Un vieil homme qui n'aime plus sa femme conçoit un plan pour la fuir. Il n'est plus en bonne forme physique. Il ne peut pas (et n'ose pas ?) vivre seul. Il aime qu'on s'occupe de lui, mais pas que la terrible femme avec laquelle il vit, le fasse. Il veut se faire passer pour une personne démente et échapper à sa femme en étant admis dans une maison de retraite adaptées aux personnes atteintes d'Alzheimer. Ainsi, il sera soigné, mais pas par sa femme ! Nous vivons tout avec lui, les querelles avec sa femme à la maison, son passage progressif et feint à la démence, son admission et son séjour en maison de retraite.
Le style
Dimitri Verhulst aime utiliser le néerlandais en mettant l'accent sur le langage flamand, et dans ce livre il utilise cette technique pleinement. Il y a de nombreuses expressions qui appartiennent au dialecte flamand. Cela donne une grande dimension aux explosions de colère de la femme autoritaire et met également en lumière la manière vulgaire, laide, insondable et peu civilisée dont les patients sont traités dans la maison de retraite.
Les lecteurs des Pays-Bas ont surement dû s'habituer au début, mais ils aiment bien découvrir mots et expressions belgo-néerlandophones, donc pas de souci. Mais puisque j'ai lu livre en néerlandais, je ne peux pas juger comment le langage flamand, sa couleur locale, a été traduit en français, et quel en est l'impact sur le livre.
Malgré la dimension sociale qui pèse assez lourd, ce livre reste léger à lire. Cela ressemble à un acte d'accusation déguisé en comédie. Il a l'humour réussi que le bon clown peut fournir : faire rire les gens, tout en les laissant avec une larme aux yeux à la fin.
L'acte d'accusation
- le désespoir des vieilles personnes coincées dans un mariage malheureux vers la fin de leur vie.
- La façon effroyable dont la famille traite une personne démente. Sa chambre n'a pas besoin d'être joliment décorée ("il ne s'en rend plus compte") (mais je sais bien que l'atmosphère, l'ambiance est une des dernières choses dont une personne démente est encore consciente). Ou la façon de faire odieuse (que j'ai malheureusement vécu personnellement plusieurs fois dans des familles), où l'on parle sans retenue du patient, en sa présence, comme s'il était déjà mort, ou bien on parle de sa mort, sans tenir compte du fait que le dément / la personne mourante pourrait comprendre des fragments ou bien plus. Non seulement la signification des mots, mais également le ton d'une conversation reflète beaucoup de choses, et une personne démente peut comprendre beaucoup plus, dans son monde, qu'on ne le soupçonne.
- La façon terrifiante dont les personnes atteintes de démence sont "soignées" dans une maison de retraite : le personnel est trop peu nombreux, les couches ne sont parfois pas changées pendant des heures, voire une nuit entière, ou des patients qui sont tombés du lit y sont parfois laissés pendant trois heures ou une nuit entière...
J'en veux plus !
Le livre est un acte d'accusation divertissant, ce qui est nécessaire. Mais j'ai entendu
Dimitri Verhulst parler du livre et des problèmes des maisons de retraite dans une émission à la télévision néerlandaise. Au cours de cette interview, j'ai appris bien plus que dans le livre. L'interview m'a plus fait réfléchir que le livre.
A la télé, Verhulst a raconté des histoires vraies qu'il n'a pas incluses dans le livre parce qu'elles étaient trop spectaculaires et auraient semblé improbables au lecteur. Cependant, le résultat est un livre dans lequel la réalité des maisons de retraite, notre façon de traiter les personnes atteintes de démence et la nécessité d'y changer quelque chose, ne pèsent pas assez lourd. Il aurait suffi de mentionner dans un épilogue que ces histoires terribles se sont réellement passées, et le lecteur aurait été obligé de regarder la réalité en face.
D'autres éléments, non tragiques, auraient également dû être mieux mis en évidence. le protagoniste aurait dû faire plus l'expérience de la maison de retraite. Pourquoi pas (entre autres choses), comme mentionné dans l'interview, le fait que les personnes atteintes de démence oublient parfois qu'elles sont déjà mariées, tombent amoureuses de quelqu'un dans la maison de retraite et pensent qu'elles sont mariées l'une à l'autre ? Ca aurait fait un beau scénario !
Non seulement le contenu du livre est trop léger, mais je le trouve très mince physiquement aussi. Il se lit bien, le style est léger, il est drôle, mais c'est si vite lu. Verhulst a déclaré dans l'interview que ce nombre de mots - peu de mots - est le plus approprié pour lui. J'ose en douter. Je conseillerais à de nombreux écrivains d'écrire des romans plus courts. Je préférerais que les futurs livres de Verhulst soient un peu plus longs.
Conclusion
La conclusion qui importe mais qui n'est mentionnée nulle part dans le livre, je l'ai à nouveau tirée de l'interview. Verhulst a dit quelque chose du genre : "Si nous serons traités ainsi cela plus tard, nous ne pourrons pas nous en plaindre, car ce sera notre propre faute. Après tout, si nous parlons maintenant de pénurie de personnel dans le secteur des soins de santé, qui s'en soucie ? Personne ne descend dans la rue pour s'assurer qu'il y a suffisamment d'infirmières dans les maisons de retraite et que celles-ci soient abordables pour tous financièrement. Personne n'y pense qu'un jour, nous serons tous vieux et prêts pour la maison de retraite. Cela nous concerne tous. Non seulement le personnel soignant, mais toutes les parties prenantes - y compris nous-mêmes - devraient descendre dans la rue et exiger suffisamment de personnel, des soins et des prix abordables.
Le jour où nous serons allongés dans nos couches puantes, soignés par des soignants peu aimables parce qu'elles/ils sont stressées et ont trop de travail, nous aurons ce que nous avons demandé - parce que nous ne nous sommes jamais battus pour autre chose".
Mais ce qu'il a dit là n'est pas écrit dans le livre. C'est vraiment une occasion manquée.
Positif : histoire drôle, bien écrite, belles expressions flamandes, légère et aérée à lire, donne une image du monde des personnes âgées, de leurs familles, des personnes souffrant de démence et des maisons de retraite.
Négatif : trop court, trop peu. le livre est trop léger en nombre de pages mais aussi en contenu. J'en veux plus, parce que c'est beau. Mais quand je dis plus, je le pense très, très littéralement, en nombre de mots. Et aussi, et surtout : après lecture, rappelez-vous qu'il faut multiplier les mauvaises choses par dix.