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EAN : 9782234081826
252 pages
Stock (07/03/2018)
3.17/5   6 notes
Résumé :
« Comment a-t-on pu atteindre un tel niveau de déliquescence, cinquante ans après, du "soleil" de 68 au crépuscule du PS ? » se demande Benjamin Stora. De cette question est né ce livre, écrit en témoin et historien. Stora appartient en effet à ce courant de l'après-68 qui, après s'être engagé dans l'extrême gauche trotskiste, est entré au Parti socialiste. Il revient sur cette histoire à travers la sienne : l'engagement révolutionnaire vécu comme une libération en ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Non sans éprouver quelques déceptions, regrets et mélancolies

Le constat de la disparition d'un monde suscite des interrogations plus que légitimes sur « nos » engagements, sur les choix et les pratiques de « cette génération particulière de l'après-68 ».

Il ne faut pas sombrer dans un chagrin politique narcissique mais analyser « les coups de boutoir de ceux qui ont toujours voulu la restauration d'une société autoritaire, conformiste, vivant dans les normes établies par les puissances de l'argent et de l'ordre moral » ou, pour le dire autrement, les nouvelles contraintes et contradictions du capitalisme, de ses régulations, de son régime d'accumulation, les formes actualisées de l'imbrication des rapports sociaux.

« Nous » devons, comme le souligne l'auteur, revenir sur « les trous de mémoire », l'absence de transmission des questionnements radicaux (l'auteur parle de d'« expérience politique ») aux générations suivantes. J'ajoute les impasses et les manques dans « nos » interrogations.

Il convient aussi de rappeler le souffle chaud des révoltes, tout ce qui jeta dans la rue des milliers de jeunes, à commencer par lutte contre la guerre du Vietnam.

Je n'ai jamais été fasciné ni par le parti socialiste ni par le courant politique (souvent qualifié de lambertiste) représenté par l'OCI. Je ne traiterai donc ici ni des illusions ni des pratiques de l'auteur et de ses camarades. Je signale cependant des passages assez croquignolesques sur les personnalités de certains (Jean Christophe Cambadélis, Lionel Jospin ou Jean-Luc Mélenchon…).

68. J'étais lycéen, trop jeune et trop enfant, pour des participations actives. Les engagements viendront plus tard. Je ne fais donc pas totalement parti de cette « génération » mais je m'y reconnais.

L'irruption des mots de la politique révolutionnaire, la mise à distance de l'emprise familiale, le rejet de l'école-caserne, le vocabulaire des révoltes antérieures, l'affranchissement « de la soumission organisée par les rites religieux », les évolutions culturelles, la rupture avec les logiques étroites des appartenances communautaires, les moments d'apprentissage et de découverte, les jonctions de mémoires, « Tous nos souvenirs « d'avant » nous propulseront vers un « après » idéalisé porteur de liberté et de société égalitaire ».

Mais aussi, « une volonté bien dangereuse de pureté se réalisant par la violence sur les autres », la transformation de l'amour des livres « en fétichisation des textes canoniques », le silence sur la destruction/génocide des populations juives et tziganes durant la seconde guerre mondiale, le volontarisme « rejetant avec mépris toute forme de sensiblerie », l'effacement systématique du « je » pour le « nous »…

Je souligne, entre autres, les pages sur l'exil (voir les autres livres de l'auteur), la « déchéance sociale » et l'intégration, l'évanouissement progressif des certitudes, le sentiment d'enlisement des idéaux du socialisme, l'importance de la question de l'immigration et des marches pour l'égalité, le coup d'Etat d'Augusto Pinochet, la défaite des mineurs britanniques, l'arrivée du sida, l'affaire du Rainbow Warrior, les « drames » personnels, les réalités de l'Algérie, l'impossible « travail de deuil », l'insertion professionnelle. « La maladie de ma fille en 1998, puis son décès en 1992, ma crise cardiaque en 1995, les menaces de mort proférées provoquant mon exil pendant de longues années à l'étranger m'éloigneront encore de ce monde ».

Benjamin Stora parle avec justesse de cette partie de la « jeunesse postcoloniale, la plus démunie socialement et la plus isolée politiquement », de la lutte institutionnelle contre l'immigration et de ses effets, de ses « questions d'Orient », de l'identité hybride, de la mémoire longue d'inquiétude, de l'exil de la réflexion sur soi, de la défense des humilié·es et des sans-droits, de la réduction de l'imaginaire dominant.

J'ai particulièrement été intéressé par la partie sur « Ecrire l'histoire ».

« C'est une richesse de ne pas soustraire, détruire les strates sociales, culturelles ou politiques, mais de les additionner, de mieux les combiner ». L'auteur parle de d'« agrandir l'Histoire », des programmes scolaires et d'assumer la mémoire coloniale du temps « de cette guerre longtemps restée sans nom ». Et dans sa conclusion : « L'histoire s'ouvre toujours sur d'infinies possibilités et variantes sur lesquelles la société a de nouveaux prise ».

Je partage enfin (je l'illustre personnellement, entre autres, par les formidables luttes féministes à travers le monde) « l'espérance d'un monde nouveau ne s'est pas éteinte ».
Lien : https://entreleslignesentrel..
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Dès le début, le lecteur est confronté à la complexité des mémoires sur cet évènement pluriel et plus long qu'on imagine.

Ce témoignage particulier revisite l'histoire des années 68 à travers l'expérience personnelle et le vécu d'un juif d'Algérie qui débarque en 1962 avec une Algérie perdue et dans une France à découvrir.

Dans ce désordre des mémoires, l'auteur nous apprend que 68 est une date intrinsèquement liée à la gauche française, une gauche formée d'une génération 68 qui avait combattu pour la décolonisation de l'Algérie et contre la guerre au Vietnam, refusant l'égoïsme des ainés, des pères, de la bourgeoisie en place, une génération solidaire avec les étrangers, les jeunes et les femmes. Mais force est de constater qu'à cause des « affaires », de la montée du nationalisme, le rêve de mai 68 a volé en éclat…

A travers une vision à la fois impliquée (en tant que militant trotskiste) et détachée (d'une certaine gauche qui aurait façonné mai 68), l'auteur démontre qu'il est impossible de comprendre une date sans prendre en compte ses causes et ses conséquences à travers le temps.

Merci à Net Galley et aux éditions Stock pour m'avoir permis de lire ce livre.
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En lisant l'historien, plus d'une fois exilé, Benjamin Stora, on peut s'attendre à ce qu'il évoque ses thématiques préférées, celles en tout cas qui constituent ses travaux universitaires, l'« exil » et « la guerre d'Algérie ».
Dès les premières pages, la guerre d'Algérie est évoquée comme un héritage égaré; une histoire à oublier mais une histoire qui est une des causes majeures dans l'aboutissement du mouvement de mai 68. En ces années de consciences et pour ce juif d'Algérie arrivé en France en 1962, le chagrin de la perte du pays natal est étouffé par le désir de changer le monde dans une France à découvrir.
Ce récit autobiographique ne parle pas forcément d'une date (le 2 mai 1968), mais d'une période d'avant et d'après 68 (entre 1958 et 2017) où tout a basculé : l'opposition des jeunes face aux aînés, l'assouplissement des moeurs, la mixité, la liberté de la presse, la décolonisation, la solidarité entre les jeunes et les immigrés, la loi sur l'avortement ont été des acquis incontestables de cette révolte des jeunes. Or, s'il y a un avant et un après mai 68, la solidarité entre les jeunes militants de gauche qui seraient à l'origine de ces changements a volé en éclat à cause des « affaires », de la professionnalisation de la politique, des bouleversements nationaux et internationaux, de l'individualisme naissant, du rejet des minorités, des revendications de l'immigration postcoloniale, de la diabolisation du féminisme... Bref, dans ce récit, l'ex-soixante-huitard nous raconte un mai 68 qui a commencé avant 68 et qui ne s'est pas encore achevé, 50 ans après.
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
« Monsieur Stora,
Veuillez trouver ci-joint un bout de linceul avec lequel on vous enterrera. Vous subirez le sort des Impies, Mécréants, juifs, Communistes, et toutes ces filles ou femmes putains que nos frères exécutent en les égorgeant et en les décapitant ensuite. Vous monsieur Stora, ce sera du 11.43 gros calibre. On tuera tous nos ennemis et si on vous rate on tuera votre femme, ça se passera un matin très tôt, ou un soir. D’ailleurs, les repérages ont été faits, dans votre quartier ou à la faculté. Ça fera du Bruit. Si on peut Enlever votre femme, on l’égorgera puis on la Décapitera et on déposera la tête chez vous. S’il faut tuer aussi toute l’Algérie, et tout brûler, nous le ferons. Allah Akbar ! Prépare la CHAHADA très vite ! Vive le FIS ! Vive le GIA ! Toi ou ta femme Vous mourrez Inch Allah, BIENTÖT.
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L’immigration algérienne a commencé dès les années 20 mais l’impression est de croire qu’elle aurait commencé en 1970. Dans le sens où derrière l’immigration algérienne en France se trouvait le désir d’indépendance des parties qui a pesé sur les conduites et imaginaires. C’est en ce sens que c’est une immigration différente de l’immigration polonaise, italienne ou espagnole en France.
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les coups de boutoir de ceux qui ont toujours voulu la restauration d’une société autoritaire, conformiste, vivant dans les normes établies par les puissances de l’argent et de l’ordre moral
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Cette affaire de la MNEF m'a, en effet, encore plus éloigné du "monde" du Parti socialiste, qui avait repris le pouvoir en 1997, et de certains de mes anciens camarades de jeunesse. Elle marque véritablement une rupture avec mon passé.
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J'ai réellement cru être passé "de l'autre côté du miroir" dans cette salle de réanimation, avec cette sensation d'être livré au personnel soignant, sans pouvoir agir, bouger, me lever.
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• Objectif Terre : L'urgence climatique au coeur des réflexions de nos invités, Erik Orsenna, Marion Cotillard, Alain Juppé, Thomas Pesquet ou encore Julian Bugier. • Vivre deux cultures : Quand l'historien Benjamin Stora ou le réalisateur Alexandre Arcady nous ont confié leurs souvenirs d'Algérie, l'exil forcé, le déracinement et leur nouvelle vie en France, à laquelle Enrico Macias n'en finit pas de faire des déclarations d'amour.
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