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Citations de Sándor Márai (675)


Il est rare que l'Histoire trouve le contemporain "historiquement prêt" : la plupart du temps, au moment où nous apprenons, ces derniers temps par la radio, que quelque chose s'est à jamais terminé dans le monde, nous sommes en pyjama ou en train de nous raser.
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Estimes-tu vraiment que les mots importent peu? Je n'oserais pas être aussi catégorique. Parfois, je serais plutôt de l'avis que les mots ont une importance énorme, peut-être même que tout dépend des mots que l'on emploie, dit ou écrit au moment opportun...
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Il écrivait parce qu'il se souvenait d'une certaine forme de vie provinciale qui
avait la même odeur que le pain, une odeur organique, solennelle et éternelle, et une saveur délicieuse. Beaucoup de choses dépendent des femmes, se disait le marin dans ces moments-là, obligé de reconnaitre cette vérité. Rare était la femme qui trouvait sa place dans la vie, qui savait maintenir l'ordre et la propreté, non seulement dans les tiroirs des buffets mais également dans l'âme de la maisonnée. Il suffisait d'entrer dans ces maisons pour sentir que tout était où il fallait. L'office était rempli de choses bonnes et utiles, comme l'âme des habitants. L'odeur de paix et de patience qui flottait dans les pièces de la maison rappelait celle des fleurs du jardin qui se fanent au printemps dans des vases verts et bombés. Car dans la vie, la vertu et l'intelligence ne suffisent pas, il faut aussi de la patience et de la bonne volonté, une forme de résignation naïve et souriante, sans laquelle nulle harmonie n'existe dans les cœurs, sans laquelle les meubles eux-mêmes se retrouvent bêtement et n'importe comment distribués dans les pièces, dans une sorte de colère, comme appelés à prendre part au charivari ambiant. Dans les maisons où une femme intelligente et un homme patient préservaient l'ordre, l'invité ne grelottait pas en hiver, parce qu'une chaleur encore plus agréable que celle du vieux poêle en céramique, nourri de bois de hêtre, éructant et grondant, et de l'eau-de-vie de prune, émanait de la paisible bienveillance des hôtes qui, d'un mot, d'un geste, d'un regard, d'une façon ou d'une autre, remettaient tout en place.
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Le temps peut affaiblir mais n'arrive pas à étouffer les passions.
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Nous étions, te dis-je, de vrais amis et rien au monde ne peut dédommager d'une amitié perdue. Même une grande passion ne saurait causer la satisfaction que procure l'amitié à ceux qu'elle touche de son pouvoir magique.
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Cette coupole, avec ses brèches de couleurs lumineuses, faisait penser à la voûte céleste orientale dans un conte des Mille et Une Nuits, un ciel aux étoiles chamarrées brillant de tous leurs feux au-dessus de la misère et de la nudité des hommes.
Car dans ces bassins trempaient des hommes de tous les âges, de tous les rangs, aux destins divers, de même que ceux allongés sur les bancs de pierre, le long des murs, nus, les bras croisés sur la poitrine, les yeux clos, semblables à des cadavres vieux de deux jours exposés en chambre funéraire, oubliés par la parentèle et dont les veuves ont déjà, en ce matin de mai, donné des rendez-vous galants aux fringants ordonnateurs des pompes funèbres au restaurant du Ramoneur dans le Bois de ville.
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-Ce n'est plus notre guerre, dit Conrad. Nous sommes vieux. C'est maintenant la guerre des hommes nouveaux.
-Non, c'est toujours la même guerre, objecte le général. Le monde est encore une fois en feu et des millions d'individus sont sacrifiés.
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Lazard aime beaucoup Le songe, la pièce de Strindberg. Dans ce drame, un homme ne désire qu’une seule chose toute sa vie, une espèce de boîte verte dans laquelle les pêcheurs gardent leur fils, leur ligne et leurs hameçons. Les Dieux, ayant pris cet homme en pitié, la lui accordent à la fin de sa vie. Alors, le vieil homme, la boîte à la main, s’avance vers le devant de la scène, l’examine sous toutes les coutures et déclare, avec une infinie tristesse: « elle n’est pas du vert que j’aurais souhaité ».
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Je n ai plus vécu que pour cet enfant, les autres, qu'ils me soient proches ou lointains, n'existaient plus pour moi. C est vrai, il ne faut pas aimer avec une telle intensité - personne, pas même son propre enfant.
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ce qui donne un sens à notre vie c'est uniquement la passion, qui s'empare un jour de notre corps et, quoi qu'il arrive entre-temps, le brûle jusqu'à la mort (...) Peut-être la passion ne consiste-t-elle pas à désirer une certaine personne, mais à ressentir, en général, un désir nostalgique.
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Loin de le percevoir comme une institution -parfaite ou imparfaite - Kristof considérait le mariage comme une forme éthique, une forme capable de doter d’un cadre divin la cohabitation de deux êtres de sexe différent et la famille qu’ils allaient fonder. Que pouvait-on désirer de plus ? Un mariage « plus parfait » ? Tout ce que l’humanité touche, on le sait, reste imparfait.
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Je suis triste. Pourquoi ? Pour qui ? Je suis incapable de le dire. C’est une tristesse tellement paisible, tellement calme. Il y a quelque chose en elle qui fait du bien. Elle envahit tout. Je dors tristement. Je mange tristement. C’est comique mais c’est ainsi. Que faire ? Je suis triste quand je suis au milieu des gens. Et triste quand je rentre chez moi. Pas « désespéré », pas « indifférent », pas « las de vivre ». Non. Triste. Que m’arrive t-il ? (…) Cette tristesse est un sentiment étrange et paisible. Elle contient comme une attente sceptique. Ma journée tout entière en est remplie. Quand on me demande « comment allez-vous ? », impossible de répondre : « Je suis triste. » Ce n’est pas une réponse. Mais c’est la vérité. C’est pourquoi je l’écris ici
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J'en ai assez de Montaigne. Pourtant cela fait plusieurs jours que je pioche au sein de ce fatras les deux, trois
phrases qui donnent leur valeur à ses livres et à lui-même. Mais même un esprit supérieur n'a pas le droit de délayer ainsi ce "quelque chose" qui épice la saveur de son plat. Et parce que Montaigne est en effet un sage, le plus jovial des stoïques, un latiniste attachant, un Français rusé et un humaniste érudit, il mériterait que l'on extraie de ce méli-mélo le véritable Montaigne. Ce qui tiendrait en un mince volume mais serait un chef-d'oeuvre. Il ne suffit pas d'être sage. Il faut également être parfait.

   Ce grand Français ne possède pas le sens de la mesure. cet être à la pensée dense fractionne cette densité avec ses bavardages. Il tire une grande fierté de sa connaissance du latin et de ses nombreuses lectures. Son lecteur aimerait l'interrompre : " Oui, bien sûr que nous croyons que tu as lu Lucrèce, Suétone et Juvénal. Mais, toi, Montaigne, quand prendras-tu enfin la parole ? ... Il la prend, certes, parfois, en passant, mais en attendant, le lecteur se lasse de Lucrèce et de Suétone.

( Journal, année 1943 ) 

   Je me doute parfois de ce qu'a pu ressentir Montaigne, écrivain et aristocrate, et maire pendant trente ans, à l'époque des guerres de religion. Quant tout le monde était suspect d'appartenir à tel ou tel camp. Quand chaque jour, les hordes enragées de passage contraignaient tous les membres d'une maisonnée à avouer sous la torture à quel camp ils appartenaient. Aujourd'hui, nous, écrivains et gentlemen, vivons de la même manière, particulièrement ceux parmi les écrivains qui sont aussi des gentlemen dans l'âme, ce qui, bien entendu, n'est pas une question d'origine. Socialistes, blancs, rouges, communistes, nazis, ainsi que les francs-tireurs intellectuels libéraux démocrates pris de rage, les offensés et les laissés-pour-compte, tous revendiquent quelque chose, tous cherchent à se venger, tous veulent à la fois me rallier à eux et me rejeter, tous veulent que je prête serment et, en même temps, que je monte de moi-même sur quelque bûcher de circonstance. Tout ceci est tragique, c'est certain. Mais également ennuyeux, tout aussi certain. Oui. Je commence à comprendre ce qu'a dû ressentir Montaigne.

(Journal, année 1944).
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Je m’attelais à la maladie, comme à une quelconque tâche, un voyage aventureux ou un travail dont on ne mesurerait pas les véritables difficultés dès le début. La seule chose que je devinais était que cette tâche allait se révéler compliquée et longue à accomplir.
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Pour chasser l'ennui, au lieu de jouer aux cartes ou de fréquenter cafés et cinémas, les bourgeoises de ce temps-là lisaient. Quant à mon père, il occupait toutes ses soirées à la lecture. Je puis affirmer sans le moindre excès qu'aux yeux de notre bourgeoisie, le livre représentait, au même titre que le pain, un article de première nécessité. Le soir, l'homme cultivé de la classe moyenne ne s'endormait sans lire quelques pages d'un roman récent ou relire un passage d'un de ses volumes favoris.
P. 57
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Il songea avec une satisfaction tranquille que dans l'ensemble il avait terminé son travail, accompli presque toutes ses obligations, vécu dans un premier temps selon les exigences de ses semblables et des circonstances, puis différemment par la suite, sondé les possibilités du corps — à présent il n'avait plus rien d'autres à faire qu'à découvrir pourquoi il avait souffert aussi ignominieusement toute sa vie (...)
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Nous, écrivains et éducateurs, qui préconisions l'humanisme, alors que, dans le même temps, un autre genre d'homme poursuivait gaillardement une aventure sanguinaire. Nous prêchions le pardon et on assassinait en masse sous nos yeux. Nous voulions éduquer alors qu'on fendait joyeusement, en riant aux éclats, le crâne des éducateurs à coups de gourdin. Comprenons enfin qu'il existe un genre d'homme - "les abrutis"- que rien n'atteint, sinon quand on les force à plonger leur tête cruelle et obtuse dans leur abjection.
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Les Liaisons dangereuses de Laclos. Ce beau livre, je l'ai rapporté de Genève, un cadeau de mon éditeur suisse qui l'a publié. C'est vraiment le chef-d'oeuvre sur la perversion, et la voix fraîche et méchante de la France du XVIIIe  siècle est aussi stimulante qu'un voyage. Un bon livre vous emmène toujours ailleurs .( Journal année 1948 ).
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 Deux jours au cours desquels je n'arrive pas à me concentrer sur mes lectures. La machine ne fonctionne pas, la tension ambiante évoque une catastrophe universelle et, quelque part dans le cerveau, l'organisme ne peut percevoir ni les mots de Platon ni les informations des journaux. Durant ces deux jours je lis et je vis de l'Histoire : les Anglais débarquent en Sicile ( entre le 9 et 10 juillet 1943 ). Le sort de la région du monde à laquelle j'appartiens se décide ces jours-ci, et pour longtemps. Je lis et travaille, je respecte mon emploi du temps comme je peux, comme un fou qui poursuit ses obsessions au moment même où un tremblement de terre détruit tout autour de lui. Je crois que ce fou a raison, ce fou en moi et en chacun d'entre nous, d'accomplir parfaitement ses obligations et de s'en tenir à sa tâche. Tout ce qui concerne le sort de la Sicile, de l'Europe, l'attaque britannique, tout est éphémère. La pensée et le travail perdurent. J'éteins la radio qui annonce l'occupation de Syracuse par les Anglais et je reprends place à mon bureau pour lire Platon et travailler. Je ne ressens pas cela comme une échappatoire ni comme une posture artificielle. Ce qui serait artificiel de ma part serait de m'enthousiasmer à la pensée que telle ou telle armée occupe la Sicile ou Trifouillis-les-Oies. C'est l'affaire du monde. Mon affaire à moi, c'est d'assembler des idées subjectives à l'aide de postulats, même si ou peut-être justement parce que le monde s'écroule.
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1943
 Premier brouillon de La Sœur et dernières lignes du manuscrit de Sortilège. Je les écris en écoutant la radio qui nous avertit d'une alerte aérienne. En rédigeant le dernier dialogue de Sortilège, je ne peux m'empêcher de penser qu'il faut me dépêcher parce que je n'aurai peut-être pas le temps de finir ma phrase ! Peut-on travailler ainsi ? Oui, on peut. N'est-ce pas une forme de folie, alors que Berlin est en train de disparaître que de travailler sur un roman et une pièce de théâtre ?  Ou n'est-ce que cela qui donne un sens à la vie et qui compte vraiment, n'est-ce pas ainsi que l'on peut et doit vivre et considérer que tout le reste, les Berlin, les Hambourg, les Kiev, les Varsovie, la rivalité sanguinaire de ces grandes nations despotiques, n'a pas plus d'importance que le cancer, une hémorragie cérébrale ou un malheur physique et existentiel ? Je crois que c'est là que réside la vérité. Une pensée, une oeuvre, voilà la réalité ; le reste n'est que brouillard, cauchemar, rêve éternel monstrueux, dont l'homme se réveille, le temps d'une idée, le temps d'un éclair créateur...
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