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Critiques de Raoul Vaneigem (34)
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Acratie et autogestion: Vers une société en r..

Bon, mauvaise pioche !



Mais c'est que ça glose morose, d'abord. Après les vingt premières pages de péroraisons déprimantes, je ne voyais toujours pas arriver l'avènement redemptoire d’une société acratique. Les élucubrations abstraites des pages suivantes ne m'ont pas davantage guidée.



« Vers une société en rupture avec tous les modes de gouvernements oppressifs » ...je m'attendais quand même à un texte plus libérateur et inventif.



Donc, vivre dans cette société opprimante et prédatrice, c'est méphitique et la lumière au bout du tunnel annoncée, on ne l'entraperçoit que portée par de mystiques résistants chargés de réveiller les résignés les plus léthargiques d'entre nous. Ainsi : « Profond est le sommeil des résignés mais l'éveil de quelques uns a sur le monde un effet de résonance qui empêche le ronflement d'un grand nombre de se muer en râles d'agonie. » (évangile selon Vaneigen, page 17).



Qu'est-ce qui est ronflant ? Ça ressemble quand même à une prophétie loufoque, non ?



L'auteur nous avertit : « Ceci n'est ni un manifeste ni un présentoir de mots d'ordre. C'est tout au plus un jardin d'aphorismes où l'invite à se promener autorise le lecteur à cueillir et à cultiver ce qui lui parait propice à son émancipation existentielle et sociale. »



C'est vrai, j'ai cueilli quelques jolies sentences mais je ne sais pas ce qui va en germer.



Allez, 2 étoiles, une pour le berger, l'autre pour l'illuminé, et chacune pour ce livre que j'aurai vraisemblablement aussi vite lu qu'oublié.
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Pour une internationale du genre humain



Ecrivain et philosophe belge, Raoul Vaneigem participa à l'internationale situationniste auprès de Guy Debord et a écrit une ribambelle d'ouvrage des années 60 à nos jours. Je l'ai connu j'avoue, grâce à la reprise de René Binamé "La vie s'écoule, la vie s'enfuit". Puis je suis tombé sur cet ouvrage paru à l'aube du XXIème siècle à une foire du livre.

Contrairement à un Proudhon ou un Kropotkine, Raoul Vaneigem s'offre le recul nécessaire d'une pensée qui a évolué en un peu plus d'un siècle pour la redistiller à la sauce contemporaine.

Il s'agit d'une fronde incendiaire contre le capitalisme et l'économie de marché, l'oppression et par la même occasion contre toutes les religions.

Dès que l'homme a cessé d'être chasseur cueilleur, il est devenu une machine à produire. Le travail est né. D'abord dominé par la crainte de l'enfer psalmodiée par les représentants des dogmes, l'homme a accepté sa vie de souffrance. Avec l'arrivée des Lumières, de l'industrialisation et du capitalisme il a fallu qu'il mérite sa pitance avec cette crainte perpétuelle et cet abrutissement par l'effort. Le capitalisme a jeté les base de l'argent pour l'argent qui devient une pure aberration puisqu' on perd sa vie à la gagner pour pouvoir s'offrir des biens de consommation de plus en plus inutiles et vides de sens. L'idée fallacieuse d'une croissance infinie au détriment de toute forme de vie à fait basculer l'univers dans une autodestruction galopante. Toute la société mondialisée base ses fondements sur l'argent au détriment du respect de la faune et la flore terrestre. Le salut est dans la radicalité contre toutes les idéologies fascistes ou pseudo communistes, contre l'humanisme de pacotille, contre l'humain objet. La sacrosainte Etique avec laquelle le néocapitalisme actuel tente de nous faire avaler la pilule n'est qu'un leurre qui cache l'ogre avide d'argent vide de sens.

On ferme cet essai sur la fin un peu fatiguant à force de martelage contre le capitalisme avec le sentiment d'avoir vu se dessiner d'abord une trame des idées qui à force de se développer et se répéter avec divers arguments fait apparaître la solide base pour une société humaine où seule la jouissance de chacun et de tous doit primer.

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Rien ne résiste à la joie de vivre

Raoul Vaneigem formule un appel revigorant à ce que nous nous extirpions, par le biais de la joie de vivre, de l’entraide mais aussi de la liberté, du “baquet de la servitude volontaire”.
Lien : https://www.lesinrocks.com/l..
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Avertissement aux écoliers et lycéens

Vaneigem démontre l'obsolescence de notre système scolaire, imitation du système carcéral au profit de la société capitaliste, et enjoint aux enseignants et élèves à favoriser l'esprit de vie à l'école.



 A LIRE (parce que j'ai choisi un extrait mais qu'il y en avait bien 30 autres qui valaient la peine d'être retenus) !
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Avertissement aux écoliers et lycéens

Malgré la modernisation du pays, malgré mai 68, malgré l’abandon des châtiments corporels, la fin du pouvoir absolu du père de famille et l’autorité indiscutable de l’État-patrie, malgré les apports des pédagogies alternatives, le système scolaire conserve des allures de prison et de centre de dressage... En bon situationniste, Vaneigem remarque que la persistance morbide de l’organisation verticale dans l'école n'est que le reflet de l'organisation pyramidale de la société, l’école étant dès lors un jeu de rôles formateur, une répétition de la vie de domination qui aura lieu dans l’usine ou dans l’entreprise, voire dans toute la société. L'erreur fondamentale, selon lui, est d'avoir adopté la morale et les manières de faire du monde des affaires (après avoir rejeté celles de l'armée), du monde économique, un monde dont la morale est profondément suspecte ! Où la concurrence est sans pitié, où l'on élimine les faibles, on les licencie, on les rachète, on les trompe, on dissimule, on réalise des coups, on spécule, on parie... pas vu pas pris... La belle concurrence sportive que prônent les penseurs de la religion du management, cache en réalité le caractère jetable et remplaçable du sportif, les intérêts financiers dominants. L'auteur considère que ces valeurs sont celles d'une "société mafieuse". L'autre face de ce système de valeurs, c'est l'assistance, la charité pour le faible, pour celui qui échoue. On le sait la charité est souvent le moyen de blanchir l'argent des trafics. L'école fait ainsi preuve de bienveillance envers ses mauvais élèves (non-redoublement, activités de rattrapage faciles, générosité des notes ou des coefficients...) comme une charité qu'on donnerait gentiment pour encourager à reprendre sa place dans la compétition. On n'est pas si méchant, voyez-vous, alors soyez sages et faîtes comme on vous demande.



Ce qui sous-tend cette idéologie, c'est la notion destructrice de réussite, que Vaneigem dévoile en l'appelant par son vrai nom de "volonté de puissance". La réussite scolaire, ce n'est pas l'espoir d'avoir un métier et un salaire décent (comme ce put être le cas à une époque), mais la réalisation de l'ambition, la montée dans l'échelle sociale (réaliser sa puissance, c'est devenir plus fort que les autres, prendre l'ascendant, diriger les autres). L'école est un atout de plus pour cette montée, parmi les autres moyens que propose ce système économique immoral. De là, la réussite scolaire est prise comme outil et non comme validation d'un riche apprentissage réussi. Un faux diplôme agrémenté d'un peu de tchatche peut faire l'affaire, tout comme la lèche et la corruption favoriseront cette ascension. La réussite sociale, c'est la débrouille dans un monde de requins. Les professeurs s'étonnent naïvement de la telle naïveté des élèves qui trichent en recopiant le premier contenu internet au lieu de réfléchir par soi-même pour apprendre... Devenir maître en tricheries, c'est être apte à se débrouiller dans le monde. Et quoi de mieux que la bienveillance des professeurs pour s'y exercer ? L'admiration de la réussite, qu'elle soit financière ou sportive, sans regarder les moyens, est une constante de notre temps (comme il est admis que le système est vicié, il est naturel d'ailleurs que les manières de réussir ne soient pas prises en compte dans notre jugement).



C'est en situationniste également que Vaneigem prône justement comme valeur centrale pour une nouvelle école, la fantaisie, la moquerie de ce monde sérieux et crapuleux, la dénonciation de ce système et de ceux qui le défendent. Un peu comme les valeurs chrétiennes vicieuses défendent parfois une souffrance immédiate, une docilité, au bénéfice d'une jouissance future, au ciel, l'école hypothéquerait le bonheur de l'enfant au bénéfice de sa jouissance par l'argent qu'il retirera de sa réussite future. Contre cette position viciée, Vaneigem prône bien entendu la rébellion immédiate et la réalisation collective dans l'école du bonheur de l'enfant. Contre l'utilitarisme de la formation - prendre le pli du monde impitoyable des affaires dans lequel l'enfant va entrer -, il vante le triomphe de la fantaisie, de la dérision, du rêve. Il ne s'agit pas de protéger l'innocence et la pureté de l'univers enfantin, mais au contraire créer des êtres qui iront consciemment à l'opposé de ce monde détestable. L'école doit constituer une arme de guerre contre cette supercherie gigantesque, ce monde stupide et déréglé, cette escroquerie en bandes organisées, qui s'appuie sur l'illusion de l'homo œconomicus, le charlatanisme du darwinisme social hérité d'Herbert Spencer (qui voit l'individu humain comme un monstre d'égoïsme se battant contre les autres pour survivre - simplification nullissime de Darwin), la domination de pouvoirs financiers criminels bâtis sur l'exploitation, la spoliation ou la guerre.
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Traité de savoir-vivre à l'usage des jeunes génér..

Livre fondateur des situationnistes, cet opus est d'une richesse d'analyse et une qualité d'écriture remarquable.

La charge contre notre système capitaliste (communisme et bourgeoisie dans le même sac) est particulièrement sagace.

Le discours est emporté, touffu mais méthodique, servi par un style imagé et non sans humour (on sourit jaune).

L'auteur cite de nombreux philosophes, des écrivains, des faits historiques, et montre une érudition dans ses arguments qui rend ce livre puissant, malgré la difficulté à le lire et à en retenir les détails.

Dans la lignée de La Boétie, ce discours là s'articule autour de l'idée que notre esclavage au système hiérarchique est maintenue non plus par la violence mais par la séduction et l'illusion de nos libertés... de consommer !

Pour ceux qui n'ont rien à perdre le terrorisme, la révolte nihiliste, la révolution, deviennent compréhensibles.

Presque 50 ans après sa parution, par des mouvements comme les gilets jaunes, par les positions radicales de certains groupes, des  écologistes aux antisystèmes, l'actualité et la pertinence de ce livre annoncent probablement d'autres mouvements de fonds dont le capitalisme à bout de souffle pourrait être la cible !

Plus optimiste on y sent également la nécessité de se réaliser en nous la créativité gratuite, l'art, le plaisir sous toute ses formes, quoique l'auteur, à mon sens profondément pessimiste, le réfute.

La force de ce livre est sa capacité à refléter  encore maintenant, une vision du monde que partagent beaucoup de gens, sans qu'ils aient conscience de ce que cet ouvrage exprime, voire même qu'il existe.
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Avertissement aux écoliers et lycéens

J'ai lu de nombreuses fois ce petit livre depuis sa parution en 1995, il est d'ailleurs bien usé.



Raoul Vaneigem, dans son combat contre une société qui a remplacé le bonheur par la consommation, s'attaque ici à la racine du mal, l'école, accusée en quelque sorte de formatter au lieu de former, de fermer et non d'ouvrir.



Lyrique jusqu'à l'outrance, imperméable à la nuance, il est difficile d'adhérer toujours au discours de l'auteur. Il n'en reste pas moins que ces quelques pages sont salutaires en ce qu'elles nous bousculent et nous dessillent, et nous obligent à réfléchir.
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Voyage à Oarystis

Avec son délicieux Voyage à Oaristys Raoul Vaneigem nous donne la plus belle, la plus heureuse et la plus voluptueuse utopie de ce XXIe siècle qui a commencé de la façon la plus sinistre, et que rien pour l'instant n'a semblé capable de détourner de son funeste cours. L'immense mérite de Vaneigem a toujours été de croire que l'humanité garde en elle les ressources qui lui permettront de venir à bout de la barbarie et de réaliser enfin le mythe de l'âge d'or. Plus que jamais il est urgent de rouvrir l'horizon utopique.
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Avertissement aux écoliers et lycéens

Raoul Vaneigem, l'auteur de ce texte, est un des fondateurs de l'Internationale Situationniste, avec Guy Debord. Il prône donc, par définition, une critique radicale de la société, qui s'inscrit dans la mouvance anarchiste.



Il entend, dans ce texte rédigé en 1995, s'attaquer à l'organisation du système scolaire et en dénoncer les effets délétères sur la jeunesse :



- l'enseignement (au sens de l'Education Nationale) ne vise pas l'épanouissement des élèves, à travers la découverte et la réalisation de leurs désirs, mais leur incorporation dans un système productiviste et consumériste aliénant



- l'organisation "militariste" et hiérarchique des rapports enseignants / élèves n'a pour conséquence qu'éteindre progressivement la soif d'apprendre naturelle des enfants, et encourager les comportements rebelles



Pour l'auteur, l'avenir de l'enseignement passe par une prise de conscience du "vivant" qui nous entoure, de sa beauté mais aussi de sa fragilité, bref par la promotion d'un paradigme écologiste, en devenir.



Si les idées sont belles (chacun appréciera selon sa sensibilité), si l'idéal de l'anarchie individualiste (la réalisation de son plein potentiel, de ses désirs) est présent, l'aspect formel du texte dessert le propos ; une accumulation de formules percutantes (aujourd'hui on dirait de "punchlines") ne saurait remplacer une argumentation construite. Et puis l'alternative proposée ici est quand même un peu courte et manque de définitions claires. Que veut dire exactement apprendre à l'enfant à "satisfaire ses désirs, non dans l'assouvissement animal mais selon les affinements de la conscience humaine"?...De quels désirs parle-t-on ? Qu'entend-on ici par "conscience humaine" (on comprend bien qu'il n'est pas possible pour l'auteur de faire référence à une quelconque morale, la référence à Kropotkine aurait surement été utile ici)



Pour finir sur une note positive, je suis surpris de la prégnance, dans ce texte, d'un discours écologiste (auquel j'adhère sans réserves, de même que, pour être tout à fait honnête, j'éprouve beaucoup de sympathie à l'endroit de la pensée anarchiste), qui semble avoir beaucoup progressé depuis 25 ans, quand on voit que certains propos tenus ici sont aujourd'hui largement diffusés, par des intellectuels ayant pignon sur rue, tel Aurélien Barrau par exemple.



Y aurait-il matière à espérer, quant au futur du vivant sur terre ? Seul l'avenir nous le dira...
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Appel à la vie contre la tyrannie étatique et m..

Raoul Vaneigem jette ici « de quoi grapiller quelques hypothèses et suggestions » avec le seul soucis « qu’elles marquent une rupture absolue avec les préjugés et les dogmes du passé ». Il s’adresse aux révoltés qui « se sentent démunis devant l’effondrement du vieux monde et la trop lente émergence du nouveau » et « mise sur la radicalisation spontanée des individus et des collectivités ». Il prône l’autogestion généralisée.

(...)

Un appel qui fera sans aucun doute écho.



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Traité de savoir-vivre à l'usage des jeunes génér..

Lu il y a 10 ans, ce livre m'avait vraiment enthousiasmé. Je viens de retrouver ce texte (une note de lecture sous forme originale) écrite il y a plusieurs années. Un livre qui peut être d'actualité avec les événements des Gilets jaunes.



"On raconte qu’il y a des bouquins qui peuvent mettre le feu aux poudres. Assis sur un tas de pavés, appuyé contre la carcasse brûlée d’une voiture de police, je gribouille quelques notes. J’avais eu connaissance d’une brochure distribuée un an et demi avant Mai 68, De la misère en milieu étudiant, et là, tu viens de me faire découvrir un livre entier, publié en 1967, dans le même état d’esprit de révolte insouciante, de joie de vivre revendiquée. Un manuscrit qui s’appelle Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations, d’un certain Raoul Vaneigem, prof de philologie déchu et révolutionnaire romantique.



On raconte qu’il y a des bouquins qui ne se lisent pas du premier au dernier mot. Le Traité de savoir-vivre est le genre de livres qui peut se commencer à n’importe quelle page. « Le meilleur ordre d’un livre, c’est de n’en avoir pas », affirme son auteur. Ce n’est pourtant ni un dictionnaire ni une encyclopédie ; il s’approche peut-être davantage d’un recueil de poèmes, ou d’un spicilège de slogans. Le Traité se compose de deux parties qu’il faudrait lire de façon simultanée : la perspective du pouvoir appelant à un renversement de perspectives.



On raconte qu’il y a des bouquins qui ont le pouvoir de vous faire changer de regard sur le monde. Celui-là en fait partie. Depuis que je l’ai lu, il me suit partout. Il est d’ailleurs dans un état pitoyable aujourd’hui, mais ce n’est pas bien grave. Ce Traité dans ma poche, c’est pour me rappeler qu’avoir le moral peut être révolutionnaire, que le négatif est l’alibi d’une résignation à n’être jamais soi.

On raconte qu’il y a des bouquins qui sont des cocktails Molotov prêts à l’emploi. La plume de Raoul Vaneigem est d’un romantisme certain, pleine d’emportements lyriques et de charges passionnées. Du reste, nombre de phrases du livre peuvent être directement utilisées comme des slogans : « Vivre sans temps mort, jouir sans entrave. » ; « Il n’y a de communautaire que l’illusion d’être ensemble. » ; « Nous ne voulons pas d’un monde où la certitude de ne pas mourir de faim s’échange contre le risque de mourir d’ennui. »



Après avoir feuilleté ce bouquin, je me suis renseigné sur l’Internationale situationniste, à laquelle avait appartenu Raoul Vaneigem dans sa jeunesse. Rapprochant plusieurs artistes politisés – notamment les lettristes –, des théoriciens et des libres penseurs, les écrits de cette Internationale révolutionnaire ont, parait-il, beaucoup influencé Mai 68. Je note que Guy Debord et sa Société du spectacle ou Noël Godin et son mouvement des entarteurs participent aussi de cette guérilla joyeuse."

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Contribution à l'émergence de territoires libérés..

Fort du constat que « jamais la terre et la vie n'ont été dévastées, avec un tel cynisme, pour un motif aussi absurde que cette course au profit », Raoul Vaneigem se prête au jeu du « Que faire ? ». Il tente d’échapper aux vaines injonctions au « devoir de lucidité » en livrant ses proposions : réunir « la conquête du pain et la conquête de la vie authentique » par l’émergence de territoires libérés de l’emprise étatique et marchande.

(...)

D’aucuns trouverons qu’il n’y a là rien de très inédit mais loin d’être des lieux communs, ces idées ne méritent-elles pas justement d’être répétées, débattues ? Qui plus est lorsqu’elles sont exprimées, comme ici, avec autant de clarté que de poésie.



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Journal imaginaire

"La plupart se transmettent, de génération en génération, des banalités ressassées sans fin. J'invente les miennes. (p. 26)



Un emprunt à ma médiathèque, ayant été capté par le ton très mordant

de l'auteur, en parcourant quelques pages... emprunt fait également aussi

pour combler une lacune de longue date : la connaissance de cet écrivain-

philosophe, dont j'avais repéré à mes débuts de libraire en 1981 [ il y a un

long moment !], son "traité de savoir-vivre à l'usage des jeunes générations", jamais lu, publié avant mai 1968... qui avait fait grand bruit !!!



Ce "Journal imaginaire" était donc un bon début pour m'immerger dans l'univers mental de ce philosophe libertaire... Un journal, que je n'ai pas lu chronologiquement, mais au fil ds envies... J'ai pioché, réfléchi, ri , souri car Raoul Vaneigem aborde tous les sujets possibles et imaginables...sabre l'arrogance intellectuelle, ainsi que toutes les idéologies, religions entraînant tous les abus, le décervelage que représente le plus souvent le travail.., la société marchande.Il ne manque pas lui-même d'autodérision

à son propre encontre... comme le montre quelque peu, la citation que j'ai

mise au début de cette chronique !!!



Même si ce "journal imaginaire" date de 2006... de multiples thèmes, réflexions abordés, restent d'une actualité brûlante.... Entre insolences salutaires, et analyses cinglantes...un ouvrage qui célèbre la Vie, et la construction "indépendante, libre" de soi-même...Jubilatoire mais aussi très précieux pour inciter chacun à réfléchir plus loin...à s'affranchir autant que faire se peut de la surabondance de nos "conditionnements" !!!



Ravie d'avoir abordé un premier écrit de cet écrivain qui a beaucoup influé

sur le mouvement des idées dans les années 60... Ce journal imaginaire

fourmille de pistes de réflexions, sur notre monde, notre civilisation, et

notre condition bien imparfaite d'humain !!!



De très beaux passages sur notre besoin de poésie et sur la Poésie, dans l'absolu...



"La poésie se fait entendre quand les mots se taisent." (p. 140)



"Le temps du travail ignore le poète. Le temps de vivre appartient au poète, qui ignore le travail." (p. 149)



Je poursuivrai avec attention la lecture de ce Monsieur... qui , par son insolence, et son esprit très affûté... nous secoue vigoureusement dans nos "certitudes" et habitudes...







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La Commune d'Oaxaca

Le sens de la vie commune reposant sur la reconnaissance et le respect de l’autre, voilà ce que l’État avait cherché à anéantir par toute une politique d’assimilation au mode de pensée dominant. C’est ce qui ressort des multiples conversations de Georges Lapierre avec les habitants d’Oaxaca, capitale de l’État éponyme du Mexique. Sous forme de chroniques, il raconte ce qu’il est désormais convenu de nommer la Commune d’Oaxaca, depuis le 14 juin 2006 jusqu’au 25 novembre.



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Traité de savoir-vivre à l'usage des jeunes génér..

Délivrer l'Homme de toutes ses chaînes, c'est ce à quoi voudrait s'employer ce pamphlet contre la société occidentale. Paru en 1967, son influence fut grande dans la jeunesse étudiante de 1968.



27/09/2009
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Rien n'est fini, tout commence

GÉRARD BERRÉBY: «VANEIGEM S’INTÉRESSE PLUS À L’HUMAIN, DEBORD, PLUS THÉORIQUE, À LA STRUCTURE DE LA SOCIÉTÉ»



C’est un ouvrage exceptionnel, par sa forme, des entretiens denses et parfois contradictoires entre un connaisseur passionné du situationnisme, l’éditeur Gérard Berréby, et une de ses grandes figures, Raoul Vaneigem, minutieusement enrichi de toutes les photos, textes et tracts d’époque. Contre toute attente, le plus captivant se trouve dans la première partie, le récit de l’enfance d’un fils d’ouvrier belge. La formation du jeune Vaneigem, tombé dans Lautréamont comme Debord, qu’il rencontre en 1961, se dévore. Le plus vertigineux se situe vers la fin, après le déroulé du quotidien d’un cercle férocement fêtard et infusant de la pensée comme il engloutissait de l’alcool et où chaque acteur avait son rôle. Là, dans cette dernière partie, se trouve un face-à-face entre deux hommes qui acceptent de regarder sans concessions les errements, la momification, le cadavre avec un regard actuel d’une portée incisive. Ouvrant le champ. Peut-être que Raoul Vaneigem a eu le dernier mot en décidant du titre : Rien n’est fini, tout commence…
Lien : http://next.liberation.fr
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Ni pardon ni talion : La question de l'impu..

L'acquittement posthume récent de Milosevic par le Tribunal pénal international de La Haye m'a poussé à lire cet essai du grand Vaneigem qui a pour sous-titre : « La question de l'impunité dans les crimes contre l'humanité », datant de 2009 (donc sans rapport avec l'actualité mais dont je m'attendais à un discours philosophique de portée générale).

Mais d'abord qu'est-ce qu'un crime contre l'humanité pour le philosophe situationniste selon lequel le sens de l'inhumanité, c'est la prédation de l'homme et de la nature par l'homme ? Que sont la culpabilité, le jugement, le châtiment sinon des notions inhérentes à tout pouvoir nécessairement inique « et [qui] le sait », a fortiori puisqu'elles sont héritées du religieux ? Que s'attendre d'un pouvoir juridictionnel qui ne fait que sauvegarder un système de domination, en essayant tout au plus de jongler avec une impossible « équité » - comme dans l'oxymoron « commerce équitable » (!) - agissant de surcroît par la recherche de responsabilités individuelles et par leur éventuelle sanction ? L'impunité des crimes contre l'humanité n'a-t-elle pas, d'abord et surtout, des causes culturelles outre qu'économiques-systémiques ? Le remplacement du principe de la mort (prédation, destruction, épuisement, avilissement, paupérisation, nihilisme, etc.) par le principe de la vie (libre, gratuite, solidaire et désirante) peut-il s'opérer autrement que par une nouvelle instruction de l'enfance, nécessitant la révolution d'une école qui ne soit plus qu'un appendice concentrationnaire destiné à perpétuer les cohortes de travailleurs-consommateurs ? En quoi le dépassement de la punition et de la prédation peut-il consister ?

Quelques citations pour repérer certains points-clés de l'argumentation :



Jugement et culpabilité : « Qu'il soit local ou international, le recours juridique présente un inconvénient que l'on s'est rarement attaché à souligner : il accrédite comme une réalité inéluctable l'omniprésence de la culpabilité. Comment en irait-il autrement ? Dans une société pour laquelle l'essence même de la civilisation consiste à établir une relation contractuelle entre le prédateur et sa victime, il n'y a pas d'innocents. La conception la plus achevée de la justice n'outrepasse pas l'impératif catégorique : pas de liberté sans devoirs. Mais c'est là, comme tout marché, un marché de dupes.

Le principe d'équité est vicié à la base, car il enjoint au plus grand nombre de sacrifier à la libre avidité de quelques-uns les libertés auxquelles la vie autorise. Si bien que nous ne disposons, à des degrés divers, que de la liberté de nous appauvrir. Nous sommes sans cesse coupables, et de ne pas nous approprier suffisamment des biens qui substituent l'avoir à l'être, et de ne pas transformer assez en force de travail cette force de vie qui constitue la vraie richesse de l'existence. » (p. 39)



Châtiment : « Le châtiment illustre et entretient l'exemple d'une crainte salutaire, sans laquelle aucun pouvoir, aucune instance autoritaire, aucun supérieur hiérarchique ne sauraient se maintenir. Il établit le caractère incontestable d'un despotisme dont l'ordre a besoin comme il a besoin d'un désordre qui le justifie. La peur légalisée ne garantirait pas la sécurité du pouvoir si elle n'imposait au sujet, au citoyen une paix contractuelle, une paix sous condition : il faut pour en jouir jurer fidélité aux gouvernements en place […] » (p. 52)



Contre des procès ad personam (et à l'encontre de la démarche de dénonciation altermondialiste) : « Plus qu'un procès, c'est un processus que nous voulons engager afin de prendre le contre-pied du cynisme néolibéral. Celui-ci nous met à chaque instant devant un état de fait accompli, passant outre aux recommandations humanistes qui préconisent l'abandon des OGM, du nucléaire, du pétrole, de la déforestation, du pillage de la biosphère, de la pollution climatique, des pratiques de terreur mafieuse banalisées par l'esprit du lucre et les enjeux financiers.

Le constat établi et publié par la critique dite altermondialiste ne fait que conforter l'arrogance de l'ennemi. Pourtant, ces manœuvriers de la transaction financière, donnez-vous la peine de les observer ! Ils sont moins que vils, ils ne sont rien. […] Ce qui leur prête du pouvoir, c'est la servilité des foules. Pourquoi se priveraient-ils de ricaner devant le bilan apocalyptique que dressent les contestataires en opposant au prétendu gigantisme de leurs moyens de destruction la peur, l'impuissance indignée, l'absence de créativité, l'ignorance de ce ressort vital en l'attente d'une conscience qui le détendra ? » (pp. 76-77)



Dépassement : « Gardons-nous des institutions juridiques : elles perpétuent la coutume de juger au lieu de favoriser le dépassement. Comment éviter de sacrifier à l'esprit procédurier si ce n'est en accordant au vivant la prééminence qu'une éducation propre à humaniser l'enfant confortera sans peine ? Un grand progrès sera accompli lorsque, révoquant la culpabilité et le châtiment, l'idée fera son chemin que tout forfait est une erreur qui exige réparation. Lorsqu'une plaie a endommagé le tissu de la communauté […] celui qui est en cause est tenu de panser, d'apporter ses soins à la blessure.

Se débarrasser d'un criminel par la mort ou la prison, c'est laisser la plaie s'envenimer avec le sang et la souffrance du coupable. » (p. 101)

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Nous qui désirons sans fin

Philo + critique de la société.
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Traité de savoir-vivre à l'usage des jeunes génér..

Cet ouvrage, classique et bible de Mai 68 dont il fut prémonitoire de façon imminente, possède la forme d'un très classique traité philosophique, sur les méfaits de toute forme de société hiérarchique du fait même de l'existence du pouvoir. En cela, on peut le considérer comme l'un des rares traités anarchistes. Son architecture est remarquable, l'on s'en aperçoit surtout vers la fin, sa densité effrayante, sa lecture extrêmement ardue, en tout cas pour moi qui ai souvent eu, au cours de ces longs mois de labeur, le sentiment d'avoir atteint là mes propres limites d'appréhension des concepts abstraits. Une abstraction, justement, qui refuse une contextualisation historique (même si la "cybernétique", la société de consommation et le welfare state sont évoqués mais non comme des éléments de démonstration des concepts, et même parfois dans des anticipations qui s'avèrent erronées, surtout pour la première), mais qui se suffit à elle-même dans son argumentation intemporelle. Très souvent, comme cela arrive toujours avec Vaneigem, le lecteur d'aujourd'hui est ébloui par des fulgurations qui apportent des lumières incontestables sur son propre présent ; lorsqu'il se perd, toutefois, il peut rarement se saisir de la bouée de sauvetage de l'Histoire (même intellectuelle).



En me rapprochant des thèses, je parviens à des conclusions absolument opposées à celles de l'ami Laudateur ci-dessous, notamment quant à l'auteur et à son pessimisme (si je peux ainsi interpréter son qualificatif d' "écorché vif" qu'il attribue à Vaneigem. [Néanmoins, je peux deviner quelles sont les idées de celui-ci qui doivent paraître insupportables à mon ami...] Je pense au contraire que la pars construens proposée dans la deuxième partie du Traité, intitulée "Le renversement de perspective", telle qu'elle est énoncée en deux triades : "Créativité, spontanéité et poésie" (ch. XX) et surtout dans la "triade unitaire" : "Réalisation - communication - participation" (ch. XXIII) offre une vision à la fois optimiste et pour moi assez désirable de cette société de "maîtres sans esclaves" fondée sur l'union (révolutionnaire) de "subjectivités radicales".



L'architecture, donc, se fonde sur des triades, et je vais commencer par citer le résumé de ce ch. XXIII qui figure en exergue :



"L'unité répressive du pouvoir dans sa triple fonction de contrainte, de séduction et de médiation n'est que la forme, inversée et pervertie par les techniques de dissociation, d'un triple projet unitaire. La société nouvelle [...] tend à se définir pratiquement comme transparence de rapports humains favorisant la participation réelle de tous à la réalisation de chacun. - La passion de la création [1], la passion de l'amour [2], et la passion du jeu [3] sont à la vie ce que le besoin de se nourrir et le besoin de se protéger sont à la survie. - La passion de créer fonde le projet de réalisation, la passion d'aimer fonde le projet de communication, la passion de jouer fonde le projet de participation. - Dissociés, ces trois projets renforcent l'unité répressive du pouvoir.[...] (p. 304).



Or le pouvoir s'attelle donc à empêcher la réalisation de chacun de ces trois éléments :

"La participation [3] impossible ou le pouvoir comme somme des contraintes" - livre premier de la première partie - décline ainsi les contraintes :

- ch. II : L'humiliation, - Ch. III : L'isolement, - Ch. IV : La souffrance, Ch. V : Déchéance du travail, Ch. VI : Décompression et troisième force.

Nous trouvons là une série d'analyses désormais assez connues et acceptées dans la critique sociale (en particulier en sociologie du travail), mais l'on ne cessera cependant de se surprendre de l'étendue où l'on peut à juste titre "regarder les souffrances individuelles comme un mal social et rendre l'organisation de notre société responsable de la misère et de la dégradation de ses membres. [...] Une 'nouveauté' si actuelle semble n'avoir pas troublé outre mesure les bons esprits confits de fatalité : Sartre et l'enfer des autres, Freud et l'instinct de mort, Mao et la nécessité historique. [...] " (p. 62).



"La communication [2] impossible ou le pouvoir comme médiation universelle" - livre deux de la première partie - implique une définition pas toujours claire du concept de "médiation" en relation avec les thèmes suivants :

- ch. VII : L'ère du bonheur, - Ch. VIII : échange et don, - Ch. IX : la technique et son usage médiatisé, - Ch. X : le règne du quantitatif, Ch. XI : abstraction médiatisée et médiation abstraite.



"La réalisation [1] impossible ou le pouvoir comme somme de séductions" - Livre trois de la première partie - qui fait penser de nouveau à certaines analyses plus classiques en science politique, et particulièrement sur le thème de la démocratie et des médias (y compris le marketing économique et politique), ainsi qu'à certaines critiques communes au mouvement situationniste (la société du spectacle, etc,) auquel Vaneigem appartenait encore à l'époque. Ce livre se subdivise ainsi : Ch. XII : Le sacrifice, Ch. XIII : la séparation, Ch. XIV : l'organisation de l'apparence, Ch. XV : le rôle, Ch. XVI : la fascination du temps.



Suit un livre quatre : "La survie et sa fausse contestation" sur la dichotomie devenue classique entre survie et vie :

"La survie est la vie réduite aux impératifs économiques. La survie est aujourd'hui, donc, la vie réduite au consommable ([Ch.] XVII). [...] Le simple refus de la survie condamne à l'impuissance. Il faut désormais reprendre le noyau d'exigences radicales abandonné par les mouvements initialement révolutionnaires ([Ch.] XVIII)." (p. 203)

"Le capitalisme a démystifié la survie. Il a rendu insupportable la pauvreté de la vie quotidienne confrontée à l'enrichissement des possibilités techniques. [...] La civilisation de la survie collective multiplie les temps morts de la vie individuelle, si bien que la part de mort risque de l'emporter sur la survie collective elle-même. A moins que la rage de détruire ne se reconvertisse en rage de vivre." (p. 205)



Ici, on le voit, il est beaucoup question de critique économique. Plus qu'ailleurs.



La seconde partie prône la subjectivité qui n'est pas un individualisme mais un point de vue individuel, en ce qu'elle a de radical, à savoir de subversif de toute hiérarchie et de tout pouvoir, par la créativité, la spontanéité et la poésie (au sens étymologique qui a trait au faire).



Je voudrais terminer en citant un extrait de la lettre que l'auteur adressa aux éditions Gallimard le 11/03/1966, suite à un premier refus du manuscrit et à une seconde "approche" de l'éditeur qui le conviait en rendez-vous. C'est ainsi que l'auteur envisageait donc son ouvrage (et sa promotion) avant sa parution.



"[...] L'histoire offre aujourd'hui aux rêveries et aux passions de la subjectivité une chance de se réaliser dans la subversion totale de ce qui les nie. C'est pourquoi chacun est désormais embarqué dans un choix pratique entre la vie et la survie, choix qu'il manifeste en paralysant les mécanismes du pouvoir ou en s'y soumettant. La lutte contre la dictature de la marchandise se confond, en le radicalisant, avec le combat entre la coalition d'intérêts hostiles au projet de l'homme total : le pouvoir hiérarchisé, la religion, l'idéologie, le travail, les techniques de conditionnement, l'oppression policière et ses versions humanisées. Dans le même mouvement, elle fonde des conditions d'un renforcement des possibilités de création individuelle et de "l'autogestion généralisée" : le Traité est un mémento à l'usage des partisans de la Longue Révolution".

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Entre le deuil du monde et la joie de vivre..

« Les gestionnaires de la faillite et de la paupérisation croissante ont fait de l'humain l'image publicitaire du confort dans la servitude » (p. 92)



« Sous le pressoir œcuménique de la marchandise, les religions se vident de leur substance dogmatique et rythment de leurs soubresauts une danse macabre partout réorchestrée pour électriser les adeptes de la mort.

Les idéologies défuntes ont beau ajouter leur grouillante purulence au cadavre des religions, il n'y a plus ni idées ni croyances qui ne se trouvent dénuées de sens, éviscérées, réduites à cet état de charogne emblématique, à quoi se rallient si aisément les foules galvanisées par la haine et le désespoir.

Le nihilisme triomphe avec ses visions et ses bénéfices à court terme. Le capitalisme gâteux n'entreprend plus rien ; mieux, il sacrifie à la spéculation boursière l'industrie et les services publics, qu'il s'enorgueillissait hier de promouvoir.

La révolte s'est faite affairiste. Il existe – plus qu'une connivence ou une complicité – une communion d'esprit entre la brute de banlieue qui brûle les écoles et les bibliothèques et la brute affairiste qui les détruit pour accroître ses bénéfices aux dépens du bien public. […]

Le capitalisme ne tire désormais ses profits que d'une autodestruction programmée. […]

La déshumanisation progresse et passe pour la norme dans le concert des lamentations ordinaires. L'insensibilité fait marcher la machine à décerveler du profit. Sous le coup de torchon du néant, le sentiment d'inexistence en vient à effacer la conscience d'une vie à créer » (pp. 30-31)



Pour l'auteur de ces lignes, l'heure n'est plus aux démonstrations de la pertinence de son analyse ni aux appels à la révolution, épigone d'une logique de destruction qui appartient elle-même à la civilisation de la prédation et de l'inhumain, née au néolithique et culminant dans la société consumériste. Si la fulgurance de la compréhension de l'actualité – particulièrement la critique du travail (un thème sur lequel je me suis penché et qui raisonne donc d'échos familiers) et de l'économie de l'agiotage – est toujours aussi aveuglante de clarté, en cette heure de bilans pour le philosophe alors septuagénaire, il est aussi question de sa participation à l'Internationale Situationniste, voire de mémoires familiales et de jeunesse.



Je continue à n'avoir du mouvement qu'une vision très fragmentaire mais le projet insurrectionnel du père du « jouissez sans entraves » me semble désormais épuré de ses pulsions destructrices et agrémenté d'un souffle beaucoup plus ample qui, partant du constat que le nihilisme et la désespérance sont aussi un produit commercial de la civilisation de prédation, gage sur un vitalisme salvateur inné et instinctif qui n'attend pour se libérer que la propre et subjective reconquête solitaire de ses espaces d'humanité.



« Je ne me sers pas de mes semblables, si ce n'est en ce qu'ils m'offrent en eux de plus vivant. Ce que je puise à la margelle de leur générosité les autorise en retour – non en échange – à disposer de la profusion qu'il m'arrive de dispenser.

Ainsi nul n'a besoin de se servir de moi puisqu'il dispose en moi d'un capharnaüm de pièces détachées, de projets pertinents ou désuets, d'outils neufs et usés qu'il a le libre choix d'affûter et d'affiner pour son accomplissement. » (p. 222)

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