Aucassin et Nicolette suivi du Roman de la rose

Il sauta sur ses pieds et demanda qu'on lui prépare son meilleur équipement. Aussitôt, on lui apporta un solide haubert à mailles doubles dont on le revêtit. Des écuyers lui lacèrent son heaume sur la tête et lui ceignirent au côté l'épée au pommeau d'or pur. Aucassin monta sur son destrier et saisit l'écu et la lance qu'on lui présentait. Il regarda avec satisfaction ses deux pieds, revêtus de chausses de fer et solidement calés dans les étriers. La pensée de Nicolette remplissait son coeur d'ardeur : il éperonna son cheval et s'élança tout droit vers la porte de la ville, où la bataille faisait rage.
Il avait fière allure avec son écu pendu au cou, son heaume sur la tête, et sur la hanche gauche le baudrier de son épée. Le jeune homme était grand et beau, élégant et bien bâti. Monté sur son cheval rapide et vif, il fonçait vers le combat. Vous auriez dû le voir galoper !

En paradis? Mais qu'est-e que j'ai à y faire? Je ne cherche pas à y entrer! Ce que je veux, c'est avoir avec moi Nicolette, ma douce amie que j'aime tant. Je vais vous dire les gens qui vont au paradis: ce sont les vieux prêtres qui passent leur temps devant les autels ou dans les cryptes. Ce sont les vieux éclopés et les manchots qui jour et nuit mendient, accroupis devant les églises. Vêtus de capes élimées et de pauvres haillons, sans souliers ni chausses, ils meurent de faim, de soif, de froid et de maladie. Voilà ceux qui vont au paradis: avec eux je n'ai rien à faire. C'est en enfer que je veux aller!

Allons donc, ma très douce amie, il est impossible que vous m'aimiez autant que je vous aime. La femme ne peut aimer l'homme autant que l'homme aime la femme. L'amour d'une femme se loge dans son oeil, au bout de son sein et tout au bout de son orteil, alors que celui de l'homme est planté au fond du coeur, d'où il ne peut sortir.