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Critiques de Felix Lope de Vega (23)
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Le Chevalier d'Olmedo - Le Duc de Viseu - B..

C'est toujours agréable, pour les œuvres traduites, d'avoir entre les mains une petite édition bilingue, même si l'on n'est qu'un fort piètre hispanophone, histoire de se faire une idée de l'ampleur de la trahison, des distorsions et déformations diverses auxquelles sont contraints les traducteurs pour transvaser une pensée émise dans une langue d'origine au creux de notre moule francophone avec ses contraintes internes.



C'est étonnant aussi de voir à quel point les langues vieillissent, cheminent sur leurs propres rails, s'éloignent toujours plus du nœud ferroviaire dont elles émanent. Sur le trajet du vieillissement des langues, chaque auteur est une gare, toujours plus loin du point de départ.



Félix Lope de Vega est une station suffisamment éloignée de l'Espagne d'aujourd'hui pour nous fournir une vague idée du chemin parcouru. Il en va de même pour l'évolution des sociétés. Si le castillan de l'auteur est assez proche de l'actuel pour nous permettre de le bien comprendre, autant il nous permet d'en déceler les altérations plus récentes.



De même, la société royale et catholique de l'Espagne de la Reconquista est par beaucoup d'aspects encore très proche de la nôtre (on s'en rend compte en lisant des tragiques grecs par exemple, où le fossé culturel et générationnel est bien plus marqué) mais déjà passablement différente de la société où nous évoluons pour que nous en mesurions bien l'étendue.



C'est donc plus qu'une aventure littéraire de se frotter à Lope de Vega, c'est déjà de la paléo-ethnographie. On trouvera dans cette édition deux pièces aux accents tragiques plus prononcés qu'à l'accoutumée chez l'auteur.



Tout d'abord, Le Chevalier D'Olmedo, une tragi-comédie (quant à la structure mais que l'on peut sans peur ranger dans la catégorie des tragédies) en trois actes où l'auteur, en s'appuyant sur des faits réels plus ou moins récents et plus ou moins remaniés tout en lorgnant fort du côté des mythes grecs, donne sa conception de la morale et de l'honneur, et où il nous rappelle qui en est le socle, le garant et en même temps le plus beau fleuron en cette société espagnole du XVIIème siècle, à savoir, le roi catholique.



Quelle est la part de ce que pense l'auteur ? quelle est la part de ce que son public, sensibilisé aux événements, attend ? et quelle est la part de ce que la cour royale lui autorise à écrire ? Là est un autre débat, pas inintéressant, mais vraisemblablement affaire de spécialistes, aux rangs desquels je ne me compte pas ; donc je n'ai nulle raison de poursuivre sur cet axe.



En revanche, le texte, lui, reste une bonne base de discussion. Lope de Vega nous y raconte une histoire d'amour avec des relents d'eau de rose au départ. En effet, lui est beau, riche, vaillant, fort apprécié du roi ; elle est belle comme pas permis, bien dotée, issue d'une très respectable famille, d'une vertu incomparable.



Bref, tout devrait bien se goupiller. Lui, c'est le Chevalier d'Olmedo, Don Alonso, elle, c'est la fleur de Medina del Campo : j'ai nommé Doña Inés. Le hic, c'est qu'évidemment, une fleur comme cette Inés, devant le parvis de l'église de Medina del Campo, ça se remarque. Et bien sûr, tous les garçons à marier de bonne famille sont sur les starting-blocks pour tâcher de conquérir le coeur de la belle Inés.



Le plus ardent prétendant se nomme Don Rodrigo. Il n'a certes rien d'exceptionnel mais il n'est pas non plus scandaleusement hideux, incapable ou idiot. À telle enseigne que le père d'Inés, Don Pedro, pense qu'il pourrait constituer un parti honorable pour sa fille et lui a déjà plus ou moins promis sa main.



Inutile de vous préciser que lorsque surgit de la ville voisine d'Olmedo une espèce d'Apollon doublé d'un Hercule, qui le ridiculise lors des festivités de la corrida, l'ami Don Rodrigo commence à fulminer sous son crâne. Pire, toutes ses sincères marques de dévouement pour Inés ne recueillent qu'indifférence et sourires forcés tandis que les tours d'adresse de Don Alonso font resplendir l'allégresse dans les yeux de sa Dulcinée.



Je ne vous en dis pas plus mais vous avez probablement bien senti que les ferments d'une tragédie sont en train de prendre racine. Néanmoins Lope de Vega, par l'intermédiaire de deux personnages atypiques et intéressants imprime une structure de comédie à la pièce.



Tout d'abord Fabia, l'entremetteuse un peu sorcière, ex-fille de joie et sans doute maquerelle à ses heures, dont le personnage a tout pour plaire au réalisateur Pedro Almodovar. Et ensuite l'écuyer de Don Alonso, Tello, sur lequel repose une bonne part du burlesque, une manière d'Arlequin qu'on croirait tout droit sorti de la Comedia dell'Arte.



Ensuite, l'on enchaîne avec Le Duc De Viseu, une pièce elle aussi franchement plus " tragi " que " comédie ". C'est heureux que ces deux œuvres aient été réunies car elles ont des points communs nombreux qui nous permettent de s'en figurer un peu plus sur les aspirations et le mode de pensée de l'auteur.



Ici, le noble chevalier d'Olmedo est remplacé par le Duc de Viseu, mais ses attributs sont quasiment les mêmes. Ce qui va changer, c'est que l'envie et la jalousie amoureuses à son égard émanent cette fois-ci du roi lui-même. C'est la raison intime pour laquelle Lope de Vega déplace son histoire en royaume de Portugal, car il est bien connu qu'un roi espagnol ne saurait témoigner d'autant de bassesse… (C'est toujours commode d'avoir un Portugal sous la main pour lui coller tous les trucs malpropres qu'on n'ose pas trop dire à voix haute.)



Structurellement, et aussi par son intrigue, cette pièce est un peu plus complexe que la précédente car c'est une jalousie puis une vengeance d'un tiers, que le roi utilise à son compte pour atteindre et assouvir sa propre vengeance et ainsi tarir la source de son irrépressible envie ou défiance vis-à-vis du duc.



Je dis plus complexe, car l'entremise de Don Egas est capitale. Celui-ci est un noble, plein de vaillance et d'attraits, mais qui a le malheur d'avoir une branche pourrie dans son arbre généalogique. Cette " souillure " dans le pedigree, pour un noble portugais, c'est d'être issu d'une femme maure. Il est parvenu à le cacher, mais l'information s'ébruite juste avant son mariage.



La promise, encore une Doña Inès, mais quelque peu retorse celle-là, rejette tout en bloc en apprenant cela et compromet sérieusement le connétable qui lui a fourni l'information, contre son gré et à la demande insistante de la fiancée, en allant tout bonnement rapporter cela à Don Egas.



Vous imaginez le sac de nœuds pour le connétable, qui n'avait pourtant l'intention de nuire à personne. Merci Inès ! le problème c'est que Don Egas est le favori du roi et, de ce fait, jouit d'un pouvoir de nuisance considérable. Comment le Duc de Viseu sera éclaboussé dans cette affaire ? c'est ce que je m'autorise à ne pas vous dévoiler, car ce serait bien dommage…



Encore un tout petit mot à propos de cette édition, que j'ai déjà dit être plaisante, même si à la comparaison, j'ai préféré le traduction du Chevalier d'Olmedo fournie dans le volume « Théâtre Espagnol du XVIIème siècle » de la Pléiade, mais voici encore une considération très hautement subjective et je rappelle que ce n'est là que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Le Chevalier d'Olmedo

Le Chevalier d'Olmedo est l'une des pièces les plus fameuses de Félix Lope de Vega après la célèbre Fuente Ovejuna. Il s'agit d'une tragi-comédie en trois actes, quant à la structure, mais que l'on peut sans peur ranger dans la catégorie des tragédies tellement le volet " comédie " est congru.



L'auteur, en s'appuyant sur des faits réels plus ou moins récents et plus ou moins remaniés, tout en lorgnant fort du côté des mythes grecs, donne sa conception de la morale et de l'honneur. Et il nous rappelle qui en est, selon lui, le socle, le garant et en même temps le plus beau fleuron en cette société espagnole du XVIIème siècle, à savoir, le roi catholique en personne.



Quelle est la part de ce que pense l'auteur ? Quelle est la part de ce que son public, sensibilisé aux événements, attend ? Et quelle est la part de ce que la cour royale lui autorise à écrire ? Là est un débat, pas inintéressant, mais sur lequel je ne suis pas assez calée pour m'avancer sans glisser pitoyablement sur la dalle glissante de mon ignorance.



En revanche, le texte, lui, reste une bonne base de discussion. Lope de Vega nous y raconte une histoire d'amour avec des relents d'eau de rose au départ. En effet, LUI est beau, riche, vaillant, fort apprécié du roi ; ELLE est belle comme pas permis, bien dotée, issue d'une très respectable famille, d'une vertu incomparable. Bref, tout devrait bien se goupiller. Lui, c'est le Chevalier d'Olmedo, Don Alonso, elle, c'est la fleur de Medina del Campo, j'ai nommé Doña Inés.



Le hic, c'est qu'évidemment, une fleur telle que cette Inés, plantée là, juste devant le parvis de l'église de Medina del Campo, ça se remarque. Et bien sûr, vous vous doutez que tous les garçons à marier de bonne famille sont sur les starting-blocks pour tâcher de conquérir le cœur de la belle Inés.



Le plus ardent prétendant se nomme Don Rodrigo. Il n'a certes rien d'exceptionnel mais il n'est pas non plus scandaleusement hideux, incapable ou idiot. À telle enseigne que le père d'Inés, Don Pedro, pense qu'il pourrait constituer un parti honorable pour sa fille et lui a déjà plus ou moins promis sa main.



Inutile de vous préciser que lorsque surgit de la ville voisine d'Olmedo une espèce d'Apollon doublé d'un Hercule, qui le ridiculise lors des festivités de la corrida, l'ami Don Rodrigo commence à fulminer sous son crâne. Pire, toutes ses sincères marques de dévouement pour Inés ne recueillent qu'indifférence et sourires forcés tandis que les tours d'adresse de Don Alonso font resplendir l'allégresse dans les yeux de sa Dulcinée.



Je ne vous en dis pas plus mais vous avez probablement bien senti que les ferments d'une tragédie sont en train de prendre racine. Néanmoins pour être fidèle à la tradition qu'il a lui-même instauré, Lope de Vega, par l'intermédiaire de deux personnages atypiques et intéressants, imprime une structure de comédie à la pièce.



Tout d'abord Fabia, l'entremetteuse un peu sorcière, ex-fille de joie et probablement maquerelle à ses heures, dont le personnage a probablement tout pour plaire à Pedro Almodovar. Et ensuite l'écuyer de Don Alonso, Tello, sur lequel repose une bonne part du burlesque : une manière d'Arlequin qu'on croirait tout droit sorti de la Comedia dell'Arte.



En somme, pour les amoureux du théâtre classique, un bon petit moment à passer en compagnie de ce Chevalier d'Olmedo, en tout cas, c'est mon avis, certes, je vous le concède, bien peu de chose en vérité.
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Le Chien du Jardinier

Le proverbe espagnol : " El perro del hortelano, que ni come las berzas ni las deja comer al amo. " peut se traduire comme : " Le chien du jardinier ne mange pas de chou et ne permet pas qu'on en mange. "

Le titre de cette pièce de 1618 est difficile à comprendre si l'on ne possède pas cette information. Le proverbe espagnol est lui-même inspiré d'une fable d'Ésope. (J'inclinerais à penser qu'en français, cette même fable à donné le proverbe : " Faites du bien à un chien, il vous mordra. " car le jardinier d'Ésope, en voulant sauver le chien tombé dans le puits, se fait mordre par lui car sa consigne est de mordre quiconque pénètre dans le jardin, mais je n'ai rien lu là-dessus qui confirmerait ou infirmerait cette intuition.)

Qu'en est-il ici ? Nous avons une belle — très belle, même — comtesse, Diana, très courtisée. Les gentilshommes de grande condition se massent à sa porte pour la demander en mariage.

Mais Diana n'en a cure. Elle s'imagine être au-dessus des bestiales aspirations de l'amour.

Mais ça, c'était avant... Avant d'avoir senti son petit cœur fier et orgueilleux battre pour de vrai au fond de sa cage à oiseaux. Tous la laissent insensible, tous sauf un : son secrétaire Teodoro.

Elle l'adore en secret, dans les replis altiers de son cœur de comtesse, ne songe à rien de mal, jusqu'au moment où elle s'aperçoit que l'une de ses servantes, Marcela, est sur le point de conclure son mariage avec le beau Teodoro.

La jalousie est un puissant stimulant et Diana, à son corps défendant, constate qu'elle brûle d'amour pour son secrétaire. Mais voilà, ce n'est que son secrétaire, une personne d'humble extraction, donc fatalement incompatible avec les exigences conjugales d'une comtesse. Il faudrait qu'il eût un titre, Teodoro, même un tout petit titre, pour qu'elle pût, sans nuire à son honneur, espérer une union.

Alors, elle sait se montrer suffisamment claire avec Teodoro pour lui faire entendre qu'elle en est amoureuse et pour savoir si la réciproque est vraie. Elle sait maintenant qu'elle fait flamber cet homme, que jamais plus il ne pourra regarder Marcela comme avant.

Mais quand l'homme se fait pressant, elle l'envoie blackbouler et regarde avec délice s'effondrer le château de cartes des espérances de ce petit secrétaire de rien du tout.

Mais qu'il s'avise de vouloir retourner avec Marcela, et elle montrera les crocs.

La situation semble sans issue... Tristán, le valet de Teodoro, qui possède plus d'un tour dans sa musette parviendra peut-être à faire un peu bouger les choses, qui sait ?...

De mon point de vue, cette pièce, ni spécialement tragique, ni spécialement comique, contrairement à ce que l'appellation de tragicomédie pourrait nous laisser croire est plutôt à considérer comme un drame psychologique. C'est une pièce plaisante mais sans plus, loin du grand plaisir que m'avait suscité la divine Fuente Ovejuna, qui reste de loin ma préférée de Félix Lope de Vega. Ici, bien qu'à mi-chemin entre l'expérience vécue de l'auteur et la fiction, le côté légèrement misogyne de l'auteur ou, plus exactement, " pas spécialement flatteur à l'endroit des femmes " est plus marqué.

Cela reste néanmoins du très bon théâtre du siècle d'or espagnol, mais ce n'est qu'un petit chien d'avis, sans doute un peu dans les choux, c'est-à-dire, pas grand-chose.

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Fuente Ovejuna

S’il est une œuvre, s’il est un auteur, qui forcent l’admiration, qui trônent pareils à une grosse pince brillante sur la corde à linge de l’histoire dramatique et littéraire, c’est bien ceux-là et je prends le parti de vous arrêter un instant sur cette Fuente Ovejuna et sur cet étonnant Félix Lope de Vega.

Un sens dramatique hors du commun lui fit sentir la puissance d’une combinaison entre la tragédie, dans l’acception classique du terme, et les ressorts comiques un peu pince-sans-rire ou même parfois franchement burlesques, tels que ne les auraient pas boudés Miguel de Cervantès.

En soi, Fuente Ovejuna n’est qu’une parmi de nombreuses pièces écrites par Lope de Vega, ni plus ni moins adulée en son temps mais dont le renom et le prestige a crû au cours du temps, un peu à la façon d’un Gatsby Le Magnifique, probablement parce qu’un peu de l’esprit littéraire d’une époque, une fiole de sa subtile essence y était enfermée précautionneusement.

Par cette magistrale association, Lope de Vega inventa la tragi-comédie et sut exploiter les avantages des deux genres : une comédie dont le sujet serait grave et le traitement sérieux ou bien une tragédie dont les moments les plus intenses ou insoutenables seraient balancés par des respirations légères et divertissantes.

Ainsi Fuente Ovejuna a pris valeur d’étendard du savoir-faire de son auteur, probablement aussi parce que son propos est d’une surprenante modernité pour son temps : sous des airs d’allégeance au monarque et de scènes historiques datant de l’époque de la reconquista de l’Espagne andalouse musulmane par les rois catholiques (soit une centaine d’années avant la date d’écriture de la pièce), Lope de Vega adresse un avertissement à toute forme de gouvernement ou de royauté quand à ce qu’il l’attend si elle cultive l’iniquité et la barbarie.

Car Fuente Ovejuna (signifiant littéralement " la source des brebis ") est le nom d’une petite ville qui, lasse des exactions de son tyran, s’est unie dans la souffrance pour le trucider en bonne et due forme. C’était l’annonce de la révolution avant l’heure.

On y lit également un discours sur le respect de la condition de la femme de première importance et assez insoupçonnable pour l’époque, surtout en cette Espagne très patriarcale et qu’on peut qualifier de pro féministe. Étonnant, non ?

Le tyran, quel est-il ? Fernán Gómez de Guzmán, ayant pour titre celui de Grand Commandeur de l’ordre de Calatrava, l’un des quatre grands ordres créés pour lutter contre les musulmans. C’est un homme brutal, impitoyable, peu scrupuleux, qui n’hésite pas à faire donner du fouet ou de la corde à ses sujets en son quartier général de Fuente Ovejuna.

Mais ce qui le caractérise probablement le mieux est aussi son insatiable lubricité qui le conduit à s’octroyer des droits sur n’importe quelle croupe féminine qui passe sous ses regards. Intimidations, harcèlements et viols sont son pain quotidien.

Seulement, la belle paysanne Laurencia ose résister aux avances du commandeur. Pour combien de temps encore ? Le modeste Frondoso, du haut de sa paysannerie, parviendra-t-il à protéger celle qu’il aime plus que sa vie ? Félix Lope de Vega fait de cette héroïne l’égérie de sa ville, et, la porte-parole des femmes outragées.

L’auteur utilise à merveille pour susciter du comique le contraste entre le parler paysan et le langage de l’aristocratie. Mais c’est aussi l’occasion pour lui de porter l’emphase sur les différences de valeurs morales véhiculées par les humbles et les superbes, les uns grossiers, les autres raffinés, les uns vertueux, les autres vicieux. En somme, le raffinement moral n’est pas toujours là où on l’attend. Encore, selon moi, une mise en garde dissimulée à l’adresse des dirigeants.

Une pièce que j’ai trouvée admirable à tous égards, mais, mieux que tout mon bavardage qui n’est pas grand-chose, place à vous pour lire et vous repaître de ce petit joyau égaré de la couronne d’Espagne.
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Le Chien du Jardinier

Cette pièce a été publiée pour la première fois en 1618 et un certain nombre d’éléments plaident pour qu’elle ait été écrite et sans doute jouée dès 1613. Son titre fait référence à un proverbe espagnol : le chien du jardinier est celui qui ne mange pas les choux et qui ne les laisse pas manger. Il peut s’appliquer au personnage de Diana, comtesse de Belflor. Elle est amoureuse d’un de ses serviteur, son secrétaire Teodoro. Mais la différence de rang entre elle et lui ne lui permet pas d’envisager une union avec le jeune homme. Qui est tellement inconscient des sentiments qu’il a éveillé chez sa maîtresse qu’il courtise une de ses servantes, Marcela, et pour la voir n’hésite pas à prendre le risque de rendez-vous nocturnes. L’idée de voir Marcela s’approprier celui qu’elle aime fait trahir son secret à Diana. Teodoro ne peut plus ignorer les sentiments de la comtesse, et ébloui, est prêt à abandonner Marcela. Diana ne peut se décider, et souffle le chaud et froid tour à tour, poussant Teodoro à une sorte de balancier vis-à-vis de Marcela.



Un serviteur trouvera la solution : Teodoro n’a qu’à se déclarer le fils disparu d’un comte. Ce dernier est tout prêt à le reconnaître comme tel, même si peu de choses peuvent le laisser penser. Il en faut encore moins à Diana : même en sachant que ce n’est qu’un stratagème, et qui peut très vite être découvert comme tel, elle est prête à épouser Teodoro, le prétexte lui suffit.



Toute la pièce repose sur un conflit entre l’amour, le sentiment, et les lois de la société, et tous les jeux que cela permet. Tout au moins chez Diana, car Teodoro ne semble agir que par intérêt. Il a envie de mariage, et Marcela lui convient parfaitement, mais Diana est évidemment un parti bien plus intéressant, même si plus incertain. Le bel secrétaire paraît avoir envie d’optimiser ses gains : Diana est une meilleure prise, mais si le mariage avec elle n’est pas possible, il ne veut pas se retrouver le bec dans l’eau, et à chaque rebuffade de la comtesse, se rapproche de Marcela. Il y a un petit côté Marivaux dans la pièce, mais sans toute la finesse, cruauté et complexité de ce dernier auteur. Ici nous sommes plus dans une comédie, qui ne manque pas de charme, mais qui creuse bien moins les personnages, qui gardent, sauf peut-être Diana, des caractéristiques stéréotypées.



Une autre facette du talent de Lope de Vega.
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El villano en su rincon

Paysan dans son coin



Le choix du thème de cette pièce est lié à l’actualité politique du temps : le roi d’Espagne Philippe III donne sa fille Anne (la future Anne d’Autriche pour les lecteurs des Trois mousquetaires) en mariage au roi de France Louis XIII, pendant que la princesse Isabelle de Bourbon, la sœur du roi de France est promise à l’héritier de la couronne espagnole. Il y a une brève mention de ce dernier mariage dans la pièce. Mais surtout, elle se passe en France, avec comme l’un des personnages, le roi. Un roi quelque peu fantasmagorique, archétypale, qu’il est difficile à identifier à une personne précise. Même s’il rappelle, de loin, pas mal de truculence en moins, le Henri IV de Collé. Mais cette pièce ne sera écrite qu’au XVIIIe siècle et Henri IV n’a sans doute pas la même aura en Espagne qu’en France.



Nous sommes donc en France, et un très riche paysan refuse de sortir de son petit univers, situé pourtant pas loin de Paris, et de voir le roi. Il préfère même s’abstenir de sortir de sa maison lorsque ce dernier vient à la chasse dans le coin. Ses enfants n’ont pas les mêmes réserves : ils ne rêvent que de cour. Sa fille vient à Paris habillée en personne de condition, et séduit un jeune courtisan, Oton. Ce dernier découvre l’identité de Lisarda en accompagnant le roi à la chasse, et le roi découvre l’existence de ce paysan qui ne veut pas le voir. Il va venir déguisé en sa demeure, et la famille va le traiter avec une certaine désinvolture, même si tout le monde reste correct et hospitalier. Le roi s’en amuse, fait chercher le paysan pour lui rendre son hospitalité et fait aboutir le mariage entre Lisarda et Oton.



C’est sympathique, avec des scènes assez drôles par moments, même si pas très vraisemblables. Lope de Vega imagine l’agriculture de l’Ile-de-France à l’image de celle de l’Espagne : vignes, olives, troupeaux de bovins… Sans parler de la moindre vraisemblance historique. C’est un peu comme un conte pour grandes personnes. Sans oublier les moments musicaux, qui en font un spectacle complet et entraînant.
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Le Chien du Jardinier

Le chien du jardinier est une pièce de théâtre classique espagnole que j'ai pris plaisir a découvrir et a lire. Je ne sais toujours pas bien comment la situer : on est très loin de la tragédie, et quelques répliques ou retournement de situation m'ont fait sourire mais je ne l'a classerais pas en tant que comédie.



Mais bref passons plutôt a l'intrigue. On fait la connaissance de Diana, comtesse de Belfor qui est courtisée par de nombreux prétendant. Mais tout ça ne l'intéresse guère jusqu'au jour ou elle découvre que son secrétaire Teodoro et une de ses servante sont amoureux. Diana se découvre amoureuse de Teodoro et va tout faire pour que le mariage entre les deux n'ai pas lieu.



L'amour, la jalousie, la trahison sont des thèmes qui reviennent souvent dans les ouvrages classiques (et pas seulement dans les classiques...) et on ne s'en lasse pas. Comme je le disais plus haut certaines répliques m'ont fait sourire. D'autres sont remarquables : "TRISTAN : Il n'est pas de fioles de poison plus redoutables pour les sens des mortels que les yeux d'une femme."



Une très bonne lecture mais il y a deux choses qui m'ont un peu dérangé. La construction de la pièce qui est en trois actes mais non découpé en scènes. Les personnages entrent et sortent, les répliques sont courtes et la lecture en est difficile. Je pense que ce texte se prête beaucoup plus a être joué que lu.

Et puis deuxième chose intrigante, tous les personnages se tutoient. Même les servantes qui s'adressent a Diana. Peut-être que c'était l'usage a l'époque en Espagne ou est-ce la traduction qui veut ça, je ne sais pas, mais c'est étonnant.



En tout cas, je vous invite a découvrir ce classique. L'édition folio offre en plus un dossier complet (préface et note en fin de livre) pour aider a la lecture, c'est toujours un petit plus.
Lien : http://missmolko1.blogspot.i..
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Le Chevalier d'Olmedo - Le Duc de Viseu - B..

Le chevalier d'Olmedo



Cette pièce a paru pour la première fois en 1641 mais la date de sa création demeure incertaine, autour de 1620 sans doute. Lope de Vega s'est inspiré de faits réels devenus légendaires : le meurtre d'un jeune seigneur entre Medina del Campo et Olmeda à l'époque du règne de Charles Quint. Cet épisode a donné lieu a toute une floraison de complaintes populaires. Une première pièce ayant pour sujet cet épisode et datée de 1606 a précédée l'oeuvre de Lope de Vega.



Lope réarrange le matériel de départ à sa manière, il place l'action sous le règne de Jean II, au début du XVe siècle. Don Alonso, le chevalier d'Olmedo du titre, est amoureux d'Inès. Il réussit à communiquer avec sa bien-aimée par une entremetteuse et Inès se montre sensible à son amour. Mais son père envisage pour elle un autre mariage, avec don Rodrigo, qu'Inès n'aime pas. Pour se soustraire au mariage, et malgré son amour pour don Alonso, elle annonce à son père qu'elle veut se faire religieuse. Son père est étonné et peu enthousiaste devant cette perspective, mais ne veut pas forcer sa fille. Don Rodrigo remarque que quelqu'un traîne devant la maison d'Inès, et tente d'appréhender le soupirant. Mais don Alonso se montrer plus vaillant et peut s'esquiver. Toutefois le manteau que Rodrigo perd dans l'affaire et que le domestique d'Alonso va arborer, va permettre au soupirant éconduit de reconnaître son rival. Qui triomphe aux combats de taureaux, à l'inverse de Rodrigo. Les combats et la gloire d'Alonso poussent les deux amoureux à avouer leurs sentiments au père, qui ne demande qu'accéder aux souhaits de sa fille. Tout semble donc aller pour le mieux, mais Rodrigo jaloux, profite du voyage que son rival fait pour donner de ses nouvelles à ses parents, pour l'assassiner lâchement sur la route. Son serviteur le dénonce au roi qui le fait exécuter.



C'est une véritable tragédie, avec une mort que tout le monde attend, puisque l'histoire est connue. Même le personnage du serviteur est à peine comique. le drame est très simple dans son déroulé, il n'y a pas d'intrigues secondaires, pas de doutes sur les sentiments des uns et des autres. Les personnages sont très tranchés, entre les bons et les méchants. C'est très touchant dans une forme de simplicité qui donne une réelle sincérité au récit. Maîtrisée de bout en bout, c'est vraiment une belle pièce.
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Le châtiment sans vengeance

Le châtiment sans vengeance



Cette pièce a été éditée pour la première fois en 1634, mais il existe un manuscrit autographe qui porte la date du 1er août 1631. La pièce s’inspire de faits réels ayant eu lieu en 1421 à Ferrare. Le marquis d’Este a découvert une liaison entre son épouse et son fils naturel Ugo. Il fit décapiter le couple, rendant, ce qui était considéré comme son déshonneur, public. Divers auteurs se sont emparé de cette histoire, Lope de Vega s’inscrit dans toute une tradition, mais il modifie l’histoire originale et rajoute des épisodes et significations nouvelles.



Le duc de Ferrare est un débauché notoire. Il décide toutefois de se marier pour tenter de se ranger, et surtout pour apaiser les craintes de ses sujets. Il le fait à regret, car il aurait voulu transmettre son duché à son fils naturel, Federico. Ce dernier a un coup de foudre réciproque pour Casandra, sa belle mère. Qui est délaissée par son mari, qui retourne sans tarder à sa vie de débauche. Pendant une absence du duc parti à la guerre, ils deviennent amants. Le récit se complique par la présence d’Aurora, une nièce du duc, qui voudrait épouser Federico, projet qui a l’assentiment de son oncle, car il permettrait de donner une position à son fils bien-aimé. Federico rejette la proposition sous des prétextes fallacieux, et Aurora se tourne vers le marquis Carlos Gonzaga, et soupçonne l’histoire d’amour entre Casandra et Frederico. Ils sont dénoncés au duc par une lettre après son retour. Il décide de se venger, sans perdre son honneur. Il fait exécuter Casandra voilée et méconnaissable par Federico, puis fait arrêter ce dernier au motif de ce meurtre, en l’attribuant publiquement à la jalousie de se voir supplanter dans la succession, car il prétend que sa femme défunte était enceinte au moment de sa mort. Federico est exécuté à son tour, et l’honneur du duc sauf, puisque l’adultère n’est pas évoqué.



Lope de Vega transforme donc la fin de la pièce pour rendre le dénouement compatible avec la notion d’honneur, essentielle dans le théâtre espagnole du siècle d’or. Du point de vue du duc, il ne s’agit pas de crime, mais d’une juste vengeance, parfaitement compatible avec la justice divine, les coupables ayant commis un grave pêché. Le duc est en quelque sort garant d’un ordre social, que le couple adultère a remis en cause, en plus de transgresser les lois divines (adultère et inceste). Son action est donc parfaitement légitime. Mais il est puni, peut-être de sa vie de pêcheur : il se retrouve en effet sans descendance, ce qui amène la fin de sa lignée. Il n’y a donc que des perdants.



Ce récit fait bien entendu penser aux amours interdites de Francesca et Paolo de Rimini, immortalisées entre autres par Dante. Même si Francesca était l’épouse du frère de Paolo et non pas de son père, nous retrouvons la même situation, et la même fin tragique, le couple devenant la personnification d’amours coupables, et d’une fin misérable, dans le deuxième cercle de l’enfer à tout jamais. Lope de Vega adapte ce récit de transgression et de mort inévitable au goût et questionnements de son temps, avec efficacité et brio. C’est une de ses pièces les plus tragiques, sans aspects comiques.
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Le mari le plus constant, Orphée

Même si le théâtre espagnol du siècle d’or puise beaucoup de ses sujets dans le cadre national, historique ou contemporain, il n’a pas complètement exclu les sujets antiques. C’est à la mythologie grecque que Lope de Vega fait appel dans cette pièce écrite vers 1721. Le mythe d’Orphée est l’un des plus connus, très utilisé, peut-être plus dans l’opéra qu’au théâtre, à cause sans doute des talents de musicien d’Orphée. Mais Lope de Vega va donner une version personnelle de l’histoire légendaire des amours d’Orphée et d’Eurydice. Un certain nombre de caractéristiques spécifiques du théâtre espagnol y sont présentes, comme un valet bouffon, le gracioso, appelé ici Fabio, apportant une note comique à ce qui est à l’origine une tragédie.



La pièce commence par l’apparition d’Aristée, le roi de Thrace. Il décide d’abandonner son royaume par amour d’Eurydice, entrer au service de Claridone et adopter la vie champêtre. Eurydice le dédaigne, comme tous ses autres soupirants, dont le comique Fabio, qui garde les cochons pour son père, Frondoso. Mais Eurydice succombe aux charmes d’Orphée, qui lui-même est amoureux de la belle. Le père est d’accord pour le mariage, qui aura lieu très bientôt, malgré quelques signes néfastes. Phyllide, l’amie d’Euridice, envieuse de son bonheur, lui instille le poison de la jalousie. Et Aristée, qui a très mal pris son mariage, la poursuit. En le fuyant, Eurydice est piquée par une vipère. Orphée se désespère, et décide d’aller la chercher aux Enfers. Tout le monde connaît la suite : Orphée va pouvoir ramener Eurydice chez les vivants, à condition de ne pas se retourner avant d’être arrivé ; il ne pourra s’empêcher de le faire, et la perdra définitivement. Il est désespéré, mais il arrive encore à réconcilier Aristée et Albante qui a usurpé son trône en son absence. Aristée épousera Phyllide et pourra récupérer sa couronne.



Ce qui est surprenant, c’est que la trame originale est liée à d’autres motifs, comme l’histoire d’Aristée, sans parler des pitreries de Fabio. Eurydice et ses proches sont caractérisés comme les villageois de l’époque de Lope de Vega, avec les us et coutumes liés, nous ne sommes pas vraiment en Grèce antique telle qu’on l’imagine. C’est une adaptation du mythe aux goûts du temps. Cela peut paraître daté, mais ce n’est pas moins légitime que les adaptations que l’on fait actuellement, et qui sans doute paraîtront étranges d’ici quelques décennies.



Cela montre en tous les cas la très large palette des sujets traités par Lope de Vega dans ses très nombreuses pièces.

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Le meilleur alcade est le roi

Publiée en 1635, l’année de la mort de Lope de Vega, la pièce sembla avoir été écrite et créée entre 1620 et 1623. L’auteur s’est inspiré d’une chronique publiée en 1541 à Zamora, qu’il modifie toutefois en introduisant un motif amoureux dans l’affaire.



Sancho et Elvira se mettent d’accord pour se marier, le père d’Elvira, Nuno, donne son accord, mais demande au fiancé d’en informer le seigneur du lieu, Don Tello. Ce que fait Sancho. Le seigneur lui fait des présents et lui annonce qu’il va lui faire l’honneur de sa présence à la noce. Sancho revient ravi. Mais Don Tello est subjugué par la beauté d’Elvira et fait ajourner le mariage. Puis, la nuit, fait enlever la fiancée. Il nie l’avoir enlevée à Sancho, et tente de la séduire, mais elle résiste fermement à toutes ses avances. Sancho va trouver le roi Alfonso VII pour se plaindre. Ce dernier écrit une lettre à l’intention de Don Tello pour qu’il rende Elvira à son promis. Ce dernier ne tient pas compte de la lettre et fait chasser Sancho. Qui revient vers le roi. Le souverain est ulcéré par le comportement de Don Tello et se met en route pour le châtier. Ce qui ferra, même s’il arrive après le viol d’Elvira. Pour lui rendre son honneur, il va la marier à Don Tello avant de faire pendre ce dernier. Veuve, donc honorable, et nantie de la moitié de la fortune de Don Tello, elle peut épouser Sancho.



Lope de Vega creuse encore une fois la thématique des violences des nobles vis-à-vis des paysans, et du roi justicier qui restaure un ordre équitable, même si impitoyable. C’est linéaire et un peu attendu, mais cela a le charme de vieux récits légendaires, de contes, de mythes. Les personnages sont bien caractérisés, Elvira tout particulièrement.



Une pièce qui montre le savoir faire de Lope de Vega à la fin de sa carrière théâtrale.
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La dama boba

Le manuscrit de cette pièce date de 1713. Elle a été composée pour Jeronima de Burgos, actrice célèbre et maîtresse de Lope de Vega.



La pièce est très classique dans son intrigue : il s’agit d’un chassé-croisé entre deux couples d’amoureux. Liseo doit épouser Finea, jolie et bien dotée par un oncle. Mais il découvre qu’elle est bête, elle ne sait même pas lire, et épuise tous ses professeurs. Il n’en veut pas, mais préférerais sa sœur, Nise, qui est une véritable érudite. Mais Nise s’est amouraché de Laurencio, un galant désargenté, qui n’aurait rien contre l’idée d’abandonner Nise pour sa sœur bien plus riche. Les deux jeunes gens s’entendraient bien sur un échange d’amoureuses. Finea s’attache très vite à Laurencio, qu’elle est bien contente de prendre à sa sœur. Mais l’amour lui donne l’esprit qui lui manquait jusque là. Liseo, quelque peu rebuté par Nise, et se rendant compte du changement de Finea, se met à vouloir au final revenir vers elle. Finea se met donc à feindre de nouveau la bêtise pour le faire fuir et épouser celui qu’elle aime.



L’amour qui donne de l’esprit est un thème qui revient dans les comédies, on le retrouvera par exemple dans L’école des femmes. Mais ici c’est Finea elle-même qui refuse d’apprendre par paresse avant de tomber amoureuse. Elle est moteur de l’action, et non pas une victime. Nise a quelque chose d’une femme savante de Molière, un peu ridicule dans son érudition, et cela ne l’empêche pas d’être amoureuse d’un galant sans scrupules, et sans grand intérêt intellectuel. La sujétion des femmes est posée dans la pièce, et il faut toute la force de caractère de Finea, et une sorte de l’indifférence du père, surtout désireux de se débarrasser de ses filles, pour arriver au bon port.
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Fuente Ovejuna

Éditée en 1619, la pièce a sans doute été créée entre 1610 et 1613, sans grand succès semble-t-il. Elle a été redécouverte par les romantiques et elle est aujourd’hui une des pièces les plus connues et jouées de l’auteur.



Nous sommes à la fin du XVe siècle, pendant la guerre de Succession de Castille. L’action de la pièce est double (ce qui lui a été reproché) avec comme lien le personnage de grand commandeur de l’ordre de Calatrava, Fernan Gomez. Le Commandeur pousse le Grand Maître de son ordre à combattre contre les Rois catholiques, Isabelle et Ferdinand, ce que ce dernier, très jeune finit par faire. L’ordre prend la ville de Ciudad Real. Le Commandeur rentre chez lui, à Fuente Ovejuna. C’est un maître cruel, qui se livre à des exactions sur les habitants du bourg, en particulier en abusant des jeunes femmes. Il a des visées sur Laurencia, la fille de l’alcade. Celle-ci aime Frondoso, qui menace le Commandeur d’une arbalète lors d’une tentative de viol. Le Commandeur furieux doit partir se battre. Les deux jeunes gens en profitent pour organiser leur mariage. Pendant celui-ci, le Commandeur battu sur le terrain militaire, revient au village, emprisonne Frondose et enlève Laurencia. Cette dernière parvient à s’échapper et pousse le village à la révolte. Le Commandeur et ses séides sont exterminés. Le village prépare sa défense : il faudra répondre à la question « Qui a tué le Commandeur » Fuente Ovejuna. Et c’est ce que fait le village dans son entier, même sous la torture, lorsque viennent les enquêteurs royaux. Les souverains décident de ne pas châtier, puisqu’il impossible de trouver un coupable.



La question de la tyrannie et de la possibilité de tuer un tyran était une question débattue à l’époque. En plus de faits caractérisés, d’abus suffisamment importants, la légitimation d’un tyrannicide passait par une décision collective d’une communauté, le châtiment ne devait pas venir d’un seul particulier. Ce qui est dépeint ici, c’est le village dans son ensemble et à l’unanimité qui décide de punir le Commandeur, et comme nom du coupable, les villageois donnent le nom du village, c’est à dire toute la communauté. C’est donc une action légitime.



Par ailleurs le Commandeur est présenté comme un tyran sans aucune ambiguïté. Bien sûr dans son comportement avec les villageois, mais aussi en poussant à la guerre le Grand Maître qui est un jeune homme, dépassant les limites de sa fonction en lui imposant sa volonté. Il trahit aussi ses souverains, remettant en cause toute la hiérarchie sociale. Il détruit toute l’harmonie du monde, risque de mettre en péril tous les fondements de la société. L’intervention royale vise à remettre le monde en ordre, avec la juste place qui revient à chacun. Le village reste d’ailleurs acquis à l’ordre de Calatrava, le Grand Maître ayant fait son allégeance aux souverains, n’étant plus sous l’influence néfaste du Commandeur. Lope de Vega ne remet en aucun cas en cause la royauté, mais invite plutôt les détenteurs du pouvoir à une forme de modération, et au respect des structures sociales traditionnelles. Le suzerain a des droits mais aussi des devoirs vis-à-vis de ses sujets, dont celui de la justice.



C’est une pièce très forte et dont le succès est tout à fait légitime.
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L'étoile de Séville

La date de la création de cette pièce est incertaine, elle pourrait se situer entre 1625 et 1634. La pièce reprend une situation de base souvent représentée dans le théâtre de Lope de Vega : un puissant éprouve un désir amoureux et pour l’assouvir ruine l’ordre moral et social. Ce qui corse les choses, c’est qu’ici le puissant est le roi, qui souvent chez Lope de Vega est celui qui rétablit les choses à leur juste place.



Le roi don Sanche vient prendre possession de Séville. Les alcades viennent lui rendre hommage. Mais le roi n’a de yeux que pour la belle dame Etoile, sœur d’un échevin, Busto Tavera. Etoile est aimée par Don Sanche qu’elle souhaite épouser. Le roi se présente chez Busto dans l’espoir de voir sa sœur, mais le malin échevin déjoue le piège. Le roi revient la nuit grâce à la complicité d’une domestique, mais Busto rentré plus tôt que prévu le surprend, le roi doit se sauver honteusement. Bouillonnant de colère il décide de faire tuer Busto. Il fait appel à Don Sanche, qui malgré sa souffrance, décide de faire ce qu’il considère son devoir et obéir au roi. Pris, écrasé par la douleur d’avoir perdu celle qu’il aime, il refuse d’utiliser un écrit du roi qui pourrait le sauver, et qui lui permet d’épouser la dame de son choix. Le roi ne comprend pas, et se sent diminué par la noblesse de Don Sanche, et propose à dame Etoile de lui livrer le meurtrier de son frère. Mais elle refuse d’exercer sa vengeance, comme Don Sanche refuse d’utiliser la promesse royale d’épouser la femme de son choix. Ils se séparent, amoureux mais conscients de ne pas pouvoir vivre ensemble après ce qui s’est passé. Le roi est écrasé par la grandeur des Sévillans et de leur sens de l’honneur si fort.



Le roi qui cause par ses débordements une mise en cause de l’ordre social est apparemment une thématique fréquente dans le théâtre espagnol du XVIIe siècle, mais pas si fréquente chez Lope de Vega, pour qui le perturbateur est plutôt le mauvais noble, qui en plus de piétiner les droits de ses inférieurs, se montre rebelle à son souverain. Mais ici il a une sorte d’excuse : celle du mauvais conseiller, ce qui aussi est une thématique récurrente. La notion d’honneur est au centre de la pièce, et le roi ne s’en sort pas à son avantage : ses sujets sont bien plus respectueux de cette valeur que lui. Le couple Etoile-Sanche y est particulièrement attaché : l’honneur passe avant la vie, avant l’amour. C’est parce qu’ils partagent les mêmes valeurs, pour lesquelles ils sont prêts à tout sacrifier, qu’ils s’aiment. C’est un amour exigeant, basé sur le respect des mêmes codes et un respect mutuel : un amour à l’opposé de l’amour incontrôlable, passion funeste, du roi, qui l’amène à la honte et au crime.



Cela préfigure le couple Chimène-Rodrigue, connu par la pièce de Corneille, mais ce dernier s’est inspiré d’une pièce espagnole de Guillén de Castro dans laquelle ces aspects sont déjà bien présents.



L’étoile de Séville est une pièce réussies, ramassée, allant à l’essentiel, et qui sans aucun doute a une grande efficacité dramatique.
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Mudarra le bâtard

Cette comedia se base sur une ancienne légende médiévale. Les faits évoqués auraient eu lieu au Xe siècle, et ont donné lieu à une production littéraire abondante : chants épiques, chroniques, romances…. Lope de Vega s’attaque à une histoire connue de tous, largement diffusée et qui a déjà déjà donné lieu à plusieurs pièces de théâtre dès le XVIe siècle.



Gonzalo Busto a sept fils, dits les septs infants de Lara. Pendant une fête, le plus jeune d’entre eux, Gonzalo Gonzales offense doña Lambra, la femme de leur oncle Ruy Velázquez. Doña Lambra ne pardonne pas, et exige que son mari la venge. Ce dernier ourdit un complot : il envoie Gonzalo Busto chez le roi more de Cordoue, Almanzor, avec une lettre pour demander le mettre à mort. En parallèle il entraîne les sept infants pour une bataille, mais les frères sont abandonnés par son armée et tombent dans une embuscade. Toutefois Almanzor ne s’est pas résolu à assassiner Gonzalo Busto, il l’a emprisonné. La sœur du roi more, Arlaja, a une liaison avec lui. Après la mort des sept fils de Gonzalo Busto, Almanzor fait relâcher son prisonnier. Ce dernier, vieillissant, est tourmenté par doña Lambra. Mais Arlaja a eu un fils, Mudarra, qui pense être le fils d’Almanzor. Au cours d’une partie d’échecs qu’il est en train de perdre, ce dernier traite son neveu de bâtard. Sa mère lui révèle alors son origine. Mudarra va rejoindre son père, décidé à se convertir au christianisme. Il apprend l’histoire de ses sept demi-frères, qu’il va venger.



Lope de Vega a écrit dans des registres très différents. Nous sommes ici dans une sorte d’épopée légendaire, avec au centre les notions d’honneur, de vengeance. Mais cette vengeance présente deux aspects opposés. La vengeance voulue par doña Lambra est une vengeance illégitime et cruelle, provoquée par son orgueil démesuré. Elle introduit le mal, la destruction. Son mari se laisse entraîner par faiblesse. En revanche la vengeance exercée par Mudarra est réparatrice, elle ramène la justice. Elle est donc légitime et vertueuse.



C’est incontestablement très efficace, simple et grandiose à la fois. C’est ce qui ressemble le plus aux tragédies, telles qu’on peut les trouver dans le théâtre classique français, même si la trame appartient à l’histoire espagnole.
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L'adultère pardonnée

Cette pièce montée en 1608, appartient à un genre spécifique du théâtre espagnol pendant son âge d’or, l’auto-sacramental. Ce genre est né en partie à cause des réformes catholiques, qui ont souhaité rendre les fêtes religieuses plus décentes, et qui ont mit fin aux anciens jeux paraliturgiques, comme la Nativité ou la Résurrection. Ils seront remplacés en Espagne par les auto-sacramentals, crées à l’occasion des festivités de la Fête-Dieu, soixante-jour après Pâques, donc au printemps, moment favorable pour les représentations en plein air. Ces pièces allégoriques sont censées être des illustrations de l’eucharistie et des sermons en actions. Le genre n’arrivera pas à se renouveler à partir de la fin du XVIIe siècle, et les représentations coûteuses, qui ne faisaient que reprendre des œuvres du passé, seront définitivement interdites en 1765.



L’écriture de ces pièces ne sera pas l’apanage d’amateurs, mais des auteurs professionnels les plus importants, écrivant par ailleurs les comedias, les pièces profanes. Il faut dire qu’elles apportaient des ressources importantes aux troupes de comédiens, car les municipalités de grandes villes rivalisaient entre elles pour s’offrir les services des troupes les plus renommées et des auteurs les plus réputés. Cela donnait lieu à des spectacles somptueux, qui pouvaient ensuite, avec moins de moyens, tourner dans des villes de seconde ordre.



Lope de Vega, comme le ferra un peu plus tard Calderón (considéré comme l’apogée du genre), écrira des auto-sacramentals, il en a laissé une vingtaine. Il donne une grande place au couple sacré de l’Époux et de l’Épouse, et s’inspire beaucoup du Cantique des cantiques.



Nous retrouvons cela dans L’adultère pardonnée. L’âme (qui peut tenir lieu de l’Épouse) doit choisir entre deux candidats à l’union : le Fils de l’Homme et le Monde. Sur les conseils de la Connaissance de soi, elle choisit le Fils de l’Homme, malgré les exhortations de l’Amour propre, qui l’incite à choisir le Monde. Le Fils de l’Homme devenu l’Époux, s’absente. Surgit le Monde, accompagné du Plaisir, et l’Âme succombe. L’Époux revient, et constate ce qui s’est passé. Poussé par la Justice, il s’apprête à décapiter l’ Âme coupable. Mais son bras est retenu par l’Église, qui le persuade de pardonner. La Pénitence et l’Eucharistie surviennent pour sceller définitivement le pardon et la réconciliation.



La pièce est très allégorique donc, de nombreux passages sont inspirés du Cantique des cantiques. D’une certaine manière, l’amour qui occupait une grande place dans les Comedias de l’auteur, l’occupe aussi dans ses pièces sacrées. C’est assez étrange à la lecture, très poétiques par moments, trop atypique pour pouvoir entrer dans les répertoire de théâtres actuel, alors que l’aspect visuel, grand spectacle, était un élément important, qui participait fortement au succès des pièces. On ne peut qu’imaginer maintenant ces spectacles.
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La foire de Madrid

C’est une œuvre de jeunesse de Lope de Vega, elle a sans doute été écrite entre 1585 et 1588. Elle est en tous les cas mentionnée dans un acte notarié de 1588, dans lequel un directeur de troupe, Gaspar de Porres, autorisait un de ses confrères à représenter cette pièce. En effet, à l’époque, les auteurs comme Lope de Vega, vendaient leurs pièces à des troupes, qui en devenaient propriétaires. Elle ne paraîtra pour la première fois qu’en 1609, dans le volume deux des Comedias.



Elle est divisée en trois journées. Dans la première, nous découvrons cette fameuse foire de Madrid, qui se tenait du 21 au 29 septembre. Des exemptions fiscales provoquent une forte activité commerciale, dont profitaient des marchands installés en ville, mais aussi tout ceux qui venaient à l’occasion écouler leur marchandise, dont un certain nombre de Français, qui n’avaient pas forcément bonne presse. Rappelons qu’à l’époque l’Espagne était un pays riche, et attirait des étrangers espérant en tirer un peu profit, dont un certain nombre de Français. Cette première partie décrit un peu tout cela, d’une manière pittoresque et animée, de nombreux personnages entrent en scène à tour de rôle. Ce qui intéresse les hommes, ce sont surtout les possibilités de faire des rencontres avec des dames. La tradition était qu’ils leur offrent des cadeaux, achetés dans les boutiques ou échoppes, en espérant faire connaissance, et éventuellement plus. Un aspect piquant de l’affaire est que ces dames sont voilées, et que les galants n’entraperçoivent qu’un regard, une main, si elle n’est pas gantée, une silhouette. L’un des jeux de séduction va donc consister à essayer de voir un peu plus, par exemple lorsque ces dames essaient un des cadeaux. Trois femmes apparaissent tour à tour, et trois jeux de séduction s’engagent. D’abord Eufrasia qui se fait courtiser par son mari, qui au quotidien se montre avaricieux, jaloux et pénible, et qui en profite pour se faire offrir un maximum de présents, et pour le remettre à sa place.Ensuite la malhonnête Eugenia qui berne ses soupirants, enfin Violante, dont la mari la délaisse pour Eugenia, et qui rencontre le charmant Leandro. Cette dernière intrigue va occuper la place centrale dans les deux journées suivantes.



Violante et Leandro vont tomber amoureux, et vont essayer de berner, le mari, Patricio, pour pouvoir se rencontrer. Mais Leandro, qui a rencontré Patricio sous un faux nom, le prend pour confident de ses amours avec Violante, permettant ainsi au mari de déjouer leurs projets. Intrigue reprise d’un conte de Straparola, que Molière reprendra à son tour dans l’Ecole des femmes. Je ne vais pas raconter la fin, assez invraisemblable, mais qui permet à la Comedia de se terminer bien (sauf pour Patricio, mais le personnage n’est pas très sympathique).



C’est une pièce vive, dont l’intérêt principal est une description assez réaliste de la vie de l’époque, avec tous les personnages de la foire, qui sont sans doute plus des types que des portraits psychologiques fouillés. C’est assez plaisant à suivre, très varié, avec les nombreux protagonistes qui apparaissent tour à tour.
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Fuente Ovejuna



C’est ma première rencontre, tout à fait satisfaisante, avec le théâtre du Siècle d’Or espagnol.

J’ai trouvé cette pièce de Lope de Vega à la fois amusante et assez moderne.

Elle met en scène les abus d’un seigneur envers un village qui lui appartient et la révolte de ce village. Le commandeur harcèle les femmes de Fuente Ovejuna sans aucune retenue allant jusqu'à ordonner à l’alcade de demander à sa fille qui lui résiste de lui céder. Il punit tout paysan qui s’oppose à lui. Mais le village fait front commun et lorsqu’il se décide à tuer le commandeur pour se protéger, il oppose pour toute réponse à la torture “c’est Fuente Ovejuna qui l’a fait”. Et le village sera gracié un peu à contrecœur par Ferdinand d’Aragon.

À noter que le texte original en espagnol est en rimes embrassées tandis que traduction en français est en prose.

C’est une bonne surprise que cette découverte.

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Pedro et le Commandeur

La comedia espagnole est avec le théâtre élisabéthain et le théâtre classique français l’un des trois grands théâtres européens nés suite aux bouleversements de la renaissance. Mais il est le moins connu et le moins joué des trois. Shakespeare, Molière, Racine voire un peu Corneille sont étudiés, joués, admirés, même si ce ne sont que certaines de leurs pièces et que leurs contemporains souvent passionnants, sont oubliés. Mais la situation est encore moins favorable pour les auteurs espagnols de la même époque, seuls quelques titres sont de temps en temps donnés, presque comme des curiosités, alors que ce théâtre a inspiré tout ce qui se faisait en Europe de son temps. Un corpus de plus de 10 000 pièces nous est parvenu pourtant, petite partie de ce qui a été jouée en Espagne au XVIe et XVIIe siècle, ce qui montre à quel point ce théâtre a été prolifique et populaire.



Lope de Vega est un des grands auteurs de ce théâtre, l’un de ceux dont le nom a passé les siècles et dont quelques pièces continuent à être jouées parfois. Il résume assez bien la vitalité de la littérature espagnole de l’époque : il aurait écrit un nombre imposant de pièces, plus de 1000 (certains vont jusqu'à 1800), dont il reste environ 450. Et n’écrivit pas que du théâtre : romans, nouvelles, proses diverses, sans oublier la poésie, ont coulés de sa plume. Evidemment une telle abondance pose la question de la qualité : était-il juste un graphomane, répondant à une demande dans une forme d’immédiateté, sans réel soucis de la valeur des ses écrits, de perfection formelle qui aurait pu lui permettre de bâtir une œuvre capable de survivre à son époque ? Ou malgré l’abondance de sa production a-t-il pu produire quelque chose de valeur qui puisse encore nous toucher, nous parler malgré les siècles ? Les possibilités de répondre à cette question sont rares, les pièces de Lope de Vega accessibles sont relativement limitées, et la question de leur représentativité se pose : on suppose bien sûr que ce sont les meilleures qui ont été traduites et qui sont jouées.





Pedro et le commandeur appartient au genre de comedias dites rustiques, qui mettent en scènes des paysans, et cela d’une façon non anecdotique, sans les ridiculiser systématiquement. A l’origine de la pièce, quatre vers d’une romance traditionnelle dont il ne reste que ces vers :

J'aime mieux mon Peribañez/Et sa cape de bure grise /Que vous commandeur /Et votre cape dorée.



La pièce commence dans un village, Pedro un paysan aisé épouse Casilda, les deux jeunes gens sont très amoureux. Mais le mariage est perturbé : un grand seigneur, don Fadrique (le commandeur du titre) est blessé par un taureau qu’on devait faire courir à l’occasion du mariage et qui est devenu furieux. Soigné par Casilda, le seigneur en tombe amoureux dès le premier regard. Mais Casilda est fidèle et ne veut pas tromper son mari. Le commandeur va avoir recours à des ruses, il est poussé à la séduction par son serviteur Lujan, qui se rapproche d’une cousine de Casilda, Constance, qui essaie de convaincre Casilda de céder au commandeur. Mais Casilda reste inflexible. En désespoir de cause, sous prétexte d’une récompense, le commandeur fait donner à Pedro une charge militaire, qui doit donc partir. Mais il revient la nuit, et surprend le commandeur en train de tenter de violer Casilda. Pedro le tue, le commandeur lui pardonne. Mais la justice du roi n’est pas aussi bienveillante, et met à prix le tête de Pedro. Ce dernier préfère se présente au Roi pour s’expliquer, accepte sa condamnation et demande au Roi de remettre la récompense promise pour le livrer à sa femme. Devant la noblesse de Pedro, le Roi bouleversé, lui accorde son pardon et la récompense promise à Casilda en prime.



La pièce est assez simple dans son déroulement et son intrigue. Il y a un côté pittoresque, notamment dans les scènes du mariage, et les chants paysans. Les personnages ne sont pas simplifiés à outrance : don Fadrique se rend compte que son comportement n’est pas défendable, mais il est pris par la passion amoureuse, ce qui tire la pièce vers une forme de tragédie, malgré les aspects comiques et familiers. La noblesse se trouve aussi bien chez les puissants que chez les paysans. Mais la pièce, malgré certaines lectures, défend la hiérarchie sociale en place : les méchants de l’affaire sont Lujan et Constance, c’est à dire des manants. Don Fadrique fait le mal malgré lui et pardonne à Pedro qui l’a tué. Et c’est au final le Roi, qui conclut la pièce en accordant son pardon à Pedro. La morale de l’affaire est quand même qu’il faut faire confiance à l’organisation sociale, même si certains se livrent parfois à des abus, au final la justice peut être rétablie à un niveau supérieur. Plutôt que de se révolter, il vaut mieux monter à l’échelon supérieur, puisque le souverain est juste et humain par définition.



La pièce est incontestablement efficace dramatiquement, jouant sur plusieurs registres, entre comique et dramatique, voire tragique. Mais je ne suis pas sûre qu’elle puisse donner lieu à des lectures multiples, et demande sans doute pas mal d’imagination au metteur en scène pour trouver un angle vraiment original.
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La dama boba

Dans la prolifique production théâtrale de Lope de Vega, nous trouvons La doma boba ou "Celle qu'on trouvait idiote", une courte oeuvre dans laquelle nous suivons les amours de deux soeurs, l'une érudite et l'autre ignorante. L'intérêt de cette oeuvre repose justement sur l'opposition entre ces deux soeurs et l'attrait qu'elles peuvent susciter auprès des hommes; l'une attire pour son érudition et l'autre pour sa fortune. C'est aussi le rôle du père dans la société espagnole du début du XVIIème siècle qui est dépeint dans cette comédie amoureuse et le lecteur se rend compte que l'oeuvre est bien moderne pour l'époque puisque qu'elle pose des questions sur la place de la femme toujours d'actualité de nos jours dans certaines sociétés...
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