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Citations de Michel Pastoureau (577)


Opposé à l’uni, le rayé constitue un écart, un accent, une marque. Mais, employé isolément, il devient illusion, gêne le regard, semble clignoter, s’agiter, s’enfuir.
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Dans certaines régions de montagne, (...) la peau d'un ou de plusieurs ours reste, jusque fort avant dans l'époque moderne, une redevance féodale due par les villageois à leur seigneur : c'est encore et toujours un moyen de lutter contre une bête jugée nuisible et une façon de se procurer sans bourse délier un certain nombre de produits utiles pour l'habillement et l'alimentation.
Au demeurant, c'est peut-être au cours de ces battues paysannes d'origine féodale qu'est née l'expression « vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué ». Elle est inconnue du latin antique et médiéval et n'est solidement attestée dans la langue vernaculaire qu'à partir du XVe siècle, sous la forme « marchander la peau de l'ours jusques ad ce que la bête fust morte ». Ici encore, les hommes, trompés dans leurs espérances, semblent victimes des ruses de l'ours et de celles du Diable.

1333 - [Points H472, p. 180]
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Herman Melville n'est ni le premier ni le seul écrivain américain à mettre en scène le monde des marins et de la chasse à la baleine. Edgar Allan Poe l'a fait avant lui, dès 1838, dans son roman 'Les aventures d'Arthur Gordon Pym de Nantucket'. Le livre, oeuvre de jeunesse exubérante et mal construite, fut éreinté par la critique puis renié par son auteur. L'histoire avait pourtant un certain charme, faite de péripéties et d'énigmes : récits de tempête, rencontre avec des baleines, croisement d'un vaisseau fantôme, description des mers antarctiques, disparition incertaine du héros.
(p. 132)
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Désormais, les hommes et les femmes qui se livrent à des pratiques obscènes font des « cochonneries ». En français, le mot ne prend ce sens que vers la fin du XVIIe siècle ; auparavant il désigne simplement le fait d'élever des pourceaux.
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Mais être ami du corbeau ne rend pas service au renard : quand les veneurs poursuivant le goupil ont perdu sa trace dans les bois, ils n'ont qu'à lever les yeux et suivre le vol du corbeau; ce dernier a en effet l'habitude de suivre dans les airs la course du renard cherchant à échapper aux chasseurs; ce faisant, malgré lui, il le dénonce et le trahit. De fait, en français, le sens figuré du mot corbeau entendu comme "dénonciateur" apparaît dès le XIVè siècle dans la langue des traités de vénerie, au chapitre la chasse au renard. Les autres sens figurés (croque-morts, prêtre en soutane, usurier) sont nettement plus récents.
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Si le diable de l'iconographie chrétienne est pourvu de cornes, de pieds fendus et d'une longue queue -attributs qu'il conserve pendant près d'un millénaire – c'est d'abord au taureau de Mithra qu'il le doit ; le bouc ne prendra le relais qu'à la fin du Moyen Âge. Animal cornu et païen, le taureau est abhorré par les Pères de l’Église et leurs épigones qui le dotent d'une symbolique entièrement négative.Celle-ci perdurera pendant de longs siècles.
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Le monde médiéval des serpents n'est pas un monde homogène.
D'un bestiaire à l'autre, d'un manuscrit à l'autre, la liste des animaux rangés sous ce nom varie grandement. D'autant qu'aux serpents proprement dits (aspics, vipères, couleuvre, mais aussi acontias, amphisbène, céraste et d'autres) s'ajoutent la famille hétérogène des lézards et celle plus hétérogène encore, des dragons. Parfois s'égrènent à la catégorie "serpents" des animaux que le zoologie médiévale ne sait pas classer : escargots, crapaud, caméléon, salamandre.
Le monde des vers (vermes) est encore plus disparate. On trouve toutes les larves mais aussi un grand nombre d'insectes - notion qui n'émergera clairement qu'au XVI siècle- quelques petits rongeurs (mulot, musaraigne) et des animaux totalement inattendus à cette place. Ainsi le Lynx, qui pour plusieurs auteurs, est "une sorte de grand ver blanc".
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La peinture flamande des XVè et XVIè siècles utilise parfois un procédé qui consiste à placer, en un endroit soit central, soit focal du tableau ou du panneau, un personnage en habits rayés, sur lequel le regard du spectateur s'accroche dès le contact avec l'œuvre. Quelquefois, ce personnage rayé fonctionne comme un véritable trompe-l'œil. Memling, Bosch, Bruegel et quelques autres sont particulièrement habiles à mettre ainsi en exergue non pas un des acteurs principaux de la scène ou de l'histoire, mais un comparse de troisième ordre dont le seul rôle est de détourner momentanément notre regard d'une zone du tableau pourtant essentielle et qui demande à se dévoiler lentement. Dans son célèbre portement de croix (1564), par exemple, tableau de très grandes dimensions comportant plus de cinq cent personnages, Bruegel a placé presque au centre de la composition un paysan anonyme et parfaitement anodin, marchant d'un pas pressé, couvert d'un bonnet et vêtu d'une robe à rayures obliques blanches et rouges. Parce que ces rayures forment un fort écart visuel avec ce qui les entoure, c'est d'abord vers ce paysan que se dirige l'œil du spectateur, et non pas vers le premier plan du tableau ou Jean et les saintes femmes tentent de soutenir la Vierge éplorée, et encore moins vers l'arrière-plan de la scène où le Christ, tombé sous le poids de sa croix, est perdu, comme oublié au milieu d'une foule indifférente.
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A présent, les nuances de rouge sont désignées par des formulations qui se veulent poétiques ou accrocheuses mais qui ne cherchent nullement à dire la couleur précise, plutôt à étonner, à intriguer, à faire rêver : Pivoine du matin, Belle d'Andrinople, Nuit de la Saint-Jean, Une fête à l'Opéra. Les marques rivalisent d'inventivité pour séduire le public féminin par la vaste palette des teintes et par la qualité des nouveaux produits, mais aussi par l'originalité des appellations. En même temps, de nombreux nuanciers sont proposés pour servir de guides ou de publicités. Ils constituent de véritables petits dictionnaires du rouge ; aucune autre couleur, dans aucun autre domaine, ne présente rien de semblable. En cette matière, le tournant décisif se situe probablement en 1927, lorsque le chimiste Paul Baudecroux invente un rouge à lèvres indélébile à base d'éosine, un rouge qui tient tout en "permettant le baiser". De couleur vive, presque agressive, il reçoit le joli nom de Rouge baiser et connaît un succès considérable jusqu'à la fin des années 1950, vanté par des actrices en vogue comme Nathalie Wood ou Audrey Hepburn.
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Il faut lire beaucoup pour récolter un peu
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Cette absence du bleu dans le code des marques discriminatoires - comme du reste dans le code des couleurs liturgiques - est en tout cas un document éloquent sur le peu d'intérêts porté à cette couleur par les codes sociaux et les systèmes de valeurs antérieurs au XIIIè siècle. Mais c'est aussi un facteur qui favorise sa promotion "morale". Puisqu'il n'est ni prescrit, ni interdit, son usage est libre, neutre, sans danger. C'est pourquoi sans doute, au fil des décennies, sur le vêtement masculin comme sur le vêtement féminin, sa présence se fait progressivement envahissante.
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Restons pour l'instant au XIIIè siècle qui nous a laissé plusieurs témoignages de conflits violents entre marchands de garance (plante qui sert à teindre en rouge) et marchands de guède. En Thuringe, les premiers vont jusqu'à demander à des maîtres verriers de représenter les diables en bleu sur les vitraux des églises afin de discréditer la mode nouvelle. Plus au nord, à Magdebourg, capitale du commerce de la garance pour toute l'Allemagne et les pays slaves, c'est l'enfer lui-même qui, en tant que lieu de mort et de douleur, est représenté en bleu sur les peintures murales pour discréditer la couleur nouvellement promue.
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Très tôt - dès le Ve siècle - l'Eglise chercha ... à christianiser cette date du 2 février, où les rituels païens semblaient encore vivaces et plus transgressifs qu'à n'importe quel autre moment de l'année. D'autant que la déshibernation de l'ours (occasion de grandes fêtes) n'était pas seule en cause. Le souvenir des lupercales romaines et des rites de fécondité qui les accompagnaient au milieu du mois de févier, n'avait pas totalement disparu, du moins dans les traditions savantes; ni peut-être celui de la grande fête de Proserpine, déesse des enfers, au début du même mois. Mais surtout, dans toute l'Europe du Nord et du Nord-Ouest, différents rituels de purification célébraient la fin de févier et le retour de la lumière. Chez les Celtes, par exemple, une grande fête, celle d'Imbolc, avait lieu le 1er février et glorifiait une déesse-mère au nom variable.

1196 - [Points H472, p. 150-151]
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... dès les premiers temps du christianisme, l'Eglise avait pris l'habitude de manipuler ou de modifier le calendrier. Il s'agissait pour elle de faire disparaître les fêtes romaines et d'y substituer des fêtes chrétiennes. En ville, cela se fit peu à peu, sans trop de difficultés, entre le IIe et le Ve siècle. Dans le monde des campagnes, en revanche, il en alla autrement. A côté des fêtes officielles, religieuses ou civiques, survivaient de nombreuses fêtes païennes liées au rythme des saisons, aux cycles de la nature, à la position des astres (solstices, équinoxes), voire à des coutumes ou des croyances issues des traditions mythologiques. Les éliminer était moins aisé, d'autant qu'elles correspondaient à des mythologies diverses (celte, germanique, slave) et qu'elles se répartissaient sur toute l'année. En outre, il ne s'agissait pas toujours de dates précises mais plutôt de moments calendaires variant avec la latitude et les cycles de la Lune. D'où, pour les nouvelles fêtes chrétiennes, des choix différents selon le diocèse, avant que ne se fixent, parfois tardivement, des dates communes à toute la chrétienté romaine.

1130 - [Points H472, p. 146]
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« Peut-on considérer tous les gros animaux domestiques comme des êtres moraux perfectibles ? » (p. 182)
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"La rayure médiévale était cause de désordre et de transgression. La rayure moderne et contemporaine s'est progressivement transformée en instrument de mise en ordre." (p. 15)

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A la suite d'Aristote, la plupart des savants du Moyen Age considèrent que la Terre est une sphère, mais beaucoup d'enlumineurs, peut-être plus par commodité que par ignorance, préfèrent la représenter comme un disque plat, divisé en trois parties (Europe, Asie, Afrique) et entouré d'un océan infranchissable. (...)
.
Barthélémy l'Anglais, De proprietatibus rerum - miniature d'Evrard d'Espinques, vers 1475-1480, Paris, BnF.
> VOIR ICI : http://expositions.bnf.fr/lamer/grand/011.htm
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Les récits médiévaux sont nombreux qui racontent comment, au cours d'un voyage, des marins prennent pour une île le dos d'une baleine se chauffant au soleil. Ils y abordent, s'y installent, font du feu, réveillant ainsi l'animal qui d'un seul coup de queue les précipite tous au fond des flots. Dans les bestiaires enluminés, la scène est souvent représentée et fait de la baleine un poisson gigantesque dont le corps est recouvert d'écailles. Son énorme gueule, dépourvue de fanons, l'apparente à un ogre qui peut tout engloutir : poissons, matelots et même des bateaux entiers.
> illustration à voir ici : http://saintbrendan.d-t-x.com/pages/Bestiaire/bestiaire03Dlien.html
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De nos jours, un certain occultisme de pacotille, commercial et puéril, continue de faire du corbeau un animal fréquemment sollicité par les revues militantes néo-celtes ou néo-vikings, les publications sataniques, la bande dessinée ésotérisante, les jeux vidéo "gothiques", le cinéma gore, l'heroic fantasy d'épouvante et les gadgets ou breloques démoniaques. Le noir de ses plumes s'y marie souvent avec le rouge du sang qui coule. Laissons aux exégètes futurs le soin d'apprécier dans quelques décennies l'apport de ce bric-à-brac à l'histoire et à la symbolique de notre oiseau.
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Cela dit, l'homme propose et la rayure dispose Sa nature et son fonctionnement propre ne peuvent se plier totalement aux codes que la société voudrait lui faire exprimer. Il y a toujours dans la rayure quelque chose qui résiste à l'instauration de systèmes, quelque chose qui porte le trouble et la confusion, quelque chose qui "fait désordre".
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