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Critiques les plus appréciées

L'appel sauvage (ou) L'appel de la forêt

C'est assez récemment que j'ai fait connaissance avec Jack London, grâce à son merveilleux « Croc-Blanc ». Il était inévitable que je revienne vers lui, tout comme je suis sûre et certaine aujourd'hui que je n'en ai pas encore terminé avec lui. Quand on sait que Jack London détestait écrire, qu'il le faisait parce qu'il fallait bien gagner sa vie, on ne peut que se demander ce que ses récits auraient été s'il les avait écrits avec plus de passion. Le monsieur n'aimait pas ça, toujours attiré par de multiples aventures et contrées à découvrir, mais il faut bien lui reconnaître qu'il le faisait extrêmement bien malgré tout.

Et pour nous pondre « L'appel de la forêt », c'est de son voyage en Alaska parmi les chercheurs d'or qu'il s'est inspiré. Et en un sens, je trouve qu'il fait aussi pas mal écho avec « Croc-Blanc ». Mais là où l'on assiste à la transformation d'un chien-loup à l'état sauvage vers la domestication, c'est tout l'inverse qui se produit pour Buck, notre héros de « L'appel de la forêt ».

Buck avait une vie paisible auprès du juge Miller, avant qu'il ne soit trahi et vendu par le jardinier de la demeure familiale. Dressé et battu en conséquence, Buck n'a d'autres choix que d'apprendre vite. Et alors qu'il découvre le Grand Nord et son climat hostile, en tant que chien de traîneau, se réveille en lui, au fil des jours et des nuits glaciales, son instinct primitif. Résonne en lui, de plus en plus fort, ce qu'il nomme l'Appel, ce son qu'il reconnaît sans savoir ce qu'il est vraiment...

Bien que le processus soit inversé au niveau de l'intrigue, les thèmes sont les mêmes que dans « Croc-Blanc » : nature sauvage dominante, climat hostile, loi du plus fort, cruauté des hommes. Buck découvre la dureté de la vie et ce que les hommes et ses congénères sont capables de méchancetés. Mais pas uniquement, heureusement. Il sera également très aimé de son dernier maître, et apprendra de ce fait la signification des mots amour, respect et fidélité.

Le récit est court et se lit donc relativement vite. Il n'en est pas moins captivant et émouvant. Je me suis tout de suite attachée à Buck et j'ai pris plaisir à le suivre dans ses (més)aventures et sa lutte pour la vie, dans sa transformation en un animal primitif. L'atmosphère et le climat sont palpables tout du long. J'ai eu froid, j'ai senti la fatigue et l'épuisement après des journées interminables, j'ai senti les coups de bâton et de fouets, et j'ai également perçu ce lien indéfectible entre Buck et Thornton, tout comme j'ai entendu cet Appel qui gronde au plus profond de chacun...

« L'appel de la forêt » est aussi beau que « Croc-Blanc », sans l'effet de surprise puisqu'ici je me doutais dans quoi je mettais les pieds, et avec un petit je-ne-sais-quoi qui m'a un poil dérangée (venant sans doute du fait que Buck est prédestiné dès le début à la vie sauvage, portant en lui les gènes de ses ancêtres préhistoriques). L'histoire de Buck n'en est pas moins belle et dure, écrite d'une plume délicate, sachant aussi bien dépeindre l'ambiance et le milieu abrupts que les ressentis et comportements instinctifs.

Une belle lecture, que je n'hésiterai pas à relire dans quelques années.
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D'après une histoire vraie

D'après une histoire vraie - Delphine de Vigan - Roman - Éditions le Livre de Poche - Lu en avril/mai 2025.

Fiction ou réalité ? Ou bien les deux ?

Plus de 800 critiques sur ce livre, difficile donc de faire dans l'original d'autant plus que ce livre est assez particulier, Delphine de Vigan nous fait entrer dans l'univers de l'écriture et du cinéma, où commence la réalité, où commence la fiction, tout tourne autour de ces deux questions. D'après une histoire vraie est un véritable thriller psychologique.

Delphine, après l'énorme succès de son précédent ouvrage, succès auquel elle ne s'attendait pas, éprouve un vide abyssal et développe une peur panique de se retrouver devant son ordinateur. Elle se sent seule, son mari François est souvent en déplacement et ses deux enfants vont s'envoler du nid.

Elle rencontre L. qui ne sera jamais nommée autrement, L. qui a une admiration sans borne pour Delphine. Cette rencontre est-elle un hasard ?

De cette rencontre naîtra une espèce de symbiose entre les deux femmes.
L. s'accroche à Delphine, leurs échanges tournent autour de la littérature, sur le processus de l'écriture, que demande le lecteur, du réel ou de la fiction ?
Un écrivain doit-il se plier aux exigences du public ?

L. prend la main sur Delphine, lentement mais sûrement et Delphine perdue dans sa peur de créer un nouveau roman s'en remet complètement à L.

Et bien sûr, commence alors la lente mais inexorable descente en enfer pour Delphine. Qui est L. ?

Cette lecture est une introspection dans les pensées de Delphine en mal d'écriture sous la domination "bienveillante" de L.

Une bien étrange et captivante lecture dans laquelle Delphine de Vigan nous entraîne au plus près de ses pensées, au plus près de ses ressentis.

Alors, Delphine a-t-elle été manipulée par L. ?

Ou la lectrice que je suis a-t-elle été manipulée par l'auteure ?

Pour ceux et celles qui n'ont pas encore lu"D'après une histoire vraie", je vous invite à le faire pour vous forger votre propre opinion sur cette étonnante et passionnante histoire "vraie" ou "fictive" ?

J'ai adoré !

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Mille petits riens

« La tristesse des éléphants » avait été un énorme coup de cœur et il en sera de même pour « Mille petits riens », roman intense qui traite du racisme aux États-Unis.

Sous forme de roman choral, Jodi Picoult prête sa voix à trois protagonistes que l'on suivra tour à tour au fil des chapitres. L'action se déroule courant 2014, à New Haven dans le Connecticut, et tourne autour du décès d'un nouveau-né. C'est avec Ruth, infirmière et sage-femme depuis vingt ans, que l'histoire démarre, au moment où sa supérieure lui interdit de s'occuper d'un bébé né la nuit précédente, parce qu'elle est... noire. Les parents sont en effet des suprémacistes blancs et ne tolèrent pas qu'une "négresse" puisse toucher leur fils. C'est là qu'entre en jeu Turk, le père du nouveau-né et deuxième voix du roman, jeune homme qui "casse du négro et du pédé" sans scrupule aucun. Kennedy, quant à elle, avocate de la défense publique, sera la troisième voix, elle fera son apparition au moment où elle sera commise d'office dans l'affaire qui concerne Ruth, accusée du meurtre d'un bébé...

Narration à la première personne, nous sommes propulsés dans la tête de trois personnalités différentes et vivont leur quotidien tel qu'elles le vivent elles-mêmes. Ainsi, l'on peut se rendre compte de comment un seul et même évènement peut être vécu et/ou perçu de manière différente selon notre niveau social, nos modes de vie, notre éducation, ... notre couleur de peau. J'ai aimé la manière dont l'autrice aborde les sujets de différents points de vue, on sent là un véritable travail de documentation. D'un chapitre à un autre, on suit le déroulé de l'histoire d'un regard à chaque fois différent, selon celui d'une personne de couleur, d'un skinhead, d'une personne "lambda", ou encore de la justice.

Quels que soient les thèmes évoqués, ils sont toujours minutieusement traités. Ils peuvent paraître nombreux mais se rejoignent tous autour d'un seul : le racisme, abordé selon différentes perspectives. Ainsi, il est question de discrimination et préjugés raciaux, de suprémacisme blanc et de haine raciale, de relations interraciales, mais aussi du système judiciaire et de justice sociale, de maternité, de deuil et de famille. Jodi Picoult a fait un travail de recherche remarquable, tout y est subtilement décortiqué : le contexte, les points de vue de chacun, leurs ressentis, le déroulement des événements. Les personnages, qu'on ne peut évidemment pas tous aimer, sont tous parfaitement fouillés.

Deux nuits, c'est le temps qu'il m'a fallu pour engloutir ces presque 700 pages intenses, prenantes, saisissantes, captivantes. Tantôt horrifiée ou mal à l'aise, tantôt pleine de compassion, tout m'a touché d'une manière ou d'une autre.
La plume est superbe, toute en sensibilité et délicatesse.
C'est un roman puissant, profond, marquant, sombre et lumineux tout à la fois.

C'est le genre de lecture qui ouvre les yeux et fait réfléchir. Le racisme existera sans aucun doute toujours (et pas uniquement aux États-Unis), qu'il soit actif ou passif, d'où l'importance de ce genre d'ouvrages, aussi fictifs soient-ils (et pourtant bien ancrés dans notre réalité).

Même si j'aurais préféré un happy end un peu moins happy, pour le rendre un peu plus crédible, ce fut une lecture fabuleuse.
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Le passeur de lagunes

J'ai eu un peu de mal au début avec ce récit car le cadre de la Venise que l'on connaît n'est pas tout à fait le même. Certes, on va naviguer dans une lagune qui retient les habitants totalement prisonniers comme pour les protéger d'une immigration massive.

Il est question d'un adolescent à la recherche de son père mais également de passeurs d'immigrés dans cette cité lacustre. Cela ne semble pas trop correspondre avec la réalité si bien que l'on se demande si on n'est pas situé dans un futur pas si lointain où les villes seraient obligées de fermer leurs frontières face à une immigration devenue trop massive.

Pourtant, il n'y a aucun indice de la sorte ne serait-ce que dans la narration nous permettant une datation. Bref, c'est assez déroutant car on est loin de la vision que l'on se fait de la belle Venise.

Au fur et à mesure, j'ai apprécié cette lecture même si c'est parfois un peu trop long et plutôt sombre. L'auteur a pris son temps pour nous décrire une certaine situation où la mafia locale semble régner en maître sur le destin des différents personnages. On appréciera également les images à l'aquarelle ainsi que le décor presque semi-poétique de la lagune.

Au final, une œuvre qu'il convient de découvrir si on souhaite sortir des chemins battus. C'est une tout autre facette de Venise que voilà !
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Fragments de la maison

J’ai rencontré Habiba Djahnine à Sète, lors du festival de poésie « Voix vives » dont elle était l’une des nombreux invités. D’emblée, j’ai été conquise par sa vitalité et je me suis laissée emportée par le vent chaud de sa poésie.

« A chaque corps sa mémoire »
Habiba Djahnine va chercher les mots au plus profond de sa mémoire. Ces mots assemblés, liés, font corps sur les ruines de la guerre. Vient le temps de la reconstruction.
C’est aussi l’histoire d’une confiance à reconstruire lorsque tout a été bafoué.
Mais comment aborder le passé ? Dans quelle langue s’adresser à la rue ? Elle interroge, décrypte et elle écrit le poème « car la poésie est le seul langage possible » celui qui saura apaiser la douleur d’une guerre insidieuse.

La poétesse doit retrouver les bribes du passé, que l’amnésie collective recouvre.

« Proche des murs de la maison
Tout près des silences nocturnes
J’entrevois en fragments
Les histoires des miens. »

Elle doit faire face à la peur.
« La peur.
Cette chose insondable, irrationnelle, fugace, poignante ! »

L’amour est très présent. Comment aimer à nouveau lorsqu’on n’a « appris qu’à mourir », car l’amour a cette faculté de panser les plaies et tenir la souffrance à distance.
Face à la mer, elle se dit « étrangère dans sa ville, étrangère dans sa vie ». Il faut pourtant éloigner l’oubli, mais comment ?
Ces éclats de vie sont traversés par les fantômes, ceux des ancêtres qui luttent contre l’oubli.
Dans "Autres conversations avec les fantômes », sourde une certaine violence entre doutes et affirmations.

L’écriture est limpide, et on se laisse aller à ce déploiement existentiel où la mémoire cueille des souvenirs sensibles.



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Noces de sang

Bodas de Sangre, le chant maudit de Garcia Lorca

“Mieux vaut mourir saigné que vivre avec du sang pourri”. le célèbre écrivain espagnol, soupirant éconduit de Salvador Dali, poète membre de la “Génération des 27” avec Antonio Machado ou encore Rafael Alberti, signe un succès de théâtre sur le funeste destin d'un mariage arrangé.

Cette pièce, proposée par Folio en version bilingue, aux allures de drame romantique du XIXe siècle est d'une singulière modernité dans les phrases, très brèves, définitives, vertigineuses aux accents presque durassiens.

Cette économie de moyen dans les dialogues est un peu contrebalancée par les interventions poétiques de choeurs anonymes et même “la Luna” s'exprime sur ce drame, inspiré d'un fait divers qui poussa le poète, toujours engagé, à se faire dramaturge en 1933, quelques années seulement avant son assassinat par les franquistes.

L'intrigue est prenante, les tableaux se succèdent, implacables, sans l'ombre d'un doute sur le dernier rideau de sang qui va s'abattre sur les amants impossibles.

“Et moi je dormirai à tes pieds
pour veiller sur tes rêves.
Toute nue, surveillant la campagne,
(Tragique.)
comme si j'étais une chienne,
voilà ce que je suis ! Car je te regarde
et c'est ta beauté qui me brûle.”

Un chant éculé, désespéré, manichéen, sans nuance et sans issue. Les noces de sang, c'est beau ainsi, et pas autrement.

Qu'en pensez-vous ?
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Ne te retourne plus

Ce recueil est le dernier du poète Jean-Marie Berthier décédé juste avant sa publication.
Comment se relève -t-on d’un chagrin immense lorsqu’on a perdu deux enfants ? La poésie de Jean-Marie Berthier oscille entre désespoir et espérance et, dans ces textes, surgit l’émerveillement de la vie et le refus de la résignation.

Dans « ils ont tué mon fils », il évoque la mort par noyade d’un marocain poussé dans la Seine par un manifestant du FN
« Je l’ai pris dans mes bras
Et sous le ciel de tous les hommes
Je le berce tout bas »
Poème magnifique et sobre qui s’élève contre le racisme et toutes les barbaries.
Les mots du poète parlent de fraternité et d’espoir. Il insuffle un message d’amour lorsqu’il clame :
« Aime les hommes
Sans faire semblant »
Car il faut se battre contre la haine, la bêtise et l’indifférence, c’est cela « qui fait des hommes des pierres. »
Plusieurs de ses poèmes s’adressent à ses amis comme Jean Joubert ou François Cheng. Pour certains, nous n’avons qu’un prénom, mais on devine à travers les mots l’amitié et la connivence qui lie le poète à ses amis.
Le poème « Dans l’au-delà de l’éclair » s’adresse à sa fille Anouk à qui il fixe un rendez-vous.
« Je te donne rendez-vous, ma fille, au sommet d’une colline apprivoisée, quand le lanceur effréné de toupies nous aura fait danser de joie ».

Et puis il évoque le dernier voyage avec une sobriété d e langage et c’est émouvant.
« Il nous faudra partir nus
De peur d’alourdir un peu
Le vol clair de l’immense voyage. »

Dans une alternance de textes courts et longs, de prose, ces poèmes évoquent des moments de gravité ou bien des instants plus légers.
La nature est très présente ainsi que les petits riens plus intimes qui dévoilent son être profond.
Derrière la mélancolie se dessine l’espoir d’un homme pétri d’humanité et on est touché par sa justesse, sa sensibilité.


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Quinze jours ailleurs

Quinze jours dans la vie d’un homme.
Vincente Minnelli a adapté ce roman d’Irvin Shaw en en 1962 avec Kirk Douglas, Edward G. Robinson et Cyd Charisse dans les rôles principaux. S’il en a respecté l’atmosphère, celle du Holywood de l’âge d’or finissant, il a fait du principal protagoniste, Jack Andrus, un homme en proie à de violentes crises d'alcoolisme.

Chez Shaw, c’est d’une crise existentielle dont il s’agit, celle vécue par un homme qui fut un acteur connu et reconnu, jusqu’à la seconde guerre mondiale. Traumatisé, blessé, Andrus a changé de carrière, travaille désormais pour l’OTAN, a épousé une Française, fondé une famille et vit à Paris.
Un ami metteur en scène qui a lui aussi connu son heure de gloire le contacte. Angus le rejoint sur un tournage à Rome pour une durée de deux semaines, espérant tourner le dos à l’ennui dont il est la proie, et renouer, qui sait, avec son ancienne carrière.

« Mourir, mourir, avaient chuchoté les voix, Mourir, avaient chanté les sirènes de Rome, il n’y a rien de meilleur que l’oubli, rien de plus délicieux que le néant. Il n’était pas ligoté à un mât, ses oreilles n’étaient pas bouchées par la cire, il avait écouté, il avait tendu la main dans la direction de la musique.
C’était incroyable que chose pareille lui fût arrivée. Mais cela lui était arrivé.
Au cours de ces deux semaines quelques chose s’était produit qui ne s’était jamais produit avant: il avait commencé d’avoir envie de mourir. »

Quinze jours ailleurs n’est pas le roman le plus connu d’Irwin Shaw, l’action y est quasiment inexistante, mais il offre le portrait saisissant d’un homme hanté par son passé, bouleversé par une femme, et par d’anciennes amitiés.
On ressent la patte d’Irwin Shaw, romancier, dramaturge, scénariste (Arc de Triomphe, Un acte d'amour , L'Enfer des tropiques…), engagé durant la seconde guerre mondiale, qui dut s’exiler en Suisse à cause de la tristement célèbre Liste Noire. Francophile, il a comme son personnage tourné le dos à une partie de son existence, et sait mieux que quiconque évoquer la vie des Américains en Europe.
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La Dame à la licorne et le beau chevalier

L'histoire de la Dame à la Licorne est nettement moins connue que celle de Tristan et Iseult, alors même qu'elle a également été écrite au Moyen-Âge. Je n'en connaissais que les tapisseries, exposées au musée de Cluny de Paris. « Le Rommans de la Dame a la Licorne et du Biau Chevalier » a été copié en 1349 pour être offert en cadeau de mariage à Blanche de Navarre. Nathalie Koble l'a traduit du moyen français pour nous en offrir une version dans un français plus moderne, sans doute plus compréhensible également, et de ce fait nettement plus buvable et moins barbante (enfin je suppose). « La Dame à la Licorne et le Beau Chevalier » vient ainsi combler les lacunes quant à mes connaissances sur ce conte médiéval.

Pour avoir relu récemment Tristan et Iseult, encore frais dans ma tête, j'ai pu me rendre compte que les deux œuvres avaient énormément de points communs. Il ne fait aucun doute que l'une a été fortement inspirée par l'autre. Les thèmes sont les mêmes : amants maudits, amour interdit/impossible entre un preux chevalier et une princesse, avec une touche de fantastique, des actes héroïques, des tournois, des combats, des batailles, des quêtes. La seule grosse différence se situe à la fin : tragique pour l'une, heureuse pour la seconde.

Les amants, ici, ce sont, comme le titre l'indique, la Blanche Dame à la Licorne et le Beau Chevalier au Lion. La première est d'une beauté à couper le souffle et est adulée de tout le monde. Elle a de nombreux admirateurs et admiratrices, le monde est à ses pieds et c'est limite si on ne perd pas connaissance rien qu'à la regarder. Le second est le plus beau, le plus valeureux et le plus fort des chevaliers. Et quand je dis qu'il est le plus fort, je vous assure que je ne mens pas : il terrasse à lui tout seul 40 chevaliers rien qu'avec sa lance et son épée, c'est dire s'il ne fait qu'une bouchée des dragons et des géants ! Enfin bref, ces deux-là étaient faits pour s'entendre et former le couple parfait. C'est juste dommage que la Dame soit déjà mariée et que le mari soupçonneux ait chassé le preux Chevalier...

Séparé de sa Dame mais fidèle à son amour, le Beau Chevalier s'en va à l'aventure, là où le destin le porte. Et il ne perdra pas son temps : il sauvera des jeunes filles en détresse, aidera des rois à gagner des guerres contre d'autres rois, combattra nombre de chevaliers félons, des géants aussi, un dragon et même un nain (trop fastoche d'ailleurs !). Il participera à pas mal de tournois, qu'il gagnera systématiquement. Sa réputation n'est plus à faire, son nom est connu dans le monde entier, et il est soit adulé, soit hautement détesté.

Autant dire que les protagonistes trop parfaits, c'est pas trop mon truc. Et à toujours réussir tout ce qu'ils entreprennent élimine toute part au suspense. Les personnages sont soit des gentils, soit des méchants. Il n'y a pas de demi-mesures (en dehors du mari cocufié, seul personnage énigmatique). Je n'ai donc eu aucun attachement pour eux.

Il m'a fallu à quelques reprises me rappeler l'époque où ce récit a été écrit pour que les bondieuseries et leçons de morale (peu nombreuses heureusement) passent plus facilement.

En revanche, et même si on en connaît systématiquement l'issue, le récit regorge d'aventures et d'action. Il n'y a pas de temps mort. Ce sont des duels, des combats et des batailles en veux-tu en voilà. Il y a tout ce qu'il faut d'exploits chevaleresques, de courage, vaillance, bravoure, loyauté et honneur. On est vraiment à 100% dans le roman dit courtois.

Et parce que les actes héroïques s'imposent tout du long, le côté romance prend beaucoup moins de place que ce que j'en attendais et je dois dire que ce n'était pas pour me déplaire.

Tout comme on a quand même le droit à quelques surprises, notamment pendant les derniers chapitres. Tout ne s'est pas déroulé comme je l'avais pourtant vu venir à des kilomètres à la ronde, d'autant que je m'étais préparée à un dénouement des plus tragiques et que je n'y étais en fait pas du tout (les derniers événements tendaient pourtant à une fin à la Roméo et Juliette).

Voilà pour le fond, passons maintenant à la forme. La couverture, pour commencer, qui est superbe, représentant l'une des six tapisseries (le goût ici) qui composent la tenture de la Dame à la Licorne. J'ai apprécié également les quelques miniatures en couleur disséminées ça et là, venant représenter certaines scènes du récit. J'étais un peu déçue sur le moment que l'autrice ait fait une sélection plutôt que de toutes les mettre ; il y a bien quelques notes en bas de page, pour en décrire certaines qui sont absentes, mais j'avoue que j'aurais préféré les voir plutôt que d'en lire une succincte description. C'est après coup que j'ai su qu'il y en avait une centaine au total, je comprends donc pourquoi il a fallu faire un choix.

Côté écriture, on reste dans le très moyenâgeux, mais la lecture se veut très fluide, pas du tout complexe, et même très plaisante, si l'on réussit à faire abstraction des (trop) nombreuses répétitions. Les ballades y apportent une petite touche poétique plutôt agréable et reposante.

Reçu et lu dans le cadre d'une masse critique privilégiée, je remercie Nicolas de Babelio et les éditions Libretto pour la découverte de ce vieux roman médiéval revisité, vers lequel je ne me serais peut-être pas tourné spontanément.
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Poulets grillés

Un poulet dans un polar, c'est assez commun!
Mais une brigade de poulets grillés, déjà, c'est plus rare surtout quand ces poulets y ont laissé pas mal de plumes!
De plus, et ça c'est pas banal, ces poulets là sont les vilains petits canards du 36, tous mis à mijoter dans une brigade dans laquelle ont les met sous pression dans leur jus!
D'ailleurs, il y a également quelques poulettes qui ne sont pas ordinaires : Lorsqu'elles commencent à pondre, là non plus, ce n'est pas pour une simple omelette, laquelle, on le sait, ne se fait jamais sans casser les oeufs!
Bref, c'est une histoire qui nous mitonne une belle fricassée qui vous fera saliver et peut-être même sourire!

La commissaire Capestan se retrouve entourée de tous les poulets que l'on n'a pu mettre en rayon, dates périmées, défauts de production, hors calibres (car confisqués), sans label, ... et elle va devoir constituer une équipe solide de poulets en batterie pour résoudre quelques cold case, vieilles affaires non résolues, rejetées par l'élite de la maison poulailler mère, avec aucun moyen, aucune ressource.
Mais Anne Capestan en a sous le jabot et avec sa formidable volonté, va mener son équipe de poulets sous son aile, là où personne ne la voyait venir et même transformer ses équipiers en vrais poulets chasseurs!

Chouette petit poulard... er pardon, petit polar bien sympa, très agréable à consommer (de poulet), à déguster tranquillement jusqu'à l'os. Ce genre de livre, seuls, les sots l'y laissent! ;-)
Bonne lecture!
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Le Bois Duncton

Un roman de fantasy, il me fallait un roman de fantasy. Quelle drôle d'idée ! J'en avais lu pas mal à l'époque où mes garçons ados les dévoraient. J'en avais aimé certains, d'autres moins. Je fuyais trop de violence, trop de combats, j'aimais la création d'un monde, de tout un univers avec ses règles, ses traditions, ses héros dotés de certains pouvoirs magiques (mais pas trop sinon c'est trop facile), les quêtes menés par ceux-ci , à la recherche de talismans, ou pour sonner le glas d'un pouvoir trop malfaisant.

Pour m'y replonger, quoi de plus simple que d'aller consulter la bibliothèque d'un de mes amis, spécialiste de la question. Il s'agit bien sûr d'Éric, @CasusBelli. Et quelle ne fut pas ma surprise d'y trouver un livre déjà dans ma PAL, ajouté il y a quelques mois après avoir farfallé avec beaucoup de plaisir. Ce sera donc l'occasion après avoir tremblé, ri, vécu avec les lapins de Watership Down, de découvrir les taupes de le bois Duncton. Et de m'y retrouver en bonne compagnie. Merci entres autres à Onee, Dom et Sandrine qui m'avaient fait ajouter ce livre à l'époque.

Il y a des points communs entre ces deux livres. Et puis des différences, Celui-ci se rapproche en effet beaucoup plus de mes souvenirs de lectures de Fantasy, en y reprenant tout ce qui me plaisait sans rien de ce qui me rebutait.
L'histoire qui nous est racontée grâce au livre du scribe Boswell est celle de Brin de Fougère et de Rébecca, deux taupes du Bois Duncton, qui vont être confrontées à de nombreuses aventures, vont quelquefois se perdre pour mieux se retrouver, vont affronter de multiples dangers er réaliser de grandes choses. Et Boswell, cette petite taupe handicapée, si grande par la sagesse, si constante dans l'amitié qu'elle leur porta, sera là pour écrire le livre de leur vie et raconter leur quête.

L'auteur a créé tout un monde avec ses différents réseaux, ses traditions, ses mystères, ses sages et érudits, ses cantiques sacrés et ses cérémonies, ses brutes et ses tyrans, ses perfides et ses candides. Ce monde va être confronté à beaucoup de désolation, entre règne de tyran sanguinaire, sécheresse, incendie, peste. Et il va falloir beaucoup de courage aux héros de cette histoire, de courage et de sagesse, d'humilité aussi, de foi en un pouvoir plus grand qu'eux tous, même si ce pouvoir incarné par des pierres, laisse les pires horreurs se produire. Ce monde est celui de taupes, et les caractéristiques de celui-ci sont bien celles imposées par ces animaux : nécessité de trouver des vers de terre pour se nourrir, vie dans des terriers creusés au sein de tunnels formant des réseaux complexes. Mais ce monde ressemble aussi furieusement à celui des humains, par les sentiments et les motivations qui guident les différents personnages. Et, le désir de savoir la prochaine péripétie m'a entrainée à tourner les pages les unes après les autres, me sentant finalement assez proches de ces animaux.

Et ce qui a considérablement contribué à mon plaisir de lecture, c'est la poésie dégagée par ce texte, la beauté de l'écriture. Les descriptions de la faune et de la flore de cette campagne britannique sont somptueuses, et c'est dans cette richesse que ce roman se rapproche le plus de Watership Down. Les manifestations de la nature, bienveillantes comme la douceur d'une brise dans les feuilles d'un hêtre, ou terrifiantes comme le blizzard ou l'ouragan, destructrices comme la sécheresse ou l'incendie, se mêlent étroitement à la vie des taupes, éveillant chez elles de multiples sentiments merveilleusement bien décrits par l'auteur.

Un livre d'une richesse incroyable tant par les aventures racontées, que par les sentiments décrits, par la célébration de l'érudition et la dénonciation de la tyrannie. Et ceci dans une écriture de toute beauté. Merci encore à ceux qui m'ont convaincue de le lire.
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Le Déversoir

Ami(e)s de la poésie bonjour. Je viens de terminer le « déversoir « d’Arthur Teboul et je suis resté sur ma faim. Arthur c’est d’abord la voix de feu Chatterton, un groupe qui a trouvé un public dont moi.
Des chansons pleines de poésies sur des musiques qui rendent l’ensemble particulièrement intéressantes.
La poésie des surréalistes m’a toujours désarçonné, en fait je ne suis pas fan, l’écriture automatique encore moins. Vous avez sûrement entendu parler d’André Breton et sa bande de poètes qui ont inventé dans le milieu des années vingt ce courant artistique.
Arthur Teboul a repris le flambeau. Pour moi la poésie ce ne sont pas des mots les uns à la suite des autres, la poésie comme j’aime c’est un texte qui me fait frissonner, un sourire d’enfant, ma chérie qui se coiffe, un crépuscule sur une plage bref tout ce qui laisse des images dans notre cœur et dans notre corps.
J’ai quand même trouvé chaussure à mon pied, des petites merveilles, il ne faut jamais désespérer.
Un hommage à Christian Bobin, un poète que je ne connais pas très bien et que je vais découvrir grâce aux éditions Gallimard « les différentes régions du ciel «
Voilà pour le « Déversoir «
Si vous avez l’occasion allez voir Feu !!Chatterton ça vaut vraiment le coup.
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Cristal 417

Voici une BD où l'on va suivre une jeune femme provinciale qui s'est engagée dans la police afin de servir l'Etat dans sa mission de maintien de l'ordre dans la société. Evidemment, elle en verra des vertes et des pas mures dans ce milieu où l'on côtoie la pire misère sociale. Les individus qui commettent crimes et délits le font souvent (mais pas toujours) pour des motifs strictement économiques.

Elle va rejoindre après un stage concluant le prestigieux commissariat aux affaires criminelles situé au 36 quai des orfèvres avec pour nom de code Cristal 417 d'où le nom de la présente BD. Les affaires vont se corser un peu car elle va travailler pour des crimes d'homicide assez scabreux au milieu d'autres affaires un peu plus ordinaires dans cette brigade assez macho.

J'ai bien aimé un style qui se rapproche nettement de la réalité et d'une forme de documentaire mais sans l'être vraiment. Certes, c'est parfois assez ennuyeux car la forme est assez pompeuse par moment. Il n'y aura pas vraiment une action spectaculaire. C'est un parti pris de la part des auteurs qu'il nous faut respecter.

Pour autant, dépassé ce stade d'acceptation, on découvre l'envers du décor de la brigade la plus prestigieuse de la République et c'est plutôt intéressant comme approche. Le dessin est plutôt net mais parfois pas assez précis notamment dans le visage des différents personnages.

Cela se termine sur quelque chose d'énorme qui rappelle que notre pays n'est pas à l'abri. Je n'en dirais pas plus. En même temps, cela souligne quand même l'utilité de ce corps de fonctionnaires pas très apprécié d'une bonne partie de la population. Peut-être que cet ouvrage permettra de mieux les comprendre, on ne sait jamais.
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Le Coeur de l'hiver

Craig Johnson, dont les romans se situent le plus souvent dans les grands espaces de l'Ouest américain, avec une intrigue policière fortement imprégnée de nature writing, est capable de restituer cette ambiance dans le désert mexicain avec toujours le même sens des descriptions et des dialogues.

Ce livre peut se voir comme une suite de Western Star à la fin duquel la fille du héros Walt Longmire était enlevée par un cartel de drogue mexicain. Il peut néanmoins être lu aisément séparément et suscitera l'envie du lecteur d'aller prendre, avec retard, le train de l'Ouest.

Ici, l'ambiance n'est plus aux immensités enneigées mais au désert brûlant du Mexique avec ses canyons, ses rivières puissantes, ses cactus et des mules qui jouent un rôle important dans cette aventure.

Walt Longmire part donc, au péril de sa vie et de celles de ceux qui l'accompagnent, se jeter dans la gueule du loup, le tyrannique chef de cartel qui a enlevé sa fille. S'ensuivent de nombreux épisodes dramatiques, les morts violentes sont enchaînées avec impossibilité de les compter, aussi bien dans le camp des "bons" que dans celui des "méchants" comme disent les enfants d'un orphelinat que Walt va délivrer finalement malgré lui.

Les dialogues ont toujours la saveur habituelle des textes de Craig Johnson, même aux instants précédant la mort ou le flirt inconscient avec elle. Ces dialogues très denses rendent facile et rapide la lecture d'un roman où la confusion apparaît régulièrement sans toutefois perdre le lecteur peu exigent sur la vraisemblance des situations.

A noter une scène finale reproduisant une corrida où les deux protagonistes sont humains, Walt jouant le rôle du taureau, subissant de terribles banderilles, voyant venir une mort inéluctable qui ne saurait survenir si l'on veut conserver le héros pour de futures aventures.

Personnellement, j'aime le style de Craig, ses évocations des sierras, des jeux de lumière du soleil, tant au lever qu'au coucher, ses constructions de paysages et, toujours, cette ambiance nature qui domine dans ses livres.

Le coeur de l'hiver est un roman très âpre, violent, une sorte de western policier succulent.
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Amok ou Le fou de Malaisie

Après un prologue digne d'un thriller, annonçant un singulier évènement, en 1912, dans le port de Naples, le récit censé nous en donner l'explication se passe sur un bateau, comme dans « le joueur d'échec », c'est-à-dire un endroit fermé, et en même temps se déplaçant, comme tout récit digne de ce nom.
Le narrateur rentre de Calcutta, s'ennuie dans sa couchette/cercueil, sort donc sur le pont, et comme dans le jouer d'échec et dans 24 heures dans la vie d'une femme, il reçoit les confidences d'un deuxième homodiégétique (selon le classement de Genette) : chacun au centre de lui-même, s'ennuyant pareillement.
La confession, en plusieurs nuits, que reçoit notre premier narrateur, dans le noir de la poupe du bateau et le cliquetis des verres de whisky, commence par des hésitations : « Un ami à moi, euh, euh… » puis le discours est lancé avec vaillance : Je.
Je suis un médecin, j'ai des penchants masochistes, je suis seul, une femme blanche est venue à moi, impérieuse et souveraine, pour me demander à mots couverts un service, ou plutôt, elle me l'impose.
Au masochiste qui admire le culot de la belle qui lui propose de l'argent pour l'avorter, succède un homme désirant mettre à genoux, maitriser l'orgueil, vaincre par la volupté cette aristocrate anglaise qui a tout prévu, mais pas ça.
Un homme, un vrai.
Alors, la passion délirante le possède, lui, qui n'a pas pu posséder l'autre, doublée du remords de n'avoir pu éviter sa mort, elle qui s'est précipitée chez une faiseuse d'anges locale.
Tous les sentiments se suivent dans Amok :

la haine « entre nous, brusquement, la haine fut nue »,

la colère, le désir, le regret, la culpabilité, enfin la possession par l'amok du narrateur, cette folie ici mélangée à l'amour fou, folie sans issue que d'y plonger la tête la première, jusqu'à la mort.
Amok bien connu des Malais, et qui frappe sous les tropiques -pensons à Kurtz, coucou Chrystelle-sans doute à cause du climat.
Et sans doute (ceci est mon point de vue et je le partage avec moi-même) le passage de l'ex-masochiste au sadique refusant d'aider, de la « bête humaine » comme dit Zweig, puis au nouveau masochiste, sa passion l'entrainant à vouloir se trainer aux pieds de celle qui lui résiste, qui se moque de lui avec un rire hautain, qui froidement le méprise. Comme un chien battu, comme un esclave- et le médecin reconnait son alter-ego dans le boy prêt à mourir pour sa maitresse- sans doute l'amok l'a-t-il simplement aidé, par sa déraison furieuse et bestiale, à redevenir comme il était auparavant : masochiste, jusqu'à la mort.
Zweig avec son phrasé habituel, sa décomposition des sentiments, l'exorbitante passion provoquée par l'amok, nous parle aussi de l'extrême masochisme, cumulé par la promesse du secret.
Inoubliable Zweig.
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Le Mystère du col Dyatlov

J'avais déjà entendu parler de ce fameux mystère concernant la disparition tragique de ces alpinistes russes dans les années 50 qui avaient été évoqué dans d'autres BD que j'ai pu lire. Je pense notamment à « Prométhée » de Christophe Bec par exemple ou encore « A la recherche de l'homme sauvage » de Frédéric Bihel.

On se demande en effet ce qui s'est passé sur les pentes du col Dyatlov dans la nuit du 1er février 1959 où 9 randonneurs expérimentés sont morts dans des conditions assez atroces et surtout étranges sans vouloir révéler les détails.

Certains y ont vu la marque du yéti quand d'autres ont cru à une hypothèse purement extraterrestre. Les complotistes ont parlé d'essais nucléaires secrets déployés par l'armée rouge. Les scientifiques ont penché plutôt pour une avalanche. Quant aux policiers enquêteurs, ils ont exprimé l'idée d'un assassin parmi eux qui a été pris d'une folie meurtrière. Bref, il y en aura pour tous les goûts !

Le dossier en fin d'album est assez intéressant alors que la BD en elle-même est apparue assez décevante dans son déroulé. En effet, on ne comprendra pas grand-chose sur ce qui s'est passé réellement avec une compilation des faits de manière assez rétroactive qui n'a pas rendu la lecture vraiment fluide.

Visiblement, notre enquêteur russe penche pour une intervention d'origine extra-terrestre. Or, le guide en fin d'album insiste surtout sur l'hypothèse d'un vent catabatique ce qui aurait été intéressant de développer dans le corps du présent récit imagé.

En conclusion, une lecture un peu frustrante au vu du sujet. Certes, l'auteur a évité le sensationnalisme mais le résultat paraît quand même assez fade.
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L'absence est une femme aux cheveux noirs

Emilienne Malfatto est grand reporter. Ainsi ses livres nous racontent-ils toujours l'actualité internationale, certains faits associés à des lieux emblématiques, que nous connaissons tous mais dont nous avons souvent seulement de vagues idées, des images toutes faites. Son talent, immense, est de nous narrer l'indicible avec poésie et humanité, très loin du style froid et distancié journalistique, mais au moyen d'une plume hypnotique, empathique, sachant allier avec subtilité, faits, étonnements personnels, révoltes en filigrane, témoignages, poésie, rêves, rapports d'autopsie, employant tour à tour douceur pour mieux expliquer puis aussitôt ton cinglant pour mieux dénoncer. Ses mots laissent KO tant ils sont beaux et terribles à la fois, porteurs de vie et de mort. Elle a ce don Emilienne Malfatto, pour mieux nous ébranler et lutter contre l'oubli et l'indifférence.

« Si tu colles ton oreille aux murs lépreux, entendras-tu résonner des cris ?
Ce serait un peu comme un coquillage, tu t'en souviens de ce jeu, on prenait le grand coquillage ramené du Pacifique par l'oncle inconnu, si tu le mets contre ton oreille tu entendras la mer, et tu approchais l'objet nacré, rosé, un peu sexuel, comme un sexe de femme béant, et tu croyais vraiment entendre l'océan, ça soufflait, c'était comme le bruit du vent sur les vagues, comme si le coquillage était plein de ces sons mille fois entendus et qui maintenant résonnaient en lui, le débordaient.
Est-ce qu'il en va de même à la Esma ?
Les murs sont-ils remplis des hurlements, des pleurs, des gémissements ? du martèlement des bottes et des coups de pied et de poing et de bâton et du bruit des viols ?
Et des halètements de douleur des accouchements ?
Et des vagissements des nouveau-nés ? »

C'est avec ce talent que l'auteur nous a raconté, dans « Que sur toi se lamente le Tigre », l'histoire tragique de cette très jeune irakienne tombée enceinte hors mariage après un premier et rapide rapport avec son futur fiancé, faute irrémédiable dans ce pays où l'honneur est plus important que la vie. Elle a reçu pour ce livre coup de poing le prix Goncourt du Premier roman en 2021.
« Les serpents viendront pour toi » avait pour objet l'analyse des crimes commis dans une région gangrénée par le trafic de drogue, la mafia, ainsi que par la présence et le contrôle paramilitaire, à savoir la Colombie.
Dans « le colonel ne dort pas », elle avait réussi la prouesse étonnante d'associer avec virtuosité la poésie à la torture, celle pratiquée en temps de guerre, toute les guerres.

Après l'Irak, la Colombie, et un pays inconnu qui peut être n'importe quel pays où il y a la guerre, Emilienne Malfatto nous convie désormais en Argentine. Dans ce dernier opus, elle s'attaque en effet à une tragédie devenue fait de société dans ce pays, celle des gens enlevés, des bébés notamment, Los desaparcidos, époque sombre et violente. de 1976 à 1983, la dictature d'extrême-droite de Videla a orchestré de façon systématique l'enlèvement, la séquestration, la torture et le rapt des bébés, lorsque les femmes étaient enceintes, par les militaires pour leur propre famille ou pour des couples stériles.
La disparition de celles et ceux qui constituaient une menace rouge et l'enlèvement de leur nourrisson pour les placer dans des familles éloignées du gène rouge.

Quarante ans après le retour de la démocratie, démocratie menacée actuellement, des personnes attendent encore tandis que d'autres se demandent qui elles sont, elles qui ont grandi dans un tissu de mensonges. L'incertitude et le flou, l'ombre de cette sombre période, les fantômes de la dictature, déambulant pour beaucoup dans le fleuve qui leur fut plaque d'acier, sont là, en tapinois, dans ce pays qui veut et ne veut pas se souvenir, où le devoir de mémoire le dispute au besoin d'amnésie.
Les photos du photographe colombien Rafael Rodriguez Roa, sépia sur fond noir, transpirent la mélancolie, les non-dits, le silence douloureux et illustrent délicatement les mots de l'auteure en donnant corps aux fantômes de la dictature.

Nous avons tous vu ces vidéos de vieilles femmes, mères et grand-mères, marcher silencieusement en brandissant la photo de leurs disparus. 30 000 disparus, 300 nouveau-nés enlevés. Il y a ces absents et il y a ces personnes qui les attendent, inlassablement.
Ce livre permet de nous faire ressentir la douleur indescriptible de ces femmes au courage incroyable qui n'ont cessé, durant des décennies, de marcher, parfois au péril de leur vie, mais ce livre permet aussi de savoir quelle était la mécanique glaçante d'enlèvement et de torture, de comprendre comment toutes les personnes impliquées qui ont participé de près ou de loin à ces enlèvements ont pu passer au travers des mailles du filet de la justice après la dictature jusqu'au procès Plan systématique en 2011 où est enfin reconnue l'existence d'une pratique systématique et généralisée de soustraction, rétention et occultation de mineurs et d'un plan général d'extermination d'une partie de la population civile. Videla est condamné alors à cinquante ans de prison.

Emilienne Malfatto ose décrire l'horreur par moment. Pour marquer les esprits, pour ne pas faire de son réquisitoire un simple recueil de mots abstraits. J'avoue que par moment, c'est insoutenable. Mais c'est la vérité, juste la terrible vérité, celle des faits atroces qui ont été perpétrés.
« Après il fallait laver le sol, peut-être leur laissait-on leur nourrisson quelques heures, quelques jours, et puis pour elles rapidement le transfert, les jeunes mères aux chairs déchirées lancées dans le ciel, le grand saut comme les autres, faites-moi disparaitre tout ça, les mères au fond du fleuve, comme des Moïse à l'envers, et les enfants sauvés des eaux du péril rouge, et les bourreaux contents. Et pour l'enfant, une nouvelle vie, vie de mensonge et d'éducation comme il faut, loin de la subversion ».

Une nouvelle fois, l'auteure, en convoquant habilement la poésie, les témoignages, les rêves, les rapports d'autopsie, ses propres sentiments, forme libre et puissante, véritable pied de nez au fantôme de la dictature, acte de résistance et de dénonciation, a fait très fort. Elle a su, de façon poignante et glaçante, exprimer l'immense respect qu'elle ressent pour ces femmes qui ont attendu durant toute leur vie, ne cessant de lutter. Elle a su extirper les victimes du fleuve dans lequel elles ont été plongées par la dictature de Vileda. Elle a su aussi pudiquement convoquer sa propre histoire familiale en quelques lignes touchantes.
Comme Emilienne Malfatto, j'aime l'idée que ce sont ces mamies qui ont lézardé la chape de plomb qui semblait ne jamais pouvoir être soulevée. Ça, les hommes de la dictature ne l'ont pas vu venir. De frêles et vieilles femmes, grâce à une obstination inébranlable, venir à bout de leur puissance et de leur impunité.
Bravo Emilienne Malfatto pour cette mémoire revisitée et ce respect si passionnément exprimé ! le journalisme, ainsi associé à l'empathie et à la poésie, est un formidable vecteur d'instruction et de sensibilisation !


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Les Gouttes de Dieu, tome 39

Encore un tome qui reste un peu en deçà des précédents malgré un début pourtant épicé et prometteur peut-être pour les prochains épisodes.

Sans surprise, puisque le tome trente-huit dévoilait le perdant pour le onzième apôtre, on a donc la description du vin par le vainqueur qui est... Issei.

Ensuite, apparaît un épisode plutôt inattendu dans la relation entre Issei et Maki, relation plus sexuelle que sentimentale, voire financièrement intéressée pour la jeune femme qui présume déjà d'une victoire finale de son poulain.

Le reste de cet opus est consacré à la recherche par l'équipe du département vins des bières Taiyo d'un set de vins japonais qui pourrait relever le niveau de la production nipponne. Cette démarche présente un épisode intéressant avec des vendanges nocturnes dans un domaine et les explications des raisons de cette méthode.

De là à parvenir à élaborer des vins pouvant rivaliser avec les cinq grands châteaux du bordelais ou les fleurons de la Bourgogne comme la Romanée-Conti, il y a certainement un grand pas...

Ce trente-neuvième opus m'a semblé un peu fade et moins bien structuré que d'autres épisodes. Il reste la belle qualité des dessins, tant pour les expressions des protagonistes qu'à l'occasion des grandes planches suggérées par l'image des vins.
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Petite Lisa

Lisa Vidmar, une dame âgée de 86 ans, vit depuis 60 ans en Slovénie.
Son mari, Bogomir, décédé, elle revient en France en avion qu'elle prend pour la première fois. Elle veut revoir Dijon, sa ville natale.
L'hôtesse, pour qui c'est le dernier vol, l'aide et l'accueille quelques jours plus tard dans sa famille avec son mari et sa fille. Cette étape est très bien amenée de façon à que cela semble plausible.
Sa fille, Marion et un pompier venu en urgence pour un malaise repèrent vite le tatouage de Lisa, ancienne détenue à Auschwitz.
Marion, la fille, sympathise avec Lisa. Celle-ci lui dessine à merveille une libellule. On en apprend un peu à ce moment sur la jeunesse de Lisa à Dijon.
La communication intergénérationnelle intervient beaucoup dans cette partie du récit.
Lisa n'avait jamais parlé de cette période à personne et encore moins de sa détention.
C'est à l'Historienne de l'association "Mémoire des déportés " qu'elle va confier son passé : les moments heureux en famille d'abord, l'horreur de l'antisémitisme et de la déportation ensuite.
Elle a vécu toutes ces années en ne cessant de se remémorer sa petite soeur Laura, en pensant aux barbares nazis, en se récitant des litanies de chiffres d'objets... qu'elle compte pour tromper son angoisse. Ses malaises sont plus présents en France. Auparavant, elle menait une vie normale, active, avec son mari et la famille de celui-ci.
La partie du livre qui raconte sa vie dans le camp d'Auschwitz prend une très large place avec les expériences médicales sur les femmes et les expériences de stérilisation atroces. Des médecins tristement célèbres sont cités.
Lisa sauve sa vie grâce à sa connaissance de l'allemand transmise par son père. Elle dactylographie les rapports et croit faire acte de résistance par une supercherie dans son travail.
Elle a une mémoire de restitution et récite des poèmes allemands à la demande des nazis.
Dans la dernière partie que j'aurais souhaité plus développée , elle arrive à Dijon avec la famille d'Evelyne et là d'énormes surprises nous attendent.
Notamment l'importance de la libellule qui apparaît sur la très jolie couverture nous est révélée.
Elle est très symbolique la couverture, avec la libellule, les chiffres, l'entrée du camp d'Auschwitz.
L'écriture du livre est fine, élégante, sensible.
Les pensées oniriques décrites par Lisa sur les barbares nazis, ses litanies de chiffres, ses extraits de poèmes, la description colorée de la boutique de chapeaux de sa grand-mère sont des passages marquants dans mon cas.
J'espère que Rachel Mourier dont c'est le premier roman nous en offrira d'autres.

Grand merci à Babelio et aux éditions du Seuil pour l'envoi du roman qui rentre parfaitement dans mes goûts de lectures.

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Dolores Claiborne

Dolores m’a profondément ému.

On ne peut que s’attacher à cette bonne femme. La vie, cette garce, n’a pas été tendre avec elle et son passé, cet enfoiré, la rattrape.

Le King (un bon copain à moi), parvient sans problème à nous faire prendre son parti. Peu importe ce qu’il s’est passé, on n’a pas envie de l’entendre. On souhaite seulement que, pour une fois, la chance tourne enfin du côté des gens comme Dolores Claiborne.

Il parvient également à nous faire détester, haïr même, ce Joe Saint-Georges. Mon Dieu, il ne mérite même pas que l’on prononce seulement son patronyme. Quelle pitié que l’on autorise des rebus de son espèce à se marier avec de braves femmes comme Dolorès. Qu’on l’autorise à avoir des enfants qui ne sauront pas se protéger de leur père.

M’est-il déjà arrivé de détester de manière aussi viscérale un simple personnage de fiction ? Allons, que quelqu’un me raisonne : ce Joe n’existe même pas, pourquoi est-ce que je m’emballe ainsi ?

Parce que Joe, malheureusement, existe bel et bien. Il y'en a même plein des Joe, un peu partout autour de nous et ce récit le rappelle cruellement.

Dolorès, ça aurait pu être ma mère si ça se trouve. Peut-êt’ même qu’on l’en connait tous au moins une de Dolores. Et ça me rend d'autant plus dingue que j'aurais tendance à détourner le regard si, par malheur, je devais tomber sur des gens comme Joe qui font preuve d'un comportement déplacé envers des femmes désarmées comme Dolores. ça me renvoie à ma propre lâcheté, je crois, voilà pourquoi je déteste autant Joe. Parce que je ne suis pas un héros. J'aime juste les livres. Et que des fois c'est pas suffisant.

Cette histoire est tout simplement révoltante. Si c’était un autre qui l’avait écrite j’aurais passé mon chemin, parce que je n'aime pas me faire mal. Parce que cette violence se vêt beaucoup trop du spectre du probable. Parce qu'encore aujourd'hui les femmes ont plus de chances de mourir sous les coups de leur conjoint que d'un carreau d'arbalète figé dans l'oeil.

Mais quand il s’agit de Stephen King, je me tais et je lis d'abord.
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