Voici un livre qui m'a fait irrésistiblement pensé aux nouvelles d'
Edgar Allan Poe : on y trouve cette note fantastique qui fait basculer la normalité dans un monde où les fantômes côtoient des créatures lubriques et malsaines. L'élément surnaturel qui amène l'intrusion du fantastique est assuré par la présence de
Dahlia, jeune homme au charme ravageur et malsain, qui a tous les traits du diable en personne. Buriné et asexué, ce dernier n'hésite pas à saccager et salir une vie de famille qui donne l'impression de n'avoir attendu que cet évènement pour « vivre ».
Dahlia m'a également fait beaucoup pensé au roman :
le Diable amoureux de
Jacques Cazotte, du fait de l'incarnation « mortelle » de cette créature, dont on ne sait pas si elle intervient vraiment dans ce quotidien, ou si c'est juste un rêve, comme l'auteur semble le suggérer à plusieurs reprises et même qu'il affirme puisque le père dit à la fin qu'il aurait voulu ne jamais finir ce « rêve éveillé ».
C'est là le principal trait fantastique qui nous fait refermer le livre sur une réelle ambigüité : est-ce que ce qui a été raconté est vraiment vécu par les personnages ou non? de ce point de vue, cette histoire est vraiment bien mise en scène, on ne cesse jamais de se poser des questions.
Par ailleurs, la mise en place du « mal » prend la forme de chacune des faiblesses des membres de cette famille, plus névrosés les uns que les autres. C'est donc intéressant de se demander s'ils vont tous céder à la tentation ou non. le personnage de
Dahlia s'apparente à une véritable allégorie de la tentation qui prend toutes les formes possibles et imaginables, au gré des envies du récepteur qui crée lui-même son propre fantasme, et cette idée-là est géniale.
Ce livre est vraiment et surtout dérangeant : il laisse une impression inquiétante sur le lecteur, qui a la sensation de voir se dérouler devant lui un cauchemar d'un réalisme troublant, avec une stupéfaction égale à celle du père ici qui voit se passer des choses sans arriver à les maîtriser. On sort de la lecture comme lui sort de sa maison, réplique miniature d'un château aux mille horreurs : on respire quand on en voit la fin.
Je ne pourrai pas vraiment dire si j'ai aimé ou pas, au contraire de l'un de ses précédents ouvrages, que j'avais adoré,
En attendant le soleil (Belfond). J'avais juste envie de savoir comment les protagonistes allaient s'en sortir, si
Dahlia aurait une mainmise totale sur cette famille, si tout cela était vrai, bref, de savoir comment ça allait se terminer. de plus, c'est un livre qui se lit facilement et qui attise la curiosité, tout en nous faisant nous poser des questions à n'en plus finir, et c'est un élément vraiment appréciable.
Une idée intéressante revient dans cette histoire : ces personnages qui vivent un quotidien qui est d'un ennui aussi insupportable qu'assassin, subissent tous, à des degrés divers, la violence et l'aura malsaine de
Dahlia qui les conduit à réaliser le pire, quitte à perdre de leur humanité. En contrepartie, ils ont le droit de vivre et de faire exploser leur désir, comblant ainsi les manques dévastateurs qui les tuent à petit feu. Même s'ils souffrent et qu'ils sont humiliés, ils apprécient ces moments où ils se laissent aller, qui a plus de réalité que leur vie passée. La question se pose : est-ce que la vraie vie, ce n'est pas la réalisation de ces fantasmes dans lesquels tout est osé et où le regard des autres ne compte plus, et qui, bien au contraire, n'en devient que plus excitant ? C'est sans doute l'une des théories qui m'a le plus marquée dans
Dahlia.
En revanche, on pourrait trouver la chute « rapide » et de se demander si c'est vraiment une « résolution » de l'histoire, et donc quel en est vraiment son sens. Je ne suis pas certaine d'avoir tout compris, et une seconde lecture avec une attention particulière à ce qui m'a échappé au premier contact serait sûrement nécessaire pour en saisir vraiment le sens. Je trouve également qu'il y a trop d'insistance sur l'aspect « sexuel » de la tentation : la majorité des personnages ont un problème de frustration à résoudre, et à la longue, même si cela donne des scènes aussi bien sensuelles qu'horribles, d'une ambigüité fascinante, cette insistance devient lassante.
Pour résumé, je dirai que
Dahlia et une allégorie troublante et percutante, qui laisse une forte impression sur le lecteur. de plus, ce texte est parsemé de références et de richesses cachées qui mériterait vraiment une analyse précise.
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