AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Pier Paolo Pasolini (115)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Une vie violente

Si proche de la Rome des monuments antiques et du Tibre, le quartier de Pietralata, autour de la rivière de l'Aniene, est l'image d'une Italie populaire et pouilleuse encore marquée par l'immédiat après-guerre. Prenant pour personnage central Tommaso Puzzilli, Pier Paolo Pasolini décrit, dans une langue qu'il a voulue la plus proche de la réalité possible, la vie et la mort d'un jeune homme marquées par la pauvreté, la violence et l'irrépressible passion de vivre. Moderne par la langue, par le choix des personnages, le roman de Pasolini est aussi puissamment moral, se rapprochant en cela du roman du dix-neuvième siècle. Tommaso, l'enfant pauvre, devient par sa seule rage un vitellono dont les mérites égalent ceux des autres. Mais la prison puis la maladie lui donneront une profondeur que ses proches amis n'approchent même pas. Son destin, ainsi, colle à celui d'une Italie orgueilleuse, belle et terrible à la fois qui, au carrefour du souvenir du fascisme et de la tentation du communisme, caresse l'espoir d'une vie meilleure.



Tommaso est d'abord un enfant qui passe ses journées dehors, à courir après des copains qui se montrent tantôt conciliants, tantôt rudes. Le diminutif - Tommasino - prouve le caractère enfantin du personnage. Sans cesse derrière Lello, qui le repousse souvent, son personnage est déjà marqué par une rage certaine : manière de montrer qu'il peut jurer et se conduire, lui aussi, comme un homme, manière aussi d'exécrer ce que les autres semblent penser de lui, à savoir qu'il est comme un boulet à leurs pieds, qu'ils aiment bien mais qu'ils traînent. Rapidement, les bêtises deviennent des délits, voire des crimes, si l'imagination nous autorise à penser cela. Car, si le vol par la ruse ou à l'arraché est décrit - lors de la virée nocturne, à bord d'une Fiat 1100, volée elle aussi, dans les stations services de la banlieue romaine -, on ne sait si le passage à tabac d'un pompiste conduit à sa mort. Pasolini le laisse là, au bord du chemin de son roman, et nous lecteurs suivons la jeunesse délinquante, embarqués dans sa quête d'argent facile. La contrainte, la confrontation physique, la menace font partie de la vie de Tommaso et de ses amis. Régulièrement, cela est justifié par la quête d'argent. Car il est indispensable pour flâner, se montrer, payer le café aux compères, sortir, impressionner une fille ou l'emmener au cinéma. Pourtant, ces actes demeurent impunis. Si Tommaso va en prison, c'est parce que la violence s'est imposée à lui, tandis qu'il désirait seulement que l'un de ses amis allât chanter la sérénade à Irène, une jeune fille dont Tommaso s'est entiché. De la prison, Pasolini ne parle presque pas. Elle est une parenthèse obligatoire dans le parcours de Tommaso, mais elle ne le change pas. D'ailleurs, lorsque Tommaso se présente à ses amis de son retour de prison, ceux-ci ne le célèbrent que très modérément : l'événement n'est pas si important, car rien n'a vraiment changé dans leurs vies quotidiennes.



La violence du titre n'est pas seulement exprimée en actes. Elle est une part intime de ces jeunes hommes, en même temps qu'elle est omniprésente dans leur environnement. L'amour lui-même est violent, comme si rien ne pouvait échapper à cette emprise. Dénué de tout confort matériel et spirituel, Tommaso a pour lui une rage de vivre, qui lui fait vouloir tout avoir, tout de suite. Cette rage s'exprime y compris dans les rapports que l'on supposerait plus apaisés. Ainsi avec Irène, sur laquelle Tommaso jette son dévolu car il pense que, dotée d'un physique ordinaire, elle ne le rejettera pas. Lorsqu'il l'invite au cinéma, il en profite pour lui imposer des caresses qu'elle se résigne à accepter. L'amour et le sexe sont contaminés. D'une certaine manière, la jouissance de l'un et de l'autre fait partie de l'attirail de tout bon vitellono. N'est pas un homme celui qui n'impose pas son désir aux autres. Il faut dire aussi que le sexe est une autre manière d'obtenir de l'argent, notamment auprès d'hommes plus âgés, homosexuels, tels l'instituteur, les hommes que l'on croise aux pissotières ou au cinéma.



Mais si Tommaso est un délinquant détestable en bien des points, il est aussi le fruit d'une société qui, dix ans après la fin de la guerre, suscite toujours des espoirs qu'elle ne satisfait pas. Pietralata est, moins qu'un quartier, un assemblement informe de baraques de bois et de tôles où s'entassent de pauvres familles venues des environs de Rome et des provinces du sud. Le café, où s'entasse la marmaille turbulente, est la seule animation du quartier. Les routes sont des chemins de terre que la pluie transforme en torrents de boue. Dans de telles conditions, les deux petits frères de Tommaso décèdent de maladie et d'accident. Sans doute ne sont-ils pas les seuls à être victimes de leur environnement. A sa sortie de prison, Tommaso a la bonne surprise de découvrir que ses parents ont déménagé dans les nouveaux immeubles construits une organisation gouvernementale. La reconstruction est une œuvre lente et inégale ; c'est d'ailleurs dans le bidonville de Pietralata qu'aura lieu la tragédie finale. En liant la misère sociale à la délinquance d'une jeunesse désœuvrée, Pasolini dessine le portrait inquiétant d'une Italie en plein chantier urbain, social et politique. L'ère fasciste n'est finalement pas si lointaine, et pour plusieurs personnages, la figure de Mussolini représente toujours la fierté nationale et, malgré la défaite, une époque dorée. La guerre a laissé des cicatrices : ce sont les ruines, ce sont aussi les souvenirs de proches assassinés par des factions politiques rivales. Ainsi Lello qui hurle, en pleine nuit, sa colère quant à son père assassiné par les communistes. Le communisme, justement, est une force qui compte dans le nouveau paysage politique italien. Tommaso, après son expérience au sanatorium durant laquelle il participe activement à une grève et à la résistance contre les forces de police, adhère justement au parti. Cet engagement participe aussi de la rédemption de Tommaso.



Le livre de Pasolini, à l'instar des grandes œuvres littéraires naturalistes, possède ainsi une puissante dimension morale. Enfant perdu sur le chemin de la violence, enfant perdu par son obsession de reconnaissance sociale, Tommaso se place, de par ses actes, en dehors des lois et de la morale sociale. Mais, plus que la prison, plus que l'emploi que Tommaso trouve au marché, plus encore que le projet de fiançailles avec Irène, c'est la maladie qui met à l'épreuve le corps et l'âme de Tommaso. Tuberculeux, le jeune homme fait preuve de courage lors de la grève du sanatorium, pendant laquelle il cache des hommes recherchés par la police. Le déluge final revêt l'aspect d'une épreuve biblique. Les éléments déchaînés, le danger pour les habitants démunis ainsi que pour Tommaso lui-même, l'incapacité des pompiers à porter secours démontrent que la rédemption de Tommaso est totale. Égaré, l'enfant qui représente une certaine Italie prouve que le pays peut se reconstruire, y compris moralement.



La force du roman de Pasolini tient enfin, évidemment, de la langue utilisée. Les dialogues se veulent le plus proche possible du parler populaire romain, avec des constructions grammaticales et syntaxicales à la fois très incorrectes et très vivantes. Ce souci de restitution de l'oralité contribue naturellement au réalisme de l'œuvre, rapprochant en cela le roman de Pasolini des œuvres cinématographiques de l'immédiat après-guerre italien. Si la lecture des passages argotiques peut se révéler ardue, elles donnent, par la violence même des mots usités, une dimension très moderne aux personnages, une profondeur vitale rare dans la littérature. Les dialogues sont empreints de la rage de ces jeunes hommes que la vie maltraite, et ils usent du seul langage dont ils ont l'absolue maîtrise : celui de la violence. Dans une société en ruine, l'homme retourne à son état de nature, cher aux philosophes des Lumières. Ce qui distingue alors l'homme de l'animal a pour nom la morale. Tommaso, figure quasi christique, en meurt pour le prouver.
Commenter  J’apprécie          70
L'odeur de l'Inde

Qui n’a déjà entendu Béatrice Dalle ou JoeyStarr, sur les antennes de la première radio de France, louer les mérites de Pier Paolo Pasolini ? Expliquer à qui veut l’entendre à quel point l’ami d’Elsa Morante et d’Alberto Moravia avait changé leur vie, bouleversé le cours des choses, et celui de la Littérature avant tout ? Et montrer, sur leurs bras, torse et chevilles, certaines de ses phrases tatouées à l’encre noire ?





Car s’il est clair que ces deux artistes ne se tiennent pas sur la première marche du podium des êtres qui m’inspirent, je dois avouer que l’énergie qu’ils dégagent lorsqu’ils parlent de Pasolini, leur verbe aussi haut qu’admiratif quand ils en citent les phrases et leur verve mystique ne m’ont pas laissée de marbre.





J’avais par ailleurs adoré le roman Dolce Vita (1959-1979) de Simonetta Greggio. Un texte admirable, éclaboussant et passionnant dessinant le portrait infiniment romanesque d’une Italie secouée par les affaires de mœurs, les scandales financiers, les enlèvements politiques et les attentats, et abordant la mort de Pasolini avec brio.





Alors, lorsque mercredi passé, en prenant ma pause déjeuner, mon regard s’est posé sur L’odeur de l’Inde rangée dans un des présentoirs extérieurs de la merveilleuse Librairie de la Louve à Lausanne, je me suis dit qu’il était temps de combler ma lacune, à savoir : lire mon premier Pasolini. Je ne risquais pas grand chose, L’odeur de l’Inde comptait 150 pages tout au plus et, comme disent les enfants, c’était écrit gros.





Voici le synopsis proposé par les Editions Denoël : En 1961, Pasolini fit un voyage avec Alberto Moravia et Elsa Morante. Le livre intensément lyrique qu’il en rapporta n’est pas vraiment un récit, mais une « odeur » respirée au cours de ses errances nocturnes. Les visions de l’extrême misère, les spectacles d’une étrange spiritualité sont pour lui comme autant d’étapes d’une descente au sein d’une humanité primitive, moins éloignée qu’on ne pourrait le croire du décor des Ragazzi ou d’Une vie violente.





S’il est entendu que parler aujourd’hui d’une « humanité primitive » est aussi choquant que terriblement faux, et que certaines des assertions de Pasolini semblent définitivement datées (et c’est tant mieux), nous avons, c’est certain, entre les mains un petit chef d’œuvre stylistique et langagier qui a su me séduire au plus au point. J’ai été conquise par la puissance d’évocation de l’auteur, sa capacité à mettre en mot ambiances et atmosphères, et la beauté de son phrasé.

Si riche de sens. D’odeurs et de bruits.

Avec lui, et en moins de temps qu’il n’en faut pour le réaliser, nous nous retrouvons propulsés dans les nuits bleutées de Bombay, à l’intérieur des échoppes microbiotiques qui les ceignent et sur les rives d’un fleuve près duquel on brûle les morts dans la joie.





Et comme il est délicieux de voyager dans le temps et dans l’espace sans décoller de son canapé,

de se plonger dans les miroitements crasseux du Gange,

de goûter aux plaisirs et langueurs de l’attente,

de prendre conscience de l’ampleur de la misère à Calcutta

et de la noblesse de la culture indienne,

de humer les odeurs d’un pays aussi riche que complexe,

et de s’allumer sous les feux d’un sourire,

il y a de grandes chances que ce petit roman sache vous emmener plus loin que vous ne pouvez l’imaginer.
Lien : https://www.mespetiteschroni..
Commenter  J’apprécie          30
La rage

On connait tous Pasolini. De plus ou moins près, mais nombre d’entre nous ont vu au moins un de ses films.



Personnellement mon préféré, c’est la rage.



Dans ce film il monte des images d’archives de documentaires/reportages/journaux TV et une voix off nous parle de notre monde. On voit des guerres notamment en Corée, on voit des gens, des lieux, un peu de tout. Les images s’imbriquent, se complètent et se répondent. J’ai toujours ressenti ce film très profondément même si c’est une époque assez loin de moi.

Le passage sur la Hongrie surtout.



Ce texte est la preuve que l’actualité humaine est perpétuellement atroce.



002922460Alors quand en passant à la Mouette Rieuse j’ai trouvé ce petit livre orange, je me devais de le lire. Je savais vaguement que Pasolini voulait mettre en place une nouvelle forme de scénarisation, plus lyrique, plus poétique et profonde. Sans les images le texte prend une dimension polémique presque plus forte : moins émotive en tout cas. Il voulait donner un souffle fort à ces images de reportage qui avaient à la base une fonction très utilitaire.

On notera la traduction superbe de Patricia Atzei et Benoît Casas, ça a du être rude de trouver les mots pour transcrire la force de ce texte.



Pour ce qui est de l’objet il est agréable. La couverture en carton est un peu fragile, mais ça va. Le format par contre, un peu carré, fonctionne très bien.



Je ne connaissais pas cette maison : Nous Now et je pense que je me pencherai plus sur la question.
Commenter  J’apprécie          10
L'odeur de l'Inde

* Pier Paolo Pasolini est un auteur, philosophie, poète et journaliste italien, né en 1922, et considéré comme l’un des plus grands intellectuels de son époque. Décadent, homosexuel, outrageux et révolté, sa vie est un amas de scandales et de provocations, aussi fous que l’est son génie. En 1975, il est froidement assassiné sur une plage par un jeune roumain, et encore aujourd’hui, les raisons de sa mort restent un mystère.



* Ici, Pasolini raconte son voyage en Inde avec ses camarades Alberto Moravia et Elsa Morante. Plus que tout, c’est l’odeur de l’Inde qui le marque et qui constitue ce récit : une odeur de rue, de corps qui dorment à même le sol, l’odeur du Gange noyé de ses morts et dans lesquels se lavent les vivants, symbole suprême de l’ambivalence du pays, alors sous l’influence des Britanniques.



* Mais l’Inde ce sont aussi des jeunes hommes, leur peau brune et leurs sourires éblouissants, une sorte de foi inaltérable, une joie indéfectible. Le sourire comme étendard de l’optimisme, du changement possible. L’Inde est multiple, complexe, les religions s’y mêlent, les castes aussi ; ancrés au plus profond de ce qui la définit, saura-t-elle surpasser cette essence dans laquelle elle est engluée ? Il semblerait que non.



* L’un des passages qui m’a le plus marquée est celui sur la manière indienne de dire « oui », décrite par l’auteur. Pas un hochement horizontal, ni même vertical ; un dodelinement, qui pourrait dire oui comme il pourrait dire non, une sorte de résilience intrinsèque. La métaphore d’un peuple aux mille visages, aux mille richesses, englouti par sa misère.
Commenter  J’apprécie          102
Philippe Seclier - La Longue Route De Sable..

Bien écrit, mais à force de descriptions, quelques fois assez simplistes,et très longues,pas forcément bien traduit de l'italien, on ressent une certaine lassitude, reste des moments très bien rendu par Pasolini
Commenter  J’apprécie          00
L'odeur de l'Inde

Une plume très poétique avec laquelle Pasolini nous raconte son voyage en Inde, dans toute sa beauté et sa misère. Ce récit de voyage nous expose son expérience dans l'Inde de 1961, de Bombay à Dehli, en passant par Calcutta (et sa rencontre avec Mère Thérésa), et l'inoubliable Bénarès avec ses rites funéraires au bord du Gange.

On ressent bien le choc de culture que constitue l'Inde pour un occidental (le poid des castes, la pauvreté), mais en même temps on aperçoit également la dignité et la simplicité de ces habitants.

Pour les personnes qui souhaitent se documenter sur Pasolini et son compagnon de voyage Moravia, ce livre est également une source biographique où l'on comprend mieux la personnalité de ces deux auteurs.

Pasolini rencontre et aide un jeune Indien nommé Revi. Au delà de ce récit de voyage, il serait intéressant de savoir ce que Revi est devenu.

Commenter  J’apprécie          30
Les Anges distraits

Toute l'enfance puis la jeunesse de Pasolini dans le Frioul tant aimé.

C'est à travers ces pages, courir avec lui en culottes courtes dans les rues de Crémone, c'est être un sage écolier de Pordenone, Carsara captivé par le maître, autant que distrait par la vie rurale et païenne que la chrétienté peine à toucher, c'est être dans la cellule du parti sous le portait de Lenine et le regard du Christ.
Commenter  J’apprécie          50
Médée

J'aime beaucoup Pier Paolo Pasolini mais j'avoue que sa « Médée » ne m'a pas entièrement séduite même si elle est interprétée au cinéma par Maria Callas. D'ailleurs, c'est peut-être pour cette raison car la cantatrice est célèbre et Pasolini l'a entourée d'inconnus, souvent non professionnels, comme il en a l'habitude (ce que je trouve bien et donne un côté authentique). Il a été influencé par Rossellini, le producteur, pour la faire jouer. Je trouve qu'elle n'est pas à sa place, elle rayonne beaucoup trop par rapport à Jason et on se demande comment elle peut sacrifier sa patrie sans hésiter en volant la Toison d'Or pour lui.

Cette toison est le symbole de l'absolu et de la pérennité du règne de l'homme d'après le scénario et Jason doit la conquérir et la rapporter à Pélias, son oncle, pour qu'il se résigne à lui céder le royaume usurpé.

Même si l'on retrouve chez Pasolini la trame de la tragédie d'Euripide il y a une partie assez longue sur les rites de purifications et sacrifices humains en Colchide où vit Médée. J'ai cru que c'était la reine mais c'est la fille du roi car elle est un peu âgée pour le rôle même si Maria Callas est extrêmement belle.

Il faut dire aussi qu'il y a beaucoup de plans fixes sans dialogue dans le film alors cela n'aide pas à comprendre les subtilités souhaitées par Pasolini. Je pense donc avoir fait une erreur en regardant le film avant de lire le livre.

Je me suis donc procuré ce livre pour mieux comprendre les intentions de l'auteur car je pensais qu'il s'agissait du scénario. En fait, c'est un recueil en quatre parties. La première est très intéressante puisqu'il s'agit d'un entretien avec Maria Callas qui n'a rien d'une diva et qui semble d'une grande simplicité dans son rapport aux autres (sauf avec les paparazzis et c'est normal). Il y a ensuite, non pas le scénario mais une trame intitulée Visions de la Médée de Pasolini. le problème est que cette partie est beaucoup plus détaillée que ce que j'ai vu dans le film. Il y a ensuite les dialogues en français que j'ai bien retrouvés mais cette fois-ci sans explications du contexte. La dernière partie concerne les poèmes que Pasolini a écrits durant le tournage mais je dois dire que je n'ai pas vu le rapport avec Médée, femme qui se sacrifie par vengeance.

Je ne peux pas dire que ce livre n'est pas bien mais j'aurai aimé être plus touchée.





Commenter  J’apprécie          70
Une vie violente

Dans la lignée des Ragazzi, un bel ouvrage de Pier Paolo.

Quel texte !

Mais je ne suis pas complètement convaincu par cette nouvelle traduction, avec l'emploi de mots très d'aujourd'hui tels pétasse ou meufs.

Commenter  J’apprécie          10
Médée

Ce scénario du film réalisé en 1969 porte un titre qui représente bien le contenu du film mais aussi la manière de procéder de l’écrivain-réalisateur. Il s’agit bien d’une série de « visions », de rêves, visuels. L’auteur décrit ce qu’il voit et pourquoi ces personnages agissent. Dépassant le cadre du script, contenant des passages modifiés ou supprimés, les Visions sont un complément important pour le film, amenant à une plus riche compréhension d’un film à l’image hypnotique. Le scénario donne toute la valeur symbolique de ces images. Même si de nombreuses choses demeurent indécises et inquiétantes pour le lecteur-spectateur.

Peut-être encore plus que dans les adaptations théâtrales, le Jason de Pasolini est un salaud, sans honte ni sans pitié pour la jeune femme, tout à son ambition. Les Argonautes sont une bande voyous comparables aux errants de Rome que l’on peut rencontrer dans les premiers films du réalisateur. Cependant, Jason, en tant qu’incarnation d’une jeunesse sans foi ni loi, résolument moderne par son égoïsme, allant même contre sa nature, ignorant même l’élan de son coeur pour satisfaire son désir de gloire, en devient un vrai personnage tragique, alors qu’il n’était qu’un mauvais justement puni dans les drames. Le personnage est inconsistant, enveloppe vide, dont même les sentiments, l’émotion, sont refusés. C’est une sorte de self made man avant l’heure, un vainqueur dans la compétition individualiste moderne.

Tout comme dans le film, ces visions tournent autour de Médée. Le personnage d’étrangère, arrachée, est renforcé. Mais, la jeune femme ne tombe pas amoureuse de l’homme, comme dans la légende, mais de la réputation, du destin de l’homme, avant de le rencontrer. C’est du symbole de modernité, de liberté, de force, de jeunesse sanguine, ce voyou ayant perdu le sens du sacré, que Médée tombe amoureuse. Elle renie sa culture, sa famille, séduite par l’appel de la modernité, du monde, de la conquête, de l’ambition fougueuse de la jeunesse, de cette civilisation de mouvement et d’agitation qui fait contraste avec la culture arrêtée, ancestrale, pleine de codes et de lourdeurs. En cela, l’auteur exprime clairement son rejet de la société moderne. Si la fibre politique de gauche de l’auteur est connue, elle ne se fait pas sans un dégoût pour la société athée, techniciste, individualiste. Les sociétés anciennes étaient certes monstrueuses, mais elles donnaient un sens à la vie.

En cela, Pasolini dénonce les fausses aspirations d’une jeunesse à une liberté perverse, à un monde sans dieu, sans aîné, sans culture, sans révérence. Une dénonciation qui prend tout à fait sens dans le contexte de création du film, Pasolini ayant très clairement pris position contre les fils de la bourgeoisie qui selon lui ont mené la révolte de mai 68. Les conséquences en sont cette totale perte de repères de Médée qui devient monstre, par sa souffrance, son refus d’être un laisser de côté, une victime collatérale de la lutte individualiste de Jason. Médée refusant de mourir avec sa société dépassée, Médée refusant d’être une victime, une perdante, une faible dans cette lutte moderne, se raccroche contre sa nature à cet homme perdu, qui va la perdre.

On retrouve ainsi l’explication plus traditionnelle de la colère première de Médée, la jeune femme est aussi symbole de l’abandon de la famille pour l’amour. La femme s’oublie, sacrifie tout pour son amour, pour l’homme trompeur. Ressaisit tout son indépendance, sa sauvagerie de femme, sa force, pour venger et se venger d’elle-même, de sa bêtise, par la destruction de ses enfants et d’elle-même.
Lien : https://leluronum.art.blog/2..
Commenter  J’apprécie          20
Les Ragazzi

Les Ragazzi se déroule dans les années suivant la dernière guerre, à Rome. Oubliez la carte postale, le Colisée, le Forum Romain, la Place Navone, la Place d'Espagne et tant d'autres monuments ; ils sont mentionnés mais comme pour contraster avec le décor de l'histoire. Les "gamins" donc, ont pour cadre les confins de la ville éternelle, et sont les personnages du récit. Ces lieux sont comme les excréments d'un organisme vivant. Usines polluantes, friches industrielles, montagnes de détritus, terrains vagues envahis d'herbes folles, enchevêtrement de métaux rouillés, maisons inachevées, logement de fortunes, taudis, routes défoncées. Les gosses sont les rejetons du sous prolétariat, complètement laissés à eux-mêmes, haves, pouilleux, morveux, vêtus de haillons. Leurs mères, accablées de tâches ménagères, gardent les plus jeunes à la maison, servent de défouloir aux maris chômeurs et alcooliques. Rien n'incline les petits vagabonds à rejoindre "le foyer", ils n'y trouvent en guise d'attention, que les récriminations de leur génitrice et les paires de baffes du père. Ainsi nos ragazzi, vieillis avant l'âge, se débrouillent pour survivre et errent en bande. Larcins, combines, déprédations, menus travaux, entraide, tout est bon pour faire taire leur ventre qui crie famine. Même s'ils jouent, se roulent dans la poussière, s'ébattent dans la boue, se talochent, se baigne dans le Tibre qui ressemble plus à un cloaque qu'à un fleuve, ils sont à l'affut de la moindre opportunité, quitte à jouer les chiffonniers ou trainer sur plusieurs kilomètres des métaux pour gratter quelques pièces.



La pauvreté n'est pas une honte. On peut garder sa dignité, n'avoir qu'un pantalon, qu'une chemise, qu'une paire de chaussures mêmes usés et les maintenir propres. Que sépare ces âmes des pourceaux ? le langage articulé certes, mais même l'innocence de leur âge ils l'ont perdu. C'est tellement répugnant qu'on a du mal à éprouver de l'empathie, une réaction de rejet naturelle prend le dessus, pourtant ce ne sont que des victimes. Comme un clochard rentrant dans votre bus, vous pouvez éprouver de la pitié pour lui mais c'est le remugle qui vous frappe tout d'abord, Bien des livres abordent la pauvreté de l'Inde et de l'Afrique. Mais cette misère à quelques kilomètres des splendeurs de Rome c'est inconcevable. L'usage de l'argot rend l'expérience plus réaliste, mais vu que la traduction date de 1958, le recours au dictionnaire s'impose. C'est très certainement une des oeuvres les plus dérangeantes et atroces que j'ai lu. Non Passolini n'était pas qu'un réalisateur de premier plan, c'était aussi un grand écrivain.
Commenter  J’apprécie          90
Une vie violente

vis



L'histoire est celle de Tomasso, un petit voyou italien qui a grandi dans les quartiers pauvres de Rome. De son enfance à sa mort, il ne rencontrera que pauvreté et violence. C'est une livre sans espoir, où la violence et un déterminisme obscur viennent à chaque page nous accabler un peu plus.





L'histoire est dure, le ton l'est tout autant. La vie de Tomasso nous est décrite sans fards. C'est une plongée sans retour, insidieuse, brûlante. Il est difficile de décrire les péripéties que vit le protagoniste. Il est même difficile de parler de ce livre. Il faut le lire.

J'avais déjà essayé, il y a plusieurs années, de m'attaquer à cette oeuvre de Pasolini. Mais les tournures argotiques et le vocabulaire m'avait freinée, au point de stopper totalement ma lecture.





Cette fois, ce ne fut pas le cas, mais il est vrai que le lecteur doit fournir à chaque instant un effort de concentration et de compréhension assez pénible. Finalement, on en sort quelque peu nauséeux, et indécis. Ecoeuré par un monde qui conduit inexorablement ses enfants à abattoir, et révolté par sa propre impuissance. 

A découvrir.
Lien : http://mademoisellemalenia.o..
Commenter  J’apprécie          10
Une vie violente

"Une vie violente", ou vie et mort d'un pauvre bougre dans les bas-fonds romains des années 60.

Tommaso est un sale garnement d'un quartier pouilleux de Rome. Autour de lui il n'y a que crasse, puanteur, misère, maladie, faim. Un terreau idéal pour Dame Violence. de fait, le quotidien de Tommaso et de ses compères d'infortune est fait de vols de voiture, de braquages, de bagarres, d'agressions de prostituées. Condamné à deux ans de prison alors qu'il n'a pas 20 ans, Tommaso, à sa sortie, décide de prendre sa vie en main et de se caser avec Irene. Mais, ces bonnes résolutions à peine prises, il se découvre tuberculeux et est hospitalisé. Il en réchappe mais reste en sursis, et on ignore si son héroïsme lors d'une grave inondation du quartier lui aura ouvert les portes du Paradis…

"Une vie violente" est un roman difficile, de par la violence (parfois gratuite, m'a-t-il semblé) dont font preuve ses personnages, décrite sans fard et sans pincettes, par la précarité et la promiscuité de ces vies de crève-la-faim. Difficile aussi par ses dialogues en argot, que j'ai trouvés pénibles à lire et qui m'ont beaucoup freinée dans ma lecture (j'ignore à cet égard quel a pu être l'apport de la nouvelle traduction). Pourtant, ce sont ces mêmes éléments (violence et langage) qui donnent une puissance folle à ce roman. Avec cette description hyperréaliste de vies violentes et violentées par … la vie, et malgré des personnages peu attachants aux agissements et convictions parfois obscurs, ce livre ne laisse pas non plus son lecteur indemne.

En partenariat avec les Editions Buchet-Chastel via Netgalley.

#UneVieViolente #NetGalleyFrance
Lien : https://voyagesaufildespages..
Commenter  J’apprécie          483
Une vie violente

« Une vie violente » de Pier Paolo Pasolini (1922-1975) s'offre une nouvelle traduction grâce à Jean-Paul Mangarano et je peux enfin découvrir l'auteur dont j'avais déjà lu plusieurs fois des citations mais jamais un texte complet. La présentation du roman souligne « un classique contemporain au réalisme brutal ». Effectivement, nous y sommes totalement puisque Pasolini nous plonge dans les bas-fond de la pauvreté romaine avec tout ce que cela peut entraîner. L'écriture navigue entre termes littéraires et familiers de façon très efficace et très juste. Les dialogues sont particulièrement argotiques et peuvent mettre en difficulté, durant la lecture. Le lecteur fait partie des personnages. On se sent poisseux. Comme eux. Ce roman est aussi une porte d'entrée pour découvrir l'auteur dont le côté scandaleux n'est plus à prouver.
Lien : http://lireparelora.wordpres..
Commenter  J’apprécie          40
L'odeur de l'Inde

En 1961, Moravia et Pasolini font ensemble un voyage: l'expérience de l'Inde. Deux sensibilités, un voyage, deux récits. Moravia publie chez Bompiani, L'idée de l'Inde, un livre admirable, récit dépassionné, écrit à froid, désabusé, mais pas insensible. L'Inde le bouleverse, l'afflige: le laisse perplexe, sans voix. Nos outils épistémiques habituels deviennent soudain futiles, inopérants. Le filet sécurisant de nos théories explicatives est rompu, on n'est plus soutenu par rien. Rien ne nous protège contre la laideur et la misère, contre l'arbitraire de la souffrance. Nous sommes face à face avec nos propres frayeurs et nos fragilités. Bannis de notre réconfortante zone de confort, nous sommes nus et désarmés - lâchés dans l'arène aux lions - dans l'effroi confondant et inexprimable de la misère sociale. le récit de Moravia exprime ce malaise. Il fait un effort soutenu, parfois inutile, de trouver un sens, cherchant à reconstituer le contexte, qui le permettra de surmonter, d'amoindrir l'impact de ce voyage, épreuve, qui sans doute est aussi pour lui une remise en question de ses principes, de son mode de vie et de son métier. On ne revient pas indemne de l'Inde, où le réel est tout sauf rationnel et où, la rationalité est peu de chose face à la réalité. L'effort de penser est peut-être une ultime tentative de contrôle. Pasolini dépasse ce dilemme, ne se laisse pas prendre au jeu desséchant de l'intellect. Chez lui, l'empathie a le dernier mot. Il sait que la compassion et la tendresse seuls peuvent faire des miracles. Mais au-delà des différences, les récits se croisent et se complètent: les deux amis ne sont pas indifférents à ces cohues de gueux et de quémandeurs, d'enfants et de femmes, qui ne leur tendent même pas la main et que même en ignorant leur langue, ils comprennent. Mais des deux, Pasolini est encore le plus touchant, parce qu'il se laisse toucher. Plus vulnérable et plus affectueux aussi. Il s'expose plus, se protège moins, tout en gardant une candeur et une confiance indéfectibles. "Rien n'est plus violent que la douceur", écrivait Nicolas de Staël. Il en est question justement dans L'odeur de l'Inde: une douceur qui se laisse contaminer par la pitié et qui vite devient insoutenable. Un grand livre.
Commenter  J’apprécie          300
Lettres luthériennes : Petit traité pédagogique

Rassemblant des textes tardifs, écrits d’une plume à la fois pleine de gravité, juste avant sa mort, dont il analyse avec une intuition incroyable la source (il est assassiné par le milieu social et culturel dont il ne cesse de s’inquiéter dans ces écrits même, de manière obsédante, avec une attention précise aux faits divers sordides, dont il sera bientôt un protagoniste), Pier Paolo Pasolini montre dans « les lettres luthériennes » toute sa fureur solitaire, sa détermination à penser, penser, penser, contre son confort, contre l’air du temps, contre sa famille de pensée (le progressisme), contre lui-même (il va jusqu’à abjurer les films qu’il a créés il y a peu), contre les pouvoirs : celui déclinant d’une Démocratie chrétienne dominante dont il prévoit la disparition dans le berlusconisme dont il ne connaît pas le nom mais qu’il dessine précisément, contre le pouvoir de l’argent, qu’il qualifie déjà, en 1975, de « transnational » (ce que les économistes critiques ne feront que dans les années 90).







« Les lettres luthériennes » sont un prolongement de ses « écrits corsaires » parus précédemment, qui voient Pasolini se jeter de toutes ses forces dans la bataille polémique, essayant d’expliquer aux progressistes que le progrès, c’est à dire le développement capitaliste fondé sur l’élargissement de la consommation est en train de les piéger, en refermant tout horizon de substitution au règne marchand.







Conscient qu’il est d’une gigantesque révolution en cours, pendant qu’elle se produit, il lutte avec sa plume, et nous livre des textes d’une étrange essence, d’un genre inédit, qui ne ressemblent à rien d’autre, mêlant gravité et dérision, y compris l’auto dérision de sa lucidité impuissante. Un mélange inédit de prose poétique, de familiarité, de pamphlet utilisant l’anecdote et de fulgurance poétique, tout cela intégrant des pans de marxisme parfois très orthodoxe. Pasolini est désespéré et lutte, car il sait et l’exprime très poétiquement, avec son propre cas, que ce sont les choses qui éduquent, plus que les opinions et sermons. La télévision en particulier, offre des modèles sans besoin de discours. Ces modèles s’imposent, en façonnant les personnalités. Il y a tout Bourdieu chez Pasolini.







La révolution arrive d’outre atlantique, où elle a démarré après-guerre, elle débarque en Italie, sans transition (c’est cette absence de transition qui l’inquiète car rien ne permet d’amortir la violence de cette révolution) : la société de consommation qui unifie culturellement l’Italie, et en élimine les cultures particulières et d’abord la culture populaire en tant qu’autonomie dans la société. C’est une société de petit bourgeois qui s’impose. Mais de petits bourgeois souvent sans moyens, donc de frustrés, donc de brutes. Ce sont ces brutes matérialistes, privées de leurs repères culturels, c’est à dire de leur décence commune (Pasolini est le fils caché d’Orwell, indéniablement. Il ne le cite jamais, pourtant. Comme il l’est de l’Ecole de Francfort, qu’il ne cite pas non plus. Il pense son Italie, charnellement, seul face à elle, avec l’aide de Marx). Ce sont ces petites brutes qui le tueront bientôt sur la plage. Il les connaît, il aime à vivre parmi eux, il aime à trainer dans les quartiers ouvriers et lumpénisés de Rome, où il voit un peuple italien se transformer à grande vitesse, bouleversé par les valeurs de la consommation qui détruisent toute autre valeur. Pasolini voit le monde de Houellebecq et de Bret Easton Ellis se mettre en place, mais il est particulièrement inquiet pour l’Italie, car celle-ci passe directement d’un monde pré industriel à la société de l’hypermarché, sans qu’une nouvelle culture puisse s’interposer.







Pourquoi Luther ? Il ne le dit pas, mais on peut penser que Luther a été l’annonciateur d’un virage anthropologique. Celui de l’apparition de l’individu. Et Pasolini, dans les années soixante, est le cri d’alerte d’un autre virage, celui qui passe du capitalisme industriel, celui des marchands de canon, à celui des frigidaires. Le pouvoir n’a plus tellement besoin de tirer sur la contre société, puisqu’il l’a ralliée, avec la promesse de la marchandise et du confort, tout en annihilant sa capacité d’organisation, de solidarité, de création d’une alternative sociale. Tout cela sera confirmé par les faits. Pasolini a eu raison. Il sait qu’il aura raison, et il en est furieux. A ce moment là, il essaie encore de trouver un espoir en se raccrochant à un changement du Parti communiste italien, grâce à ses jeunesses. Un espoir qui sera douché, puisque précisément ce sont ces communistes là, les italiens, qui iront le plus loin et le plus vite dans le ralliement aux valeurs « démocratiques » de la société de marché. Quand il seront mûrs, vieillis, et qu’ils seront au pouvoir en Italie.







La colère de Pasolini se dresse contre la Démocratie Chrétienne, faussement chrétienne à son sens, ne gardant du catholicisme que l’hypocrisie, dont il voit la mort arriver, car le monde catholique s’effondre, qui a laissé cette révolution marchande déferler sur l’italie, l’enlaidir (sur le plan urbain en particulier). L’Eglise est réduite, comme dans « le Parrain » de Coppola quelque temps plus tard, à une machine financière. Il n’aura pas l’occasion de voir les horreurs de la télé berlusconienne mais il la pressent. Il sait déjà que c’est l’ennemi. Il propose, de manière provocatrice, l’abolition de la télévision. Mais aussi… de l’école, dans la mesure où il la voit tout à fait incapable de s’opposer à ces lames de fond, et donc productrice de rancœur et de conformisme. Qui lui donnerait tort aujourd’hui, à ce grand scandaleux ? Pasolini était très lucide sur la déliquescence maffieuse de la politique italienne, sur les liens entre le pouvoir italien et la CIA. L’Italie, située sur un nœud géopolitique de la guerre froide, et dotée d’un grand Parti communiste, était un enjeu extrêmement sensible pour les deux blocs. Pasolini savait que le remplacement du fascisme par une démocratie chrétienne ne changeait pas grand chose aux rapports sociaux dans son pays. Mais il a aussi su sortir de cette analyse et voir tout de suite en quoi les transformations économiques allaient modifier son pays, jusqu’à produire une « humanité nouvelle ». Il en a été l’annonciateur isolé, hurlant. L’hédonisme s’est installé. Et oui, il menace le monde, la planète, et Pasolini le dit dès les années soixante.







Mais c’est d’abord la jeunesse qui préoccupe Pier Paolo Pasolini. Et les lettres luthériennes commencent comme une lettre de Sénèque à Lucilius : en l’occurrence un jeune qu’il imagine, nommé Genariello. Comme une leçon philosophique à un jeune crée de toutes pièces. Il est dur et sévère avec cette jeunesse qu’il ne voit pas réagir, qu’il voit devenir vulgaire au contact de la marchandise. De sa rage, ils les qualifient de « monstres ». Il n’aura pas ménagé les électrochocs. Il voit cette jeunesse, ne pas profiter de la libération sexuelle, mais en ressortir névrosée. Il pressent l’expansion de la drogue, qu’il définit comme « un ersatz de la culture« . Le grand vide de civilisation cherche à se combler. La drogue y pourvoira.







Il y a cette idée, très contemporaine, aussi, chez Pasolini : la pauvreté n’est pas la pire des choses. C’est la misère culturelle qui lui donne toute sa laideur. En ce sens, lire Pasolini aujourd’hui est stupéfiant, tant ce qu’il décrit est encore pertinent pour comprendre nos maux, pour saisir la défaite populaire. Pour comprendre aussi, pourquoi le jihad est un absolu, comme la drogue, de substitution au vide :







» La culture des classes subalternes n’existe (presque) plus : seule existe l’économie des classes subalternes. J’ai répété une infinité de fois, dans ces maudits articles, que le malheur atroce, ou l’agressivité criminelle, des jeunes prolétaires et sous-prolétaires, provient précisément du déséquilibre entre culture et condition économique. Il provient de l’impossibilité de réaliser (sinon par mimétisme) des modèles culturels bourgeois, à cause de la pauvreté qui demeure, déguisée en une amélioration illusoire du niveau de vie« .



C’est terrible, d’avoir raison.
Lien : http://mesmilleetunenuitsali..
Commenter  J’apprécie          50
Qui je suis

Qui je suis est à la fois une autobiographie et de la poésie tant les phrases de Pasolini brillent de leur beauté. Pasolini nous décrit ses parents, sa région, son engagement poétique, politique, son amour de la vie, ses désirs, ses luttes. Il se définit comme un petit bourgeois, et nous raconte comment il est devenu communiste. Il nous parle également des prémices de son expérience cinématographique. Ce texte inédit a été écrit en 1966 à New York. La fin est magnifique sur ses désirs les plus profonds.
Commenter  J’apprécie          90
Les cendres de Gramsci - La religion de not..

En édition bilingue, de très larges extraits des trois recueils poétiques essentiels de Pasolini. Une interrogation fulgurante, joueuse et déchirante, aujourd’hui comme hier.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2019/08/21/note-de-lecture-les-cendres-de-gramsci-suivi-de-la-religion-de-notre-temps-et-de-poesie-en-forme-de-rose-pier-paolo-pasolini/
Lien : https://charybde2.wordpress...
Commenter  J’apprécie          20
Théorème

Commenter  J’apprécie          20
Écrits corsaires

Commenter  J’apprécie          20




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Pier Paolo Pasolini (1088)Voir plus

Quiz Voir plus

Naruto Shippuden

Comment s’appelle le meilleur ami de naruto ?

Madara
Naruto
Sasuke
Kakashi

11 questions
1273 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}