Hier soir, on m'a invitée au théâtre du Rond-Point pour voir « Bella Figura » de Yasmina Reza dans une mise en scène par elle-même. Il semblerait donc qu'il n'y ait pas de meilleure façon d'aborder cette pièce, puisque aucun intermédiaire n'a eu l'opportunité de dénaturer le texte de la dramaturge et qu'a priori celle-ci a pu en faire exactement ce qu'elle projetait.
À vrai dire, j'ai fait confiance à mon accompagnatrice et je ne savais pas du tout à quel genre de spectacle j'allais assister, si ce n'est qu'il s'agissait d'une pièce de Yasmina Reza, dont je n'avais encore rien lu ni vu et dont le nom ne m'était que vaguement familier. J'avoue que, dès le lever du rideau – où un monsieur en costume s'agite près d'une voiture dans laquelle fume une femme en robe courte, jambes nues et escarpins rouges –, j'ai été déçue de constater que nous allions assister à un vaudeville. Le vaudeville me lasse et m'agace, car ses critères étriqués relèvent d'un genre extrêmement codifié et conservateur qui ne laisse guère de place à la créativité, sans même parler de la subversion.
Il ne restait plus qu'à profiter du bon côté des vaudevilles : bons mots, ironie, conjonctures cocasses, quiproquos, retournements de situation et scènes de surprise parfaitement prévisibles de couples illégitimes en situation gênante. En cela, « Bella Figura » n'est pas avare et, malgré quelques longueurs, la pièce satisfera sans difficulté les amateurs et amatrices du genre.
Comme dans tous les vaudevilles, à mon sens, les personnages ont un fond à la fois antipathique et tristement banal dans leurs défauts et leurs bévues. Comme dans tous les vaudevilles, la socialisation genrée saute aux yeux et dresse en creux des portraits affligeants. Les personnages féminins, pétris d'insécurité affective, tentent désespérément de garder l'amour et le soutien de leurs hommes, toujours prêts à les tromper et les « minimiser », et qui alternent entre séduction érotique et indifférence méprisante. On retiendra toutefois, plus inattendu, le rôle de la grand-mère Yvonne, jouée par Josiane Stoléru, aussi horripilante que drôle et touchante dans son inexorable déclin intellectuel.
Car, en fait, nous sommes là dans une comédie du déclin. Tout tombe en ruines : la liaison de Boris avec Andréa est tout aussi en péril que son couple avec son épouse, son entreprise est à leur image en voie de liquidation financière, le jeune couple de Françoise et Eric est en équilibre précaire, prêt à sombrer au moindre décolleté plongeant, Yvonne se lamente sur sa beauté perdue et prévient sa belle-fille des dégâts futurs de la vieillesse, et ainsi de suite. Il n'y a rien, jusqu'au doudou de la fille d'Andréa qui l'appelle en pleurs parce qu'il a perdu son bras, qui ne finisse en morceaux.
C'est là que l'on voit que c'est avec conscience que la dramaturge utilise le genre du vaudeville pour illustrer son propos. J'ai déjà dit que le vaudeville était conservateur, mais il y a deux sortes de conservatisme. Le conservatisme qui pense que l'état de fait est bien, qu'il est de son devoir moral de le préserver tel quel pour les générations suivantes, et le conservatisme qui pense qu'il ne peut tout simplement pas en être autrement, que la médiocrité ambiante est inéluctable, que c'est peine perdue d'essayer de changer le monde. Vision noire, un peu dépressive, du monde et des relations humaines.
Ainsi, dans « Bella Figura », on est moins dans une histoire – dynamique et linéaire – que dans un tableau – statique – qui tombe tout doucement, de manière presque imperceptible, en décrépitude. On sent une certaine pesanteur s'amplifier au fil de cette comédie que l'on croyait légère. Alors que les pitreries des couples malheureux rejoignent peu à peu le grotesque poétique de la commedia dell'arte, l'humour devient de plus en plus contraint et outré, presque douloureux. On rit et on danse juste pour faire « bonne figure », se sachant emporté en farandole dans la grande danse macabre dont tout le monde connaît l'issue.
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Quel plaisir ! C'est une pièce de théâtre mais qui se lit comme un court roman ou une longue nouvelle. C'est léger, pétillant, soutenu. On a envie de savoir comment cela va se terminer.
Une réussite.
Sauf que bizarrement, cette pièce française a été créée à Berlin. Espérons que nos théâtres francophones sauront s'en saisir pour nous ravir, car il y a véritablement là matière à du vrai bon théâtre.
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Une courte pièce de théâtre d'un intérêt moyen
Je ne sais pas si jouée sur scène elle a plus d'attrait.
Une déception
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ANDREA : Réponds : tu trouves normal de m'emmener dans un restaurant conseillé par ta femme ?
BORIS : Elle ne l'a pas conseillé, elle a dit que c'était bon, et agréable.
ANDREA : C'est pareil.
BORIS : Non... !
Andrea prend un couteau sur la table et menace Boris.
Boris (il rit) Qu'est-ce que tu fais?
Andrea Tu as la trouille?
Boris (l'esquivant et tournant autour de la table) Un peu... Andrea, repose ce couteau.
Eric Posez ce couteau Andrea!
Boris Il ne coupe pas! Tu ne peux pas me poignarder avec un couteau à poisson!
Andrea Shut up!
Boris (offert) Vas-y. Dépèce-moi
Yvonne Celui-là est mieux.
Eric (ôtant le couteau des mains d'Yvonne) Tu es cinglée toi aussi!
Andrea tente un geste absurde que Boris arrête en riant. Andrea rit malgré elle. Moment furtif et gênant pour les autres, de compréhension intime.
Yvonne écrit quelque chose dans son calepin.
Françoise Tu prends des notes Yvonne?
Yvonne Des pensées.
Françoise Je suis épuisée Je ne sais même plus de quoi il est question (elle boit le champagne d'Eric).
Yvonne (à Andrea) J'ai remarqué que vous aviez plusieurs rires. Il y n a un où vous montrez vos dents jusqu'en haut.
Andrea C'est moche!
Yvonne Pas du tout.
Eric Est-ce qu'on peut... est-ce qu'on peut envisager de dîner maintenant? ... Je n'ose pas dire sereinement? ... Françoise?... Françoise?
Françoise On fait ce que tu veux.
Est-ce que vous savez pourquoi on trinque ?… Parce que, dans un temps où rien ne se faisait avec modération, les gens réglaient leurs problèmes en s’empoisonnant. Donc, par précaution, quand un type t’invitait et te servait du vin, tu cognais ton gobelet contre le sien – à l’époque c’était du métal – en espérant que des gouttes virevoltent et passent de l’un à l’autre. Ensuite, vous vous regardiez dans les yeux et tu attendais qu’il boive avant toi.
Yvonne et Andrea rient.
Andrea Ce matin, au rayon literie des Galeries, j'ai vu un couple s'allonger sur un matelas Bultex... Tout près l'un de l'autre comme s'ils allaient s'endormir... Au début, la vendeuse est restée debout... Puis, comme ça durait, elle s'est assise sur le lit d'à côté. A même pas un mètre du couple. Les mains sur les genoux... (subitement à Boris) Qu'est-ce qui ne va pas? Tu avais juré de ne plus faire ce geste! Tu avais juré!
Boris Quel geste?
Andrea mime le geste que Boris vient de faire un signe de modération, un apaisement discret dla main, doigts resserrés, paume vers le sol.
Elle le mime avec exagération et furie.
Andrea Ce geste peut me pousser au meurtre.
Boris Andrea, calme-toi, il n'y a pas eu de geste, tu te trompes...
Andre Si!
Boris Tu as mal interprété...
Andrea Je n'ai rien bu. Je n'air pas parlé fort. Je n'ai pas ri à gorge déployée...
- Vous savez ce que c'est une étoile filante ? C'est une âme qui s'est échappée du purgatoire et qui cherche un corps pour se réincarner.
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