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Critiques de Jared Mason Diamond (134)
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Effondrement

"Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie" quelques mots qui complètent le titre de l'ouvrage...pour préciser le mot "Effondrement"....quelques mots essentiels. Mais quelques mots qui, à mon avis malgré tout ne sont pas tout à fait adaptés et méritent des précisions.

Aucune des sociétés présentées par Jard Diamond n'a "décidé" volontairement de disparaître...ce sont leurs conditions de vie, leur mode de fonctionnement, qui ont fait qu'elles ont disparu...Toutes "allaient dans le mur" (pour reprendre cette expression contemporaine) et s'y sont écrasées. Aucune n'était consciente des risques pris...et toutes ont disparu...

C'est en cela que ce livre de plus de 600 pages, est en quelque sorte un pavé que Jared Diamond a jeté à la face du monde il y a presque 15 ans...un pavé fait pour nous faire réagir, un pavé pour nous alerter, un pavé qui en filigrane, nous force à nous interroger et à nous poser la question : "et si nous aussi, étions aussi inconscients du risque de disparition de notre monde ?" Mais qu'avons nous fait pendant 15 ans, depuis la parution de l'ouvrage ?

Mayas, Vikings, ou Pascuans (habitants de l'Île de Pâques), ou Anasazis, ancien peuple indien du Sud-Ouest des Etats-Unis actuels.....ont tous disparu de la surface de la terre, bien avant l'arrivée de l'homme blanc, des colons...Il n'ont laissé que des monuments, des villes fantômes, des territoires pelés, des peintures...ou pas grand chose...Presque le vide. Ils voulaient présenter aux tribus voisines des statues plus imposantes, ils n'ont pas voulu adapter leur mode de vie aux conditions de vie des territoires qu'ils venaient de conquérir...

Des monuments qui font le bonheur des touristes et photographes, mais combien parmi ces derniers s'interrogent sur les conditions de ces disparitions.

Jared Diamond nous offre un cours d'histoire de l'humanité très documenté, instructif et agréable à lire..où l'on apprend, preuves archéologiques ou autres à l'appui, que l’Île de Pâques, ou l'Islande étaient très boisées, que l'introduction des moutons en Islandais, ou en Australie à engendré la disparition de la végétation qui fixait la terre arable...terre arable qui fut emportée par les pluies, par les vents...rendant ces territoires désertiques, définitivement impropres ou presque à toute vie, à toute culture. D'autres peuples ont utilisé les arbres pour déplacer leurs statues immenses...les dieux de chaque tribu ont été, sans doute heureux de tant d'attention..Les peuples quant à eux sont morts, disparus de la surface de leurs îles.

Son argumentaire est construit à partir de l'analyse des conditions de vie de habitants : nourriture et donc régime alimentaire, habitat, cultures agricoles, sur l'analyse des dépotoirs, des os animaux trouvés, du climat -à partir de carottes dans les sédiments-, mais aussi de l'analyse des cernes des vieux arbres (dendrologie), de la composition des os des squelettes humains retrouvés, des restes de pollens.... Il a consulté des spécialistes, spécialistes des points précédents et sur d'autres qui lui ont permis de comprendre comment des statues ont été déplacées, comment des monuments ont été construits. Cette analyse a également permis de mieux comprendre les relations commerciales entre peuples.

Les habitants du Montana ou d'autres lieux ont plus récemment exploité des mines, rejeté dans les rivières poissonneuses des résidus miniers toxiques...les rivières sont mortes, définitivement impropres à l'irrigation et à toute vie.

L'ouvrage est articulé autour de 3 parties : Le Montana contemporain, Les sociétés du passé, les sociétés contemporaines, trois partie inégales en nombres de pages, mais toutes aussi instructives et dérangeantes les unes que les autres. Des questions à chaque page!

Notre monde actuel, la pollution que nous rejetons, nos prélèvements sur la nature, nos déboisements intensifs, notre agriculture intensive, nos exigences de vie ne nous emportent-ils pas tous vers une fin inéluctable de notre monde ? Ah si nos dirigeants de tous pays, pouvaient en prendre de la graine, si seulement chacun de nous pouvait lire ce livre s'interroger et se mobiliser! Il cite les huit causes qui ont été à l'origine de la disparition de ces société...Notre monde les cumule toutes...Carton plein !

Nous disposons donc d'un éclairage intéressant, instructif et historique. Mais oh combien révoltant !

Une révolte due à l'aveuglement de notre monde, de nos dirigeants politiques ou de groupes industriels, de la plupart d'entre nous qui ne prennent pas les mesures drastiques collectives voire individuelles qui devraient être prises, pour protéger notre monde, nos espèces animales, nous poissons...

Dans une quatrième partie Jared Diamond tire les leçons que notre monde devrait étudier à la suite des disparitions de ces cultures. Un belle base de réflexion, discutable peut-être. C'est là tout son intérêt !

Nous nous leurrons tous en attendant, immobiles, le lendemain, en pensant que tout s'arrangera tout seul, alors que notre monde a besoin de mesures contraignantes, certainement impopulaires. Nos enfants et petits enfants pourrons nous dire : "Vous aviez, et vous n'avez rien fait".

Les dirigeants et les peuples ont pourtant sous les yeux les preuves irréfutables et passées de la disparition de civilisations. Ah! je rêve que nos têtes pensantes prennent connaissance des différents points abordés dans Effondrement, je rêve que le plus grand nombre de personnes puissent lire ce livre, et s'interroger collectivement et individuellement... "Effondrement" est parfois ardu, difficile, exigeant...tout comme les mesures qui devraient être prises au plan mondial.

Gardons en mémoire cette phrase : "Sur le territoire maya comme ailleurs, le passé donne des leçons pour le présent" et contemplons également en souvenir de ces disparitions l'Église de Hvalsey ou la Ferme cathédrale de Gardar au Groenland, les statues de Pâques, toutes témoins de sociétés humaines disparues. ...

Les plus anciens, dont je suis, ont rêvé devant Robert Redford dans le film de 1993 "Et au milieu coule une rivière". Il péchait des truites dans ce Montana verdoyant...C'est du passé...un passé mort, une rivière morte...un pays défiguré...c'était il y a 25 ans ! Jared Diamond nous le dit.

Ah, Monsieur Brassens, je vous adore ! "Auprès de mon arbre, Je vivais heureux, J'aurais jamais dû m'éloigner d' mon arbre...Auprès de mon arbre, Je vivais heureux" Puisse ce texte se conjuguer également au présent très très longtemps encore.

Le choix est simple : "Réagissons en gardant à l'esprit que nous avons hérité d'un capital et que nous ne devons pas priver nos enfants, petits enfants et générations futures de ce capital!".....ou ......."Jusqu'ici tout va bien"....!


Lien : https://mesbelleslectures.co..
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Effondrement

Jared DIAMOND examine et présente les circonstances et des causes d’effondrement de plusieurs sociétés, de leur apogée à leur chute, sur divers continents ou diverses îles (Iles de Pâques, anasazis, colonies viking du Groenland, Rwanda contemporain, incas,…). Il compare ces sociétés à d’autres aux caractéristiques proches mais qui ont pu (ou su) éviter l’issue fatale grâce à quelques circonstances ou à quelques comportements particuliers, mieux adaptés à moyen ou à long terme. Ces expériences – négatives et positives - devraient nous aider à comprendre des mécanismes à l’œuvre et donc de prévenir la survenue de l’effondrement de plusieurs sociétés contemporaines qui s’y dirigent tout droit.

Publié en 2005, cet essai reste d’actualité, alors que les effets du réchauffement climatique commencent à se faire sentir (entre autre sujets d’inquiétude).



Les dirigeants des pays industriels nous emmènent droit dans le mur, soit en affirmant qu’il n’y en a pas en face (les climato-sceptiques), soit en prétendant pouvoir le contourner (en France, nos dirigeants actuels et une grande partie de la classe politique, des communistes à l’extrême-droite, en passant par le centre dont le PS).



L’auteur n’est pas si pessimiste que ne laisse entendre ce commentaire, et analyse aussi les mécanismes psychologiques individuels ou collectifs qui empêchent des personnes et des sociétés de prendre les décisions qui seraient pourtant les plus rationnelles.



Je recommande très vivement cette lecture.



Merci à B. pour ce prêt.

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Effondrement

Effondrement pourrait être le titre du scénario catastrophe d'un block buster américain. Pourtant, dans cet essai, qui reste un bloc puisqu'il comprend près de huit-cents pages, Jared Diamond nous rapporte différents scenarii catastrophes qui ont eu lieu par le passé et qui ont amené des sociétés à péricliter, voire à disparaître.



A partir des causes de ces événements historiques, Diamond va pousser son analyse à notre monde actuel. Car, finalement, malgré la connaissance du passé, y-a-t-il un risque que des sociétés actuelles disparaissent également dans le futur ?



S'appuyant, principalement, sur les exemples des sociétés de l'île de Pâques ou vikings groenlandaises, Diamond montre qu'une civilisation confrontée à l'un au moins des cinq facteurs suivants a le risque de disparaître :

- Impact de la société sur son environnement ;

- Changement climatique ;

- Rupture des contacts amicaux avec d'autres sociétés ;

- Augmentation des contacts hostiles avec l'extérieur ;

- Attitude conservatrice de la société concernée.

Heureusement, toutes les sociétés du passé qui ont eu ces difficultés n'ont pas disparu (habitants de l'île de Tikopia ou les japonais de l'ère des shoguns). Elles ont su prendre les bonnes décisions pour survivre.



De nos jours, des effondrements similaires existent, de manière marquante au Rwanda ou en Haïti ou de façon insidieuse dans les sociétés occidentales. La mondialisation, par son caractère interconnecté, complexifie évidemment le traitement des problèmes, puisque tout est lié, les sociétés même éloignées du foyer d'origine peuvent s'effondrer par effet domino. Mais Jared Diamond reste optimiste parce que les mentalités changent, même au sein des entreprises comme celles de la filière pétrolière, parce que le citoyen du monde n'accepte plus de voir les dégâts environnementaux. Cependant, le risque pour la planète est grand. Les solutions nécessiteront que tous ces citoyens, que sa société soit développée ou non, fassent des choix, dont aucun ne sera le meilleur.



Bien que Jared Diamond ne cache pas sa sympathie pour le mouvement écologiste, il a eu l'honnêteté de présenter une analyse objective des événements passés et des possibilités d'avenir. En cela, j'ai beaucoup apprécié de lire Effondrement. C'est un livre qui date de 2005 mais dont le sujet est toujours, malheureusement, actuel. Comme l'écrit Saint-Exupéry : « Nous n'héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l'empruntons à nos enfants ».
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Bouleversement

Hormis quelques longueurs et répétitions, ainsi que quelques excès de didactisme, ce livre est une excellente analyse de la façon dont 7 pays (Japon, Finlande, Australie, Chili, Indonésie, Allemagne et États-Unis) ont surmonté des crises politiques, diplomatiques, des dommages de guerre, des suites de dictatures....

Grace à une documentation historique importante, mais surtout à une connaissance du terrain et à l'observation des cultures, accumulées sur la durée de la longue carrière de l'auteur, la démonstration est limpide ! Sa  transposition à la situation de crise mondiale majeure que l'on traverse, ne rend pas optimiste pour l'avenir, sur lequel l'auteur nous laisse d'ailleurs nous faire une opinion !

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De l'inégalité parmi les sociétés : Essai sur l'h..

Pourquoi l'Eurasie domine a-t-elle dominé le monde à ce point ? Pourquoi les indigènes d'Amérique, d'Afrique et d'Australie n'ont-ils pas, à l'inverse, conquis et asservi les autres peuples ? C'est la question que pose Jared Diamond dès le début du livre.

Sa réponse est claire : ce n'est pas la génétique qui a fait la différence, mais la géographie, le climat, le rôle primordial de la domestication des plantes et des animaux dans la structuration des sociétés et les germes portés par les différentes populations. Voilà qui clouera la bec aux racistes de tous poils !

Autre question à laquelle il apporte une réponse partielle : au XVe siècle l'Europe occidentale et la Chine en étaient au même point. Et elles ont divergé dans les siècles qui suivirent. Pourquoi ?

A l'heure ou la mondialisation rebat les cartes, voilà un livre passionnant.
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Pourquoi l'amour est un plaisir : L'évolution..

Amateur de toutes formes de théorie de l’évolution biologique, un étudiant en sociologie m’a vivement conseillé de lire De l’inégalité des sociétés de Jared Diamond. En m’intéressant de près à la production littéraire de cet auteur, j’ai découvert ce livre dont le titre m’a interpellé. Auteur réputé pour son sens de la vulgarisation scientifique et de l’humour, je me suis dit que quitte à commencer sa bibliographie, autant commencer par le sexe.

Le livre ne s’ouvre pas comme l’adage anglais Peace and love mais plutôt par war and love. Après un premier chapitre généraliste, le livre commence par la guerre des sexes. Il y expose une thèse largement exploitée une décennie plutôt dans le gène égoïste de Richard Dawkins. Cette thèse stipule que le but de chaque partenaire sexuel est de faire perdurer ses gènes le plus possible et le plus largement possible. Seulement, il y a un hic, l’intérêt des 2 parents divergent souvent. L’investissement n’est pas égal selon le type de reproduction. La femelle qui reste majoritairement avec les nourrissons doit user de stratagème pour retenir le mâle avec elle dans le but de donner plus de chance à sa progéniture (construction de nid, parade ou infidélité) ! En effet la grande différence entre le 2 sexes provient du nombre de descendant qu’ils peuvent engendrer. Un homme peut avoir plusieurs centaines d’enfants si tant est qu’il enfante plusieurs femelles. En revanche, une femelle ne peut espérer avoir plus de 30 enfants dans une vie. Ses enfants auront d’autant plus de chance de bien se porter si le père est là. La femme n’a aucun intérêt de multiplier les partenaires pour augmenter sa descendance contrairement à l’homme.

Les injustices se poursuivent avec le cas de la lactation. Pourquoi est-ce que seule la femme est capable d’allaiter ? Sans entrer dans les détails hormonaux, Diamond nous explique qu’il existe une lactation masculine sous-jacente qui peut être obtenue par stimulation répétée des tétons. Il nous fait part également que de nombreux cas de lactation masculine ont été observés après la libération d’Auschwitz. Le retour à l’alimentation après une longue phase de jeun en est la cause. Tout le long de son livre Jared Diamond ajoute des petites anecdotes croustillantes souvent drôles.

Après avoir détaillé le début du livre, j’espère vous avoir donné l’envie de lire ce livre dans lequel nous apprenons plein de chose sur notre comportement amoureux. Par la suite, il évoque les grandes conséquences sur une exception humaine, l’ovulation disséminée en comparant avec nos proches cousins aux mœurs bien différentes ; au choix de certains hommes de peuplades chasseurs cueilleurs ayant fait le choix de la chasse alors que le rendement de la cueillette est bien supérieure !

Il finit par une apparente contradiction avec son postulat de départ. Pourquoi la ménopause fut sélectionnée dans l’évolution alors qu’elle limite le nombre de descendant des femmes ? Le dernier chapitre évoque les traits physiques de la séduction ou plutôt devrais-je dire de la sélection des gènes pour notre descendance.

Comme vous avez pu le lire j’ai adoré ce livre et cet auteur. Je vais bien entendu lire les autres ouvrages mais je vous recommande vivement celui-là si comme moi vous ressentez l’envie de comprendre comment nos comportements sexuels actuels en sont arrivés là.

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Effondrement

Notre monde est-il condamné à l'effondrement ? Aujourd'hui beaucoup se posent cette question.

Jared Diamond tente d'y répondre en faisant de grands sauts dans l'espace et dans le temps, analysant les causes de l'effondrement de certaines sociétés avancées, les Mayas, les Pascuans, la colonie viking du Groenland, les Incas et d'autres.

Il relève également les succès de civilisations qui, placées dans des conditions proches, ont su perdurer.

Il pointe enfin les défis immenses qui se posent à nos sociétés contemporaines, dont la Chine et l'Australie.

Pour l'auteur, les causes d'effondrement sont claires : les atteintes à environnement, l'épuisement des ressources, les changements climatiques, les rapports avec les sociétés voisines et quelques autres dont le système de valeurs.

Le sujet du livre est passionnant et répond à beaucoup de nos interrogations.

Le livre date de 2005, et certaines données sont obsolètes. Il mériterait donc une actualisation.

Petit défaut : à ce vouloir exhaustif il devient parfois répétitif.
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De l'inégalité parmi les sociétés : Essai sur l'h..

Un gros ouvrage très bien documenté et très bien écrit et qui parvient à nous faire comprendre et adhérer à sa thèse que les origines de la supériorité des civilisations eurasiatiques sur toutes les autres.

L'auteur, dans un style très fluide et avec de l'humour, convoque toutes les sciences de l'archéologie (anthropologie, génétique, climatologie, histoire antique, et surtout linguistique...) pour une démonstration très détaillée. Le genre de livre avec lequel on se sent plus intelligent.

C'est parfois trop détaillé, voire un peu trop insistant avec trop d'exemples, mais c'est convaincant et finalement très accessible et agréable à lire.

Et la thèse est simple : notre avantage de civilisation à essentiellement une cause géographique et renvoie les racistes à leur intolérance !

La question qui vient est terrible : maintenant que nous (capitalistes occidentaux et orientaux) avons éliminé ou soumis le reste du monde il ne nous reste plus qu'un ennemi : nous mêmes ! Et avec Bolsonaro, Trump et autres Xi Jinping, on est très mal barrés !

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Le troisième chimpanzé

Très intéressant, et assez percutant. L'auteur nous présente l'histoire de notre espèce en abordant le sujet selon de multiples facettes. Les nombreuses anecdotes vécues ainsi que son expérience de terrain comme biologiste évolutionniste enrichissent l'essai. Et les nombreux recadrages sur nos idées reçues et nos mythes sont passionnants .
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De l'inégalité parmi les sociétés : Essai sur l'h..

A partir de la « question de Yali » (dont le fond est : pourquoi est-ce que ce sont les européens qui ont colonisé les autres peuples et non l'inverse ?), l'auteur retrace l'histoire des sociétés humaines depuis -13 000 ans, c'est-à-dire le néolithique en Eurasie. Les sociétés occidentales qui ont leurs racines dans le Croissant fertile (région couvrant les actuels Irak, Syrie, Palestine, Liban) doivent leur richesse à plusieurs heureux hasards de circonstance (ce qu'il appelle des facteurs ultimes), et qui sont exclusivement liés à l'environnement. A cette époque :

- En Eurasie se trouvent des plantes herbacées à grosses graines (blé, orge) et des plantes à gousses (pois, lentilles, fèves) facilement cultivables et qui se conservent bien. La présence de telles plantes serait due à un climat tempéré de type méditerranéen, aux saisons bien marquées,

- L’Eurasie abrite aussi de gros mammifères qui y trouvent une nourriture variée, et qui sont faciles à apprivoiser (comme le loup1 apprivoisé en Chine), puis à domestiquer : ancêtres des cochon, vache, mouton, chèvre, cheval. Sur les autres continents les mammifères équivalents ont été rapidement exterminés par les sociétés de chasseurs car, quand ces derniers y sont arrivés, leurs techniques de chasse étaient devenues extrêmement efficaces. Pour d'autres, ce sont des animaux impossible à domestiquer : phacochère et tapir, buffle et gnou, élan et orignal, gazelles et antilopes, zèbre, hippopotame, etc.. (l'éléphant est seulement domptable, et sa longue croissance coûte cher en nourriture et en soins),

- l'Eurasie est un vaste continent avec un long axe est-ouest, présentant peu de barrières écologiques (chaînes de montagne, désert). Cela a permis la diffusion des productions alimentaires et des élevages (mêmes climats, mêmes maladies et parasites, etc...), puis des cultures et des techniques (comme la greffe sur pommier, la roue, l'écriture...).

- De ces trois faits découle un quatrième : la production alimentaire (l'agriculture) permet de mieux nourrir (et plus régulièrement) la communauté : celle-ci s'accroît donc plus vite qu'une communauté de chasseurs-cueilleurs. La proximité des animaux voit apparaître des maladies nouvelles (des virus passent des animaux à l'homme, provoquant variole, peste, tuberculose). La densité des populations provoque alors des épidémies car certains microbes pathogènes ne peuvent survivre dans des population trop réduites à cause de l'immunité persistant longtemps (rougeole, rubéole, grippe, …). Les survivants à ces maladies et épidémies transmettent leur immunité à leurs descendants, donnant ainsi une considérable "avance" aux paysans dans la résistance à ces maladies. Cela ne sera pas le cas des communautés de chasseurs-cueilleurs (qui eux connaissent plus la lèpre, la fièvre jaune ou les infections à parasite)

- Du coup, les peuples isolés seront autant victimes des germes apportés par les colonisateurs que de leurs armes. Lors de la découverte des Amériques notamment, des taux de mortalité de 95 % seront observés, rayant de la carte les villes de la vallée du Mississippi, minant les structures administratives et le moral des empires aztèques et incas juste avant les expéditions militaires espagnoles. (En sens inverse, les maladies endémiques causent des pertes importantes chez les conquistadors, mais sans que cela touche leur métropole qui peut continuer à envoyer des renforts).



Ces communautés d'agriculteurs eurent dès lors plus de temps à consacrer à l'artisanat (potiers, vanniers, car il fallait dès lors stocker, conserver les récoltes ; tisserands, menuisiers), à l'industrie (tailleurs de pierre, puis forgerons car les outils en métal sont plus efficaces pour cultiver la terre), l'innovation (la roue), la politique (chefs, soldats, puis lettrés qui développent une organisation administrative), la culture (chefs religieux, scribes, artistes, musiciens). Ils se sont donc organisés en sociétés hiérarchisées, avec une division du travail croissante rendue encore plus poussée par l'émergence de l'écriture {dont l'origine est la comptabilité, c'est-à-dire : retracer la production et les échanges}. Ce n'est donc pas un hasard si tout cela est apparu précisément dans le Croissant fertile, là où les facteurs ultimes de cette évolution étaient tous présents.

Ces modes d'organisation de la société n'étaient pas (encore) développés plus à l'ouest, faute des conditions requises, mais ils s'y sont facilement propagés, car il n'y a pas de barrières environnementales majeures. Ces innovations ont même survécu à l'effondrement des sociétés sumériennes, phéniciennes, égyptiennes (dues à des révolutions politiques, à la salinisation ou à l'épuisement des sols... )



Ce livre est le fruit d'un travail remarquable, et qui, pour ce que j'en sais, n'a pas d'équivalent par son ampleur. Jared Diamond propose de montrer que ce sont des facteurs environnementaux (dont : la disponibilité de plantes cultivables et d'animaux domesticables) qui ont permis aux civilisations eurasiennes, en général, de développer des sociétés technologiques et politiques complexes. Il réfute ainsi l'idée raciste – beaucoup plus communément admise qu'on ne le croit – selon laquelle l'hégémonie eurasienne, et particulièrement d'Europe occidentale, serait due à une quelconque supériorité intellectuelle et morale, religieuse ou pseudo-biologique.

Ce qui me plaît dans les « facteurs ultimes » de Diamond, c'est qu'ils sont éminemment matériels, à l'exclusion de toute autre considération d'ordre idéologique, morale, idolâtre. Ces arguments sont objectifs, scientifiques, historiques, et j'ajouterais donc : matérialistes et laïques. On peut même y déceler des éléments de la théorie du chaos ! (cf. dernières citations)

Je pense ensuite qu'il ne faut pas lui faire de mauvais procès. Expliquer n'est pas justifier. Il ne justifie pas cette inégalité, il ne fait que l'expliquer par un ensemble d'arguments précis.

Alors, on peut le déplorer ou au contraire l'apprécier, Diamond ne rentre pas trop dans des considérations économiques et politiques (au sens de : l'organisation de la société – même si un chapitre est consacré à la structuration en villages, chefferies, et cités-État). Son propos est la détermination des « facteurs ultimes », qui sont donc environnementaux. Malgré tout, je trouve qu'il y a un gros manque dans cet essai (mais il s'agit peut-être de la frontière qu'il ne voulait pas dépasser) : il parle de « production alimentaire », mais il n'entre pas dans le détail des moyens de production, et surtout de la propriété de ces moyens de production : de collectifs, comment sont-ils devenus privés ?

Cet axe de lecture historique est celui choisit par Friedrich Engels dans L'Origine de la famille, de la propriété privée et de l'État. Mais cet essai a été rédigé... en 1884, d'après les notes de Karl Marx (1818-1883) sur les études anthropologiques des sociétés archaïques de Lewis Henry Morgan (1818-1881 !)

Mais ce dernier est complètement dépassé sur le plan factuel, car les études anthropologiques ont, depuis, bouleversé presque en totalité ce qu'on croyait à cette époque. Je pense que Diamond a trouvé les facteurs matériels ultimes qui déterminent l'émergence de la propriété privée des moyens de production, que cherchaient Marx et Engels. Mais là où Diamond s'arrête, l'essai marxiste, lui, qui a pourtant échoué à expliquer les « origines » sur des bases matérielles et objectives, poursuit paradoxalement avec justesse l'analyse que ne fait pas Diamond de la division du travail, de la division de la société en classes sociales, de la nature de l'État (qui sont les prémisses à la conception – déterministe, mais c'est une autre histoire – selon laquelle une société communiste doit se substituer au capitalisme).
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Effondrement

Un livre fascinant se trouve dans les six cents pages de Jared Diamond, Effondrement : Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie. Le livre rassemble les faits entourant les disparitions de civilisations passées. Contrairement aux anciennes civilisations de la Grèce ou de Rome, la plupart des cultures perdues de Diamond étaient petites et isolées, mais leurs noms sont familiers à la plupart d'entre nous : les Anasazi qui vivaient à Chaco Canyon dans ce qui est aujourd'hui le Nouveau-Mexique ; les habitants de l'île de Pâques dans le Pacifique, qui ont laissé des statues géantes, brisées et humanoïdes ; et les Vikings, qui se sont installés au Groenland lorsque le climat était plus chaud mais se sont éteints lorsqu'il est devenu plus froid. Beaucoup d'entre nous se sont interrogés pendant des années sur ces cultures.

Enroulée autour de cette histoire captivante, cependant, se trouve une tentative de faire bien plus que de tisser ensemble ce que l'on sait de ces civilisations et de leur disparition. Diamond pense qu'il peut expliquer pourquoi ces civilisations ont disparu, même si dans la plupart des cas, nous n'en savons tout simplement pas assez à leur sujet pour tirer une quelconque conclusion. Pire encore, Diamond choisit d'appliquer ses explications fragiles pour éviter l'effondrement de l'environnement à l'avenir. Ainsi, le livre passe du mystère à l'irréel.

Diamond admet que lorsqu'il a commencé ses recherches, « je pensais naïvement que le livre ne porterait que sur les dommages environnementaux ». À la fin de ses études, il a découvert cinq variables explicatives : les dommages environnementaux, oui, mais aussi le changement climatique, les voisins hostiles, les partenaires commerciaux affaiblis et la réponse de la société.

Certes, les dommages environnementaux ont été un facteur important dans tous les effondrements décrits par Diamond, et une grande partie de ces dommages a été infligée par les groupes eux-mêmes. Par exemple, les Anasazi de Chaco Canyon ont déboisé leur environnement, bien qu'ils aient eu besoin des pignons pour se nourrir et du bois pour le chauffage et la construction. Ils ont également construit des fossés d'irrigation, mais le climat sec a transformé les fossés en ravins profonds où l'eau coulait trop loin pour être utilisée pour l'agriculture. Même ainsi, les Anasazi ont duré au Chaco pendant plus de cinq cents ans. Personne ne sait pourquoi ils ont laissé leur environnement se détériorer au point de les réduire à la famine.

De même, pourquoi les habitants de l'île de Pâques, grâce à des prouesses extraordinaires, ont-ils construit des centaines de statues géantes (têtes et torses), certaines atteignant jusqu'à vingt mètres ? Et après, que s'est-il passé? Au moment où l'explorateur hollandais Jacob Roggeveen est arrivé sur l'île en 1722, presque tous ces personnages avaient été renversés et beaucoup brisés. Les habitants de l'île étaient peu nombreux, pauvres et entourés d'un environnement déboisé, bien loin du type de civilisation qui aurait pu construire les statues. Encore une fois, on en sait trop peu sur la société pour déterminer ce qui s'est passé, bien que fouiller dans les preuves disponibles soit une excellente lecture.

La société dont l'effondrement est le mieux compris (mais toujours énigmatique) est celle des Norvégiens/Vikings qui vivaient au Groenland au Moyen Âge. Nous avons plus d'informations à leur sujet parce que nous avons des documents écrits et parce qu'ils n'étaient pas totalement isolés ou culturellement différents des parents en Europe. Comme causes de leur disparition, Diamond cite les dommages environnementaux (causés par inadvertance par des efforts pour créer des pâturages), le changement climatique (la colonie a prospéré à l'époque connue sous le nom de "période médiévale chaude", mais le temps s'est ensuite refroidi) et l'isolement des autres Européens.

Explorer les possibilités est fascinant, et les efforts de Diamond pour rassembler les réponses à travers ses cinq variables nous font tourner les pages. Pourtant, la plupart des effondrements restent non résolus, en grande partie parce que nous n'en savons pas assez sur les institutions de ces sociétés. Par exemple, nous ne savons pas si certaines des forêts étaient un vaste bien commun et, si tel est le cas, pourquoi aucune institution de droits de propriété ne s'est développée.

L'idée principale de Diamond, et celle qui est le plus fragile est que ses conclusions spéculatives peuvent être appliquées aux problèmes modernes. "Les parallèles entre l'île de Pâques et l'ensemble du monde moderne sont d'une évidence effrayante", écrit-il. "[S]i de simples milliers d'habitants de l'île de Pâques avec juste des outils en pierre et leur propre force musculaire ont suffi à détruire leur environnement et ainsi à détruire leur société, comment des milliards de personnes avec des outils en métal et des machines ne peuvent-elles pas faire pire ?".

Diamond a-t-il été pris dans l'atmosphère apocalyptique du mouvement écologiste d'aujourd'hui et a-t-il estimé que ses recherches devaient avoir un but salvateur?

C'est un mystère.
Lien : http://holophernes.over-blog..
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Effondrement

Depuis sa parution en France en 2006, j'avais l'intention lire le volumineux essai de Jared Diamond « Effondrement » sous-titré « comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie ».

Enfin ! Voilà qui est fait et je ne suis pas déçu.



L'ouvrage décortique méticuleusement, avec toutes les sciences archéologiques en renfort, les impacts humains néfastes sur l'environnement, puis les erreurs ou la passivité qui expliqueraient la disparition des communautés de l'île de Pâques et d'autres îles isolées du Pacifique, des Anasazis (en Amérique du nord) et des Mayas (en Amérique centrale) et des Vikings du Groenland.

A travers ces exemples, l'auteur examine, sans jugement anachronique, la difficulté des groupes à s'adapter, à renoncer à leurs cultures pour s'adapter. Il analyse les raisons d'une forme d'aveuglement face à l'épuisement des ressources naturelles.

A contrario, il compare d'autres communautés qui ont réussi à survivre en adoptant des décisions collectives essentielles, à long terme, qui impliquaient de renoncer à leurs modes de vie identitaires ou de restreindre ce que nous qualifions aujourd'hui de droits et libertés individuels inaliénables, pour préserver l'environnement et la survie du groupe.



La démarche de l'auteur est évidemment de tirer des leçons de ces expériences passées pour aborder les défis démographiques et de sur-exploitation des ressources naturelles de notre époque contemporaine. J'ai trouvé son constat assez désespérant, mais J. Diamond espère encore (en 2005) que les citoyens-consommateurs pousseront les autorités politiques et les industriels à faire les bons choix, à long terme, et revoir des pratiques pour concilier économie et environnement. L'auteur met en exergue des exemples positifs, qui me semblent pourtant peu rassurants au regard des dégâts irrémédiables qu'il a dénoncés auparavant.



La démonstration est solidement charpentée et nuancée. Certains arguments sont longuement développés, mais il serait injuste de se plaindre des redites et des rappels, qui permettent de faire les connexions entre les multiples sujets historiques et écologiques qui sont abordés.

Je ne doute pas que certaines idées énoncées sont contestées (par exemple, les mérites de la certification MSC pour les pêches durables ou à l'inverse, la critique sévère des atteintes à l'environnement en Australie). De même, depuis 15 ans, la situation économique et écologique de certains pays contemporains, tels que la Chine, a beaucoup changé.

Néanmoins, cette somme exigeante est une référence essentielle pour comprendre les enjeux et les risques qui pourraient entraîner l'effondrement de notre civilisation actuelle, mondialisée.
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De l'inégalité parmi les sociétés : Essai sur l'h..

La lecture est l'aliment de l'esprit." (Sénèque)

...et il est des livres indispensables, des livres qui nous apprennent notre monde, des livres conçus pour nous enrichir.....Des livres qui ont la capacité de remettre en question certaines idées toutes faites. Assurément "Guns, Germs, and Steel" (titre original) est l'un de ces ouvrages dont on sort sonné par tant d'érudition, plus riche d'informations, et surtout tout penaud de n'avoir jamais envisagé nombre de questions auxquelles l'auteur répond...

....pourquoi nombre de découvertes sont issues de l'Eurasie, pourquoi les Européens ont été les premiers à mettre le pied sur le continent américain alors que la Chine aurait pu le faire en débarquant sur la côte Ouest...comment notre monde s'est-il peuplé, comment et pourquoi les agriculteurs ont succédé aux chasseurs cueilleurs....d'où sont originaires les populations de certaines îles..? En quoi l'agriculture, l'acclimatation de semences sauvages furent-elle "LE" facteur de développement? ...

Et j'en passe.

Au début nos plus anciens ancêtres passaient à pied sec d'une terre à l'autre ...les océans était plus bas de 100 mètres...Ils chassaient, cueillaient des plantes, et se battaient pour des femmes...Puis les bandes sont devenues tribus puis chefferies puis bien plus tard des états, l'eau des océans est remontée...

Toutes les sociétés ne se sont pas, par la suite développées à la même vitesse, certaines découvertes, certaines semences ont mis de siècles, voire des millénaires pour s'acclimater partout, pour franchir des océans ou des déserts. Pourquoi certains de ces écarts ne sont pas encore comblés entre certains peuples et certaines sociétés?...Mais pourront-ils se combler ?

Jared Diamond expose ses hypothèses avec pédagogie, en s'appuyant sur des faits historiques, sur des découvertes archéologiques, sur l'histoire des inventions, celle de l'acier, celle des fusils, celle de la roue, qui est restée un jouet dans certains populations, alors qu'elle servait, dans les mêmes temps, à la construction de véhicules pour d'autres... il évoque, en désordre, les langues, les alphabets, le rôle déterminant des virus, la domestication des animaux, les extinctions de masse des animaux originels des continents, les climats.....ce ne sont que quelques un des thèmes évoqués.

Certains points peuvent paraître discutables...mais n'est-ce pas le but d'un tel ouvrage...nous amener à nous poser des questions, à considérer notre monde avec une plus grande ouverture d'esprit, avec une intelligence accrue.

Si vous envisagez de lire ce livre dans le bruit de transports en commun, bousculé par vos voisins, c'est inutile de l'entamer. De même si vous vous vous dites "Je le lirai en août prochain à Palavas sur la plage en surveillant les gosses".

Non c'est un livre qu'on lit en faisant des aller-retours parfois, dans le calme, un livre impossible (à mon avis) à lire sans prendre des notes...Un essai documenté s'appuyant sur de nombreux tableaux....de nombreuses sources citées en annexe.

Un livre dense, à déguster d'une traite ou lentement, en alternance avec une autre lecture

Un livre qui, pour la compréhension de notre monde, complète utilement "Effondrement", même si on retrouve certains points abordés dans celui-ci..Et comme ce dernier, ce livre nous alerte sur les dangers que nous faisons courir à notre monde du fait de notre mépris pour notre environnement...le Croissant fertile que vous connaîtrez mieux après cette lecture, est aujourd'hui un quasi désert du fait de sa déforestation ancienne.

Dans quelques semaines je vais poursuivre la découverte de cet auteur, poursuivre la connaissance de notre monde actuel en attaquant un autre de ses titres "Le troisième Chimpanzé"

"J’ai donc bon espoir que l’étude historique des sociétés humaines puisse se poursuivre aussi scientifiquement que l’étude des dinosaures – et pour le plus grand profit de notre société, en nous apprenant ce qui a façonné le monde moderne et ce qui pourrait donner forme à notre avenir." (Dernière phrase du livre )
Lien : https://mesbelleslectures.co..
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De l'inégalité parmi les sociétés : Essai sur l'h..

« Une augmentation démographique progressive a obligé les populations à se procurer davantage de vivres, récompensant ceux qui inconsciemment s'acheminaient vers leur production. »

Cette proposition résume assez bien la thèse de ce livre, à savoir la domestication des plantes et des animaux à l'origine de l'explication des inégalités entre les sociétés humaines.

De ce point de vue l'auteur colle à la théorie de l'évolution et rappelle au passage, que Darwin avait consacré le premier chapitre de sa célèbre théorie à montrer que « ces principes d'élaboration des cultures par la sélection artificielle restent notre modèle le plus compréhensible de l'origine des espèces par la sélection naturelle. ».

J'ai aimé les observations à la loupe des rapports subtils de la domestication, apparue de manière indépendante dans au moins cinq régions du monde, dont la Nouvelle Guinée, terrain de prédilection de l'auteur.

Partout sont rapportés les faits d'hommes qui semblent avoir épuisé toutes les possibilités, face à des espèces plus ou moins récalcitrantes, et donc dans des conditions matérielles plus ou moins avantageuses.

Il faudrait d'ailleurs observer sous le même angle d'autres animaux également capables de cultiver des plantes, même si on estime qu'ils ne le font pas « sciemment ». La nature fourmille d'exemples.

Cette brève remarque suggère encore que la conscience ne joue aucun rôle dans la domestication, ou bien un rôle secondaire comme l'auteur tente de l'expliquer dans la suite des développements technologiques. Chaque innovation récompensée par la nécessité joue un rôle de catalyseur pour les suivantes. Ce processus "auto-catalytique" sape la « théorie héroïque de l'invention » en laissant la conscience au rang d'épiphénomène. En effet, seules quelques inventions « nées du besoin » feraient figure d'exceptions, parmi lesquelles se trouvent pêle-mêle et arbitrairement le projet Manhattan de la bombe atomique américaine, l'égreneuse à coton etc…

Disons que la répartition assez régulière des innovations humaines observées sur une large échelle de temps et d'espace conduit l'auteur à considérer que le caractère novateur d'une société obéit à de multiples facteurs indépendants qui jouent de manière aléatoire à défaut d'en avoir une connaissance détaillée.

De cette manière la thèse remonte rapidement la chaîne causale des inégalités entre les sociétés jusqu'à l'inégalité des chances d'accès aux espèces domesticables il y a en gros 13000 ans.

Pour acquérir la connaissance détaillée permettant d'aboutir à un modèle prévisionniste, l'auteur tend vers l'idéal d'un chercheur en laboratoire « prenant des colonies de rats et distribuant ces groupes de rats ancestraux dans de multiples cages d'environnements différents. Il n'aurait ensuite qu'à laisser passer plusieurs générations avant d'observer comment les choses ont tourné ».

Mais si cet idéal est tenu comme pratiquement impossible à réaliser pour l'étude des hommes, il enferme malgré tout un problème car il ne recherche pas les possibilités du vivant d'agir sur son milieu, celui-ci étant avant tout considéré comme une donnée.

Les animaux domestiqués pour leur consommation ne sont-ils pas faits comme des rats ?

Du point de vue de la théorie de l'évolution, il reste en tous les cas la délicate question de la « récompense » pour les espèces domestiquées, et la réponse du livre est pour le moins étonnante : « Seul un petit pourcentage d'espèces de mammifères sauvages ont fini par être heureuses en compagnie des hommes en raison de leur compatibilité sur ces plans divers. »

Et pour être certain de bien comprendre : « En tant que société, à en juger du moins par les immenses troupeaux que nous gardons, nous nous distinguons certainement par une tendresse peu commune pour les moutons et le bétail. »

L'explication de la domestication comme un « mariage heureux » n'est donc pas qu'une image. Elle introduit une forme de vitalité qui ne se réduit pas au plan matériel et qui fait importer l'agir autant que l'être agi, sans jamais faire appel à la conscience.

La relation de tendresse et de bonheur dans le couple domestiquant et domestiqué est quand même un sacré coup de théâtre dans cette thèse évolutionniste et matérialiste. Il y a en tous les cas un effet divin décelable dans la seule référence de l'auteur à la Bible : « Il y aura beaucoup de candidats et peu d'élus ». Mais si l'hypothèse émotionnelle dans la domestication est séduisante, elle reste tout bonnement à vérifier. En attendant, on peut comprendre ce besoin de croire dans un monde où dominent les désastres engendrés par la diffusion des germes et les conquêtes meurtrières.

Quant au rapport entre les hommes, l'auteur observe le développement de la kleptocratie avec l'accélération démographique. On n'est pas loin d'ailleurs de retomber sur les problèmes de la domestication mais cette fois des hommes entre eux.

L'innovation sociale majeure serait constituée par les mécanismes de règlement des conflits. Cela me parait difficile à comprendre quand on songe aux récits de guerre partout sur le globe. Dans le cas rapporté où un couple de missionnaires débarque chez les Fayus en Nouvelle-Guinée et parvient à pacifier ces tribus, je serai prêt à croire à une tendresse authentique plutôt qu'à l'efficacité de quelques « mécanismes politiques et sociaux, qui nous semblent aller de soi ». Cette thèse pacificatrice devient encore plus louche lorsque l'auteur estime que les Morioris étaient devenus une « petite population pacifique » en « castrant une partie des garçons ».

Si les enquêtes sont bien menées, toutes ces histoires « réjouissantes » me semblent plutôt manifester la pulsation de possibilités infinies que quelque conformité à un modèle. Je ne pense pas seulement au développement économique le plus performant pris comme référence tout au long de ce livre, mais aussi aux tentatives de modélisation comportementaliste.

Demain, si le changement climatique engendre des nouvelles inégalités géographiques, qui à leur tour déterminent des développements économiques inégaux, dira-t-on que l'origine des inégalités fût le changement climatique ou les disparités géographiques ?

Du moins, on peut agir sur tous ces facteurs, c'est ce que nous montrent toutes les non-conformités ou non-linéarités rapportées dans ce récit de l'évolution.

Dans des situations d'isolement relatif, des sociétés se sont simplifiées. La centralisation du pouvoir chinois dans le passé, fonctionnant comme un facteur d'isolement, aurait entraîné une régression technologique. Mais l'isolement relatif des pays européens aurait facilité l'expédition de Christophe Colomb en trouvant une possibilité dans un pays qui lui était refusée ailleurs.

Au rythme des manipulations génétiques, on verra peut-être demain une situation d'isolement reproductif d'une nouvelle espèce d'homme sans savoir à quelle nécessité cela pourra répondre. On pense que cette « innovation » pourrait conduire à une nouvelle forme de domestication, mais le livre montre que l'isolement peut aussi bien conduire à la simplification ou à d'autres innovations. Cette fiction de mon cru n'est là que pour donner le change aux spéculations de l'auteur. En clair, une différence biologique entre les hommes, même radicale, ne changerait rien au champ des possibles exposé jusqu'ici.

Le plus drôle, mais dans l'esprit de ce livre, c'est que cette possibilité fictive d'augmentation de la biodiversité humaine, en apparaissant de manière accidentelle ou inconsciente, pourrait même être récompensée par la nécessité sur une large échelle de temps et d'espace, alors que les efforts de recherche sont consciemment orientés dans une autre direction.

Ce livre est au fond très philosophique, mais brassant des tonnes d'observations naturelles et ethnologiques, submergé même par cette masse, plutôt que faisant tourner quelque introspection sur elle-même.
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Effondrement

Il y a des bouquins que l'on ne veut pas lire de peur de reconnaitre l'état de notre monde et de ce fait alimenter l'angoisse et même mettre fin à notre innocence. Effondrement de Jared Diamond commence fort avec l'ile de Pâques, les Maya, les indiens Anasazis, Les Vikings du Groenland jusqu'aux sociétés fragilisées d'aujourd'hui (Rwanda, Haïti et Saint-Domingue, la Chine, le Montana et l'Australie). le verdict dans tous les cas des civilisations éteintes est le même, déforestation, usure des sols, trop grande population pour un territoire restreint qui amène la famine et les guerres civiles. La plupart de ces civilisations éteintes ils y avaient des élites qui promettait abondances et paix un peu comme nos économistes et dirigeants de nos jours. Quand le peuple de ces civilisations en eut assez des promesses vide de sens de leurs grands prêtres et de leurs rois cela mit fin a cette expérience humaine . De nos jours nous sommes l'ile de Pâques par la course aux gigantismes qui assèche notre planète. de toute manière les lois de la nature et de la physique va donner un sérieux coup de frein à notre civilisation malgré la science qui nous promets des lendemains merveilleux.

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De l'inégalité parmi les sociétés : Essai sur l'h..

Il existe de nombreuses questions existentielles que l'on se pose et qui, au premier abord, semblent quelconques et sans grand intérêt. Et pourtant lorsque l'on y réfléchit un tant soit peu, il est parfois difficile de construire une réponse correct.

La question existentielle que pose ce livre est : "Pourquoi les sociétés humaines sont-elles inégales à travers le monde ?"

D'une manière très structurée, détaillée et abordable, l'auteur développe son argumentaire pour nous expliquer les faits et nous fournir la plus complète des réponses.

D'un point de vue géographique, il nous montre comment la structure et la diversité de notre monde a tant influé sur le développement de certaines civilisations poussant certains hommes à rester des chasseurs cueilleurs et d'autres à développer l'agriculture. Une grande partie est justement consacrée à ce dernier point ainsi que la domestication de certaines espèces animales et végétales. C'est d'ailleurs une des parties les plus intéressantes . Prendre conscience que l'homme depuis des millénaires, crée ses propres « sélections naturelles », ce qui influe directement sur sa propre évolution est tout simplement renversant. D'un point de vue plus biologique il développe également l'influence qu'à la propagation de certaines maladies décimant ainsi certaines populations et permettant à d'autres de prendre le dessus et de se développer.

L'auteur brasse ainsi de nombreux thèmes (géographique, politique, économique, biologique...) et retrace progressivement les points historiques qui sont à l'origine de ces inégalités.

Tout ceci est ponctué de schémas, de tableaux, d'anecdotes et d'explications qui permettent vraiment de comprendre et d'apprendre l'histoire de notre évolution et la diversité de l'espèce humaine. Alors même s'il faut parfois s'accrocher pendant les 600 pages de cet essai, les explications devenant parfois très poussées sur des sujets moins passionnants, on ne peut qu'être admiratif devant l'ampleur du travail accompli et le résultat que cela a donné.

Voilà, si un bon nombre de questions fusent encore dans mon esprit, il est certain que ce livre m'aura permis d'en éclairer certaines .

Je remercie certains lecteurs de Babélio qui, grâce à leurs avis, m'ont donné envie d'ouvrir cet ouvrage et ainsi de pouvoir étoffer encore un peu plus ma culture.
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Effondrement

Tout d'abord je tiens à dire que j'ai lu cet excellent livre pendant le second confinement, donc 14 ans après sa parution .Le président CHIRAC disait:"La maison brule et on continue à la regarder bruler".

Tout le monde peut et devrait lire "Effondrement"

Je n'ai pas connu la guerre, les épidémies (jusqu'au Covid-19),ni victime direct de catastrophes naturelles.

Par contre je savais que dans notre monde interconnectée encore plus maintenant le livre lu, que la déforestation,l'erosion des sols, la salinisation, la gestion catastrophique de l'eau, la chasse et la pêche excessive ,la croissance démographique et l'impact de l'être humain sur la planète étaient des facteurs polluants et aggravants pour celle-ci.Je ne pouvais pas dire que je ne savais pas;

la lecture du livre m'a convaincu que liés ,ces processus peuvent entrainer aux guerres, et (ou) épidémies.

Le covid-19 ,malgré sa brutalité, reste pour le moment un avertissement bénin.

Il va falloir réduire notre train de vie rapidement et fortement si l'on veut laisser à nos enfants et petits enfants la terre que nous avons trouvé.

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Effondrement

Un livre à lire absolument!

Son ampleur peut faire peur, le sujet abordé aussi, mais sa lecture est facile.

J'ai découvert à la lecture de ce livre que l'homme a un impact sur son environnement depuis très très longtemps, pour ne pas dire depuis la nuit des temps... Moi qui pensais naïvement que notre impact écologique ne datait que de quelques décennies seulement, j'étais loin de la réalité...

Ce livre m'a fait prendre également conscience, s'il en était besoin, qu'il est plus que temps de cesser de ne penser qu'à nous, à notre petit confort égoïste d'habitant du Premier Monde. Il est grand temps et terriblement urgent de changer nos modes de pensée, nos habitudes et de réduire notre impact écologique si l'on veut continuer à bénéficier des ressources que la terre nous offre.

Rien de bien nouveau en somme, mais c'est tellement bien expliqué, chiffres et exemples à l'appui, que l'on ne peut qu'être d'accord avec les arguments de Jared Diamond. Et passablement inquiet aussi sur l'avenir de notre humanité...
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Effondrement

C'est un essai d'une grande force qui nous aide à comprendre quels sont les facteurs qui ont entraîné la chute de sociétés anciennes, souvent riches. Nous faisons ainsi un tour du monde dans l'espace et dans le temps, depuis les sociétés disparues du passé :'île de Pâques, Mayas, Indiens Anasazis du sud ouest des USA, la société inca, les colonies vikings du Groënland jusqu'aux sociétés en danger actuellement: Rwanda, Haïti..

L'auteur, biologiste de formation dégage plusieurs facteurs essentiels qui entrent en jeu: des dommages environnementaux, un changement climatique, des voisins hostiles, des rapports de dépendance avec des partenaires commerciaux.. A méditer surtout si l'on s'interroge sur les capacités de survie de nos sociétés contemporaines face à un environnement climatique en mutation et un environnement commercial difficile...

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Effondrement

Les intentions de Jared Diamond sont de démontrer quelque chose, et il écrit son livre dans le but de faire passer une thèse concernant la bonne gestion de l'avenir. Ceci m'a moins intéressé que la très grande finesse archéologique avec laquelle il étudie les sociétés anciennes qui se sont effondrées, montrant par là l'universalité humaine de l'exploitation irréfléchie des ressources, que beaucoup croient l'apanage des seuls Occidentaux. Les qualités d'analyse et la précision de la documentation m'ont impressionné très favorablement.
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