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Critiques de Henry David Thoreau (338)
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La désobéissance civile

C'est en refusant de payer le poll tax, un impôt de l'État américain qui confère le droit de vote, que Henry David Thoreau symbolise sa révolte contre l'esclavagisme et la guerre américano-mexicaine. L'esclavagiste s'approprie des vies humaines, la guerre déclenchée par l'Amérique vise à s'approprier des territoires qui ne lui appartiennent pas. Avec « La désobéissance civile » (initialement intitulé « Resistance to Civil Government » par son auteur – beaucoup moins cinglant, il faut l'admettre), Thoreau signe un court essai aux allures de manifeste de la résistance passive, qui deviendra l'un des textes fondateurs du concept de la désobéissance civile. Sa rhétorique se rapproche de celle de la Boétie dans le « Discours de la servitude volontaire ». Thoreau y pose la question légitime mais ô combien périlleuse de l'opposition à l'état et au pouvoir pervers d'une majorité élue. Il écrit ainsi que « le sage ne doit pas laisser la justice à la merci du hasard ni souhaiter qu'elle l'emporte grâce au pouvoir de la majorité. L'action des masses ne recèle que fort peu de vertu. » Remet-il ainsi en question les fondements mêmes de la démocratie ? Il est vrai que la mécanique démocratique a permis, tout au long de son histoire, de mettre à la tête de grandes et puissantes nations des dirigeants insensés, despotes, et même génocidaires. En réalité pour Thoreau, un vote juste dans un système injuste, car capable de faire triompher l'injustice, n'est qu'une forme perverse de légitimité de l'injustice. La seule option pour l'homme juste est sa mise à la marge du système injuste. Ainsi, « Sous un gouvernement qui emprisonne injustement, c'est en prison que l'homme juste est à sa juste place. » Thoreau ne passera finalement qu'une nuit en prison, mais c'est le symbole qui compte. « L'État n'est doué ni d'un esprit supérieur ni d'une honnêteté supérieure, mais uniquement d'une force physique supérieure. » Effrayant, n'est-ce pas ? Ce manifeste fait à peine plus de trente pages, mais il vous procurera certainement des heures de cogitation intense si vous cherchez à en extraire la « substantifique moelle », pour reprendre les termes de Rabelais…
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Walden ou La vie dans les bois

Livre polymorphe que Walden où le personnage principal, qui donne son titre au livre... est un étang !



Thoreau est un précurseur. A l'époque où ses contemporains célèbrent le progrès, la modernité, les industries naissantes, lui parle déjà de retour à la nature. Il lance un mouvement qui est toujours bien vivace aujourd'hui et n'a pu que se renforcer face aux abus de la société actuelle contre la Nature. Adepte de la décroissance avant même que la croissance ne soit considéré comme un problème, Thoreau nous livre à la fois un livre de philosophie, un partage d'expériences scientifiques et une ode poétique à la Nature.



Les différentes composantes sont inégalement réussies. La philosophie est intéressante dans sa remise en cause des évidences de l'époque (le chemin de fer, le développement des premiers médias avec les journaux)... mais s'appuie parfois trop ouvertement sur la sacro-sainte religion pour justifier le retour aux sources. Cela donne un petit goût d'intégrisme à la pensée développée, mais les précurseurs flirtent souvent avec les extrémismes. Ce qui est plus gênant c'est qu'on a parfois du mal à bien cadrer le positionnement de l'auteur : il critique les ragots dans un chapitre puis justifie ses retours vers la ville en qualifiant ces mêmes ragots d' "aussi rafraîchissants, à leur façon, que le bruissement des feuilles et le pépiement des grenouilles."



Son rapport à la nature est plus clair et plus intéressant. Il évoque avec talents les différentes saisons, les habitats qu'il côtoie, les paysages changeants. Il relate ses essais pour étudier les différentes sortes de glace, pour trouver un moyen universel de trouver le point le plus profond d'un plan d'eau. Il tente de rationaliser dépenses et recettes pour vivre le plus simplement possible. On sent chez lui une réelle passion pour ce qui, à l'époque, commençait à désintéresser complètement ses contemporains : la Nature dans sa plus simple expression, les plantes qui poussent sans que l'homme les ait plantés, les animaux qui finissent par se rapprocher quand ils n'éprouvent pas l'homme comme une menace mais comme un colocataire de l'environnement.



Dernier bémol enfin, les coquilles de cette édition. Je ne signale pas quand elles sont anecdotiques, mais ce n'est pas le cas ici. Non seulement nombreuses mais également gênantes pour la lecture dans un livre où le vocabulaire du XIXè et son orthographe changeante font parfois hésiter entre coquille et réelle différence d'écriture des mots. On attend plus dé sérieux d'un grand éditeur comme Gallimard... même pour un ouvrage libre de droits...
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Journal, tome 1 : Octobre 1837 - Décembre 1840

Sur les conseils d’Emerson, Henry David Thoreau commence à tenir son journal dès l’âge de 20 ans, suivant la mode transcendantaliste. Ainsi, les faits et anecdotes du quotidien sont écartés de l’activité du diariste au profit des mouvements de l’esprit, de ses entraînements et des réflexions, dans l’espace d’une liberté de forme et de fond qui se veut la plus complète possible. D’abord embarrassé de ses trop nombreuses influences et de trop pesants modèles, Thoreau trouve progressivement sa voix, témoignant dans l’intervalle d’une phase de recherche sans doute cruciale pour la constitution de sa pensée à venir. Les années 1939 et 1940 marquent plus nettement l’affirmation d’une personnalité originale, les citations et les exercices de style sous influence se faisant moins rares ou plus subtils.





Les thématiques qui seront le propre de l’âge de maturité de Thoreau se retrouvent déjà dans son journal. La pensée de la Grèce antique qui sait se montrer enfantine dans l’expression de ses idées mais qui condense déjà les pensées les plus fondamentales de l’humanité, témoignant de l’importance de la répétition cyclique et de l’identité du même, de génération en génération, infuse ses pages. C’est un lien cosmique qui unit les hommes par le biais de la nature, toujours identique, et de la littérature.





« Les Grecs étaient austères, mais c’étaient de simples enfants dans leur littérature. Nous n’avons en rien évolué, malgré les quelques générations qui nous séparent d’eux. Cet étonnement, cet émerveillement universel devant ces vieillards, c’est un peu comme si un adulte découvrait que les aspirations de sa jeunesse s’approchaient plus de la vie divine que la sagesse satisfaite de sa maturité. »





La Nature se présente, plus savante encore que le texte, aux alphabètes du vivant qui savent déchiffrer ses messages.





« Cette feuille blanche de neige qui recouvre la glace de l’étang n’est pas vierge parce qu’elle n’est pas écrite, mais parce qu’elle n’est pas lue. Toutes les couleurs sont en blanc. Elle constitue une nourriture aussi simple pour mes sens que l’herbe et le ciel. Il n’y a rien de fantastique en eux. Leur beauté simple a suffi aux hommes depuis la nuit des temps. Ils n’ont jamais critiqué le ciel bleu et l’herbe verte. »





Henry David Thoreau, comme les grecs, s’émerveille de la répétition de chaque jour. L’aube surgit dans le ciel comme une envoyée miraculeuse qui ne prodigue ses vérités qu’à celui qui aura eu le courage d’affronter la fatigue et la solitude. Déjà à la recherche de la Vérité, Thoreau démontre son amour d’une vie exigeante. Sa recherche implique l’élimination de toutes les scories du jugement instinctifs et des stéréotypes. Il sait cependant rester disponible à la bienveillance, proche dans l’expression d’une simplicité originelle. L’homme n’est plus un rebut brûlant de la nature mais il se fond en elle. Ainsi rêvait-il son prochain : « J’aimerais rencontrer l’homme dans les bois –je voudrais pouvoir le rencontrer comme le caribou et l’élan ».





De plus en plus affirmé au fil de ses écritures diaristes, Thoreau semble nous avoir laissé dans ses journaux les passages les plus essentiels pour la constitution de son œuvre future. On les retrouve ici perdus en fragments, échevelés, mais déjà denses et musicaux, comme devait l’être la pensée de ses antiques influences.

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Walden ou La vie dans les bois

Je commence l'été et la saison au ralenti avec un tas d'un peu plus d'une vingtaine de livres et un choix d'ouverture difficile. Ce sera donc un petit Rick Bass pas encore lu... mais attendez-donc un peu ! Deux page et déjà plusieurs références à Thoreau et Walden. Du coup ce sera Walden avant The Wild Marsh... autant s'instruire en se divertissant!



Le monsieur étant contemporain et poteau d'Emerson, je craignais rencontrer quelques passages obscurs pour mon neurone. Et bien non ! Thoreau, c'est clair, c'est limpide, comme l'eau de Walden Pond.

Enfin, je m'entend. Vers la fin, je me demandais parfois où certains chapitres avaient l'intention de mener le lecteur. Mais tout s'éclairait à un moment ou un autre.



En plus, c'est bourré d'humour (sérieusement, faut en avoir pour parler d'expérience de la nature sauvage à moins de 2 miles de Concord!), de références littéraires classiques (grecques, latines, chinoises, indiennes...), anglaises également avec de la poésie, ou plus contemporaines de Thoreau, mais aussi, et là, c'est vraiment intéressant il me semble, un tas de mentions scientifiques de l'époque notamment de Darwin! Bref, c'est très, très riche.



Ensuite, si on monte d'un niveau, ça se complique. J'ai beaucoup apprécié le soin du détail dans la description de Walden Pond à travers les saisons, de la géologie à la vie animale en passant par la végétation et bien sûr, quelques visiteurs et réguliers de la région. Parce qu'au delà de la réflexion sur la société (je vais y venir), Thoreau est surtout un observateur attentif et un naturaliste, un poète dans un environnement qu'il dépeint avec génie et amour.



Et enfin, la réflexion sur la société humaine.

Je ne suis pas très sûre de la manière de formuler l'effet de Walden sur moi.

J'étais particulièrement intéressée par les références aux avancées technologiques du XIXº et encore plus par l'avis de Thoreau, notamment sur le progrès pour le progrès, la course à la modernité et l'acceptation des routes toutes tracées par sociétés et gouvernement sans questionnement quand à la pertinence et l'utilité de ces routes et mouvements de masse.

Pour résumer, j'ai été surprise par la modernité des observations et propositions de Thoreau quand au superflu qu'il soit matériel, oral ou occupationnel, à la modération comme solution à bien des choses (pas d'ascétisme, merci), mais surtout, cette annonce de réaction à la politique de conquête du gouvernement américain (et européen), c'est l'époque de la guerre contre le Mexique pour obtenir ses territoires du nord (Colorado, Nouveau Mexique, Nevada, Californie...), son outrage face à l'esclavage que le gouvernement favorise encore à l'époque de manière détournée (Fugitive Slave Act de 1850 qui implique que tout esclave en fuite dans les états du nord non-esclavagistes doivent être renvoyés à leur "maître" dans le sud), tous ces sujets qui seront à la base de Civil Disobedience. Que je lirai également sous peu.



La seule difficulté que j'ai rencontrée est son histoire d'élévation spirituelle. Je n'avais pas été particulièrement marquée par ce côté-là chez Emerson, mais peut-être devrais-je relire Nature... En réalité, je m'attendais à une avant-garde évidente, inspiration pour les Nature Writers du nord ouest américain dans leur vision d'une nature où tout est lié, tout a sa place, ni plus élevée, ni moins, qu'il soit question d'insecte, animal, végétal ou d'humain. Là, l'impression est que Thoreau exclut l'homme de cette logique hormis dans sa destruction insensée et sa soif de domination. J'ai presque l'impression d'une contradiction dans son discours, entre une nature de laquelle on doit se rapprocher dans sa logique et son apparente simplicité, et un exceptionnalisme humain subtilement tissé, mais que l'on ressent dans les passages sur le spirituel. Mais peut-être est-ce seulement mon impression faussée par une incompréhension.

En dehors de ce petit détail, oui, je comprend les références si fréquentes à Thoreau et son Walden, à la minutie de son étude et au détail de son observation des rouages de la Nature, au plaisir de profiter au quotidien d'un environnement sublime, sans (trop) d'interférences humaines, au besoin de préserver cet environnement sans concession à la civilisation.



Très, très instructif, vraiment très agréable et surtout absolument abordable !
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L'Esclavage au Massachusetts et Autres textes

C’est en 1854 que Henry D. Thoreau publie cette protestation contre une loi de l’État du Massachusetts qui impose de rendre à son « propriétaire » les esclaves fugitifs, mettant ainsi l’autorité et la force militaire de l’État du côté de l’injustice et non de la justice.

(...)

L’introduction de Michel Granger éclaire le contexte, l’histoire complexe des États-Unis qui accorde une place centrale à la liberté dans son roman national tout en tolérant la propriété d’êtres humains au nom de compromis politiques et économiques avec le Sud esclavagiste. Il expose également l’évolution de la pensée de Thoreau qui alternait les phases d’engagement avec les périodes de retrait et de silence : appel à la désobéissance civile et refus de payer ses impôts lors de l’annexion du Texas, appel à une opposition active dans le texte présent puis, à la violence collective armée avec la défense de John Brown.



Article complet sur le blog.
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Walden ou La vie dans les bois

Walden, la vie dans les bois d'un excentrique qui manie le paradoxe et la provocation avec férocité.

Ceux qui le présentent comme un baba-cool avant l'heure ne l'ont pas bien lu. Certes, il y a des passages un peu lyriques, des flâneries qui font penser aux Rêveries du Promeneur solitaire, des méditations poétiques.

Mais d'autres où il se moque de ses contemporains, financiers, propriétaires terriens ou simples fermiers qui ne cherchent qu'à faire fructifier des dollars.

"Le lac de Flint! Que notre nomenclature est pauvre....De quel droit le fermier malpropre et imbécile dont la ferme touchait cette eau du ciel, et qui a impitoyablement dévasté ses rives, lui a-t-il donné son nom? Un grippe-sou qui préférait la surface miroitante d'un dollar ou d'un sou rutilant, où il pouvait voir sa propre face d'effronté; qui considérait comme des intrus jusqu'aux canards sauvage qui s'y posaient; ses doigts transformés en serres calleuses et crochues à force d'agripper, telles des harpies- non, ce n'est pas moi qui lui ai donné son nom."



Thoreau ne se prive pas de critiquer vigoureusement le système économique, qui instaure une exploitation industrielle de la terre, qui détruit les beautés naturelles des paysages: "comment s'attendre à ce que les oiseaux chantent quand leurs bosquets ont été ravagés?"

Sa retraite au fond des bois lui permet de sortir du système pour mieux en faire le procès. Il souligne que l'homme qui travaille est un solitaire, et que les relations sociales sont généralement d'un piètre intérêt: "Nous nous retrouvons trois fois par jour pour les repas, où chacun offre à l'autre une ènième dégustation de ce vieux fromage moisi que nous sommes. Afin de rendre supportable cette fréquentation effrénée, et de ne pas aboutir à une guerre déclarée, il nous a fallu accepter un certain nombre de règles, appelées étiquette ou politesse."



Walden fait l'apologie de la solitude, mais pas n'importe où.

Pas n'importe comment. Dans sa modeste cabane, Thoreau réfléchit, il lit, il écrit, observe, médite; il jouit de la vue du lac et des saisons, il pense aux anciens habitants de ces forêts, bref, il philosophe sans en avoir l'air.



Le ton est souvent enjoué, il lui arrive de ricaner tout seul dans sa cabane, si une pensée incongrue le traverse. Il use souvent d'ironie et de sarcasme, à la manière d'un Diderot ou d'un Montesquieu: "Si j'étais sûr et certain qu'un homme venait me voir avec la ferme intention de me faire du bien, je prendrais mes jambes à mon cou, comme si je fuyais ce vent sec et brûlant des déserts africains qu'on appelle le simoun." Il fait ensuite allusion aux Jésuites, venus "faire du bien" aux Indiens en les torturant pour qu'ils se convertissent.

Il décrit avec humour une bataille rangée entre deux colonies de fourmis, se moque de lui-même dans sa posture d'ermite, de poète ou d'agriculteur primitif. Cette auto dérision place le lecteur de son côté, car si Thoreau manie la critique, il ne tombe pas dans un discours moralisateur.



Il reste assez humble pour que chacun puisse se dire: "et si moi aussi, j'allais vivre dans une cabane, payé de haricots et vêtu comme un vagabond, nourri de pain et de chants d'oiseaux?"
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La Vie sans principe

Dans ce monde ou la consommation et la stupidité de tf1 dominent les débats , il est important de se replier vers une parole libre et intelligente telle que celle de Thoreau . Sa maniére de considérer la vie sans entraves matérielles et en plaçant en priorité la liberté de l'esprit , tout cela ne peut qu'étre digne du plus grand intéret . Lire Thoreau au 21 éme siécle , c'est prendre une grande bouffée de liberté .
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Walden ou La vie dans les bois

Ce genre de livres dont on entend parler depuis le berceau, qui est cité en référence à longueur d'articles... il fallait bien parvenir à le lire un jour et cette nouvelle traduction proposée par Gallmeister tombait à pic. C'est une lecture qui rejoint mon état d'esprit en de nombreux points et fait écho à nombre de mes questionnements sur la façon d'être au monde. Je me demande ce que Thoreau penserait s'il débarquait parmi nous, près de 170 ans après la publication de son récit sur deux années passées en quasi autarcie au bord du lac de Walden, en voyant à quel point nous avons persévéré dans l'éloignement voire la destruction du vivant autre que nos petites personnes. Ses observations faites à l'aube des spectaculaires "progrès" de notre "civilisation" seraient donc restées lettre morte malgré la notoriété de ce texte. Mais j'ai l'impression qu'il le savait déjà en l'écrivant. D'ailleurs, il ne cherchait qu'à témoigner de son expérience et à prôner la liberté de vivre autrement, hors des injonctions de la société, sans forcément entraîner tout le monde après lui. A offrir également un autre point de vue. C'est à mon sens la richesse de ce livre. Donner à réfléchir sur nos modes de vie, pas uniquement d'un point de vue de l'écologie mais autour de la notion de liberté. Tenter de montrer à quel point ce que nous pensons libérateur peut au contraire s'avérer un facteur d'enfermement. La vitesse, l'immédiateté, l'automatisme, l'accumulation de biens sont vus comme des signes de progrès, Thoreau s'attache à démontrer la façon dont tout ceci piège et aliène l'être humain en l'attachant à un système capitaliste et en le réduisant à l'état de travailleur souvent pauvre. C'est pourquoi je n'ai pas pu m'empêcher d'imaginer la tête du monsieur s'il revenait constater par lui-même où nous en sommes. Dans Walden il y a aussi de magnifiques pages d'observation des petits riens de la nature sauvage, des transformations au fil des saisons, de la vie dans tous ses frémissements. Une observation respectueuse, et bien au-delà qui essaye de capter l'essence même de la vie et fait le lien entre tous les êtres vivants à travers leurs similitudes de comportements. C'est un texte qui mêle observations scientifiques et vision poétique, que l'on peut relire plusieurs fois pour en explorer toutes les facettes, politiques, économiques, naturalistes, écologiques voire mystiques. Il existe de nombreuses et passionnantes analyses de Walden, mais chaque lecteur y trouvera un écho particulier en fonction de son propre cheminement, de l'état de ses réflexions sur le sens de la vie et de son degré de dépendance à la société de consommation. Et une incitation à s'extraire du monde pour mieux se trouver soi-même, même si s'échapper est devenu bien plus difficile au 21ème siècle.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Myrtilles : La beauté des petites choses

Le petit fruit multi-usages d'un paradis presque perdu, qui ne devrait jamais être défendu (interdit) selon Thoreau ainsi que le dévoile le fond de sa philosophie redécouverte à la fin du texte. Il s'agit de la myrtille américaine (huckleberry) célébrée par lui comme emblème de la vie sauvage (plus proche de l'airelle et confondue par les premiers colons avec sa collègue européenne la myrtille commune (hurtleberry). Court opuscule d'environ quatre-vingt-dix pages (inédit) que liront toutes celles et ceux connecté(e)s Nature. C'est une partie de la conférence sur les myrtilles, écrite à la fin de sa vie, où H. D. Thoreau présente d'abord en naturaliste érudit les différentes espèces de baies sauvages de Nouvelle-Angleterre associées aux noms des scientifiques qui s'y sont intéressé, et couvrant tout le territoire nord-américain. Petites baies connues des Indiens bien longtemps avant que Samuel de Champlain (1574-1635) ne les mentionne après son arrivée au Canada, ou que les Pilgrim Fathers n'accostent à Cape Cod (1620) ou encore qu'elles ne soient affublées de nom latins.



« Je pense qu'il serait bon que nos botanistes rétablissent autant que possible les noms indiens pour désigner les nombreuses espèces de myrtilles, au lieu des noms grecs, latins ou anglais, très inappropriés, utilisés désormais. Ils pourraient avoir une utilité à la fois scientifique et populaire. Ce n'est certainement pas depuis l'autre rive de l'Atlantique qu'on est le mieux placé pour observer, pour ainsi dire, cette famille typiquement américaine. » (p. 62)



Passé l'effet un peu fastidieux pour le profane du recensement des nombreuses espèces et variétés (on s'y perd un peu) ou de la recherche du détail étymologique précis retenons, avant que Thoreau n'en vienne à son véritable motif, la réjouissante description par le menu du cycle de vie des myrtilles américaines, l'énumération de ses multiples vertus, qu'il déroule avec science et poésie au fil des saisons et des paysages, révélant à travers le cueilleur impénitent et chevronné le penseur qui pique toujours autant la curiosité, l'admirateur sensible de la Nature mais aussi, l'éducateur, le géographe immobile jamais trop éloigné de Concord (Massachusetts) qui, de sa cabane, élargit toujours les horizons :



« En bref, les buissons de myrtilles, dans les Etats du Nord et dans l'Amérique britannique, constituent une sorte de forêt miniature survivant sous la grande forêt, qui réapparaît quand celle-ci est rasée et s'étend plus au nord qu'elle. Les Esquimaux du Groenland appellent « herbe à baie » les petits buissons de cette famille portant des baies, tels que la camarine noire, l'airelle et la canneberge, et Crantz* dit qu'en hiver, les Groenlandais recouvrent leurs maisons de « buissons d'airelles », de mottes d'herbe et de terre. Ils les brûlent également, et j'ai entendu parler d'une personne, dans le coin, qui a inventé une machine à couper les buissons de myrtilles pour en faire du combustible. » (p. 48)



*Botaniste et médecin autrichien (1722-1797)



Et plus loin : " Les baies que je célèbre semblent, pour la plupart, se trouver dans une zone qui coïncide très étroitement avec ce qu'on a appelé la famille des Indiens Algonquins, dont les territoires recouvraient ce qui constitue aujourd'hui les Etats de l'Est, du Milieu et du Nord-Ouest, ainsi que le Canada, et entouraient ceux des Iroquois dans ce qui est maintenant New-York. C'étaient les petits fruits des familles algonquines et iroquoises. Bien entendu, les Indiens faisaient naturellement plus de cas que nous des fruits sauvages, et parmi les plus importants figuraient les myrtilles. (p. 51)



Le propos qui vise à pourfendre l'utilitarisme et le mercantilisme de son époque via l'accaparement des terres et la négation de la culture indienne rend compte, sous couvert de myrtilles, de la vision du monde de Thoreau et prend de l'épaisseur au long des pages avec des accents mélancoliques anticipant la fin de la cueillette libre dans les champs. Symbole d'un écosystème végétal et culturel épanouissant pour l'homme bien plus vaste qu'il n'y paraît, en passe de disparaître, "le fruit défendu" (oublié le sens biblique) l'est ici au sens politique par Thoreau. La myrtille sauvage menacée par la privatisation galopante des parcelles et l'exploitation incontrôlée des ressources offertes par la Nature préfigure déjà à elle seule et si petite qu'elle soit les lendemains capitalistiques qui déchantent dont Thoreau pressent l'avènement funeste.



Parce que le printemps est là annonçant la saison des petits fruits noirs aux reflets bleu et malgré l'actualité peu engageante de guerre ou de sécheresse pour d'autres récoltes à venir on ira sans restriction vers cette géopolitique de la myrtille, baie dont la beauté discrète est sans doute la seule arme chère à Thoreau.



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La Vie sans principe

Court texte écrit en premier lieu pour une conférence, il nous permet d'approcher le transcendantalisme (école philosophique américaine qui se caractérise par un certain mysticisme moral et par la tendance à unir l'individuel et l'universel).



J'ai aimé que le côté péjoratif du mot oisiveté soit démantelé puisqu' "il n'est rien, pas même le crime, de plus opposé à la poésie, à la philosophie, voire à la vie elle-même, que cette incessante activité."

Ce que j'ai moins aimé, c'est qu'à la fin de ma lecture, j'ai eu davantage l'impression d'avoir lu un pamphlet d'un opposant politique plutôt qu'une apologie d'un amoureux de la nature comme je m'y attendais.



Il n'en reste pas moins que, d'abord, il semblerait que M. Thoreau était un homme qui préférait vivre sa philosophie plutôt que d'en parler. Tous les adeptes du "montre-moi comment tu vis avant de tenter de me refourguer tes idées" y verront un intérêt certain.

Ensuite, ce texte datant du milieu du XIXe siècle, il peut laisser songeur quant à l'intemporalité de ce mouvement.

Et enfin, Henry David Thoreau formule adroitement ses idées.
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Walden ou La vie dans les bois

Il y a très longtemps que j’avais Walden dans mon programme de lecture. Nature, Environnement, Solitude tout cela me parle. Souvent cité comme une référence de la nature writing, initiateur de ce type de littérature paraît-il, H.D. Thoreau part au printemps 1845 pour deux ans deux mois et deux jours au bord du Lac Walden pour vivre une expérience d’isolement, d’observations et d’expériences personnelles.



L’auteur relate dans le détail la préparation de son habitat, de ses cultures, de l’organisation pour être au maximum auto-suffisant, la comptabilité qu’il tient de chaque dépense s’y rapportant, réduisant ses besoins au strict minimum, puis il observe, il écoute, il pense et nous livre ses réflexions : sur la différence entre acheter, posséder et faire de ses mains, sur l’importance de vivre l’instant, de profiter de chaque moment, de se lever tôt et d’observer ce qui nous entoure, du plaisir qu’on en retire, de vivre simplement….. Cela ne fait-il pas écho en vous : la décroissance dont on parle tant de nos jours, lui l’évoque déjà. Il explique également où va le monde, la vitesse à laquelle il accélère et les répercussions de cette course effrénée.



Il aborde également l’importance de la lecture dans sa vie et en particulier celle des classiques, privilégier les lectures qui importent, qui éduquent plutôt que les lectures faciles , rendre la culture accessible à tous voire à la privilégier par rapport à d’autres dépenses…..



"Un mot écrit est la plus choisie des reliques. C’est quelque chose de tout de suite plus intime avec nous et plus universel que toute autre œuvre d’art. (p142)"



Bien sûr la nature et ses occupants, le rythme des saisons, son quotidien tiennent une grande place mais il y est également question de ses voisins, des gens de passage et ce fut pour moi une surprise de constater qu’il était loin d’être totalement seul sur les bords du lac. En effet, il se rendait régulièrement au village voisin, appréciait de croiser chasseurs, pêcheurs et autres promeneurs mais utilisait également des techniques pour éloigner les importuns.



Je l’ai lu par petites touches car l’écriture est exigeante, un peu déroutante au début dans son style assez ampoulé et les sujets abordés sont à la fois philosophiques et descriptifs. Il se fait d’ailleurs assez professoral dans le ton, un peu trop parfois même s’il ne s’empêche pas quelques traits d’humour :



"Pour les Pyramides, ce quelles offrent surtout d’étonnant, c’est qu’on ait pu trouver tant d’hommes assez avilis pour passer leur vie à la construction d’une tombe destinée à quelque imbécile ambitieux, qu’il eût été plus sage et plus mâle de noyer dans le Nil pour ensuite livrer son corps aux chiens. (..) Quand à la religion et l’amour de l’art des bâtisseurs, ce sont à peu près les mêmes par tout l’univers, que l’édifice soit un temple égyptien ou la Banque des Etats-Unis. Cela coût plus que cela ne vaut. (p88)"



Il m’a fallu un petit temps d’adaptation et prendre le temps de « digérer » ce qu’il écrit, d’y penser et le transposer dans la vie actuelle. Pour moi qui suis depuis longtemps convaincue des bienfaits de l’isolement, de l’écoute de la nature, du non gaspillage, du fait maison, de la non-consommation à outrance, je savais qu’il allait confirmer mon propre ressenti, donc pas de réelle découverte sur le fond. La réelle surprise vient du fait que cet ouvrage a été publié au milieu du 19ème siècle…. Il avait déjà pressenti vers quel monde nous allions et ses dangers à long terme sur les hommes, la nature et les animaux.



Je dois avouer que, même si je suis contente de l’avoir lu et comprends la référence qu’il représente pour tous les amoureux de la nature et des immersions solitaires, j’ai été un peu déçue, peut-être, parce que j’en attendais encore plus, parce que le style m’a parfois gênée, peu habituée que je suis à lire une telle écriture, que j’ai trouvé certains passages un peu longs et tournant parfois un peu en rond.



Découpé en 17 chapitres comme Visiteurs, Le champ de haricots, bruits, lecture, économie, voisins inférieurs, pendaison de crémaillères (la construction d’une cheminée par ses soins est savoureuse par le plaisir qu’il en tire), l’étang l’hiver etc….. + la conclusion, on peut aisément revenir s’y plonger à l’occasion d’un questionnement sur un domaine particulier.



On comprend qu’il s’agit là de l’œuvre d’une vie, tellement elle est précise, faisant appel à de nombreuses références littéraires, poétiques, qu’il a peaufiné pour trouver le mot juste (on retrouve là votre sens de la précision), retrouver tous ses souvenirs et sensations afin de nous faire partager son expérience. Il ne s’est pas contenté, comme beaucoup, de donner des préceptes, il les a appliqués. Il m’a conforté dans mes orientations, même si je n’ai pas eu de réelle révélation.



Dans notre société hyper connectée, d’hyper consommation et de rapidité, un tel ouvrage porte à réfléchir sur le sens que l’on veut donner à son existence. Le lire peut permettre à certains de se poser les bonnes questions, à d’autres de les conforter dans leur choix.
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
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Journal : 1837 - 1861

Il faut relire le journal d’HDT chaque année, dans des traductions différentes, pour retrouver sous une autre forme les pensées que l’on aimerait avoir si on était libre. Mais on ne l’est pas. Alors on s’inspire ailleurs. Un jour peut-être on le sera.





« Oui, j’ai senti ce soir un véritable désir pour certain arbuste. Une compagne m’a enfin été trouvée. Je suis amoureux d’un jeune chêne ».

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Walden ou La vie dans les bois

Le hasard fait bien les choses, ce livre a été d'un grand réconfort. Au chevet de ma défunte mère, un long mois dans un hôpital tunisien où mon manque de maîtrise de ma langue maternelle m'a isolé de la population locale. Ce livre a été une bulle d'air et gardera à mes yeux, une place à part.
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La désobéissance civile

Un si petit livre pour une si grande influence ! Car ce pamphlet est à l'origine du concept de non-violence qui trouva un nouvel écho à travers Tolstoï, Gandhi et Martin Luther King, rien que ça ni plus ni moins !

Thoreau est également l'une des figures les plus importantes du transcendantalisme, mouvement littéraire, spirituel, culturel et philosophique basé sur la croyance de la bonté inhérente à l'être humain et de la nature et qui se voulait radicalement pacifiste.



L'auteur de ce court texte remet en cause la légitimité de l'état quant à son droit d'exploiter son peuple comme bon lui semble notamment lors de guerres.

Il commence d'ailleurs son texte par cette phrase lapidaire au possible : « J'accepte de tout cœur la devise suivante : 'Le meilleur gouvernement est celui qui gouverne le moins' et j'aimerais la voir suivi d'effet plus rapidement et plus systématiquement. Exécutée, elle se résume à ceci, que je crois aussi : 'Le meilleur gouvernement est celui qui ne gouverne pas du tout.' » Un peu plus loin, il revient sur cette idée en préférant finalement un meilleur gouvernement. Il va donc à l'encontre du patriotisme qui subsistait en ce temps en s'arrogeant le droit d'être critique envers les institutions étatiques de son époque.



Dans la deuxième partie il raconte une anecdote personnelle qui fut certainement à l'initiative de cet ouvrage : comment, pour protester contre la guerre du Mexique et l'esclavage, il refusa de payer ses impôts (ce que l'on appelle de nos jours une objection de croissance, l'un des rares outil de protestation capable de faire du tort à un gouvernement) et fut jeté illico presto en prison pour une nuit.



Voilà in fine un essai qui a gardé toute sa pertinence et toute sa fraîcheur malgré le contexte historique qui lui donna naissance et qui mérite qu'on le lise juste pour savoir d'où proviennent les idées de Gandhi qui menèrent à l'indépendance de l'Inde même si je crois que c'est plus Tolstoï qui le marqua profondément que Thoreau.



Aujourd'hui on lit ce livre un peu comme on visionnerait le cuirasser Potemkine d'Eisenstein, juste pour voir la scène mythique avec la poussette.
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Walden ou La vie dans les bois

Si un auteur a vraiment compris quelque chose à l'écologie c'est Thoreau . Son opus est l'un des plus puissant hommage à la nature que l'on puisse avoir . C'est ample , vivant , réaliste , beau , c'est incontournable en somme . Un livre hommage sublime à la nature , qui nous donne envie de suivre la démarche de Walden . Ce n'est jamais niais , ce n'est pas tf1 , c'est une ode à la liberté et à la nature . A lire absolument pour réaliser combien l'on a besoin de la nature .
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Walden ou La vie dans les bois

Le jour de l'Indépendance 1845, un jeune Américain idéaliste (Thoreau n'avait que 28 ans) tourna le dos à ce qu'il considérait comme le matérialisme déprimant de son pays, et se lança dans une vie de solitude dans une cabane près de Walden Pond, près de Concord, Massachusetts. Dans son célèbre récit Thoreau écrivit plus tard :"Je suis allé dans les bois parce que je voulais vivre, n'affronter que les faits essentiels de la vie, et voir si je ne pouvais pas apprendre ce qu'elle avait à enseigner, et non, en mourant, découvrir que je n'avais pas vécu . Je n'ai pas voulu vivre ce qui n'était pas la vie, vivre est si cher ; je ne voulais pas non plus pratiquer la résignation, à moins que ce ne fût tout à fait nécessaire. Je voulais vivre profondément et aspirer la moelle de la vie, vivre si solidement et à la manière d'un Spartiate qu'il mettrait en déroute tout ce qui n'était pas la vie, couperait une large bande et se raserait de près, enfoncerait la vie dans un coin et réduirait il à ses termes les plus bas, et, s'il s'est avéré être mesquin, pourquoi alors en saisir toute la véritable et véritable mesquinerie, et publier sa mesquinerie au monde ; ou s'il était sublime, de le connaître par expérience, et de pouvoir en rendre compte fidèlement dans ma prochaine excursion.”



Thoreau partageait avec ses collègues transcendantalistes une profonde préoccupation pour le déclin de «l'intégrité» dans la société américaine. Pour ces chercheurs de vérité, « les bois » sont devenus, le lieu où un individu pouvait vraiment savourer les mystères de la vie, libéré des conformités restrictives de l'Église et de l'État. Là où la plupart de ses voisins américains s'efforçaient d'acquérir des choses, Thoreau voulait les déposséder : « Je vois des jeunes hommes, mes concitoyens, dont le malheur est d'avoir hérité de fermes, de maisons, de granges, de bétail et d'outils agricoles ; car ceux-ci sont plus faciles à acquérir qu'à éliminer.”



Dans la culture du soi sans entraves, Thoreau croyait qu'il se rapprochait du cœur de l'existence et qu'il le faisait, à l'américaine, selon ses propres conditions. Rarement un écrivain a été moins enchérissant. "Si j'étais certain, écrit-il dans Walden, qu'un homme venait chez moi avec le dessein conscient de me faire du bien, je courrais pour sauver ma vie." Thoreau tient à insister pour que chaque lecteur de son livre « soit très attentif à se renseigner et à poursuivre sa propre voie ».



Après avoir laissé derrière lui un monde dans lequel il avait vu tant d'hommes et de femmes mener « une vie de désespoir tranquille », Thoreau était déterminé à vivre « délibérément » pour lui-même. En plus d'enregistrer sa vie intérieure, Thoreau est un fervent observateur du paysage.



"Peu de phénomènes m'ont donné plus de plaisir que d'observer les formes que prennent le sable et l'argile qui fondent en s'écoulant sur les côtés d'une tranchée profonde sur le chemin de fer par lequel je suis passé en me rendant au village, phénomène peu commun sur une si grande étendue.”



Cependant, le message transcendantal sans concession de ces premiers chapitres s'estompe plutôt au milieu du livre. Par exemple, dans Visiteurs, force est de constater que Thoreau dans les bois est devenu un objet de grande curiosité. Sa cabine solitaire ne comptait que trois chaises, mais il écrit : "J'ai eu 25 ou 30 âmes, avec leurs corps, sous mon toit, et pourtant nous nous sommes séparés sans nous rendre compte que nous nous étions rapprochés les uns des autres."



Face à de telles distractions, Thoreau a mis au point un moyen efficace pour détourner badauds et amateurs de sensations fortes de sa cabine :



"Beaucoup de voyageurs sont sortis de leur chemin pour me voir ainsi que l'intérieur de ma maison, et, comme excuse, ils ont demandé un verre d'eau. Je leur ai dit que j'avais bu à l'étang, et je leur ai montré du doigt, offrant de leur prêter une louche.”



A la fin de ce chapitre, en un paragraphe énigmatique soulevant autant de questions que de réponses, il décrit ses visiteurs les plus enthousiastes : « Des enfants s'épanouissent, des cheminots se promènent le dimanche matin en chemises propres, des pêcheurs et des chasseurs, des poètes et des philosophes, bref, tous d'honnêtes pèlerins, qui sont sortis dans les bois pour la liberté et ont vraiment quitté le village,”



Walden cache également un intermède dramatique, sur lequel Thoreau choisit de ne pas s'étendre : son arrestation pour non-paiement de la capitation, épisode auquel il est fait allusion dans le chapitre intitulé Le Village. À la suite de cela, il a composé une conférence intitulée La relation de l'individu à l'État, qui est finalement devenue son essai de la désobéissance civile. C'est un candidat sérieux pour l'essai le plus célèbre de la prose américaine, d'autant plus que Gandhi l'a utilisé pour soutenir la résistance non violente en Inde et en Afrique et que Martin Luther King a cité ses arguments lors du mouvement des droits civiques des années 1960.



Cet étrange résultat de l'auto-séquestration de Thoreau dans les bois de Concord n'est qu'une des nombreuses conséquences involontaires dérivées de la grande tradition de la littérature anglo-américaine consacrée aux questions de liberté et d'individualité.

Hélas Walden est devenu prisonnier de sa réputation de classique:

le livre est aussi vénéré et non lu que la Bible,

à moins que...


Lien : http://holophernes.over-blog..
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Histoire de moi-même

A tous ceux qui ont trouvé que Walden était un peu trop court, cette Histoire de moi-même, texte d’une conférence que Thoreau reprit ensuite pour écrire le livre que nous connaissons, permet de renouveler le sentiment de vivacité que nous transmet sa vision du monde héroïque.





Ses préceptes ne sont évidemment plus transposables à notre société et à son étatisme omnipotent, mais son discours permet cependant, à nous autres qui avons été bercés dès le plus jeune âge par les mélodies bienveillantes du maternalisme d’état, de prendre du recul quant à la naturalité dont celui-ci se revendique.

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Le paradis à (re)conquérir

Dans ce texte très court, Thoreau réagit aux écrits de John A Etzler à propos du Paradis à reconquérir. Pour ce dernier ce sont les machines qui permettront à l'homme de vivre mieux et réaliser ses désirs comme ses rêves les plus fous, sans travailler. Il pense que l'homme va adopter de nouveaux moyens de locomotions : " On pourra se rendre d'un pôle à l'autre en deux semaines, visiter un pays de l'autre côté de la mer ...." habiter des terres inhabitables jusque là : " Toutes les terrains sauvages, même les plus hideux et les plus stériles, pourront être convertis en jardins merveilleux et très fertiles "..... Très visionnaire il écrit : " Peut-être que les générations à venir ne voudront plus habiter un monde qui se désagrège, et, profitant des inventions futures de la locomotion aérienne et de la navigation spatiale, la race humaine tout entière quittera la terre pour émigrer et s'installer sur une planète vacante ..."



Thoreau critique entre autre, le fait que dans ce livre Le paradis à reconquérir, son auteur développe essentiellement le confort matériel et extérieur, en oubliant la vie intérieure, essentielle à Thoreau, ce transcendantaliste de la première heure, jusqu'à s'en éloigner par ailleurs plus tard, comme nous l'apprenons dans la deuxième partie de ce petit livre : Thoreau essayiste.



Deuxième partie que j'ai savourée comme tout au début, l'introduction de Michel Granger, professeur de littérature américaine, spécialiste de Thoreau.



Très agréable à lire, une belle présentation ... une maison d'éditions que j'ai aussi découvert à cette occasion, Le mot et le Reste qui semble compter dans ses publications de bien intéressants ouvrages.



Je remercie Babelio de m'avoir permis cette lecture, de me replonger dans l'univers de Thoreau que j'affectionne beaucoup.
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Un Yankee au Canada

J'ai présumé de mon intérêt pour les voyages en empruntant cet essai... première déception, Thoreau ne passe qu'une semaine au Québec, en touriste du 19ème siècle certes, mais à cette époque-là on pouvait déjà faire des visites guidées (ce qui m'a surprise mais sans doute que Stendhal lui-même a fait des visites guidées à Rome, je ne me souviens plus).

Deuxième déception, Thoreau s'avère un fanatique de la précision absolue: unités de mesure de toute espèces - pieds de long, de large de haut et de profondeur - matières de chaque tissu et objet, nom du moindre ruisseau et rocher... trop d'informations et pas ce souffle de liberté, de dépaysement que j'ai aimé dans d'autres récits de voyage.

Il y a quand même quelques informations sur la vie des Québécois à cette époque - leur pauvreté, leurs plats et leur sens de l'accueil - ou la présence des Anglais dans les fortifications de Montréal et Québec.

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La désobéissance civile

La Boétie le disait déjà en son temps, nous sommes serviles parce que nous le voulons bien ou parce que nous sommes trop lâches pour affronter le pouvoir. Mais si l’on considère que l’Etat est injuste dans ses choix, que faisons-nous ? Thoreau a refusé de payer son impôt car le gouvernement américain de l’époque n’a pas aboli l’esclavage et a fait la guerre au Mexique, ce qui lui a valu une nuit de prison. Il en est ressorti en colère parce que quelqu’un avait payé la caution pour le libérer ! Lorsqu’un gouvernement est tyrannique ou incapable, il encourage à désobéir au nom de la liberté du citoyen. Car si l’on ne dénonce pas, c’est que l’on est complice. Il ne prône pas pour autant l’anarchie car il considère que l’on a besoin d’un état, mais d’un état juste. Et c’est là que, pour moi le bât blesse car ce qui sera juste pour l’un risque fort d’être injuste pour l’autre selon sa place dans une société. Sa démarche est non violente et il préfère vivre chichement pour que ce cher trésor public n’ait rien à se mettre sous la dent. Il n’en reste pas moins que cette pensée originale nous pousse à la réflexion. Un homme en phase avec ses valeurs.

Cela me rappelle une anecdote : un ami d’enfance séchait les cours en terminale, si bien que le proviseur l’avait convoqué et lui avait demandé de justifier ses absences. Mon ami lui avait répondu : ma formation est trop importante pour moi pour que je vous la confie ! Il était devenu la star de tout le lycée.

Soumission à l’autorité, insurrection, démocratie participative ? A chacun de voir en fonction de ses valeurs, de ses choix de vie, des moments de la vie de la personne ou de la nation. Je ne veux influencer personne…



Challenge Riquiqui 2022.

Challenge Totem.

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