Citations de Edgar Morin (950)
Le bonheur (chap. XIII) et la jeunesse (chap. XVI) : la mort, toujours absurde au regard de l'individu, acquiert une absurdité supplémentaire dans les temps présents : "pour l'homme civilisé, la mort ne peut pas avoir de sens" (Max Weber) ; le bonheur est effectivement la religion de l'individu moderne, aussi illusoire que toutes les religions. (...) ils constituent ce qu'on peut à proprement parler nommer l'idéologie de la culture de masse, c'est-à-dire l'idéologie du bonheur.
Dieu le père agonise (...) et s'opère une promotion de la juvénilité (...) l'absence de père est ressentie comme vide, angoisse, ennui (...) victimes de plus en plus nombreuses d'un père trop humain (...) y a t-il encore aujourd'hui un Père souverain à tuer pour arracher son sceptre et s'identifier à lui ? (...) le nouveau modèle (...), c'est l'homme et la femme qui ne veulent pas vieillir, qui veulent rester toujours jeunes, pour toujours 'aimer et jouir du présent. (...) désormais il y a un secteur de masse pour les héros et les valeurs de l'adolescence (...)
L'art et la moyenne (chapitre 4) : le système tend à sécréter continuellement ses propres antidotes, et continuellement à les empêcher d'agir : cette contradiction se neutralise dans le courant moyen, qui est en même temps le principal : elle s'aiguise dans l'opposition entre le contre-courant négatif et le courant principal, mais le courant négatif tend à être rejeté à la périphérie. (...) Il n'y a pas eu d'âge d'or de la culture avant la culture industrielle. Et celle-ci n'annonce pas l'âge d'or. Dans son mouvement, elle apporte plus de possibilités que l'ancienne culture figée, mais dans sa recherche de la qualité moyenne, elle détruit ces possibilités. Sous d'autre formes, la lutte entre le conformisme et la création, le modèle figé et l'invention, continue.
Qu'est-ce que c'est que cette planète, ce grain de poussière cosmique où a émergé la vie, où la végétation a produit l'oxygène de son atmosphère, où l'ensemble des êtres vivants, se répandant sur toute sa surface, a constitué une biosphère éco-organisée et autorégulée, où, issue d'un rameau du monde animal, l'aventure de l'hominisation s'est engagée et déployée?
On reconnaît la vraie rationalité à sa capacité de reconnaître ses insuffisances.
La désintégration d’une culture sous l’effet destructeur d’une domination technico-civilisationnelle est une perte pour toute l’humanité dont la diversité des cultures constitue un de ses plus précieux trésors.
L'authenticité de l'amour, ce n'est pas seulement de projeter notre vérité sur l'autre et finalement ne voir l'autre que selon nos yeux, c'est de nous laisser contaminer par la vérité de l'autre. Il ne faut pas être comme ces croyants qui trouvent ce qu'ils cherchent parce qu'ils ont projeté la réponse qu'ils attendaient. Et c'est ça aussi, la tragédie : nous portons en nous un tel besoin d'amour que parfois une rencontre au bon moment - ou peut-être au mauvais moment - déclenche le processus du foudroiement de la fascination.
L'amour est un risque terrible car ce n'est pas seulement soi que l'on engage. On engage la personne aimée, on engage aussi ceux qui nous aiment sans qu'on les aime, et ceux qui l'aiment sans qu'elle les aime.
Alors, qu'est-ce que l'amour ?
C'est le comble de l'union de la folie et de la sagesse.
L'apprentissage de l'auto-observation fait partie de l'apprentissage de la lucidité. L'aptitude réflexive de l'esprit humain, qui le rend capable en se dédoublant de se considérer lui-même, cette aptitude que certains auteurs comme Montaigne ou Maine de Biran ont admirablement exercée, devrait être chez tous encouragée et stimulée. Il faudrait enseigner de façon continue comment chacun produit le mensonge à lui-même ou self-deception. Il s'agirait d'exemplifier sans cesse comment l'égocentrisme auto-justificateur et la bouc-émissarisation d'autrui conduisent à cette illusion, et comment y concourent les sélections de la mémoire qui éliminent ce qui nous gêne et enjolivent ce qui nous avantage (ce pourrait être par l'incitation à tenir un journal quotidien et à y réfléchir sur les événements vécus.)
Dans cette vie, les « relations » étouffent la relation avec autrui. Les connaissances font diminuer les amitiés. On perd progressivement de vue ceux avec qui on aimerait être, pour se trouver coagulé parmi ceux avec qui on doit faire un travail [...]
Le caractère professionnel de l'enseignement conduit à réduire l'enseignant à un expert. L'enseignement doit cesser de n'être qu'une fonction, une spécialisation, une profession pour redevenir une mission de transmission de stratégies pour la vie. La transmission exige, évidemment, de la compétence, mais elle requiert également, en outre, une technique et un art.
Elle exige ce qu'aucun manuel ne mentionne, mais que Platon soulignait déjà comme une condition indispensable à tout enseignement : l'éros, qui est à la fois désir, plaisir et amour, désir et plaisir de transmettre, amour de la connaissance et amour des élèves. L'éros permet de surmonter la jouissance qui s'attache au pouvoir, au profit de la jouissance qui s'attache au don.
Là où il n'y a pas d'amour, ce ne sont que problèmes de carrière, de salaire pour l'enseignant, d'ennui pour l'élève. La mission suppose, bien entendu, foi en la culture et foi en les possibilités de l'esprit humain. La mission est donc élevée et difficile, parce qu'elle suppose à la fois temps, art, foi et amour.
La pensée complexe sait qu'il existe deux sortes d'ignorances : celle de l'homme qui ne sait pas mais veut apprendre, et l'ignorance (plus dangereuse) de celui qui croit que la connaissance est un procédé linéaire, cumulatif, qui avance en faisant la lumière là où auparavant régnait l'obscurité, ignorant que l'effet de toute lumière est aussi de produire des ombres. [...] il faut apprendre à cheminer dans l'obscurité et l'incertitude
En fait, on ne peut séparer l'économique, l'historique, le psychologique, le mythologique, etc. Einstein le montrait déjà à son époque. Il était un globaliste-mathématicien, penseur, ingénieur, quelqu'un qui essayait d'avoir des concepts. Il adorait jouer du violon, il « perdait son temps » à s'intéresser à l'art, à la politique... Les spécialistes, eux, se contentent de vérifier ses théories.
Le but de l'école est d'aider à apprendre à vivre. Certains enseignements ne font pas partie des disciplines, mais permettent de les intégrer. Qu'est-ce qu'être humain ?
Le poète n'a pas à s'enfermer dans un domaine strict, confiné, le domaine des jeux de mots, le domaine des jeux de symboles. Le poète a une compétence totale, multidimentionnelle, qui concerne donc l'humanité et la politique, mais il n'a pas à se laisser asservir par l'organisation politique. Le message politique du poète est de dépasser la politique.
De même que l'oxygène tuait les être vivants primitifs jusqu'à ce que la vie utilise ce corrupteur comme détoxifiant, de même l'incertitude, qui tue la connaissance simpliste, est le détoxifiant de la connaissance complexe.
....on peut enseigner à relier les savoirs à la vie.
L'amour medecin nous dit: aimez pour vivre,vivez pour aimer. Aimez le fragile et le périssable, car le plus précieux, le meilleur, y compris la conscience, y compris la beauté, y compris l'âme, sont fragiles et périssables.
Pour progresser, il faut retrouver la source générative. Pour maintenir un acquis, l faut sans cesse le régénérer. Tout ce qui ne se régénère pas dégénère.
Quand l'immédiat dévore, l'esprit dérive.