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Critiques de George Steiner (58)
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Réelles présences

Nommer le monde



“Réelles présences” de George Steiner est un ardent témoignage, une volonté de croire et de dire que tout n'est pas perdu.

C'est un chant pour que vive le Verbe, cet outil précieux et imparfait de “l'animal parlant” que nous sommes.



Est-il encore possible, dans le temps où nous vivons, de nommer le monde ?

C'est in fine la question essentielle que pose George Steiner dans cet essai admirable.

Il n'est pas aisé de parler d'un livre aux ramifications aussi profondes.

Je vais quand même tenter d'en restituer une lecture possible.



Ce qui est lucide, au sens plein de ce mot, peut nous aveugler. La lumière éclaire tout autant qu'elle obscurcit. Mais la cécité ne peut s'emparer de nous qu'à partir du moment où nous lâchons les rênes de la pensée.

C'est pourquoi l'oeil de l'esprit a plus que jamais besoin d'être sollicité.



La réflexion que Steiner développe dans son essai est brillante et hautement salutaire. Elle peut nous aider à faire face au travail de sape – fort intéressant et cependant bien dangereux –, que manient les déconstructionnistes ludiques en tous genres, ces homo ludens, “hommes du jeu” qui jouent sans le savoir avec le feu.

Certes, on ne brûle pas le sens aussi facilement que du papier. Mais il s'agit d'être prudent.

Le langage est le dépositaire même du sens, son gardien. Veillons à ne pas le négliger.



On a fait subir aux mots, une atroce saignée. Et ils gisent, à demi exsangues.

Mais ils ne sont pas morts pour autant. Et il importe à chacun de leur donner sens, de leur insuffler de la vie, de perpétuer leur élan sémantique, séminal.

C'est à un rétablissement souhaité du sens du signe ou plutôt du « sens du sens » que plaide George Steiner.



Ce dernier explique avec beaucoup d'acuité que depuis Mallarmé et Rimbaud, nous sommes entrés dans ce qu'il nomme l'ère de l'Épilogue ou de l'« Après-Mot » : le moment où le mot est entré en rupture avec le monde et où celui-ci n'est plus considéré par les linguistes que comme un signe purement abstrait, une coquille creuse ne faisant pour ainsi dire référence qu'à lui-même. 


Notre époque a totalement rompu avec la vision adamique du Logos censé définir les êtres et les choses de notre monde. le fil d'Ariane a été tranché. Et nous avançons dans le noir labyrinthe, en quête d'une transcendance perdue.

C'est ce que Léon Bloy proclamait déjà avec force, en son temps : « Nous crevons de la nostalgie de l'Être. »



Les astres ont une musique particulière. le soleil, par exemple, résonne en Sol dièse ainsi que l'ont dit très récemment Sylvie Vauclair et Claude-Samuel Lévine, une astrophysicienne et un musicien, lors d'une émission radiophonique diffusée sur France Culture.



Et George Steiner ne cesse, à juste titre, de rattacher l'Homme au Cosmos.

Il existe pour lui, un lien très étroit entre l'Homme et la musique, un noeud quasi ontologique, une sorte de cordon ombilical comme une partition charnelle tissée de notes.

Pour l'auteur de “Dans le château de Barbe-Bleue”, poser la question : « Qu'est-ce que la musique ? » reviendrait aussi à en poser une autre, à savoir : « Qu'est-ce que l'Homme ? ».




L'Homme est, dans l'une de ses acceptions, défini comme “l'être doué du langage”. Or, la musique peut très bien se passer du langage. En cela elle le dépasse, elle le précède.

D'ailleurs, selon George Steiner, on ne peut rien dire de précis sur la musique : cet art sensible compte sans nul doute parmi les plus mystérieux qui nous soient donnés et il est, de tous les arts, le plus dénué de référent humain.

De ce fait les musicologues, quelques brillantes que soient leurs gloses à propos d'une oeuvre musicale, n'ajouteraient en fin de compte que de la poussière en tentant d'expliciter de manière intelligible ce qu'est l'ineffable de la musique.


L'opération en reviendrait à vouloir, par le truchement d'un bistouri, ouvrir la poitrine d'un homme en pensant y trouver son âme sous une forme palpable.



George Steiner se définit lui-même, avec un regard pénétrant et humble, comme un “facteur” de la pensée.

Le miracle a parfois lieu et les lettres parviennent à leurs destinataires, tandis que d'autres se perdent en route.

En ce qui me concerne, “Réelles présences” s'est imposé à moi comme une lettre vitale – de celles que l'on reçoit rarement et qui nous bouleversent en profondeur.

Les mots que j'y ai lu ont lavé mon regard, ont enrichi ma conscience.

Cet appel à l'Être résonne en moi comme une voie d'incarnation.

Au fond, le langage c'est la voix et le corps même de l'absence – de l'absence qui accède à la présence.

Sans les mots, nous serions seuls au monde, totalement retranchés de lui.

Et mettre ce véhicule verbal en mouvement, c'est redonner de l'ampleur et de la densité à tout ce qui nous entoure – afin d'invoquer la présence, les "réelles présences".



Les mots sont le sang de l'Être.

Et il ne sera pas dit que nous laisserons dépenser ce sang en vain.



Thibault Marconnet

18/01/2014
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Tolstoï ou Dostoïevski

Dans cet essai que j’ai lu au début de mes études universitaires (j’étais dans une période de lectures russes) Steiner commence par affirmer la supériorité des deux auteurs sur leurs contemporains (ou presque) français , Balzac,Zola ,Flaubert (Je ne partage pas son avis sur ce dernier). Puis il compare point à point les deux géants (par l’œuvre et par le génie) que d’après lui ,presque tout oppose . Lecture intéressante mais réservée à de bons connaisseurs des deux susnommés.
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Dans le château de Barbe-Bleue

Un livre dense qui pose vraiment les bonnes questions et auxquelles l'auteur ne répondra que partiellement. S'appuyant sur la métaphore du château de barbe-bleu ; sur cette insatiable curiosité qui nous pousse à ouvrir toutes les portes du savoir sans nous préoccuper si celles ci peuvent déboucher sur la nuit ou, bel et bien, sur un cadavre, il s'interroge par la même sur la culture occidentale et sur le fait qu'elle n'ait pas constitué un rempart contre la barbarie. La civilisation allemande était une des civilisations les plus cultivées et nombre de soutiens d'Hitler faisaient partie de l'élite.

Il analyse les prémisses de ce qui s'apparente à une défaite de la pensée à travers la culture occidentale. Le signe le plus significatif est l'ennui, consécutif aux guerres napoléoniennes, au désœuvrement et au manque d'idéal de l'ordre bourgeois. Car si celui-ci s'accompagne d'un dynamisme économique et technique il est toujours basé sur une élite et sur un immobilisme social source d'inégalité.

Puis il aborde le problème brulant de la proximité de la culture avec la barbarie et particulièrement cette haine antisémite qui survit même à son objet et a entrainé l'holocauste. « La conscience est une invention juive », ce sont les mots mêmes d'Hitler. Ce qui nous ramène — à l'invention du monothéisme et à ce dieu unique aux exigences démesurées à l'origine de l'éthique chrétienne et d'un socialisme messianique.

Il ne manque pas de faire le lien entre la production de masse et la déshumanisation.

L'après-guerre amorcera le déclin de la culture classique, la crise des valeurs, une après culture qui rompt avec le langage et avec le respect des hiérarchies communément admises et avec tout ce qui constituait l'ordre bourgeois. L'image remplace les mots, c'est la naissance d'un méta langage (l'ordinateur) et le règne de la musique pop et rock.

Seule la science assure la continuité et bizarrement l'auteur, même s'il pointe le désastre écologique et les risques qu'il fait encourir à l'humanité si celle-ci ne s'accompagne pas d'une éthique, en devient le défenseur inconditionnel.

Il n'aborde que de biais ce qui pourrait fournir une clé de compréhension, l'élitisme et la division arbitraire de la société en classe. Même si la faillite des idéologies nous empêche de trouver une solution évidente, l'impuissance patente d'un capitalisme effréné devant les désastres qu'il engendre est pourtant bien la principale problématique et aurait mérité qu'il s'y attarde.Le sujet semble devenu tabou. L'auteur préfère s'abimer dans le paradoxe et prône le retour à une culture classique accompagnant un idéalisme scientifique qui risque de déboucher sur une catastrophe finale irréversible.
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Le silence des livres

Très court recueil, lu dans le cadre du challenge Méli-Mélo, qui nous raconte l'approche de George Steiner par rapport au livre, il s'intéresse ici au caractère fragile de l'écrit et en particulier du livre.

Et c'est à une histoire du livre depuis les tout premiers écrits qu'il nous invite : la succession de l'écrit à la transmission orale et de la mémoire.Il nous rappelle qu'à l''époque de Socrate et de Jésus de Nazareth, l'enseignement se faisait par oralité et non par écrit, tout se faisant par allégorie et par paraboles, avant que tout ce savoir ne passe plus tard par la forme écrite .Le passage à l'écrit et donc le livre ne fut réservé au début qu'à une élite proche du pouvoir ou de l’Église.

Et lorsque le livre se développa grâce à l'imprimerie la censure se mit en place, des écrits comme ceux de Galilée et autres, furent jugés comme subversifs et interdit, sinon détruits.

Beaucoup plus récent, le siècle dernier, fut le théâtre de conflits atroces, qui démarrèrent souvent par l'élimination d'une littérature non conforme aux normes des pouvoirs en place, comme le nazisme et le stalisnisme, préfiguration de ce qui arriva aux hommes eux-mêmes.

Et puis à présent, époque du tout numérique, le livre doit trouver sa place, avec le tout et n'importe quoi… avec le foisonnement de tant d'écrits, on peut se demander si la censure ne devrait pas se faire d'elle même, pour que les dérives (appel à la haine, négationnismes, appels au meurtres etc.) ne se mettent pas systématiquement en place.

Et un plus, à ce dire que le silence des livres a laissé place à l'époque contemporaine, à un monde où le silence dans la lecture est devenu un luxe presque suspect.

Une lecture instructive qui m'a demandé un gros effort de concentration, et donc d'être vraiment à ma lecture car pas si simple !!!!

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Éloge de la transmission : Le maître et l'élève

Un ouvrage très intéressant sur la transmission du maître à l'élève. Il souligne l'importance du savoir et met en valeur toute la sensibilité, toute l'intelligence, toute la passion nécessaires au sachant pour transmettre un savoir vers des apprenants en particulier lorsque ceux-ci ne sont pas forcément dans des conditions favorables sur le plan de l'environnement et de la réceptivité.

Il s'agit, dans cet ouvrage très court, d'un dialogue entre deux "sachant". Dialogue riche, aux termes choisis, empreint de la passion de l'Autre, persuadé du potentiel de création de chacun pour peu que l'enseignant sache faire raisonner le savoir à transmettre. Très loin du nivellement par le bas que connaissent nos établissements d'enseignement depuis 1968. Immanence d'un savoir qu'il appartient à l'humanité de savoir conserver à travers le temps et de léguer aux générations présentes et futures.

Bien que reposant sur un style fluide, cet ouvrage de par la nature de son propos et la qualité de ses démonstrations reste réservé à un public averti. Initié.
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La mort de la tragédie

La lecture de cet essai de littérature générale sera un véritable voyage pour le lecteur à travers plusieurs littératures nationales, tant est vaste la culture de l'auteur, en étendue géographique (le théâtre tragique européen en général) que temporelle (de la Grèce à nos jours). Cela seul est une bonne raison de lire ce livre, qui a pour thèse la disparition du sentiment tragique de la vie quand les idéologies optimistes occupent le devant de la scène : le christianisme, et le marxisme. Toutefois, le réel de l'histoire, qui est le tragique à l'état pur, perce toutes les bulles idéologiques.
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Lectures : Chroniques du New Yorker

La loi du genre, dans des chroniques journalistiques, est une certaine superficialité. G. Steiner surmonte aisément cette difficulté : c'est un grand critique, un savant dont l'étendue des connaissances est proprement étourdissante. Cette science a cependant ses inconvénients : si Steiner est savant en étendue, s'il lui arrive même d'être profond dans ses analyses d'Antigone ou de la mort de la tragédie, il demeure prisonnier de certains préjugés propres à la gauche intellectuelle occidentale, et quelques-unes de ces chroniques sont gênantes, en ce qu'elles reposent sur des principes non-dits qui "vont de soi" pour lui : autrement dit, des pensées brillantes reposant sur de l'impensé. Il ressemble beaucoup à ces savants littérateurs dont le brillant cache plus ou moins bien la superficialité mondaine, comme Alberto Manguel ou Charles Dantzig.
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Poésie de la pensée

George Steiner est un esprit libre qui agace certains et en fascine d'autres par sa culture encyclopédique, sa connaissance des langues anciennes et son amour de la philosophie. Cet auteur d'une œuvre complexe, prolifique, qui navigue entre poésie, linguistique et métaphysique, « Hors-champs » a souhaité dans des entretiens réalisés chez lui à Cambridge, l’interroger sur les chaos du monde, la montée des intégrismes, le bonheur de l’existence. Au cours de ces émissions, il revient sur son adolescence au moment de la montée du nazisme, évoque son apprentissage de la science, sa fascination pour les grands mythes qui structurent notre pensée occidentale, évoque les figures de Gershom Scholem, Walter Benjamin, Heidegger, avoue son sens de la contemplation qu’il assouvit dans l’amour infini de la lecture et de la musique lui qui, en raison d'un handicap, fut un musicien contrarié. George Steiner, un intellectuel insoumis insolent luttant contre toutes les modes.
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Dialogues : sur le mythe d'Antigone, sur le..

Dialogues entre deux serviteurs de la pensée



C'est avec émerveillement que j'ai lu les dialogues entre George Steiner et Pierre Boutang, ces deux ardents serviteurs de la Pensée au verbe haut et clair.

Leurs ferraillements métaphysiques font naître des feux au plein coeur de l'épaisse obscurité.



Leurs mots dévoilent tout autant qu'ils voilent : c'est là sans doute le secret d'un échange véritable ; la vérité de toute parole humaine.



En lisant leurs dialogues, j'ai pu entrevoir ce que c'est que le travail de deux âmes tendues tout entières vers la connaissance. Dans ces entretiens, Boutang et Steiner questionnent avec ferveur des textes anciens, ils interrogent en profondeur le mythe d'Antigone et le Sacrifice d'Abraham.



Dès les premiers mots, on sait que ces deux penseurs ne plaisantent pas : ils savent toute l'importance de leur tâche d'être hommes, toute la difficile grandeur que revêt leur vocation de servir au mieux la Pensée.

Car cette dernière ne doit pas rester lettre morte. Il importe à ces deux hommes de porter la Pensée comme un grain, un semis, afin d'ensemencer les terres de la Parole pour accéder à une possible vérité.



Steiner et Boutang pressentent jusqu'à quels questionnements vertigineux vont les mener leur discours. Sur une ligne de crête, ils vont chercher ensemble à comprendre, à relire au plus près du sens premier ces textes fondateurs de la civilisation occidentale. Leurs mots s'aiguisent pour trouer de lueurs la nuit de l'entendement. Par la parole, ils tranchent au coeur du mensonge.



On n'en finit pas de creuser au sein de l'Être ; l'Ontologie est une recherche sans fin qui nous mène en définitive au seuil d'une aporie ; en bas d'une palissade qui monte au plus loin de tout regard et de toute pensée humaine.



À rebours d'une certaine opinion, Antigone n'est pas un élément factieux : elle ne porte aucun message anarchiste. Et Créon n'est pas le digne dépositaire de la Loi, le garant de l'ordre qui instaure une forme de paix au sein des murs de la cité.

Tout au contraire, c'est bien Créon le véritable fauteur de troubles, l'anarchiste ; car il va à l'encontre d'un principe sacré : celui qui dit au coeur de l'homme qu'un cadavre ne doit pas rester sans sépulture et pourrir sous un soleil assassin, dévoré de nuées de mouches. Par sa décision inique de ne pas enterrer le cadavre de Polynice – le frère mort d'Etéocle et d'Antigone –, Créon expose la cité de Thèbes à l'opprobre. Il souille et sape les fondements essentiels du Sacré.



Cette lecture intense m'a inspiré quelques mots sur la compassion, dont le sujet est au coeur de cet ouvrage comme une sorte de dénominateur commun et primordial :



Si la compassion existe, c'est parce qu'on ne peut pas, qu'il n'est pas permis – pour la dignité humaine –, de regarder la souffrance de l'autre sans sourciller.

On ne peut, sans perdre son âme, se boucher les oreilles face aux cris déchirants de la détresse humaine.



La compassion fonde en partie l'humanité, elle en est une sorte de principe sacré.

Privé entièrement d'elle, l'être humain serait la pire ordure qui soit, le plus dégueulasse salaud qui ne se soit jamais pu concevoir ; et je crois même qu'aucun mot ne serait assez fort pour dire cette terrible éventualité.

Vraiment, en pareil cas l'homme ne mériterait plus qu'une chose : être anéanti totalement, déraciné comme une herbe mauvaise du monde des vivants – et ce à tout jamais.



Que la compassion puisse ne plus être, c'est contresigner la mort de tout ce qu'il peut y avoir encore de noble dans l'être humain.

Et c'est laisser le dernier mot à Satan, cet "adversaire" infatigable de l'homme, ce négateur de toute vie.



© Thibault Marconnet

le 25 juillet 2013
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La mort de la tragédie

En 1965, George Steiner, publie cet essai qui est une étude profonde et érudite sur l'histoire d'un genre littéraire : la tragédie . Il en fixe d’abord les codes.Puis il délimite 5 périodes durant lesquelles la tragédie est à l’apogée : en Grèce au Siècle de Péricles (Eschyle, Sophocle, Euripide), en Angleterre, à la fin du XVIe siècle (Marlowe, Shakespeare, Jonson, Webster),au XVIIème siècle en Espagne (Calderon, Lope de Vega) et en France (Corneille, Racine), en Allemagne, entre 1790 et 1840 (Goethe, Schiller, Kleist, Buchner). Il y ajoute , au début du XXème en Scandinavie et en Russie (Ibsen, Strindberg, Tchékhov). Il pose en suite la question de la survie de ce genre de nos jours . Une superbe réflexion , très stimulante pour un esprit littéraire et curieux.
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Les antigones

J’avais vu un soir sur la 7 (souvenirs…) un extraordinaire dialogue entre Gustave Thibon et George Steiner à propos d’Antigone . Les deux érudits se bombardaient de citations en grec ,c’était vertigineux . Pour mieux comprendre j’ai cherché cet ouvrage sur le sujet.Steiner part du constat que la fiolle d’Oedipe a suscité une incroyable prolifération de gloses et d’œuvres littéraires qui en ont parfois occulté ou dévié le sens. Il analyse avec sa finesse et son érudition les enjeux politiques que porte ce mythe (et de nos jours c’est particulièrement vrai) . C’est magnifique d’intelligence.
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Les antigones

L'auteur nous invite à traverser la littérature européenne de ses origines à nos jours, avec, si l'on ose dire, le fil d'Ariane ... d'Antigone. Cette figure mythologique a paru incarner dès l'origine le conflit entre deux idéaux, la légalité et la légitimité, et rend pensable la séparation du spirituel et du temporel, à travers le martyre d'une jeune fille qui défend l'un contre l'autre. C'est du moins ce qu'on a lu dans Sophocle et ce que l'on a réécrit, sous des formes diverses, au cours des siècles. Il faudrait d'ailleurs corriger cette lecture traditionnelle et d'influence chrétienne par les analyses de J.P. Vernant, qui renouvelle entièrement l'interprétation du mythe au niveau de la Grèce ancienne. En tout état de cause, la culture encyclopédique de Steiner nous fait explorer des domaines littéraires peu frayés et le voyage auquel il nous convie est passionnant.

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Un long samedi. Entretiens

Au long de ces entretiens, on retrouve quelques grandes figures du siècle, comme Robert Oppenheimer, par l'intermédiaire duquel George Steiner a intégré l'université de Princeton, et ses thèmes de prédilection, son amour des langues, sa critique des grandes mythologies de notre siècle (psychanalyse, marxisme, structuralisme), sa vision de l'avenir du monde, son goût pour la musique.


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Martin Heidegger

Pour qui souhaite, avec bonne volonté et modestie, aborder quelques concepts de ce montre sacré de la philosophie qu'est Heidegger, l'ouvrage de Steiner constitue une excellente introduction. D'un niveau universitaire, le propos de Steiner est d'éclairer quelques concepts-clés du philosophe alors que, dit-il, une petite partie seulement de l'œuvre de Heidegger est connue.



On trouvera bien sûr ici des échos de la pensée, des thèmes et des préoccupations de Steiner, et puis sa pensée tout en nuances et en détours, en avancées brusques et en suggestions inattendues. De quoi tenir éveillés les moins insomniaques.
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Maîtres et disciples

George Steiner est mort. Cette nouvelle m’a incité à rechercher dans ma bibliothèque les traces de ma fréquentation (livresque) de cet admirable enseignant à l’érudition confondante. Et , en tout bien tout honneur celui de ses livres qui parle de la profession de ma vie ,ma passion , l’enseignement. Dans cet ouvrage il analyse les relations maître -élève et ce qui fonde la prétention d’enseigner. Pour cela il convoque des exemples de tous domaines , religieux, artistique, littéraire … Passionnant !
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Les livres que je n'ai pas écrits

George Steiner,tel qu'en lui-même et au plus haut de sa forme .Génial .
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Le silence des livres

Pour retrouver traces des premiers écrits, sans doute faut-il remonter au 2ème millénaire avant notre ère, dans la Chine ancienne. En occident, par contre, la tradition orale a précédé toutes formes d'écrit parvenus jusqu'à nous. Bien avant d'écrire, on parlait, on chantait, on usait de la voix.



Ainsi, Socrate n'écrit pas. Il parle. Il transmet. Point d'usage du livre. Ou si peu. A cela, rien d'étonnant. Socrate était un orateur né, de grand talent. Tout passait par son comportement, sa gestuelle, son oralité, cette capacité à fasciner disciples et amants, par son charisme et cette théâtralité du langage. Platon, son élève - écrivain prolifique et hors pair - critiquera la notion même d'écrit dans "Phèdre". En effet, un texte, un livre, a une autorité naturelle, possède une certaine forme de revendication. Il affirme, il assène. Au contraire, l'oral, le verbal, permet la contradiction, le retour en arrière, l'échange.
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Oeuvres

De la traduction, de la tragédie, de la musique : de la lecture comme nécessaire et perpétuelle interprétation. Dans ce recueil, un rien hasardeux et difficile à suivre dans sa découpe de grands livres, on découvre avec une vraie fascination la pensée de George Steiner, ses incessantes lectures, ses analyses brillantes (notamment sur la tragédie, sur la possibilité de la traduction, sur la construction de notre moment historique…), son exigeant rapport aux langues et à ce qu’elles peuvent et doivent suggérer : grandeur et abjection de l’homme. Par des livres aussi décisifs que Mort de la tragédie, Les Antigones ou Errata, récit d’une pensée, ce Quarto des Œuvres est d’une lecture porteuses d’infinies questions.
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Tolstoï ou Dostoïevski

« Demandez à un homme s’il préfère Tolstoï ou Dostoïevski et vous connaîtrez le secret de son cœur ». Cette phrase inspirée d’une réflexion du philosophe russe Berdiaev, George Steiner y a certainement pensé en donnant son titre à son essai. Mais au final, bien fort celui qui arrive à deviner lequel des deux à sa préférence après lecture de cet ouvrage.

Ce livre se détache donc complètement de réflexion de Berdaiev et présente les différences entre ces deux auteurs qui malgré leurs origines communes et respect mutuel ne se sont jamais rencontrés.

Le livre est découpé en 4 parties. La première explique l’importance de ces 2 auteurs dans la Littérature (du XIXème siècle ainsi que de façon globale). Je l’ai trouvé passionnante car elle a fait émerger des réflexions que je n’avais jamais réussi à verbaliser sur les courants littéraires américains, russes et européens du XIXème. Je vous laisse en découvrir les détails mais c’est très bien expliqué, même si je ne suis pas d’accord avec tout.

La seconde partie s’intéresse spécifiquement à Tolstoï et explique en quoi c’est un écrivain Homérique. A contrario, la troisième partie explique que Dostoïevski est un écrivain Shakespearien. D’ailleurs, Tolstoï détestait le dramaturge anglais (il lui reproche son artificialité) que Dostoïevski le vénérait.

La quatrième et dernière partie traite de leurs conceptions de la religion à travers ce qu’ils sont et à travers leur œuvre.

Je ne développe pas trop les idées défendues par Steiner car je trouve dommage quand les chroniques d’essai ressemblent trop à une synthèse. Par contre, je préfère donner quelques recommandations aux futurs lecteurs. Ce n’est pas un livre pour découvrir la littérature de ces deux génies russes. Il faut très bien connaître leur bibliographie car Steiner cite beaucoup et je pense que cet essai a peu d’intérêt si on ne connaît pas au minimum les livres les plus fréquemment évoqués : « La Guerre et la Paix » et « Anna Karénine » pour Tolstoï et « L’Idiot », « Les frères Karamazov », « Les démons » (ou Les Possédés dans son ancienne traduction) et « Les carnets du sous-sol »pour Dostoïevski.

Ah oui au fait, pour répondre à la question du début je suis plutôt Dostoïevski.

Merci à Babelio et aux éditions « Les Belles Lettres » pour l’envoi de cet essai passionnant.
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Ceux qui brûlent les livres

Il y a ceux qui brûlent les livres.

Pourquoi en viennent-ils à ce geste?

Il semblerait qu'à son départ le savoir était essentiellement oral. Chacun pouvait le garder en soi grâce à sa mémoire et lui donner corps par sa propre imagination. Jésus n'avait ainsi aucun écrit mais fonctionnait par paraboles. Socrate par la maïeutique issue d'un dialogue.

La naissance de l'écrit a bouleversé la transmission du savoir.

L'analyse de Steiner a une résonnance particulière à l'heure où la culture est jugée non essentielle. L'argumentaire est très condensé.

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