Ces derniers temps, j’ai eu le privilège de découvrir deux merveilles littéraires signées Valentina D’Urbano qui ont su toucher mon cœur. J’ai voulu explorer davantage cette littérature italienne que je connais mal ou trop peu. Après quelques fouilles sur Babelio, j’ai retenu plusieurs romans dont Illusion tragique. Dans ce roman, j’ai retrouvé les nuances et particularités souvent propres à la littérature italienne : des personnages incarnés et une atmosphère presque animale se dégageant d’une Italie souvent sombre et désenchantée.
Au centre de l’intrigue se trouve Monsieur Ruper, qui vit au neuvième étage d’un immeuble situé près du Tibre à Rome. Avec sa personnalité mystérieuse et énigmatique, il mène une existence solitaire, sans attaches visibles ni visiteurs connus.
Mario, un garçonnet de dix ans vivant seul avec sa mère dans l’appartement du bas, devrait passer ses jours libres à jouer à l’extérieur avec ses camarades. Cependant, une activité prédomine sur toutes les autres: il est obsédé par l’idée d’espionner son voisin Ruper et cette femme étrange qui semble habiter chez lui mais que personne n’a jamais aperçue. Convaincu que l’homme séquestre cette dame en secret, Mario décide en compagnie de son meilleur ami Riccardo de pénétrer clandestinement dans l’appartement de Ruper – marquant ainsi la fin abrupte et irréversible de leur innocence juvénile.
Parallèlement à cela, nous découvrons les pensées obscures d’Elisabetta, « la belle endormie perdue dans les bois de la littérature », une romancière veuve recluse chez elle en compagnie de sa domestique Magda. Au fil des pages, son histoire se clarifie peu à peu : sa souffrance latente, sa solitude pesante et ses démons du passé refont surface. Il nous faut attendre avant de saisir le lien entre ces deux récits distincts mais ce qui est certain c’est que ces deux histoires s’entremêlent progressivement habilement pour imprégner le lecteur. Le suspense atteint son apogée tandis que les réponses arrivent telles des éclairs successifs illuminant la trame narrative.
Gilda Piersanti excelle dans l’art subtil de brouiller les pistes en abordant frontalement des thèmes forts et poignants. Les traumatismes de l’enfance sont palpables tout au long du récit. L’histoire de Mario nous touche particulièrement lorsque nous prenons conscience des ravages causés par la malchance sur un être jeune et innocent : comment celle-ci peut entailler sa confiance en lui-même, voler son insouciance naturelle et entraver sa liberté.
Ce roman traite in fine de thèmes universels tels que l’amour maternel, la solitude accablante, les choix maladroits qui peuvent transformer radicalement notre destin, la fragilité inhérente aux êtres perdus dans un monde indifférent qui ne leur offre plus aucun refuge.
La réalité se confond avec la fiction dans cet imbroglio troublant où non-dits, secrets enfouis et traumatismes passés s’imbriquent patiemment pour créer une œuvre unique oscillant entre le roman noir, le polar palpitant ou encore la pure littérature contemporaine. Ce mélange éclectique est savoureux et captivant car Gilda Piersanti imprime avec brio et de sa plume experte cette étrange abysse où se cachent les écrivains – offrant ainsi des passages intéressants sur la littérature, son processus créatif complexe, parfois utilisé comme thérapie cathartique.
Illusion tragique est donc un roman-miroir sibyllin élégamment stylisé explorant les déséquilibres du psychisme humain face aux fléaux tels que la perversion et le désœuvrement.
« Les personnes auxquelles nous nous attachons occupent souvent la place laissée vide par d’autres qui ont déjà beaucoup compté dans notre vie. La soif d’amour est aveugle, elle se contente de ce qu’elle trouve sur son chemin. »
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