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Critiques de Daniel Adam Mendelsohn (222)
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Les disparus

Un juif new-yorkais poursuit une quête pour savoir ce qu'il est advenu du frère aîné de son grand-père, de sa femme et de ses quatre filles : bouleversante exploration familiale, voyages initiatiques, fraternel, historique, avec de nombreuses allusions à l'ancien testament et philosophique.
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Les disparus

Parce que son grand-père lui racontait d'innombrables histoires et anecdotes familiales avec humour et un certain talent de conteur, Daniel Mendelsohn l'helléniste s'est toujours intéressé aux choses anciennes. mais il y avait une énorme lacune dans les récits de l'aïeul à propos d'un frère de celui-ci : Shmiel qui avait voulu retourner à Bolechow, dans le village natal pour y faire fortune. La ville avait été polonaise, avant d'être sous domination russe, puis allemande pendant la guerre et se nomme aujourd'hui : Bolekhiv, Ukraine. Le narrateur, après la mort du grand-père, décide de reconstituer l'arbre généalogique de la branche maternelle, sans retrouver certains éléments, notamment les dates de décès de Shmiel, de sa femme et de ses quatre superbes filles qui ont tous disparus entre 1941et 1944 dans des circonstances troubles. Il se lance alors dans une quête, 25 ans plus tard, qui va le mener des Etats-Unis vers l'Ukraine, Israël, la Suède, le Danemark en d'incessants aller-retours à la recherche de témoignages, souvent contradictoires, de survivants, de voisins, de témoins qui les ont connus pour reconstituer une partie de leur vie, de leurs derniers moments. Il tire de ces longues investigations un récit passionnant, bouleversant et émouvant de ces vies arrêtées, anéanties. par toute l'histoire qu'il nous livre, il nous rend ces êtres si proches. A travers ces vies uniques, il nous restitue une histoire universelle, celle de civilisations disparues. Il fait un parallèle intéressant avec la Torah, le Genèse, l'histoire de Caïn et d'Abel (son grand-père portait-il sur ses épaules une culpabilité envers son frère qu'il n'a pas secouru ?), la marche d'Abraham et de son peuple vers l'Egypte, l'obéissance aveugle envers Dieu jusqu'au sacrifice de son fils, la tragédie de Sodome et Gomorrhe, l'anéantissement de presque toute une civilisation en sauvant seulement Noé, sa famille et quelques animaux.

Jamais nous ne saurons sans doute pourquoi ont eu lieu ces massacres, pourquoi certains auront tué, d'autres auront cherché à sauver, pourquoi des gens qui vivaient en une certaine harmonie ont été dénoncés, torturés, massacrés.
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Les disparus

J'ai beaucoup aimé la démarche de ce livre : rendre vie et humanité là où l'humain a justement été nié et anéanti.

Le livre contre la barbarie.

L'histoire et la généalogie contre le néant de l'oubli.



A Jerusalem, au mémorial de la Shoah, existe une salle sombre éclairée par de nombreuses bougies au sol, où une voix décline un à un les noms de disparus. C'est très émouvant. Ce livre m'a fait le même effet.
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Une Odyssée : Un père, un fils, une épopée



L’Odyssée d’Homère est une des quelques oeuvres qui ont eu la plus grande influence sur la culture occidentale. Une odyssée : un père, un fils et une épopée, livre surprenant dont le décor est une salle de classe d'étudiants de première année new-yorkais, dont Mendelsohn annote les noms dans son registre avec des mnémoniques à la Homère:

Tom-le-blond, Madeline-au-roux-flamboyant...



Le cours aurait pu être une routine si l'un des étudiants n'était le père de l'auteur, âgé de 81 ans. Lorsque le professeur Mendelsohn examine ses élèves, lui seul dans la salle connaît les mots grecs originaux. Mais Jay Mendelsohn, ingénieur et mathématicien à la retraite, met en cause l’héroïsme d’Ulysse dés sa première intervention – alors qu’il avait promis à son fils, en lui annonçant son désir d’assister à ce séminaire, qu’il n’interviendrait pas.



Dans ce livre autobiographique, Daniel Mendelsohn, né en 1960, philologue classique, érudit grec et professeur d'université, propose une lecture attentive et une analyse approfondie de l'Odyssée. Mais le véritable protagoniste, aux côtés d'Ulysse, est le père de Dan, Jay qui fait des interventions et des réflexions fréquentes durant le séminaire.



Les débats de plus en plus fréquents déclenchés par les observations spirituelles et insolites de Jay pendant le cours résultant de l'expérience de celui qui pourrait être le grand-père ou l'arrière-grand-père des autres participants, intriguent d'abord les étudiants, en raison du ton et des références inattendues (expériences de guerre, par exemple) alors tout le monde se rend compte que ces différents points de vue mettent en lumière des aspects intéressants et constituent des idées nouvelles et intéressantes. Bref, la richesse vient de la diversité : d'âge, de langue, de mentalité, de points de vue, d'expériences... Chacune de ses interventions, qui s'exprime souvent par la phrase « suis-je le seul à penser que… ?» devient source d’enrichissement précisément parce qu’elle est différente, atypique, peu orthodoxe. C'est ainsi que semaine après semaine, le mathématicien de quatre-vingt-un ans gagne le respect des étudiants de première année du cours, sort avec eux et, armé de sa rigueur éthique et scientifique fine et pointue, défie les enseignements de l'illustre classiciste, son fils.

L’année scolaire terminée, le père et le fils font une croisière en Méditerranée sur la route d'Ithaque en suivant les traces d'Ulysse.

Nouveau moment de proximité affectueuse, où Daniel se découvrira comme un nouveau Télémaque sur les traces de son père Jay-Ulysse, d'abord inconnu, puis de plus en plus proche et tendre, mais qui se transforme inexorablement en Laertes décrépit, père de Ulysse, renouvelant ainsi la succession des générations.



Relisez Homère dans les mêmes temps de lecture que vous consacrez à ce livre, votre plaisir en sera encore plus grand. Vous direz alors, avec Pénélope:

«Vous connaissez beaucoup d'autres récits qui charment les mortels, tels que les exploits des héros et des dieux que célèbrent les poètes. Chantez donc une de ces actions mémorables tandis que les hommes boivent le vin en silence ; mais cessez ce chant lugubre qui m'afflige et porte le désespoir au fond de mon cœur brisé par la douleur la plus grande.»


Lien : https://holophernes.over-blo..
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Les disparus

Que dire en refermant ce roman ?

Il ne s'agit pas tant de l'histoire de la famille de l'auteur durant la Seconde Guerre Mondiale, que de l'enquête qu'il a mené pour la connaître. Les personnes qu'il a rencontré, les lieux qu'il a visité, et tous les témoignages parallèles qu'il a reçu.



Le style est un peu déconcertant au départ. J'ai pris une centaine de pages à m'y faire. Tout comme son grand-père qui aimait faire des histoires "Homériennes", en insérant sans cesse des petites histoires dans la grande, l'auteur a choisi ce style. Quand on comprend qu'il s'agit bien de l'histoire de l'auteur, son enquête, et pas seulement celle de son grand-oncle, ok le style passe mieux.



La majorité des récits de la Seconde Guerre le sont par des survivants. Le fait de tracer l'histoire de personnes décédées rend l'Histoire encore plus palpable. Difficile de se dire que ces vies ont bien été réelles, que les horreurs racontées ont bien existées.



Le récit d'une toute petite famille (un couple et ses quatre enfants) qui résume malheureusement le sort de tant d'anonymes juifs, et les rend ainsi plus humains, l'horreur plus concrète à imaginer.



Un pavé à lire
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Une Odyssée : Un père, un fils, une épopée

Des critiques précédentes ont fort bien expliqué le principe de ce livre, qui tisse 3 récits entre eux : le récit que fait Daniel Mendelsohn du séminaire sur l'Odyssée qu'il a animé dans l'université où il enseigne ; celui de sa tentative de rapprochement avec son père, à l'occasion de ce séminaire ( en effet, son père, scientifique ayant abandonné les langues anciennes avant d'aborder le texte de Homère, souhaite combler ses lacunes ) ; et enfin le voyage que le père et le fils vont entreprendre sur les traces d'Ulysse, à l'issue du séminaire. Pour qui n'est pas forcément familier avec le texte de Homère, ce livre est une formidable initiation car Mendelsohn est un pédagogue expérimenté, et il fournit avec humilité moult explications lexicales, sémantiques, sans jamais paraître pédant. le texte de Homère est comme digéré pour nous, devient limpide. Et au passage, il nous donne un aperçu sur le système d'enseignement américain qui est fort intéressant. Mais, tout comme le voyage de Ulysse ne fut pas direct, comporta des embûches, des temps d'arrêt, le récit prend son temps, soucieux du détail, et il faut être disponible pour ce genre d'aventure. Le livre est donc exigeant, même si très abordable.
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Une Odyssée : Un père, un fils, une épopée

En quelques mots, pour ceux qui n'en auraient pas entendu parler, Daniel Mendelsohn, professeur d'université à Bard College, y décrit l'année où son père, quatre-vingt-un ans, a décidé de rejoindre le cours que son fils consacrait à l'Odyssée, destiné à des élèves de première année. À la suite de cette année, ils ont aussi décidé de partir ensemble en croisière sur les traces d'Ulysse, en Méditerranée. Pourquoi lire ce roman, moi qui ne connais l'Odyssée que par des extraits de manuels scolaires ou des films qui l'adaptent de manière sans doute très libre ? Pourquoi être tentée par cette forme autobiographique, alors que c'est en général ce que je fuis dans la littérature ?

Les voies qui nous amènent à un livre sont impénétrables, celles qui font que ses pages nous repoussent ou nous aimantent aussi. C'est le deuxième cas pour ce livre qui m'a vraiment passionnée, tant par l'érudition de l'auteur, jamais pesante, que par des relations père-fils soigneusement décrites, avec humour et tendresse.



L'auteur a l'art de procéder par retours en arrière, par inclusions d'événements passés dans la narration, en une composition circulaire à la manière d'Homère, mais sans que cela semble une posture, un truc pour appâter le lecteur, et ça marche impeccablement. Le père ne manque pas de piquant, il a tout de suite une présence incroyable, il me semble impossible de ne pas avoir envie de le suivre dans son cursus universitaire tardif. Et bien sûr, le périple d'Ulysse pour retourner auprès de Pénélope, le long poème décortiqué avec sagacité par Daniel Mendelsohn, mais aussi ses élèves et son père, qui a pour lui l'expérience des années, est absolument passionnant ainsi analysé. Les nombreuses évocations des relations père/fils dans l'Odyssée trouvent des résonances dans les rapports entre l'auteur et son père, et c'est un aspect, parmi bien d'autres, tant ce livre est riche, qui m'a passionnée.

Que dire de plus, si ce n'est que je le recommande vivement ?
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Une Odyssée : Un père, un fils, une épopée

L'Odyssée m'a toujours accompagnée.  Depuis mon enfance,  avec les Contes et Légendes. Malheureusement, j'ai abandonné le Grec ancien et je n'ai jamais été capable de lire Homère en VO.  Dans le livre de Mendelsohn , le père a délaissé l'étude du latin avant d'aborder Virgile....Mon meilleur souvenir de lecture de l'Odyssée : à Ithaque : assise sous un olivier, j'avais lu les passages  racontant le retour d'Ulysse.  Cet été, nous avons visité la Grotte de Calypso sur Gozo et celle de Polyphème à Himarë (Albanie) ....



Il fallait donc que je lise Mendelsohn!



Le narrateur, Dan Mendelsohn, professeur d'université, organise un séminaire autour de l'Odyssée. Son père, octogénaire, propose de le suivre.  Ils partent ensuite en croisière à la suite d'Ulysse...Une intimité d'établit entre le père, un mathématicien peu communicatif et son fils qui  le connait mal. Au cours du récit, vont se mêler intimement les deux récits, celui de l'Odyssée qui est la trame, et le récit familial qui se construit au fil du séminaire puis du voyage. 



Mendelsohn suivra scrupuleusement le plan de l'Odyssée : noté en grec PROEM (invocation) TELEMACHIE (Education) - APOLOGOI(aventures, racontée par Ulysse aux Phéaciens) - NOSTOS -(Retour)  ANAGNORISIS (Reconnaissance) - SÊMA(monument funéraire).



Le séminaire est très rigoureux, les vocables grecs sont soigneusement étudiés et traduits. La pédagogie est intéressante - classe inversée dirait-on aujourd'hui - les étudiants lisent 2 livres avant la séance, posent leur questions et continuent éventuellement la discussion par mail.



Jay, le père, joue un rôle non négligeable dans la  discussion autour du texte. Il n'aime pas Ulysse, et récuse le statut de Héros. Ulysse ou plutôt Odysseas, est pleurnichard, il ne triomphe des épreuves que grâce à l'aide des Dieux qui le sortent de pétrins dans lequel il se met lui-même par vantardise. 



La Telemachie donne le rôle principal à Télémaque, fils d'Odysseas, qui ne connaît pas son père. Athéna, l'envoie à Pylos auprès de Nestor puis à Sparte rencontrer Ménélas et Hélène. Ces voyages et ses rencontres lui servent d'instruction, il rencontre les héros de la Guerre de Troie qui lui parlent d'Odysseas, et apprend les difficultés du marriage avec le drame d'Agamemnon. On pourrait parler de roman de formation ou d'apprentissage.



Parallèlement Jay, le Père, et Daniel, le fils évoquent un voyage qui les a déjà réuni avec un retour "en cercles" . De cercles, de boucles, il sera souvent question dans ce livre. Comment naviguer très longtemps (dix ans, moins 7 ans dans la grotte de Calypso) pour parcourir la distance finalement courte entre Troie et Ithaque? En faisant de nombreux détours, des boucles, des digressions dans le récit. L'auteur suivra donc cette démarche. Comme dans le récit homérique certains épisodes sont contés à plusieurs reprises, parfois même doublés si on imagine que Circé et Calypso étaient peut être une seule et même nymphe. 



Les aventures Apologoi, retracent le périple d'Odysseas en Méditerranée. Le héros en fait le récit aux Phéaciens. Mais Ulysse est un menteur et un vantard. Quel crédit doit-on lui accorder? Autre grief de Jay à l'encontre d'Ulysse : il rentre seul, il a abandonné ses compagnons; quel chef de guerre oserait se présenter sans ses soldats au retour de la guerre? 



Nostos, le retour, est à l'origine de notre mot nostalgie. Il y seera question du retour à Ithaque, retour simultanée d'Ulysse et de Télémaque avec une histoire de chiens qui m'avait marqué autrefois. Dans la famille Mendelsohn, il y a aussi un épisode de chien enragé qui aurait marqué la personnalité de Jay. tout au long du livre, le fils reviendra à cette histoire qui lui paraît cruciale. Episode qui sera raconté selon différentes versions selon différents témoins. Tout au long du livre le professeur exercera le même esprit critique sur le texte ancien que sur le roman familial. 



Anagnorisis : Odysseas doit se faire reconnaître, Argos, le chien, Eumée, le porcher fidèle, la nourrice Eurycléia le reconnaîtront. Il en sera autrement pour Télémaque et Pénélope. Tout d'abord parce que Odysseas se cache sous l'identité d'un pince Crétois (encore les fameux mensonges crétois!) . La preuve finale est celle du lit d'Ulysse (en parallèle un lit que Jay avait bricolé pour son fils enfant). C'est aussi l'occasion d'une déclaration d'amour de Jay pour sa femme, la mère de Daniel. 



La croisière ne nous apprendra guère plus sur l'Odyssée, le séminaire est terminé, père et fils profiteront de cette occasion pour mieux se connaître. Le père se révélera un personnage charmant,  apprécié en société, et même audacieux loin du mathématicien silencieux et rigide que son fils avait présenté au début de l'ouvrage. La croisière n'atteindra pas Ithaque : élégant remplacement de la visite de l'île d'Ulysse par la récitation du poème de Cavafy qui est mon poème préféré. 



Sêma : monument funéraire, monument funéraire d'Achille ou du marin Elpenor. On pressent le décès du père. Le monument que son fils lui érige n'est-il pas l'ouvrage tout entier? 



Lecture passionnante, commentaire érudit, émouvante histoire d'une rencontre tardive entre un père et son fils, une Odyssée inattendue. 








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Les disparus

La longue et bouleversante enquête Daniel Mendelssohn à la recherche des membres de sa famille victime des nazis.

Une traque dont le but ultime est de mettre un nom, un visage à chacun, de lui rendre l'humanité qui lui fut niée.

Un très grand livre.
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Les disparus

Livre exceptionnel : Daniel Mendelsohn «Les disparus» (titre original «the lost») publié chez Flammarion.

C’est remarquable, très bien écrit, très bien traduit.

L’auteur, né en 1960, est un universitaire américain (lettres classiques), d’origine juive, élevé dans l’une de ces confortables familles juives états-unisiennes, mais qui, depuis sa bar-mitsva et même avant, constate que - lorsqu’il entre dans une pièce lors d’une réunion familiale, la plupart des personnes âgées s’exclament «comme il ressemble à Schmiehl» et se mettent à pleurer. Impossible cependant pour lui d’en apprendre plus sur ce lointain parent Schmiehl (Samuel en yiddish), il y a là l’un de ces trous noirs caractérisant l’histoire d’une famille : même son grand-père, si prolixe en histoires variées, esquive lorsqu’il est questionné à ce sujet.

Schmiehl et sa famille, son épouse et quatre filles, ont disparu pendant la Shoah, dans une petite ville perdue aux confins de la Pologne, de l’Ukraine, de l’ancienne Autriche-Hongrie voire de la Russie : l’enfant ne pourra jamais en savoir plus. Jusqu’au jour où, devenu un universitaire aguerri, ayant appris l’allemand, le grec et le latin, il décide d’en avoir le coeur net et se lance dans une quête, ou plutôt une enquête visant à découvrir qui était exactement ce Schmiehl et comment il a été tué, lui et sa famille.

Ce livre n’est pas pour autant «un témoignage de plus» sur la Shoah, même s’il éclaire cet aspect encore relativement peu connu du grand public de ce que fut la «Shoah par balles». Ce qui est - à mes yeux - profondément touchant dans ce livre, c’est de percevoir à quel point l’auteur à mis au service d’une quête personnelle tous les acquis d’une intelligence universitaire (sous son meilleur aspect, loin des bavardages intellectualisants et inutiles). Il mène sa recherche comme un chercheur le ferait, avec rigueur, en tenant, autant que faire se peut, sa subjectivité à distance. Son écriture est nette, sans emphase «à la Camus».

L’une des principales difficultés va consister pour lui à découvrir des personnes très âgées, témoins de l’époque, à respecter leur témoignage sans pour autant renoncer à le mettre en perspective ou à le croiser avec d’autres pour vérification. L’autre réside dans la volonté de ne pas porter de jugement, de restituer toutes les nuances, d’éviter les condamnations lapidaires, même lorsqu’il découvre des abymes d’horreur, y compris dans son propre entourage (oui, il a existé une police juive qui aidait les nazis à exterminer les juifs) : il lui suffit alors de relater les faits, il est inutile d’ajouter quoi que ce soit.

La dimension cosmique, intemporelle, de cette catastrophe est finement rendue par le rapprochement avec des extraits clés de l’Ancien Testament : le lecteur découvrira le sens du «Bereishit», de l’Arbre, d’Abel et Caïn et de bien d’autres «parashat». Seul ce texte est à la hauteur de la catastrophe.

L’auteur court après la mémoire qui est en train de disparaître : certains témoins meurent avant qu’il ait eu l’occasion de les rencontrer ou avant la sortie du livre. Il y a donc une réelle urgence dans l’écriture qui n’est pas feinte. L’auteur en est lui-même modifié.

Dans tous les sens possibles du terme, c’est un livre de mémoire, dont la qualité d'écriture procure de surcroît un incontestable plaisir de lire.

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Les disparus

Les Disparus est la preuve de ce que la Littérature peut apporter à L Histoire. Mendelsohn dévoile un pan de son histoire familiale: un grand-oncle, auquel il ressemble vaguement, a disparu avec sa femme et ses filles (dont le nombre paraît alors incertain) pendant la Seconde Guerre Mondiale, "tués par les nazis".

Pour des raisons diverses, il décide de partir à la recherche de cette famille européenne et nous livre son enquête, pas à pas, de fausse piste en fausse piste, du Danemark à l'Ukraine, de l'Australie à Israël pour rencontrer les quelques personnes survivantes qui ont connu Shmiel et sa famille; c'est aussi une course contre la montre car beaucoup de ces trop peu nombreux survivants ont déjà disparu.

La magie de la littérature opère dans la mesure où ce ne sont plus quelques noms sur un bout de papier qui ont été effacés par l'Histoire. Lorsqu'on referme ce livre, on pleure ces personnes que l'on connaît désormais et qu'on a injustement privées de tous leurs futurs possibles. On est effaré de voir comment une occupation de quelques années dans une petite ville ukrainienne efface la présence plusieurs fois centenaire de toute une partie de la population et de comprendre comment un cimetière peut être mort, privé de toute une génération de défunts qui ne seront pas enterrés là, un jour, au milieu des leurs.

Avertissement: ceci n'est pas un roman. Daniel Mendelsohn a certes construit son ouvrage, mais à aucun moment on n'est dans le romanesque mais bien dans un récit, parfois ingrat, d'une quête.

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Les disparus

Il est difficile et délicat de critiquer un livre qui parle d'un sujet aussi délicat, d'autant plus lorsqu'il touche à une histoire familiale. Lorsque j'ai attaqué ce livre je ne m'attendais pas du tout à trouver ce style d'enquête. Je croyais trouver un style très romancé, accrocheur, vendeur, bref très stéréotypé. Mais l'auteur nous propose ici de suivre sa quête acharnée de vérité concernant le destin d'une partie de sa famille pendant le guerre.



Le style est très dense, les phrases, incroyablement longues au point que je m'y perdais fréquemment. Le tout entrecoupé de passage bibliques assez curieux et complexes mais qui trouvaient leur justification et leurs liens avec l'histoire de Daniel Mendelsohn. J'ai donc difficilement accroché à ce livre mais je salue le travail colossal qu'il a demandé à son auteur, la charge de travail et la charge émotionnelle transparaissent parfaitement. On ressent très bien le réel besoin qu'il a eu de mettre ce récit par écrit, plus pour des besoins personnels que pour rencontrer un quelconque succès en librairie. Je respecte donc pleinement ce livre bien que j'aie eu beaucoup de mal à m'y attacher.
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Les disparus

Cet ouvrage est essentiel. Il contribue d'une part au "devoir de mémoire" sur la seconde guerre mondiale. D'autre part il est un essai brillant sur la quête identitaire.

L'auteur part à la recherche de traces de son grand-oncle Schmiel, "tués par les nazis" selon la "légende familiale" mais dont personne ne sait réellement où il a disparu. C'est là le fond de la quête de nombreux descendants de juifs disparus pendant la seconde guerre mondiale. On sait qu'une partie de notre famille a disparu, on sent qu'il nous manque une part de notre histoire à ne pas la connaître, et on n'a aucune idée précise de ce qu'il s'est passé - et on n'en aura sans doute jamais. Nombreuses sont les familles disloquées, dont les membres ont perdu contact durant leur fuite et qui supposent la mort des autres, sans trop en être sûr. Ces manques, ces incertitudes pèsent...

Je suis encore émue de la précision avec laquelle Daniel Mendelsohn exprime ces sentiments. Il évoque avec tellement de sensibilité (et non le voyeurisme qu'on voit souvent) l'horreur de la Shoah. Je pense aussi à la pudeur avec laquelle il exprime son refus d'aller visiter les camps où ses disparus ont peut-être échoué.

C'est un ouvrage émouvant, complexe, long, pesant. Je le conseille absolument pour qui s'intéresse au sujet.
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Les disparus

Je me suis lancé dans une imprudente lecture il faut bien le reconnaître et il me faut l’assumer. Il est toujours délicat de critiquer un ouvrage dont l’un des thèmes (si peu en fait ) est la Shoah et donc au risque de heurter l’amateur de saga juive je vais étriller factuellement si je puis dire ce gloubi-boulga A la recherche du sens ou de tous les sens de cet ouvrage, chaque mot a été pris littéralement et j’en ai attrapé le Tournicoti tournicoton,

Daniel Adam Mendelsohn s’est imposé un « devoir de mémoire » c’est ainsi que l’on appelle tout souvenir d’un moment difficile et s’empare de la Shoah. C’est très triste d’appeler ça un devoir car par définition c’est quelque chose que l’on « est obligé de faire » la chose devrait découler naturellement d’elle-même et puis avec le temps tout s’en va… la nature est ainsi faite. La mémoire n’empêche pas l’homme de recommencer ses saletés il suffit de voir ce qui se passe aujourd’hui… justement !

En partant à la rencontre d’une partie de sa famille, Mendelsohn entreprend une narration épouvantablement, incroyablement et vertigineusement fastidieuse. Narration comptable et minutieuse, sans omissions aucunes, des ascendants (on remonte au XVII siècle voire Adam!), des collatéraux (idem !), des voisins (itou!) ainsi que pour tout nouveau personnage et ils sont multitude, Description détaillée des traits physiques et psychologiques (a noter sans avoir aucune information juste par déduction) des uns et des autres c’est à dire de tous et ils sont nuées

- Narration de sa propre jeunesse, enfance, adolescence, période de jeune homme, à la trentaine jusqu’au moment où il s’assoie pour écrire ce mémorandum, cet encomiastique album de famille, cette panégyrique glorification de la famille Jäger cette antédiluvienne célébration de la généalogie Jägerienne: les mots me manquent...

Narration explicative de la religion juive,

Explication de la thora et des textes sacrés

Descriptif des traditions, des cérémonials, des coutumes, des rites (oui c’est la même chose mais c’est le style Mendelsohn), passage en revue de toutes les fêtes juives, repassages de textes sacrés mais commentés, Description de photos (sépia), vue partielle d’écriture de qui? sur une carte postale…de l’écriture de la carte postale, de l’encre bleue, de l’encre rouge, du stylo….

Des pages de commentaires de « Rachis » expliquant la création du monde et dieu. Caïn et Abel, la pomme, le serpent Une lourdeur, une lourdeur mais une lourdeur indicible! Un déluge d’informations du moindre détail au fait marquant (qui sont malheureusement rarissimes et si peu certains que, est-il vraiment utile d’en parler?)

Un style d’écrivassier d’état civil, sans âme, une volonté de se faire humble devant l’histoire mais racoleur sur l’holocauste et les événements historiquement certains, d’innombrables « je ne sais pas » « on ne peut pas savoir » « il est impossible de savoir »« permettez moi d’être honnête », un embrouillamini de faits, de personnages, d’actions réelles et fictives, de pensées, rêves, imaginaires, suppositions, de petites blagues yiddish, allemandes, (pénible ces énumérations hein ?) de traductions de mots (patronymes, toponymes, gentilés) en allemand, yiddish, ukrainien, polonais, de phonétique yiddish ou allemande, de son évolution, de phrases allemandes suivies des phrases traduites, de son interprétation religieuse et celle personnelle de l’auteur. Un recensement de toutes les méchancetés dont les pogroms des peuples de la terre à l’égard des juifs Les grecs, les arabes (globalement) les français, les anglais, les espagnols, les russes blancs les russes rouges (vraiment pénible ces énumérations hein ?) Une lourdeur , une lourdeur mais une lourdeur bourrative et stérile impensable ! (c’est pénible Hein ? les redites c’est lourd et indigeste Hein ? Mais « permettez moi d’être honnête » (dixit Mendelsohn ) si je veux expliquer il faut en passer par là!

Pourtant et pourtant avec ce rien sur « les disparus » et ce fatras d’informations Mendelsohn en tire un bouquin de 650 pages et encore il nous suggère de « lire entre les lignes » soit 1300 pages si on le suit !



(Note :Par contre, je me demande s’il ne s’est pas trompé sur l’ écriture à la pointe bille bleue sur la lettre. Comment est-il certain que ce n’est pas une plume avec une encre noire qui a déteint ? Hum ? Il y a là matière à réflexion Hum!)



Un style à couper au couteau, à la hache, besogneux, petit, médiocre et poussiéreux. Un « bolechow » à chaque page (minimum mais pouvant aller jusqu’à dix si si) avec sa version ukrainienne « Bolekhiv » tout les trois pages idem pour « les juifs », Schmiel et j’en passe !

Comme le dit « Rachis » (dixit Mendelsohn) le plus grand commentateur biblique « si vous vous trompez sur les petits détails la grande image sera fausse elle aussi » et donc que penser de cette histoire essentiellement basée sur des petits souvenirs personnels (ou non) soixante dix ans plus tard (!), sur des souvenirs rassemblés des uns et des autres, les mystères, les trous de mémoires, les oublis, les mensonges, les omissions, les erreurs, les documents (très peu dixit Mendelsohn) officiels peu bavards bref tout ce qui fait le souvenir et sa transmission que vaut cette énième remémoration ?

Mais Mendelsohn préfère le commentaire de Friedman qui dit carrément le contraire en gros avec des petits détails de la vie d’une famille on appréhende mieux l’histoire.Ce n’est ni un roman, ni une chronique, ni un document historique, ni une autofiction (familiale), ni un ouvrage philosophique, ni ni et encore moins «un polar haletant» comme nous l’a présenté l’éditeur. Pas triste!

Pour Wiesel oublier les morts « Ce serait les tuer une deuxième fois » c’est certain mais les déterrer et les réutiliser ad nauseam pour des raisons toutes plus bonnes ou mauvaises (surtout)les unes que les autres (et il en a) , est pernicieux. Lorsque l’ouvrage n’apporte rien de plus il est de trop! Surtout lorsque l’auteur n’a pas vécu cette période comme un Wiesel ou Levy et bien d’autres : il faut savoir ce taire. Ces derniers ont écrits des choses fortes, justes, vraies et inoubliables et il n’est pas nécessaire que les extériorisations et thérapies d’ héritiers bien intentionnés viennent les polluer par des hommages purement intellectuels. L’ouvrage aurait du rester confidentiel c’est à dire interne à la famille.

un grande affliction maladive et parfois commerciale, car le thème est toujours porteur, à aller déranger les morts. Le besoin d'extérioriser devrait s’incliner devant le « devoir de l’oubli des morts » (mais pas des individus, ni faits répréhensibles, ni exactions.) et une certain pudeur

Pour Wiesel « Seuls ceux qui ont connu Auschwitz savent ce que c’était, les autres ne sauront jamais » Voilà Mendelsohn est parti sur une incompréhension en y entraînant le lecteur Si cet enseignant de littérature s’est fait plaisir par cette thérapie, tant mieux pour lui, mais il n’aura rien apporté de plus à la connaissance de l’holocauste et si peu de sa famille!

Comme disait Paul, « La lettre tue mais l’esprit vivifie » ici elle m’a ennuyé d’une force et ne m’a pas vivifié l’esprit, ne m’a permis d’avoir une once d’empathie (et pourtant je suis affectif ) pour ces Aïeuls fantomatiques et surtout mis en colère contre ce scribouillard inconsistant et c’est bien triste!

(Note: le style suffocant du commentaire est singé sur celui de l'auteur voilà tout!)



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Trois anneaux

Un conte d'exils : Odyssée, exil  des Byzantins à la chute de Constantinople, copistes, poètes philologues qui apportèrent la culture de l'Antiquité, exil des protestants français en Prusse, exil des Juifs fuyant le nazisme....



Voyage sinueux, chemins détournés, Ulysse "polytopos" aux mille détours, l'écriture peut aussi être digression, déviation, tours et détours.....Mendelsohn, au terme de la longue enquête  à travers le monde qui a conduit à la rédaction des Disparus rentre très éprouvé. Il a des difficultés à se remettre à l'écriture, commence ce qui va devenir Une Odyssée : un père, un fils, une épopée . Son éditeur lui conseille de rompre le récit linéaire et d'adopter une composition circulaire. Cet usage de la digression est le procédé qu'Homère a utilisé en greffant un épisode nouveau au beau milieu des chants III et IV : l'apparition d'Athéna sous la forme de Mentor à Télémaque lui conseillant de partir à Pylos et  à Sparte . Ce procédé est récurrent chez Homère :



"Le goût des Grecs pour la façon dont, paradoxalement, la digression et la "variété" aristotélicienne peuvent davantage mettre en valeur un thème plutôt que l'éclipser"



Selon le principe de la disgression, parcourant des cycles, les trois anneaux gravitent autour de trois écrivains.



Réfugié à Istanbul, en 1936, comme nombreux universitaires chassés par le régime nazi, Auerbach, spécialiste de littérature comparée y rédige son Mimesis avec l'idée de littérature universelle, Weltlitteratur, concept déjà développé par Goethe. Et comme de juste, Mendelsohn fait une digression passionnante sur le Divan persan traduit par Goethe, qui a réuni ses poèmes dans le recueil : le Divan d'Orient et d'Occident, sans oublier le détour par Evliya Celebi



La deuxième partie intitulée L'éducation des Jeunes Filles a pour centre de gravité le Télémaque de Fénelon. Et l'on en revient évidemment à Ulysse! Elégant détour par la Crète où un des cousins de Fénelon combattit avec les troupes vénitiennes. On boucle la boucle en retournant à Berlin au Lycée Français qui a donné son titre à l'anneau autour de Auerbach. L'Education des Jeunes filles évoque les Jeunes Filles en Fleur et on découvre qu'il est possible de réunir Guermantes en passant par le côté de chez Swann.



Le troisième anneau a pour personnage principal Sebald (avec ses Anneaux de Saturne) que je ne connais pas du tout mais que Mendelsohn me donne furieusement envie de lire. Il revient au début du livre commencé avec Les Disparus illustrant encore la composition circulaire. 



C'est un livre  riche, construit  intelligemment et une lecture qui suscite des envies de nouvelles lectures. Cependant je ne recommanderais pas ce livre pour découvrir Mendelsohn. Pour profiter des Trois Anneaux il convient d'avoir lu Les Disparus (qui est un chef d'oeuvre) et Une Odyssée (également un grand livre) pour profiter de ces contes d'exil. 
Lien : https://netsdevoyages.car.blog
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Une Odyssée : Un père, un fils, une épopée

Ce livre.

Est une étrangeté.

Dont je suis vraiment, vraiment ravie qu'elle existe.



Elle est inclassable, cette Odyssée, à mi-chemin entre l'essai et le roman, trop précise pour relever de l'autofiction, trop concentrée pour qu'il puisse s'agir d'une autobiographie. C'est en quelque sorte un récit, mais aussi une profonde analyse littéraire d'une oeuvre d'une densité folle, bref, incroyable, précieuse et captivante somme de savoirs, de réflexions et de remises en perspective. On y trouve bien sûr une analyse poussée mais accessible de L'Odyssée d'Homère en elle-même, mais aussi de toute la littérature antique et de sa portée jusqu'à nos jours, et enfin de la relation entre l'auteur, Daniel Mendelsohn, et son père Jay, récemment disparu.



C'est avec Jay que commence en effet le récit, lorsque celui-ci, octogénaire déjà, demande à son professeur de fils (Daniel donc) s'il peut assister au cours qu'il s'apprête à donner au semestre de printemps. Daniel s'en trouve un peu étonné, son père n'ayant jamais étudié ni le grec ni la littérature antique (ce que les anglophones appellent les Classical Studies), mais finit par accepter, touché par cette demande. Il faut dire que lui et Jay ont certes eu une relation aimante, mais parfois chahutée, voire complexe. Jay a été absent, longtemps, dur, souvent, taiseux, pratiquement tout le temps, curieux malgré tout, attentif à ce que ses enfants ne manquent de rien, hâtif dans ses jugements cela dit. Ce séminaire, ce cours auquel le très retraité Jay n'a pourtant a priori rien à faire, c'est aussi (peut-être) l'occasion pour le père et le fils de partager un beau moment ensemble, de se voir chaque semaine, d'échanger, de se retrouver autour de la passion de l'un et d'une frustration (Jay n'ayant jamais pu poursuivre l'étude du latin pour une raison encore un peu floue).



Et c'est.

Captivant.



Alors, je le précise tout de suite, j'ai fait neuf ans de latin et quatre ans de grec, ça me manque terriblement à l'heure actuelle, et je pense très sérieusement à continuer d'étudier ces deux merveilleuses langues de mon côté quand bien même ça n'aura strictement aucun lien avec mon (vague) projet professionnel.

J'aime, passionnément, à la folie, le latin et le grec, le grec surtout (désolée le latin, toi et moi on s'aime fort, mais le grec ancien c'est encore autre chose). Alors forcément, pour moi, un bouquin comme celui-ci, c'est une pure sucrerie.

Mais même pour quelqu'un de moins frappadingue que moi, je vous le garantis, cet ouvrage a tout de captivant.



Ce que l'Odyssée de Mendelsohn a d'admirable, c'est qu'elle a quelque chose à apporter à absolument chacun de ses lecteurs, que celui-ci soit déjà initié de près ou de loin à l'Odyssée d'Homère, soit venu pour l'histoire du rapprochement entre le père et le fils, ou soit simplement curieux d'en apprendre davantage quant au monde de la littérature antique, et de la Grèce antique en particulier. Le texte est à la fois très précis, très détaillé, très érudit, et vraiment accessible, clair dans son propos, admirablement traduit, synthétique, bref, en un mot maîtrisé. Mendelsohn parvient de façon assez admirable à mêler l'intime (son histoire familiale) à l'universel (l'étude et la portée d'une oeuvre comme celle d'Homère, le monde de l'académie, du professorat en général, et le thème même de la transmission, de la mémoire, de l'héritage). Tout se mêle, se traverse, se répond, mû par une structure claire de laquelle l'auteur ne se détourne jamais, sans créer de lassitude pour autant, bien au contraire. On suit à la fois le déroulé du cours en lui-même, mais aussi "l'historique" de la relation entre Jay et Daniel, et enfin la croisière que père et fils décideront plus tard de faire ensemble autour de l'itinéraire d'Ulysse vers Ithaque. C'est d'une spontanéité, d'une justesse et d'une sobriété telles qu'on n'a honnêtement d'autre choix que de se prendre de tendresse pour les protagonistes, de passion pour le contenu théorique de l'ouvrage, et de curiosité pour le mélange unique et incroyablement pertinent que l'auteur opère à partir de la mise en parallèle de toutes ces thématiques.



On aurait du mal à voir dans ce petit pavé une lecture de vacances, mais c'est pourtant ce que ce livre a été pour moi, une évasion, une immersion profonde et exigeante dans un univers à la fois très dépaysant et totalement familier. C'est là l'effet (à mon sens magique) de la culture antique : assez éloignée de nous pour qu'on la fantasme et qu'on y trouve un côté exotique, mais bien trop proche de notre culture, de nos références et de notre conception du monde pour qu'on n'y trouve pas une sorte de réconfort. Une Odyssée est précisément un réconfort, à la fois littéraire, culturel et humain, une parenthèse incroyable d'empathie et de transmission où l'idée de mémoire trouve un sens nouveau, à la fois intime et collectif. Fantastique !
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Les disparus

Récit terriblement poignant et en même temps très littéraire, de la quête de vérité de l’auteur sur les conditions de la disparition de membres de sa famille pendant la Shoah. C’est une véritable odyssée qui le mène en l’Australie, à Prague, Israël, Vilnus, en passant par la Suède et le Danemark pour s’achever en Ukraine.Bouleversant !
Lien : https://collectifpolar.com/
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Les disparus

C'est en lisant Tesson que j'ai découvert Daniel Mendelsohn et ses disparus, je ne me rappelle d'ailleurs plus en quels termes et pourquoi il en parlait, mais bon, j'avais noté le nom, rechigné à l'emprunter devant la grosseur du livre et son thème mais finalement je me suis lancée et déjà l'arbre généalogique du début m'a interpellé, faut dire que la généalogie est une de mes occupations. Je commence et après 10 phrases et autant de pages d'adaptation au style, je suis accrochée, ces phrases interminables, qui serpentent rendent parfaitement la recherche ; quelle recherche ? Celle du passé ? Des disparus ? Des oubliés ? De soi ? Un texte ponctué par des photos et liant histoire biblique et histoire familiale. Et puis ce chiffre : 48. Survivants.
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Les disparus

J’ai beaucoup aimé cette enquête documentée à la recherche de l’histoire familiale de l’écrivain narrateur, ses rencontres avec « des vrais gens«  témoins de l’holocauste. C’est subtil, pudique, douloureux, effrayant . Une quête initiatique au pays de l’horreur à la recherche d’une sorte d’absolu
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Une Odyssée : Un père, un fils, une épopée

Daniel Mendelsohn, professeur de littérature classique, héritier de générations de spécialistes de la littérature classique, entame un séminaire de première année au Bard Collège, pour un groupe de tout jeunes étudiants, naïfs et enthousiastes, sur le thème de l’Odyssée d’Homère. Une transmission intellectuelle qui reproduit celle que lui ont prodiguée ses maîtres, comme un cadeau à la génération suivante. Son père, un vieil homme dur, exigent, scientifique passionné de littérature, mort depuis – et dont la mort fait l’objet du bouleversant dernier chapitre - s’impose comme auditeur libre. Tout au fil des semaines, il va « ronchonner, pinailler et contester tout ce que je m’évertuais à leur enseigner », et le fils, quoique brillant professeur thèsé va souvent se retrouver « comme si j’avais 11 ans ». Quelques semaines après, ils vont partager une croisière thématique en Méditerranée « Sur les traces d’Ulysse », expérience qui vient couronner cette étude théorique.



On a dit que c’était un livre sur son père. Mais en fait, ça s’appelle Une odyssée, en référence à l’Odyssée d’Homère. Son père ? L’Odyssée ? Qu’importe ? N’est ce pas la même chose ? Car l’Odyssée, ne l’a t’on pas dit et répété, est un livre total, un de ces livres uniques et universels qui englobent tout, après lesquels il n’est plus besoin (possible ?) d’écrire quoi que ce soit, car tout est dit. Et cela, n’est ce pas la définition d’un être humain, unique, universel, in-reproductible ? L’analyse littéraire alterne avec le récit familial, l’un éclairant subtilement l’autre et ainsi, au fil des semaines, dans une traversée à haut risque qui le ramène au pays natal, l’Odyssée va lui donner en même temps les clés de son père et les outils pour sa propre remise en question.



Cheminant habilement, dans un acharnement érudit, entre fiction et réalité, Mendelsohn décortique, crée des liens, des correspondances, des résonances, part en digressions, réminiscences. L’Odyssée c’est la vie tout entière, à commencer par la transmission, la filiation, la fidélité, la ruse, la recherche du port d’attache et les difficultés de la vie. C’est un récit qui permet de tout comprendre, de « révéler les tendons d’Achille », un récit où le présent fait découvrir le passé (Mendelsohn appelle ça une composition circulaire) dans un miroir intellectuellement brillant et d’une incroyable émotion. On n’a plus aucun doute sur le fait que Daniel Mendelsohn a raison d’avoir consacré sa vie et son intelligence à décortiquer les textes antiques, puisqu’ils gardent cette actualité si prégnante, qu’on peut considérer ces fictions du passé comme une répétition générale de nos vies d’aujourd’hui.



Quelle audace bienvenue que d’offrir en partage ce décorticage chronologique et scrupuleux du texte ! Et quelle jubilation intellectuelle à suivre cette analyse progressive, intelligente, humaine, cette explication de texte en direct, vivante et accessible, tout à la fois rationnelle et subjective. Daniel Mendelsohn y mêle une sensibilité, au fil de la progression de sa quête, dans des détails touchants, ces relations implicites entre trois générations, des choses intimes qui se passent entre ce père et ce fils qui ne sont jamais parlé intimement et ébauchent un dialogue et une compréhension à travers la littérature.



Hommage magnifique à un texte unique et à un père unique, comme tous les pères, Une odyssée est un récit de transmission, palpitant et tendre, qui montre la littérature à l’œuvre, indispensable, généreuse et porteuse de sens. Et si le père, Jay Mendelsohn n’en démord pas, plein d’aplomb et d’humour sous-jacent, de préférer le poème au réel, pour ma part, je dois dire que j’ai bien du mal à exprimer une préférence entre cette fiction et cette réalité, qui, étroitement entremêlées, s’unissent à lever le voile du mystère d’un homme.

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