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EAN : 9791027802661
98 pages
Le Castor Astral (21/01/2021)
3.5/5   4 notes
Résumé :
De la bête et de la nuit marque à nouveau le lien profond que Seyhmus Dagtekin entretient entre sa langue maternelle, le kurde, et sa langue d’adoption, le français. L’auteur renoue ainsi avec le Kurdistan à travers la langue française et les sonorités du kurde. Il impose une musique unique qui défie le temps et l’espace pour défier les agresseurs et les commandeurs éternels. Ces poèmes marquent une étape capitale dans sa quête d’identité qui dépasse les frontières.... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Une colère poétique froide se fait jour lorsqu'aux frontières sauvagement imposées aux hommes s'ajoute tant et plus de mépris face au reste du vivant.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/07/22/note-de-lecture-de-la-bete-et-de-la-nuit-seyhmus-dagtekin/

Depuis 1997, dix recueils de poésie, un roman (« À la source, la nuit », en 2004) et un manifeste (« Sortir de l'abîme », en 2018), que ce soit directement en français ou depuis le turc ou le kurde, témoignent année après année de la ferveur – n'excluant jamais une forme de rage refondatrice ni une variante de tendresse légèrement désespérée – avec laquelle Seyhmus Dagtekin lutte de tout son être face à ce qui déchire les êtres humains, que la lame coupable surgisse des histoires familiales maltraitées ou des injustices collectives orchestrées par des nations avides – dont rendaient compte par exemple les flots terribles de « Ma maison de guerre » en 2011 ou de « À l'ouest des ombres » en 2016.

Avec ce onzième recueil, ou plutôt ce long poème en quatre parties, qu'est « de la bête et de la nuit », publié début 2021, toujours au Castor Astral, c'est néanmoins peut-être la première fois que l'on sent sourdre à ce point, chez le natif de Harun (Kurdistan turc), vivant en France depuis 1987, une colère nimbée de férocité, en constatant que, à la guerre de l'Homme contre l'Homme qui le hante depuis si longtemps, s'ajoute chaque jour davantage, malgré les constats et les appels toujours plus urgents, une guerre menée au vivant, avec une immense désinvolture, au mieux, et de cyniques combats retardateurs, dans bien trop de situations.

Alors même qu'une lutte constante de la part du poète et de tout ce qu'il inspire et dont il s'inspire tente depuis longtemps de corriger, d'affaiblir et de gommer les frontières artificielles instaurées entre les peuples et les nations, entre les ici et les là-bas, la métaphore se fait ici pour ainsi dire plus cruelle lorsqu'il faut rendre compte du mépris ne ralentissant guère vis-à-vis de ce qui est vivant et qui ne serait pas « nous ». La putréfaction se faufile dans la poésie, de « Exit la terre » à « Tout aussi gras que tu ruines », en pensant par « À chacun son dû, à chacun sa part », au fur et à mesure que notre avidité dégrade, assèche et tue, fort loin des avertissements déjà anciens d'une Rachel Carson ou des efforts diplomatiques plus récents d'un Baptiste Morizot, pour ne citer qu'eux. Une amertume décisive se construit sous nos yeux dans l'écriture de Seyhmus Dagtekin, que même la dernière partie, « Lola au clair de lune », ne parvient pas à effacer, alors que gronde une colère sans pareille, qui appelle moins que jamais la résignation.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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« de la bête et de la nuit » se faufile entre l'homme et l'animal, entre langue française et langue kurde. Ecrit en français, on y entend les accents d'une autre langue à travers la rugosité et le rythme de certains vers. Il y a des paysages qui ne sont pas d'ici. Il faut suivre ce sentier du poème pour voir « le monde à la mesure de nos fenêtres. »
On trouve beaucoup d'amertume et de rage chez le poète alarmiste qui nous prévient dès le début avec des images à l'emporte-pièce et ce titre prémonitoire : « exit la terre ». Il n'y a pas matière à se réjouir du cynisme qui régit notre monde
« Dans la chair de l'homme, je n'ai trouvé de matière à rire.
Exit la terre. Exit la honte. »

« La mort ne dit pas son nom » dit encore le poète, la mort présente au fil des pages, comme un rappel de notre fin inéluctable.
« On ne sait comment écouter la mort
On en perçoit les sons, on en prononce les mots.»
On se fraie un chemin dans les méandres de la parole, cette parole qui parfois condamne
« Les paroles devenaient piques sur les langues »
le poète est sombre, sa parole féroce pour dénoncer ce qui ne va plus dans ce monde que l'homme détruit peu à peu
« Corrompre l'avenir par le passé qui s'introduit comme une douceur dans les sons. »
Le poète nous prend à témoin, il nous interpelle. Il y a toi et puis il y a ces femmes : Clara, Lola, élodie … et puis l'injonction pour réagir :
« Te réveiller et te sortir des griffes du loup
Du rapace. Des hyènes. Des hivers. »
Le texte garde sa part d'énigme. La poésie de Seyhmus Dagtekin est une poésie exigeante qui demande une lecture attentive

Je terminerai par ces vers qui closent le recueil :
« La mort c'est quand je crie ton nom à tue-tête
Et que tu ne m'entends pas
De tout ce que le fleuve charrie
De cela sera fait le poème
De cela sera fait l'être
Entre bête et nuit. »





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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
T’attendre comme pierre, lumière qui s’y reflète
T’attendre comme corps qui se rêve pierre
Porte qui s’imagine lumière
T’attendre comme linceul qui se croit rivière
Brique qui se prend pour rêve où tu dessines une étoile
Et t’effaces par le bout de mes doigts
Tu es loin. Je ne suis eau ni vent
Je ne suis feuille ni terre
Je ne sais franchir distance ni obstacle
Je reste emprisonné dans le mot, clôturé dans le corps
Tu n’es mot ni corps
Tu restes extérieure à l’eau, hors de portée du vent
Tu restes insensible à la feuille, à la terre
Tu es si près et moi si loin
Alors que je ne sais par quelle bouche je parle
Dans quel corps je disparaîtrais
La mort ne t’offrira pas plus de porte que le jour
Tu resteras inassouvie, vide dans le trépas
Alors que chacun aura sa maison dans notre monde
Chacun sa parcelle du monde dans notre maison
Que ferais-je d’un poème qui ne parle pas au cœur de l’être
N’y dit pas la vérité du temps
Ne devient pas son reflet
Ne réinvente pas mon cœur dans le cœur de l’être
N’y transforme pas les paroles en simplicité et beauté
Des faunes et flores
/
Pour retrouver le dépouillement de l’oiseau
À l’heure de l’envol
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Écoute le son devenir clé…



Écoute le son devenir clé et ouvrir les champs
Les vagues devenir pulsations et ranimer les ailes
Ecoute le son devenir abeille et voler de feuille en feuille
De toux en frémissements
Devenir main qui cueillera douilles et pétales
Mettra feu aux ailes et feuilles
Écoute les flots devenir sillons dans la terre

Regarde papillonner les sons dans l’espace de ta bouche
Les bulles éclater été devenir barques sur les vagues
Les barques devenir nids, les nids devenir gorges
Et pousser chants et charmes à ton passage
Ecoute le son devenir étreinte, devenir caresses
Et se laisser glisser loin de ta peau
Comme les olives qui gonflent
et disparaissent
sans avoir savouré la proximité de ta peau
Ces bulles qui enlèvent les fourmis
dérobent les épines aux roses sur leur passage
Qui fixent de leur regard les épines et les roses
Jusqu’à la disparition des paupières
Jusqu’à la dilution des épines dans le regard
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Corps devant portes sans provenance, avec si peu de matière
On n’en sait l’âge ni la frontière qu’ils tracent entre leur densité et les portes
Ni quelles images ils projettent vers les intérieurs qui les gardent à distance
En compagnie d’anges déplumés, chevaux décatis
Et ne bougent ni ne parlent

Je peux imbiber ma langue du sang des autres
et sauter par-dessus murs et dépouilles
pour montrer mon agilité
ma propension à aller de l’avant
chercher le miracle à l’intérieur des moelles
moi aussi je peux passer d’un nez à l’autre
avec abris et nuages jonchés de feuilles
où chaque feuille est un lit
où nous nous allongeons
du repos à l’agonie
nous nous enduisons de terre
pour écouler vagues et puits
hors de l’eau et des lits
où tu voudrais nous garder captifs
pour que nous n’ayons pas à ébaucher
le mot de la fin
/
Quelles ténèbres voudrais-tu chasser de ta voix
Chargée de dépouilles dans l’eau où s’étiole la surface des pupilles

Je n’aurai pas la question qu’il faut dans la peau qu’il faut pour disparaître au fil de la discussion
Sans qu’on ne puisse remonter aux premiers frétillements des sens dans le son
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À ce moment précis de l’histoire, tu tombes de ta branche, moi de ma chaise
Nous dégringolons dans le vide
Qui peut être eau. Qui peut être sang
Qui peut être le putride
/
À ce moment précis de l’histoire, tu es risible dans ma bouche
Je suis ridicule sur ma branche
La route tourne, les phalènes se brûlent
Les étoiles se cachent, la lune se voile
/
Personne pour me dire ce qu’est la folie
Ni comment lui échapper
À ta folie qui se voit bec
Dans le sang
/
À ce moment précis de l’histoire, un antique braiement se fit entendre
Un âne se mit debout dans le mot pour dire qu’à ce moment précis de la nuit
Notre parole était plus ignoble que son braiement
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Quelque chose de connu peut finir dans notre panse et nous devenir inconnu
Sans que cela ne gêne le vide de notre tête et le plein de notre panse
Quand nous aurons fini d’ingurgiter la terre, nous reprendrons les déjections
Et la folie de l’âge aura le même goût de l’inachevé dans notre bouche
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Vidéo de Seyhmus Dagtekin
Seyhmus Dagtekin, 39e Marché de la Poésie 2022, Paris
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