de ne pas donner raison au héros déclarant à quelques pages de la fin :

« A la guerre, personne ne comprend rien. Ceux qui semblent y comprendre quelque chose sont les plus hypocrites de tous, les plus fous ou les plus dangereux…Quelqu'un te dénonce parce que ta tête ne lui revient pas ou qu'il croit un jour t'avoir vu sortir de la messe, et on t'emmène dans une voiture à la Casa de Campo et le lendemain matin les enfants s'amusent avec ton cadavre en te mettant une cigarette allumée entre les lèvres et en te traitant d'andouille. C'est ça la guerre ou la Révolution si le mot te semble plus approprié. Tout ce qu'on peut te raconter d'autre est mensonge. Tous ces défilés, qui font si bien dans les films et les journaux illustrés, les banderoles, les slogans, No pasaran ! Ceux qui sont courageux et respectés montent dans une vieille camionnette pour partir au front et ceux de l'autre camp les fauchent avec leurs mitrailleuses sans même leur laisser le temps de viser avec leurs fusils. Ceux qui paraissent les plus vaillants et les plus révolutionnaires restent à l'arrière et utilisent leur fusil et leur poing serré pour payer dans les cafés ou les bordels. A la guerre, dans les endroits où on est véritablement exposé à la mort, on ne trouve que ceux qui ne peuvent pas faire autrement parce qu'on les y mène de force, ou bien ceux qui ont cru la propagande et à qui on a monté la tête avec des drapeaux et des chants.»

J'en sors sous le choc, ravi d'avoir lu un grand livre, un de ceux qu'on garde longtemps en mémoire, jusqu'au bout, jusqu'à ce que La Grande Nuit des Temps nous engloutisse à notre tour.

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L'hiver à Lisbonne

Quel livre! Quel grand livre! Il est de ceux que je n'oublierai pas. C'est une première rencontre avec Antonio Munoz Molina, mais je sais que je vais partir à la recherche de ses autres romans. Dans ce texte, des villes où je me suis rendue, Saint-Sébatien, Madrid et Lisbonne où j'ai bien cru que le héros principal du livre n'arriverait jamais... De la musique, un pianiste et un trompettiste de génie... L'univers de la nuit, des boîtes de jazz, des bas-fonds, des addictions, des plans tordus, des mauvaises rencontres... Beaucoup de points sordides, mais la noirceur est estompée face à une magnifique et rare histoire d'amour... L'hiver à Lisbonne c'est la fuite, la recherche d'êtres aimés et perdus, la jalousie aussi... Cette histoire semble intemporelle et j'ai eu des difficultés à la situer dans le temps, bien sûr, je l'imaginais pur produit du 20ème siècle, mais dans quelle décennie exactement. J'ai facilement imaginé les années 40/50 avec tenant les rôles des protagonistes, Humphrey Bogart et Lauren Bacall... Le cinéma, les livres, la noirceur des films américains sont très présents dans ce roman... jusqu'à ce grand pont rouge de Lisbonne surplombant le Tage (Pont du 25 avril) cousin du Golden Gate... Une histoire beaucoup plus contemporaine que je croyais puisqu'elle se situe sans les années 80 et devient presque contemporaine... Une histoire d'amour intemporelle... Un texte sublime sortant des sentiers battus.
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L'hiver à Lisbonne

Un roman noir se déroulant en Espagne et au Portugal, voilà qui retient l’attention. Mais à Madrid, Saint Sébastien, Lisbonne, point de lumière ni de chaleur, seulement des ruelles sombres, des hôtels glauques, des bars et des clubs de jazz dont les néons colorent la nuit et les visages. On se croirait presque dans le Grand Sommeil, s’il n’y avait les sonorités des noms propres, le cri d’une mouette, et la mer, tout de même omniprésente. Comme de juste, on comprend à peine l’intrigue, mais on est immergé dans une atmosphère glauque, faite de bruine pénétrante, de chambres pas très nettes, de vapeurs d’alcool et de lumières électriques. Et bien sûr, on est aussi fasciné par le couple formé par Bogart et Bacall, pardon, Santiago et Lucrecia, qui ne cessent de se rejoindre furtivement, pour se quitter aussitôt, toujours pressés, menacés, incapables de vivre l’un sans l’autre, mais tout aussi incapables de vivre ensemble. L’intrigue est donc secondaire, même si les « méchants poursuivants » sont au final mieux dessinés que ceux des films noirs américains, moins accessoires. Ce qui envoûte encore, c’est la musique, le jazz de Santiago et de Billy Swann son ami, qui pas un instant ne cesse d’accompagner les gestes et les états d’âme des personnages, et qui se fond avec l’écriture hypnotique de Munoz Molina pour rendre le lecteur totalement captif. Et ce qui transporte enfin, mais déroute aussi, c’est la formidable réflexion sur le temps qui passe, ou ne passe pas d’ailleurs, vu que Munoz Molina s’efforce de le suspendre, de le dilater, de le tordre en tous sens. Ses personnages luttent contre sa linéarité, contre l’emprise du passé qui empêche de vivre, de même que Munoz Molina déconstruit la chronologie, entraîne le lecteur d’une époque à l’autre, d’une ville à une autre, dans une sorte d’errance qui, paradoxalement, structure parfaitement le récit. Santiago veut se libérer du passé, sans jamais y parvenir, sauf peut-être quand il joue, tentant finalement de vivre sa vie comme sa musique, au présent. On ressort de cette lecture, mouillé, légèrement ivre, les mains moites, la gorge irritée par la fumée de cigarettes, mélancolique mais heureux. Un grand roman.
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Comme l'ombre qui s'en va

A la fois roman et récit, ce livre de Antonio Muñoz Molina est inclassable, passionnant, pas très facile à lire, car l'écriture est très dense, foisonnante . Il alterne des chapitres autobiographiques et une enquête sur James Earl Ray, l'homme qui tira le 4 avril 1968, sur Martin Luther King à Memphis, car celui-ci lors de sa cavale a atterri à Lisbonne ou il espérait obtenir un visa pour aller se cacher en Angola. Muñoz Molina se rend à Lisbonne pour mettre ses pas dans ceux de Ray et profite de ce voyage pour retracer les précédents qu'il a fait dans cette ville notamment le premier lorsqu'il a écrit son premier best-seller, " L'hiver à Lisbonne ", mais également un autre lorsqu'il avait été invité pour rendre hommage à Adolfo Bioy Casares. Il profite de ses déambulations pour mettre en évidence le charme parfois désuet de cette capitale.

A travers ses souvenirs, il nous fait partager ses sources d'inspirations, la littérature, ses modèles, la musique, le jazz en particulier dont il est un passionné. Il montre comment il a décortiqué la construction littéraire de ses modèles pour construire son propre style, comment il observe les lieux pour les décrire dans ses textes, comment il construit ses personnages. Mais aussi ses interrogations lorsqu'il était un jeune écrivain, travaillant encore dans l'administration de la ville de Grenade. Il évoque sa vie familiale, la naissance de ses enfants. Il montre le bouleversement que crée pour un écrivain, la sortie d'un roman qui devient best-seller. Il aborde l'alcoolisme en littérature notamment le sien avec un témoignage saisissant et ses difficultés pour en sortir.

Le motif qui l'a conduit à nouveau à Lisbonne c'est donc d'enquêter sur la présence dans la capitale portugaise en mai 1968 de Ray. Après avoir consulté tout ce qui s'est écrit sur l'assassinat de Martin Luther King, les autobiographies de James Earl Ray, il retrace sa cavale notamment son séjour à Lisbonne. Il nous fait partager les lieux, hôtels, bars, que le meurtrier a fréquenté, les démarches qu'il a faites sous plusieurs noms. Il retrouve des témoins. Dans des chapitres passionnants, il revient sur les derniers jours avant le coup de feu qui coûta la vie au Dr King. Il montre le processus qui fait d'un petit délinquant, qui adhère aux idées de Mac Carthy, qui croît à la théorie du complot communiste, un meurtrier pour l'histoire. Il retraçe le climat qui régnait aux Etats-Unis dans les années 50/60, en évoquant ce qu'a été le combat du Mouvement pour les droits civils. Au delà de Lisbonne, il se rend à Memphis et visite le musée élaboré autour de la chambre 306 du Lorraine Motel ou Luther King a été tué, au cours de cette visite il rappelle ce que fût l'horreur de la ségrégation dans cette période, les actes et les marches des noirs pour faire respecter leurs droits. Il décrit les dernières heures du leader, il aborde son épuisement devant son impuissance à faire bouger les choses.

Intéressé par l'histoire contemporaine, fasciné par le processus de construction littéraire, j'ai été emballé par ce roman ambitieux.
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L'hiver à Lisbonne

« Emporte-moi sur la lune, à Lisbonne. » lui avait-elle dit un jour.



C'est l'histoire de cet homme, né Biralbo devenu Dolphin. Il « ne s'appelait plus Santiago Biralbo, qui était né du néant à Lisbonne. » Un musicien qui se raconte par bribes au travers des paroles d'un narrateur, un ami peut-être, une connaissance sans doute bien que le mot soit mal choisi en l'occurrence car qui connait vraiment quelqu'un.



« les véritables solitaires installent le vide dans les lieux qu'ils habitent et dans les rues qu'ils parcourent. »



Biralbo c'est un solitaire, fou amoureux à ses moments perdus. Cette expression lui convient « moments perdus » car j'ai ressenti cette perte de soi dans l'attente de cette femme, Lucrecia. Et pourtant « en se regardant, ils s'appartenaient comme on sait qui on est quand on se regarde dans un miroir. » La rencontre a lieu dans un piano bar de Saint Sébastien. Immédiatement le flash. Elle est mariée avec Malcom. Sentant le vent tourné, Malcom décide qu'ils doivent partir immédiatement pur Berlin. Malcom est un escroc. De la vie, de l'amour et des hommes. Le narrateur en sait quelque chose...



Pendant des années Biralbo et Lucrecia auront une relation ponctuée de longs silences, de quelques lettres et ne se rencontreront que bien peu de fois. Mais pourtant « ce qui leur appartenait véritablement : une trame de mots et de gestes, de pudeur et d'avidité, parce que jamais ils n'avaient cru se mériter l'un l'autre et qu'ils n'avaient rien désiré ni possédé qui ne se trouvât qu'en eux-mêmes, un royaume invisible et partagé qu'ils n'ont presque jamais habité, mais qu'ils ne pouvaient pas non plus renier parce que sa frontière les entourait aussi définitivement que la peau ou l'odeur d'un corps entoure sa forme. »



Elle lui demande de l'accompagner à Lisbonne un jour. Elle vient de se séparer de Malcom et ressent un besoin urgent de se réfugier dans Lisboa. Elle seule y arrivera, lui s'évadera dans des villes européennes. Mais un jour, il y retourne voir Billy Swann, son vieux compagnon musicien malade.



« Il était revenu dans la ville pour s'y perdre comme dans une de ces nuits de musique et de bourbon qui semblaient ne jamais devoir s'achever. »



Il la recherche à cette occasion. Billy le met en garde. Lisbonne est une ville dangereuse pour toi Biralbo et puis « La fille de Berlin, a dit Billy Swann sur un ton comme ennuyé et moqueur. Es-tu bien sûr de ne pas avoir vu un fantôme ? J'ai toujours pensé que c'en était un. »



Mais « Lisbonne était la patrie de son âme, la seule patrie possible de ceux qui naissent étrangers. »



J'ai adoré ce roman pour l'ambiance, pour la trame, pour la beauté de l'écriture. Un vrai régal. Ca sentait le bourbon, je voyais des volutes de fumée et j'entendais Fly me to the moon, Lisboa.
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Pleine lune

Ce premier roman d'Antonio Muñoz Molina que je lis m'a donné du fil à retordre. A première vue, on pense avoir à faire à un polar. Il en a les ingrédients principaux : un meurtre, horrible, celui d'une fillette, et un inspecteur, chargé de l'enquête. Nous sommes dans une petite ville du Sud de l'Andalousie dont nous ne connaîtrons pas le nom, pas plus que celui de l'inspecteur. La fillette, elle, s'appelle Fatima. Dès le début du roman, quelque chose cloche : d'enquête, il n'y en a point. En tout cas rien qui pourrait nous rattacher aux classiques du genre. L'inspecteur, sur les conseils du père Orduña, un prêtre catholique, étiqueté comme "rouge", et qui fut autrefois son éducateur, décide qu'il trouvera le coupable en remarquant quelque chose de spécial dans son regard. Bien. Le lecteur que nous sommes n'a plus qu'a attendre que cet événement survienne. Et pour tromper cette attente, l'auteur va nous envoûter et parfois nous engloutir sous d'interminables cascades de phrases, où l'on découvrira la vie passée et présente de quelques protagonistes de l'histoire : l'inspecteur, le meurtrier, l'institutrice de la jeune Fatima, le médecin légiste, ami de l'institutrice.



Il serait tentant de résumer ces vies et, finalement, toute l'intrigue, en quelques mots, mais ne serait-ce pas trahir l'intention de l'auteur ? Le résumé, la ligne droite, l'esprit de synthèse, sont à l'opposé des choix stylistiques de l'auteur. Ses phrases sont faites de cercles et de lignes sinueuses qui vous emmènent on ne sait où. Elles s'enroulent, bifurquent, empruntent des chemins de traverse, s'arrêtent à un détail impromptu, avalant le paysage, zoomant sur un geste insignifiant, accumulant les points de vue, dévorant les gens sur le chemin du personnage, haletant comme un coureur de fond, va, vient, recule et ne s'arrête que pour mieux rebondir. Ça fait penser à de la musique baroque, une partita ou une cantate de Bach. Mais en beaucoup plus déroutant, plus fatigant aussi. On aimerait faire "Pause", faire le point, résumer la situation. Mais, avec Muñoz Molina, hors de question de résumer quoi que ce soit. Il s'agit plutôt de décortiquer sans fin, jusqu'à l'étourdissement. Une écriture que j'ai envie de qualifier d'obsessionnelle. Quelle est donc l'obsession qui fait courir Antonio Muñoz Molina, comme un cheval fou ?



Le roman a bien une fin que je ne donnerai pas ici. Mais l'enquête est-elle résolue pour autant ? A-t-on fait le tour de la question ? Rien n'est moins sûr. On sent bien que du côté de l'institution religieuse où a grandi l'inspecteur, tout n'est pas clair, il y reste des zones d'ombres qui appellent d'autres éclaircissements, d'autres romans peut-être. Si tant est que la lumière ait ici une chance contre les ténèbres ? Si nous ne sommes pas dans un polar, nous sommes bien dans un roman noir et le noir y est particulièrement sombre.



Perturbé par ce livre, tantôt conquis et tantôt frustré, comme je peux l'être devant un tableau de Salvador Dali ou de Gérard Garouste, je pose une note qui ne veut pas dire grand-chose. Comment résumer par une note un livre par nature rétif à toute manœuvre de réduction ?

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Dans la grande nuit des temps

Ignacio Abel est un brillant architecte espagnol, enfin était, avant la guerre civile. le livre commence alors qu'il est presque au bout de son voyage (et de l'histoire) et débarque à New York pour un projet de bibliothèque et surtout pour essayer de retrouver son grand amour perdu, sa maîtresse américaine rencontrée à Madrid.

Antonio Munoz Molina commence son histoire par la fin et, par d'incessants et habiles allers-retours dans le temps, nous raconte ce qui s'est passé avant qu'Ignacio ne quitte son pays. Il nous raconte la rencontre juste avant la guerre civile d'Ignacio et de Judith Biely, cette jeune et belle américaine qui lui fera perdre la tête. Et il mêle la petite histoire, celle d'Ignacio, à la grande Histoire, celle de l'Espagne. Parfois c'est la petite qui prend le pas sur la grande, parfois c'est l'inverse. Souvent elles sont imbriquées.

Dans ses retours en arrière, l'auteur nous en dévoile un peu plus au fil du livre et nous raconte parfois les mêmes événements mais de différents points de vue. On pourrait avoir l'impression de tourner en rond, mais c'est toujours très bien amené et les différentes variations nous apportent des précisions supplémentaires. Il nous ramène à la jeunesse d'Ignacio, à sa réussite grâce à son travail, fils de maçon devenu architecte. A sa réussite grâce à son mariage avec une femme de la bourgeoisie catholique, lui qui est socialiste. Mais Ignacio n'est à sa place nulle part, ni dans son ancien monde, ni surtout dans son nouveau, la famille de sa femme.

L'auteur est un expert de la guerre civile espagnole qui est un des personnages du roman à part entière. Sa reconstitution est incroyable et il se contente de décrire sans prendre position. Et même si on ne connaît rien à la guerre civile, ce n'est ni lourd, ni incompréhensible.

Ce pourrait être une banale histoire d'adultère. Ce pourrait être l'histoire d'un homme lâche, égoïste qui abandonne sa femme, follement amoureuse de lui, et ses enfants dans un pays en guerre pour aller chercher la sécurité en Amérique et essayer d'y retrouver sa maîtresse. Mais c'est plus complexe que cela.

Les premières pages sont un peu ardues. On met du temps à comprendre qui est le narrateur. On met un peu de temps à s'habituer au style, des phrases très longues, énormément de descriptions très détaillées, très peu de dialogues. Une fois que c'est fait, c'est parti pour mille pages d'émerveillement. On parle parfois de livres qui se méritent, celui-ci en est un.

Je ne connaissais pas Antonio Munoz Molina et j'ai pris ce livre complètement au hasard à la bibliothèque, pour découvrir un nouvel auteur, un peu inquiète de son épaisseur. Parfois, c'est une déception. Là, ce fut plus qu'une bonne pioche. Une immense découverte. C'est un livre époustouflant, magistral, une écriture exceptionnelle, de la très grande littérature. Si on pouvait mettre 6 ou 7 étoiles, je les aurais mises. Comme j'aimerais connaître l'espagnol pour pouvoir le lire dans sa version originale. Heureusement, il est remarquablement traduit. On ne rend pas assez hommage aux traducteurs. Un très grand bravo à Philippe Bataillon qui a su rendre l'écriture magnifique de Munoz Molina.

Ce livre restera à jamais parmi mes 5 livres préférés.

Je me suis empressée de lire un autre roman de cet auteur, Beatus Ille, remarquable aussi.
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Un promeneur solitaire dans la foule

Un andar solitario entre la gente, le dernier roman d'Antonio Muñoz Molina m'a laissée sur le bas-côté de la route. Dire que j'ai peiné à le terminer serait un euphémisme et je suis bien triste de ne pas être aussi enthousiaste que la majorité de ses lecteurs.

Le narrateur, un peu dépressif, se promène dans les rues de Madrid, de New-York, de Paris, et nous livre ses observations. Au cours de ses déambulations, surgissent des hommes, des noms, des bruits, des bribes de conversations, des pensées, des interrogations, des collages, des slogans publicitaires. Comme d'illustres prédécesseurs, Baudelaire, Walter Benjamin, Federico Garcia Lorca, Antonio Muñoz Molina est le piéton qui témoigne et partage ses observations sur la ville, sur les nouveaux modes de vie et de consommation, sur la beauté et la laideur de notre monde.

Si j'ai eu beaucoup de mal à terminer ce roman (qui n'en est pas un) de 494 pages, ce n'est pas à cause de la structure fragmentaire car j‘adore son ouvrage Séfarad, qui est un de mes livres préférés. Le narrateur de Un andar solitario entre la gente m'a laissée de glace, les slogans publicitaires, les injonctions des réseaux sociaux, les collages, la manifestation intempestive de la modernité m'ont fatiguée (était-ce le but de cette oeuvre?). Le seul élément qui m'aura poussée à terminer cette lecture harassante et finalement pour moi inconsistante est l'érudition d'Antonio Muñoz Molina et son amour pour les romanciers tels Quincey, Pessoa, Whitman. Finalement je me suis sentie très seule dans cette longue déambulation au milieu d'inconnus.
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Dans la grande nuit des temps

Trop de pensée présent ou passé, pas assez de dialogue.

On s'y perd .
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Dans la grande nuit des temps

Dans la grande nuit des temps est une vaste fresque, un projet de lecture ambitieux. Il faut se le dire dès le début, ça frôle les 1000 pages et l’intrigue peut paraître complexe. Mais ça vaut le coup. Jamais l’idée d’abandonner ne m’est venue en tête. C’est que, dans ce roman, la petite histoire rencontre la grande Histoire. Quand l’une ralentit, l’autre prend le relais et vice-versa. En 1936, Ignacio Abel débarque à New York. Son arrivée dans la métropole américaine l’amène à penser à ce qui l’y a conduit et à ce qu’il laisse derrière lui. L’idée de satisfaire ses ambitions d’architecte et de retrouver sa maitresse Judith Biely l’enchante mais il culpabilise d’avoir abandonné sa femme Adèle et ses deux enfants dans une Espagne à feu et à sang, en pleine guerre civile. Dit ainsi, il a l’air d’un beau salaud mais c’est plus complexe. Et qui peut affirmer hors de tout doute comment il réagirait dans une situation semblable ? Tiraillé entre une profession pour laquelle il n’y a pas de débouchés à cause de la situation politique, une épouse devenue bourgeoise, une belle-famille qui le méprise, une maitresse devenue une âme sœur ? Les rêves et la réalité, quoi ! Dans tous les cas, Abel revit en pensée ces dernières années et ces retours en arrières expliquent ce qui l’a mené à cette nouvelle vie.



L’auteur espagnol Antonio Munoz Molina a reconstitué cette période troublée avec beaucoup de rigueur. Son protagoniste Abel se tient renseigné des développements politiques, lit les journaux, en parle avec ses amis et collègues. Ainsi, les noms de plusieurs personnalités publiques et organisations reviennent régulièrement. En ce sens, l’index des noms propres et abréviations, à la fin de la collection Points, est très utile. Mais cette Histoire peut parfois devenir lourde pour le lecteur. Munoz Molina lui a épargné les longs passages descriptifs mais son souci du détail peut en agacer plus d’un, surtout ceux qui ne sont pas familiers avec la guerre civile espagnole et qui n’en sont pas vraiment intéressés, cherchant plutôt une lecture plaisante. Heureusement, les événements historiques sont habituellement mis en perspective avec la trame d’Abel, lequel n’est pas lié directement aux conflits, il n’en est affecté indirectement quand l’État, le principal bâilleur de fonds des grands projets de construction, a d’autres chats à fouetter et que les dirigeants changent. Et bien sûr quand les combats se rapprochent et font rage dans la capitale espagnole. En fait, on passe constamment de la politique aux épisodes sentimentaux (la guerre et l’amour !) et c’est la grande force du roman, selon moi.
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Fenêtres de Manhattan

New York est une ville fascinante, une métropole qui attire chefs d’État, hommes d’affaires, artistes, touristes, tout un chacun. Antonio Munoz Molina n’a pas échappé à sa force d’attraction. Les quelques séjours qu’il y a faits l’ont transformé en un familier des lieux. Cette ville qu’il aime, il a voulu lui rendre un hommage. Pendant ses promenades dans les rues fourmillantes, les cafés encombrés, les musées, les théâtres, les librairies, les marchés, etc., il a pris des notes (mentales et manuscrites) et c’est devenu ce Fenêtres de Manhattan.



De son hôtel où il s’est installé sitôt arrivé à l’Institut Cervantès, il observe. De sa fenêtre, évidemment, mais il ne s’y est pas limité. Il descend dans la rue, fait de multiples excursions jusque dans Harlem et le Bronx. Il rencontre une foule bigarrée, allant de l’homme le plus anodin au spécimen de l’espèce humaine, en passant par des « Africains en boubou et bonnet brodé, Sikhs avec leurs haut turbans couleur safran, Juifs ultraorthodoxes en gabardine noire et bas de soie noire, pâles comme des spectres sous leurs chapeaux noirs à large bord, le visage maigre comme un fuseau et encadré par les tire-bouchons rituels, femmes indiennes en sari avec un cercle rouge sur leur front brun, groupes d’Espagnols en vacances. » (p. 27)



Mais New York, c’est aussi un patrimoine architectural, des édifices comme le Rockefeller Center et l’Empire State Building, Central Park et d’autres comme les bureaux de NBC – je ne les énumerai pas, soyez sans crainte. Antonio Munoz Molina adore s’y promener. Pareillement pour les musées, pour admirer les chefs d’œuvres de l’humanité (dont celles d’Alex Katz, de Leiro et d’Andy Warhol) et les salles de spectacles renommées qui ont entendu chanter Tony Bennett. New York est une œuvre d’art en soi. Mais, c’est également des rencontres, réelles et imaginaires. L’auteur retrace les pas de Caufield Holden, le protagoniste de L’attrape-cœur de JD Salinger, et quelques autres. Il pense à des auteurs qui ont immortalisé cette ville où qui y sont simplement passés. Dans tous les cas, ils y ont laissé des traces…



Si c’est un plaisir, être dans cette cité formidable, c’est parfois quelques souvenirs douloureux. Fenêtres de Manhattan est paru en 2004, soit quelques années après les attentats du 11 septembre. Il est clair que cet événement a teinté un peu les impressions de l’auteur. Mais il ne s’y attarde pas trop, heureusement. De toutes façons, « Manhattan se détruit et se construit en permanence ». (p. 227) C’est une ville se renouvelle, qui change de peau constamment. Par exemple, la librairie Rizzoli où il aimait entrer, elle a fermé, a été remplacée par autre chose, probablement un café ou quelque chose dans le genre.



Ce vibrant hommage d’Antonio Munoz Molina est un peu lourd (et ennuyeux) à l’occasion. Mais quiconque a fait quelques séjours à New York se remémorera avec plaisir les très nombreux lieux auxquels il fait référence. L’ennui que j’ai ressenti à l’occasion s’est vite transformé en nostalgie et en une forte envie d’y retourner !
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En l'absence de Blanca

Blanca représente tout ce qu’un homme comme Mario peut désirer.

Elle est belle, douce, désirable, et il n’aime rien tant que rentrer directement du bureau pour déjeuner avec elle et la retrouver. Mario vient d’un milieu simple, et à Jaén les distractions sont rares. Quand par hasard il croise Blanca, une jeune femme éprise de toutes les formes d’art qui puissent se faire, il ne peut espérer un instant qu’elle s’intéresse à lui. Et pourtant, aussi surprenant que cela puisse paraître, elle va accepter de l’épouser.



Commence alors pour Mario la découverte du paradis… et de l’enfer. Car, comme un petit caillou se glissant entre la chaussure et la semelle, le doute s’installe : Blanca ne va pas tarder à le quitter. Le tout est découvrir quel sera « l’écornifleur » qui va la lui ravir.

Le rêve est trop beau pour être vrai, peut-être.

Alors, quand après une énième séance avec le peintre contemporain en visite à Jaén, Mario découvre l’appartement vide, il se dit que ce qu’il craignait par-dessus tout est arrivé.



Construit de manière circulaire en dix chapitres – le premier s’ouvre sur le soupçon et renvoie au dernier chapitre qui confirme ce que le narrateur pressent – l’essentiel du récit évoque la rencontre improbable entre le fonctionnel conventionnel et l’égérie des peintres contemporains, toujours plongée dans la lecture du supplément culturel de « El Pais ». Mais quand à la fin une belle inconnue revient malgré tout, Mario ne sait plus quoi penser : est-ce bien sa Blanca revenue comme un remords ? ou son double envoyée par Blanca pour le réconforter ?



Dans ce magnifique hommage à Flaubert, Antoine Muňoz Molina parvient à découvrir la « passion amoureuse » et son revers : la peur de perdre l’être cher.



Moins connu que d’autres ouvrages, comme L’hiver à Lisbonne, Carlota Fainberg ou Pleine lune - Prix Femina étranger en 1998 – ce court roman aurait pu être édité dans une collection « Polar » puisqu’on reste jusqu’au bout suspendu au soupçon du narrateur quant à l’identité de son épouse
Lien : https://www.biblioblog.fr/po..
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L'hiver à Lisbonne

L’hiver à Lisbonne ressemble à ces mélopées de jazz aussi difficiles à saisir que les volutes de fumée s'échappant d'une cigarette. Certes il y a une histoire, mais il y a surtout autour de ce roman une musique qui flotte dans l'air et qui vous tourne dans la tête, une mélodie qui nous parle de la passion entre deux êtres, de leur solitude à chacun, de la musique, et du passé qui ne passe pas.



L’histoire ? ou plutôt le scénario, devrais-je dire, ou le script tant ce récit ressemble à s’y méprendre à un scénario de films noir de l’entre guerre.

Santiago Biralbao, pianiste de jazz, vit une passion pour la belle Lucrecia, sous les yeux de son ami, le narrateur témoin qui nous raconte leur histoire. Mais Lucrecia est mariée à Malcom, dit l’Américain, un type peu fréquentable et jaloux qui fait mine de ne pas voir les regards que s’échangent les amants au bar du Lady Bird de Saint Sébastien.



Biralbao joue avec Billy Swann, sans doute le plus grand trompettiste du moment, et avec Oscar le contrebassiste.



Sa passion pour Lucrecia a à peine le temps de s’épanouir que Lucrecia est obligée de s’enfuir avec Malcom direction Berlin. S’en suivra trois ans d’une course cavalcade en quête l’un de l’autre, parcourant plusieurs capitales européennes, avec en ligne de mire une destination finale : Lisbonne. Séparés par la distance, les deux amants s’écrivent pendant deux ans, jusqu’à ce que la correspondance s’arrête brutalement pour Biralbao : sa dernière lettre reviendra inconnue à cette adresse. Il n’y aura que Billy Swann pour donner une ultime lettre de Lucrecia à son pianiste : une lettre curieuse en provenance de Lisbonne, au dos d’un plan d’où brille un nom étrange, Burma. Burma et Lisboa seront les titres de morceaux qui deviendront célèbres.



Biralbao compose Lisboa et pourtant il n’a encore jamais mis les pieds dans la capitale lisboète. Mais le futur est-il forcément devant nous ? Avec Antonio Munoz Molina, rien n’est moins sûr.



Au-delà du récit digne d’un grand film de série noire, c’est toute l’atmosphère de clubs de jazz que Antonio Munoz Molina restitue à merveille. Dans cette mise en abyme provoquée par la construction sous forme de déposition – le narrateur rapporte les bribes que lui livrent Biralbao devenu Giacomo Dolphin au bar du Metropolitano de Madrid – les différentes périodes s’entrechoquent à la vitesse d’un train ou d’un tramway lancé à grande vitesse sur des rails improbables : l’époque du Lady Bird où Biralbao fait la connaissance de Lucrecia et celle du narrateur, l’époque des lettres de Berlin, et les retrouvailles au bout de trois ans au Saint Sébastien, avant la fuite à Lisbonne. Dans l’ombre de Malcom, veille un individu tout aussi peu recommandable : Toussaints Morton et son évanescente secrétaire Daphné.

Ce qui conduit Lucrecia a se sentir perpétuellement suivie et en fuite.



Mais l’autre thème de prédilection de l’auteur est la solitude des êtres malgré leur passion l’un pour l’autre. Le passé de Saint Sébastien ne revient pas, la vie les a changés et bientôt cela n’a même plus d’importance pour Biralbao. Du moins est-ce ce qu’il confie au narrateur, essayant de le convaincre qu’il était désormais au-delà de la recherche de l’amour et du bonheur.



Passion pour Lucrecia, passion pour la musique, passion pour les villes, L’hiver à Lisbonne est donc un récit haletant qui nous embarque de Saint Sébastien à Lisbonne au son d’une mélopée de jazz dont la mélodie n’a pas fini de nous hanter une fois la dernière page tournée.



Et pourtant si, Lucrecia a bel et bien existé le temps d’un récit, et nul doute qu’elle peuplera aussi vos rêves, à vous qui prendrez peut-être un jour le départ en hiver destination Lisbonne....
Lien : https://www.biblioblog.fr/po..
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