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Élodie Leplat (Traducteur)
EAN : 9782742787982
363 pages
Actes Sud (03/02/2010)
3.6/5   20 notes
Résumé :


Au début des années 1970, Mary Whittaker et Bobby Desoto, un couple de jeunes militants en lutte contre la guerre du Vietnam, se voient contraints de prendre la fuite après une action qui a mal tourné.

L'un et l'autre doivent alors se forger une nouvelle identité et emprunter des chemins destinés à ne plus se croiser. Presque trente ans plus tard, sous le dernier des multiples noms qu'il lui a fallu endosser au cours de sa longue cava... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Des années 70 à la toute fin du XXème siècle, des actions musclées, dangereuses, contre la guerre du Vietnam à la librairie alternative qui sert de refuge à diverses formes de contre-culture, de résistance au modèle dominant, Eat the document brasse large en nous livrant une réflexion intéressante sur l'engagement. Faut-il laisser l'action aux brutes de ce monde qui elles ne perdent pas de temps à compatir, à prendre en compte les dégâts humains ou écologiques quand il y a moyen de s'enrichir, faut-il rendre les coups, cela ne comporte-t-il pas le risque de vous pourrir l'âme, de vous rendre aussi mauvais que le camp d'en face? C'est ce que semble penser Nash, et peu importe si le militantisme des groupuscules qui fréquentent sa librairie est un peu stérile, maintenant ça lui suffit, il aime cette énergie du subversif qui crée une ouverture, comme une sorte d'oxygène libérée par ceux qui remettent en cause le monolithe écrasant du règne marchand.
Dana Spiotta nous livre aussi de belles pages sur la relation intense, obsessionnelle que certains de ses personnages entretiennent avec la musique. Jason surtout, qui s'écoute les mêmes morceaux en boucle, en profondeur, de façon hypnotique, comme une méditation, une prière - ou, si vous préférez, comme une sorte de délire orgiaque.
L'histoire est prenante malgré son côté éclaté. Mary est en cavale - plus possible pour elle de chercher à rendre le monde meilleur, de rêver d'utopie, la voilà réduite à tout organiser pour uniquement se sauver elle-même. Elle doit se forger une nouvelle identité, renoncer à celle qu'elle était, à ceux qu'elle aimait, condamnée à mettre en danger ceux à qui elle s'attache, à mentir toujours sur qui elle est vraiment. Condamnée du coup à une solitude profonde, Mary devient «le genre de personne qui semble en permanence n'être qu'à moitié là».
Un roman qui donne aux idées, à la réflexion, une place importante sans que cela ne nuise en rien au plaisir romanesque. J'ai bien accroché, j'ai aimé cette plongée dans les milieux de la gauche américaine, ça se lit bien, et j'ai trouvé le sujet intéressant.
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La clandestinité d'une radicale américaine, méditation partiellement réussie sur l'activisme...

Publié en 2006 (en 2010 en France), le second roman de Dana Spiotta met joliment et souvent cruellement en perspective l'engagement de militants américains radicaux de 1972 - qu'une spectaculaire action contre les marchands d'armes profitant de la guerre du Vietnam, ayant "dérapé", conduit à la clandestinité pendant plusieurs dizaines d'années, passées sous la menace de mandats de recherche toujours actifs -, et les choix éclectiques, parfois quelque peu primesautiers, de jeunes activistes des années 1990 (d'avant Seattle 1999), dans un remarquable effet de contraste dont la "morale" n'est toutefois que fort peu claire...

La méditation intense de l'un des deux protagonistes principaux, Mary Whittaker, au long de ces vingt ans, et la manière dont elle épouse la vie "underground", sans laisser de traces, en se réinventant une vie, est particulièrement réussie. La confrontation aux jeunes de 1996, en revanche, souffre sans doute d'une certaine forme de condescendance par trop perceptible.

Surtout, une écriture trop plate et une construction trop prévisible finissent par desservir un sujet qui s'annonçait particulièrement intéressant, menant nécessairement à une réflexion sur le sens même de l'activisme, et sur la notion de radicalité, pour ne laisser qu'une demi-réussite et un net goût d'inachevé.

"N'importe qui peut démarrer une nouvelle vie, même dans une petite ville. Les gens bougent tellement à notre époque. Tu divorces, tu déménages et tu recommences de zéro. Essayez donc. Regardez comme les gens s'intéressent peu à vous. Comme ils ne vous écoutent guère. Ou, plus précisément, pensez au peu de choses que vous savez vraiment sur les gens que vous connaissez. Leur lieu de naissance, par exemple. Avez-vous rencontré leurs parents ? Ou leurs frères et soeurs ? À une certaine époque, le simple fait d'être nouveau venu dans une ville pouvait vous rendre suspect. Parce que vous l'étiez effectivement : les gens n'avaient aucun moyen de vérifier que vous étiez la personne que vous prétendiez être. Pourquoi donc aviez-vous dû quitter votre ville d'origine ? Mais en Amérique, et en démocratie, il existe une longue histoire de recommencements (rarement évoquée dans l'amnésie confortable du quotidien). C'était même un impératif, ou presque. Bien sûr, les États-Unis ont été fondés par des gens qui se sont inventé de nouvelles vies, avec pour seul désir de larguer le poids de la longue histoire européenne, son lourd fardeau et sa mémoire. C'était une forme de liberté. Liberté par rapport à la mémoire, à l'histoire et à la comptabilité. Même si une série infinie de commencements tendait à tout réduire à une répétition superficielle et à éradiquer toute possibilité d'expérience profonde, à ce moment précis et dans cet endroit précis, une telle tradition aidait assurément la jeune femme."

" "Une écologie de façade. Qu'est-ce que j'entends par là ? Nous voulons un environnement antidépresseur. Ce qui nous intéresse, c'est une écologie du bien-être. En d'autres termes, nous agissons dans le respect de l'environnement tant que cela n'engendre pas d'inconfort. Une communauté verte, certes, mais branchée à tous points de vue : haut débit et entièrement high-tech. Des maisons pourvues d'accès à Internet, du matériel informatique intégré, le tout relié à l'interface d'Allegecom afin d'effectuer un suivi marketing. Ces dispositions doteront aussi les gens de capacités de consommation maximales. Fini le "trou perdu" qui rime avec privation. Notre devise sera la suivante : "Communauté locale, confort global." le logo utilisera une police de caractères artisanale. Et le site Internet sera conçu pour attirer les nostalgiques. Nous y insèrerons des icônes aux allures archaïques. Nous proposerons une interface rétro : apparence vieillotte mais technologie moderne. Nous fétichiserons les détails.
Ensuite nous délivrerons des franchises de notre posturbia radieuse.
Nous allons commercialiser le concept de communauté raisonnée, le privatiser, le doter d'un copyright, et le transformer en marque déposée. Nous allons créer un attachement émotionnel à notre logo et à des pratiques liées à des marques bien précises.
Pour finir, nous construirons des communautés préfabriquées, qui n'auront jamais l'air artificielles ni d'avoir été construites en série. Ce sera un village entrepreneurial qui fera de l'argent sur le désir de fuir l'hégémonie des entreprises commerciales. Ce que nous voulons, c'est attirer les gens qui haïssent les supermarchés Wal-Mart. Dès lors que nous leur donnons la sensation de quelque chose d'alternatif et d'unique, tout en le mettant en oeuvre et en le contrôlant selon les strictes lignes directrices d'Allegecom en vue d'obtenir des performances et un retour sur investissement optimum, mais aussi, bien sûr, le bonheur, tout le monde sera gagnant."
Josh s'assit. L'auditoire applaudit poliment."
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Souvent comparée au grand Don Delillo, il n'en fallait pas moins pour que cette auteure finisse dans ma bibliothèque (même si on est souvent déçu des comparaisons obligatoires avec les "jeunes" écrivains).
Donc ce livre m'a beaucoup interpellé sur ses intentions, que j'interprète comme une démonstration de l'impossibilité de se réunir contre une cause claire et commune dans un monde où l'individu est roi. Tout porte à se différencier, que ce soit dans les choix politiques, musicaux ou de vie en général. Je pense que ce livre aurait mérité un développement plus long, moins éclaté dans ses A/R temporel (qui servent surtout l'intrigue principale, au final pas si déterminante dans le ressenti du livre).
Je me suis également procuré "Les innocents et les autres" (vive les exemplaires réformés de bibliothèque ! ), on verra ensuite où je classerai Dana Spiotta.
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D'un côté il y a Nash et Mary, deux révoltés de la guerre du Vietnam des 70's et qui encore à l'aube du 21 eme siècle, conserve cet esprit alternatif qui fait ressortir le côté marginal de leurs existences.

En parallèle il y a ces nombreux jeunes adultes qui expriment leur malaise envers l'actuelle société américaine en écoutant la discographie des Beach Boys à fond dans la chambre, en travaillant dans une librairie anarchiste etc . Ceux ci croient être les héritiers du mouvement réfractère des années 70 alors que ceux qui ont vécus les évenement à leur époque sont encore vivant et n'ont pas la même interpretation des faits. Ce livre raconte ce décalage là.

Finalement Dana Spiota nous montre une exceptionelle description de la lutte contre le determinisme sociétal et des mouvements alternatifs de la guerre du Vietnam à de nos jours.
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Eat the document est un roman qui interroge les formes diversifiées de l'engagement et ses conséquences.
L'auteur jongle entre les époques (des années 70 aux années 90), et avec les différentes causes dans lesquelles se sont engagés ou s'engagent les protagonistes.
La construction des personnages est intéressante car elle permet à chacun de livrer dans une construction en écho son analyse des moyens d'action et des répercussions d'une cause militante.
De la dénonciation de l'utilisation de l'agent orange au moment de la guerre du Vietnam aux "black blocks" ce sont différentes méthodes de contestation qui prennent forme dans le roman.
Néanmoins, j'ai parfois eu un peu l'impression d'une plongée dans les clichés inhérents à la contre-culture qui aurait pu à mon goût prendre un peu plus d'étoffe.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
page 37, Ce qui l’agaçait (probablement) c’était cette quasi-certitude que Davey D. faisait partie de ces gosses de riches d’apparence loqueteuse. Ils avaient l’air pauvres, jouaient les pauvres, sentaient le pauvre ; mais quelque part, derrière ou loin devant eux, quelque part dans leur entourage, se cachait un paquet de fric monstrueux qui ne venait pas du travail.
Le pognon de super grand-papa qui vivait dans le Connecticut ou à Rhode Island.
Plus les cheveux sont mal coupés et l’hygiène douteuse, plus l’argent est de source ancienne.
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Page 270, Et j’ai laissé le chœur des Beach Boys me submerger de la tête aux pieds jusqu’à ce que je me retrouve dans un univers sans faille, merveilleux, d’une beauté pleine d’exquise naïveté. Parfois j’ai l’impression d’être amoureux de ma propre jeunesse. Je refuse d’avancer, je voudrais, insouciant me perdre pour toujours dans cette musique.
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Page 97, La banlieue résidentielle, c’est le paradis des freaks, un monde de pièces vacantes à l’étage et de longs après-midi oisifs qui s’écoulent sans interférence. Un lieu où tu peux écouter tes 33 tours des heures entières. Tu peux vivre dans ta chambre, ta propre parcelle d’univers, sans loyer à payer, et créer un monde de plaisir et d’intérêt uniquement centré sur toi-même,
ton esthétique et ta logique personnelles.
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Video de Dana Spiotta (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Dana Spiotta
25 oct. 2022 #SyracuseU Acclaimed novelist Dana Spiotta, an associate professor of English, discusses her creative process, her passion for mentoring students and the renowned Creative Writing program at Syracuse University.
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