Dramaturge, nouvelliste, romancier et réalisateur,
Eric-Emmanuel Schmitt, dont l’œuvre est traduite dans une quarantaine de langues et jouée dans davantage de pays encore, est l’un des auteurs francophones contemporains les plus lus au monde. Écrivain philosophe à l’écriture fluide et directe, il met sa plume au service de thèmes intemporels comme la foi ou la quête du bonheur, et sait mieux que personne donner présence aux figures mythiques les plus polaires. Touche à tout par excellence, il s’adonne aujourd’hui tant à la bande dessinée qu’à la musique, tout en poursuivant son activité d’écrivain.
Entre un père champion de boxe française et une mère championne de course à pieds, Eric-Emmanuel Schmitt aurait pu choisir le sport. D’ailleurs, élevé dans la joie au sein d’une famille aimante, le jeune Schmitt pense qu’il n’aime pas lire. Pourtant, c’est très vite qu’il ressent envers la littérature un enthousiasme qu’il ne peut nier. Accompagné par sa mère à une représentation de
Cyrano de Bergerac à Lyon, le jeune Schmitt ressort du spectacle ému aux larmes. Au sortir de la pièce, les yeux rivés sur l’une des affiches de la pièce qu’il vient de voir, il annonce fermement à sa mère : “ je veux être comme le monsieur sur l’affiche”, pointant du doigt non pas le personnage au long nez, mais bien son auteur,
Edmond Rostand. Comme prévu, ses premiers écrits ne se font pas attendre : le jeune homme écrit son premier livre à onze ans et une pièce à seize, intitulée “Grégoire ou pourquoi les petits pois sont-ils verts ?”, une satire sur l'éducation sexuelle. Déjà fort exigeant, ce passionné des aventures d’Arsène Lupin reste cependant mécontent de son travail et préfère remettre ses ambitions d'écrivain à plus tard. Rien ne suffit d’ailleurs à l’adolescent quand il s’agit d’intellect : langues, musique, dessin, théâtre, musique : Eric-Emmanuel Schmitt dévore la culture autant qu’il le peut. En attendant de pouvoir vivre de sa plume, le jeune Eric-Emmanuel, qui se découvre peu à peu grâce à la philosophie, se met à travailler son style avec ardeur et ambition. Étudiant à Lyon au prestigieux lycée du Parc, il intègre ensuite l'École normale supérieure de la rue d’Ulm en philosophie jusqu’en 1985 où il obtient l’agrégation. Sa thèse, intitulée “Diderot et la métaphysique”, sera publiée en 1997.
L’année 1991 sonne le début d’un fulgurant succès pour Eric-Emmanuel Schmitt.
La Nuit de Valognes, sa première pièce, propose une variation moderne sur le mythe de Don Juan. Triomphante, elle est celle qui le révèle au grand public en France, avant d’être rapidement reprise en Angleterre. Soutenu par la critique, Schmitt propose une seconde pièce dès 1944,
Le Visiteur, qui lui vaut trois prix lors de la Nuit des Molières la même année. Hypothétique rencontre entre Freud et Dieu, ce récit devenu un classique du répertoire international, lui permet, grâce à l’ampleur de son retentissement, de quitter son poste de maître de conférence en philosophie afin de se consacrer entièrement à l’écriture. La décennie 90 sera ponctuée de plusieurs autres succès pour l’écrivain, parmi lesquels
Variations énigmatiques, mis en scène avec Alain Delon et Francis Huster, ainsi que Frédérick ou le Boulevard du crime en 1998.
Dans les années 2000, l’écrivain effectue un tournant littéraire et s’essaye aux romans et nouvelles. Pourquoi un tel renouveau ? C’est une expérience mystique, la première, qui change notre écrivain athée en romancier croyant. Alors qu’il traverse le Sahara, Schmitt s’égare et passe trente-six heures sans boire ni manger. Grisé par une telle expérience, il contemple les étoiles et est alors saisi par le sentiment de ne faire qu’un avec l’univers, d’être habité par une force qui le dépasse. Cette découverte de la foi est le sujet de
L`Evangile selon Pilate - Journal d`un roman volé, un roman publié peu de temps après cette expérience et qui triomphe une nouvelle fois auprès de la critique. A cette période il rédige également
La Part de l`autre, une uchronie dans laquelle Adolf Hitler intègre l'École des Beaux arts de Vienne, changeant ainsi l’avenir du monde du tout au tout. Du côté des nouvelles, on retiendra
Odette Toulemonde et autres histoires, porté à l’écran quelques années plus tard avec Catherine Frot et Albert Dupontel. Comme le livre, le film fera le tour d'Europe, rencontrant un incroyable succès.
Monsieur Ibrahim et les Fleurs du Coran est publiée l’année suivante. Aujourd’hui considérée comme un incontournable de la littérature française contemporaine, la pièce est vendue en 2004 à plus de 250 000 exemplaires en France et 300 000 en Allemagne. Cette oeuvre est partie intégrante du
Cycle de l’Invisible, une série de récits traitant chacun d’une religion. Lu par des millions de lecteurs de toutes générations, le cycle rencontre un immense succès dépassant largement le monde francophone.
Eric-Emmanuel Schmitt n’est pas de ceux qui s’endorment sur leurs lauriers. Alors qu’il aurait pu se contenter de son succès, l’écrivain est sans cesse à la recherche de nouveaux modes d’expression. C’est d’ailleurs lui qui réalise l’écriture scénaristique des adaptations de ses oeuvres. Après son aventure romanesque, il s’attaque à l'auto-fiction avec
Ma vie avec Mozart, publiée simultanément dans 8 pays avant d’être mise en scène en musique. Curieux, il ouvre en permanence de nouvelles portes et évoque notamment sa passion pour Georges Bizet et Carmen en faisant ses débuts à l’Opéra National de Paris dans
Le Mystère Bizet. En 2012, Eric-Emmanuel Schmitt prend la direction du théâtre Rive Gauche, dans le 14ème arrondissement, en association avec le producteur et comédien Bruno Metzger, qu’il ouvre avec la représentation du
Journal d`Anne Frank. Désormais directeur artistique, Schmitt monte sur les planches de son institution quelques années plus tard pour interpréter L'élixir d’amour, une adaptation de son premier roman épistolaire, accompagné de la danseuse Marie-Claude Pietragalla. La consécration arrive enfin pour cette oeuvre multiforme qu’est celle d’Eric-Emmanuel Schmitt, lorsque l’Académie royale de la langue et de la littérature françaises de Belgique l’élit académicien en 2012. Schmitt siège désormais sur le fauteuil 33, occupé auparavant par nuls autres que
Colette et
Jean Cocteau.
Plébiscité tant par le public que par la critique, Eric-Emmanuel Schmitt est aujourd’hui l’auteur le plus étudié au collège comme au lycée, et ce, bien au delà des frontières du monde francophone. Capable d’expliquer le mystère de la foi comme de réécrire l’histoire, cet écrivain touche à tout sait enrichir son propos littéraire d’une culture philosophique sans cuistrerie aucune, à la manière d’un
Michel Tournier. Auteur des plus prolifiques de notre temps, Eric-Emmanuel Schmitt s’est définitivement élevé au rang d’incontournable.
Le saviez-vous ?
• Pour améliorer son style, il se livre avec ferveur à des exercices de réécriture et de pastiche, en particulier de
Molière.
• Réalisant un rêve d’enfant, il publie en septembre 2013, chez Dupuis, sa première bande dessinée,
Les aventures de Poussin 1er, tome 1 : Cui suis-je ?, croquées par le célèbre Janry
• Passionné de musique, il a traduit en français Les Noces de Figaro de Mozart et achève la traduction de Don Giovanni
• Pour tenir face à cette boulimie de travail, l'auteur avoue nager au moins deux kilomètres par jour
• Eric-Emmanuel Schmitt est l'auteur le plus étudié dans les collèges et les lycées.
Oscar et la dame rose est classé premier devant
L`Etranger et
Inconnu à cette adresse.
• Toutes ses œuvres en français sont éditées par Albin Michel
• Il a obtenu la naturalisation belge en 2008
Chronologie
28/03/1960 : Naissance d’Eric-Emmanuel Schmitt en Rhone-Alpes
1985 : Obtention de l’agrégation de philosophie
1991 : Parution de sa première pièce de théâtre :
La Nuit de Valognes
2000 : Publication de
L`Evangile selon Pilate - Journal d`un roman volé
2001 : Il obtient le Grand Prix du Théâtre de l’Académie française pour l'ensemble de son œuvre et publie
Monsieur Ibrahim et les Fleurs du Coran
2002 : Parution de sa plus célèbre pièce Oscar et la dame Rose
2007 : Il rédige le scénario d’Odette Toulemonde, adapté au cinéma la même année avec Catherine Frot et Albert Dupontel
2009 : Adaptation par Schmitt lui-même d’
Oscar et la dame rose
2010 : Il obtient le Prix Goncourt de la nouvelle pour
Concerto à la mémoire d`un ange
2012 : Il est élu à L’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique à la succession d'Hubert Nyssen
2013 : Parution de sa première bande dessinée Les aventures de Poussin 1er
2014: Un opéra est créé à partir de son texte Oscar und die Dame in rosa par Fabrice Bollon à Freiburg
Influences littéraires
Le théâtre philosophique, bien que né pendant la Seconde Guerre s’est développé à l’époque de la Libération avec notamment
Albert Camus et
Jean-Paul Sartre, donnant dès lors naissance à des pièces davantage discursives, dont Eric-Emmanuel Schmitt est l’un des directs héritiers. Ce courant est l’un de ceux qui ont largement contribué à démocratiser l’exercice philosophique en le déplaçant sur scène.
De par les tendances philosophiques mises en scène dans son écriture, Eric-Emmanuel Schmitt est souvent rattaché à la figure de Jean-Paul Sartre, avec qui il partage un certain goût pour des sujets liés à la condition humaine, comme la liberté, la responsabilité ou encore l’existence divine. On a notamment souvent comparé
Le Visiteur de Schmitt avec le
Huis clos Sartre, où l’espace joue un rôle actif en poussant les personnages à agir et à s’ouvrir. Grands philosophes de leurs époques, Sartre et Schmitt considèrent le théâtre comme un bon moyen d’expression de leurs pensée. Les divergences entre les dramaturges se révèlent au-delà de ces considérations sur l’art théâtral en lui même. D’ordre plus théorique, leurs dissensions portent sur la nature de l'existentialisme qu’ils exposent dans leurs oeuvres. Alors que Sartre exclut fondamentalement l’existence divine, Schmitt la discute et résume la liberté humaine à une volonté divine.
Ils ont dit d’Eric-Emmanuel Schmitt…
Fabienne Pascaud : “Un véritable conteur caméléon.”
Blaise de Chabalier : “Schmitt ne juge pas ses personnages. Il se contente de les comprendre. Ce qu'il fait avec finesse.”
Jean Rémi Barland : "Eric-Emmanuel Schmitt possède l'art du dialogue, autant que celui du portrait."