« Je ne sais absolument pas pourquoi la plupart du temps je suis taré, énervé et au bord de l'explosion, ni pourquoi l'alcool, les antalgiques et le xanax sont les seules choses qui arrivent à me calmer plus ou moins. Je ne sais absolument pas pourquoi je trouve la vie sans intérêt et nulle à chier et je sais bien que la plupart des gens ne versent pas une mesure de bourbon dans leurs céréales au petit-déjeuner. C'est juste comme ça. » C'est ainsi que se présente Bruno Dante, le personnage central de « Limousines blanches et blondes platine ». Ayant de très sérieux problèmes à se contenir et à éviter de se saouler, Bruno passe de boulots pourris en boulots encore plus pourris. Natif de Los Angeles, il est le fils d'un scénariste et écrivain qui connut la reconnaissance critique post-mortem. Bruno a lui aussi la fibre littéraire et tente désespérément de faire publier ses nouvelles. Une occasion en or lui tombe du ciel en la personne de David Koffman, gérant d'une entreprise de location de limousines. Les deux hommes avaient déjà travaillé ensemble à New York et Koffmann veut faire de Dante le gérant de sa filiale à LA. Mais il y met une condition : que Bruno arrête de boire et aille aux alcooliques anonymes se faire aider. Dante accepte, le job rapporte bien et lui laisse du temps pour écrire. le challenge est pourtant quasiment impossible à relever lorsqu'on voit la clientèle de la boîte : producteurs camés jusqu'à l'os, jeunes rock stars à l'ego surdéveloppé, mannequins anorexiques se nourrissant d'alcool. le boulot et la ville n'incitent que modérément à l'abstinence…
J'avais eu le grand bonheur d'assister à une conférence de Dan Fante lors du précédent Festival America. Et j'aurais pu l'écouter des heures parler de sa vie, de ses livres et de sa passion pour la littérature. Ce type est un conteur né comme son père, et apparemment son grand-père qui racontait des histoires à ses enfants dans son village au fin fond de l'Italie rurale. Ces trois hommes aimaient la fiction et aussi immodérément l'alcool. Dan Fante a connu une vie des plus chaotiques avant de se mettre à écrire à l'âge de 45 ans. Après une énième rechute dans la boisson, il était revenu habiter chez sa mère. « Un jour, dans le garage de mes parents, je suis tombé sur la vieille machine à écrire Smith-Corona de mon père, et une demi-ramette de papier. Avant de perdre totalement la vue, John Fante écrit son dernier roman sur ce papier et cette machine. » Et c'est sur cette même machine que Dan Fante écrivit son premier livre, une belle manière de se réconcilier avec son père et son héritage littéraire. Je vous parle de la vie de Dan Fante car elle est intimement liée à son oeuvre. Arturo Bandini était l'alter-ego de John Fante, Bruno Dante est celui de son fils. Les points communs entre le créateur et son personnage sont nombreux : l'alcoolisme bien-sûr, un père écrivain (deux titres sont cités : « Demande au vent » et « Les compagnons de la grappe », les amateurs de Fante apprécieront.), la prison, le métier de chauffeur, l'écriture et l'amour des grands auteurs : Kafka, Dostoïevski, Henry Miller, H. Selby Jr à qui le roman est dédié.
Bruno Dante nous entraîne avec sa limousine dans un univers interlope et complètement barré. Tous les personnages croisés (mise à part la vieille prof de littérature avec qui il peut discuter de sa passion) semblent sous crack ou sous amphèt' en permanence. Los Angeles est la ville de tous les excès et de la démesure, ses habitants sont bien obligés d'être à la hauteur. C'est ainsi que l'on croise un acteur appelant les pompiers pour sauver son poisson rouge tombé dans la piscine, un producteur se soulageant systématiquement dans son orchidée en plastique, donnant ainsi une odeur particulière à son bureau, ou encore une secrétaire anorexique avec des seins surdimensionnés. Face à la folie de la ville, Bruno Dante ne peut que rechuter, ce qui lui promet des réveils plus que difficiles et honteux. de quoi vous passer l'envie de vous saouler pour un bon moment !
L'écriture de Dan Fante est puissante, tourmentée et crue. le portrait de Bruno Dante est sans condescendance, Fante connaît trop bien l'alcoolisme pour l'enjoliver. Il y a aussi beaucoup d'humour et d'espoir dans le destin de son héros. J'ai déjà pu vous dire mon admiration pour John Fante et je suis ravie d'avoir fait connaissance avec son fils qui est à la hauteur de son géniteur.
Merci aux éditions 13e Note d'avoir pris le pari d'éditer l'oeuvre de Dan Fante, qui se descend comme un shot de vodka. Et comme un shot de vodka, à peine avalé, on a envie de se resservir, jusqu'à la nausée ! Pour revenir à "86d", titre original de "Limousines blanches et blondes platine", on pense fortement à "Régime sec" pour l'utilisation du même fil conducteur, celui du chauffeur (ici de limousines donc, par opposition au taxi de "Régime sec"). On navigue toujours entre deux mamelles tentaculaires chez Dan Fante : New York et Los Angeles, cuite et rédemption, job alimentaire et quète de l'immortalité via une machine à écrire (enfin... un ordinateur désormais). Bref, un roman qui, bien que ce soit introuvable en France, laisse un furieux goût de Mad Dog 20/20 dans la bouche.
A l'annonce de la (fausse) mort de Dan Fante il y a quelques jours, j'ai repensé à son oeuvre que je connaissais finalement peu. N'ayant lu que Les Anges n'ont rien dans les Poches (et n'en ayant pas gardé souvenir immortel, non, mitigé plutôt), il m'a semblé largement temps de creuser un peu plus cet auteur mort qui ne l'était pas, mort.*
Mon choix (ou plutôt le hasard) s'est porté sur Limousines Blanches et Blondes Platine, livre faisant partie son "autobiographie" et où on retrouve son alter ego Bruno Dante dont Les Anges n'ont rien dans les Poches ouvrait le bal, malgré tout j'ai infiniment mieux préféré Limousines....
Aucune peine à avoir de l'empathie pour ce personnage toujours au bord du gouffre et même s'il pousse parfois - souvent - le bouchon (de ses flasques) un peu loin, il est attachant ce Bruno Dante. Durant tout le livre et malgré la mauvaise volonté qu'il semble à chaque fois s'escrimer à y mettre, on a envie qu'il s'en sorte enfin. Les démons dans sa tête (saloperie de Jimmy), l'alcool, le mal-être... On se prend à tourner les pages avec pour seul désir une bonne nouvelle. Elle viendra peut-être, si Dan-Bruno saisi sa chance, on l'espère mais avec lui, rien n'est moins sûr.
* Et puis finalement, si.
Très bon livre de Dan Fante, que l'on retrouve, après Régime Sec, non plus au volant de taxis mais de limousines. Arnaques, anecdotes, alcoolisme, sexe, et écriture, voilà les ingrédients de ce cocktail explosif que l'on avale d'un trait. L'écriture de Dan Fante est concise, frappe où il faut, vous laisse KO, et avide d'en remettre une couche, et de s'enfiler tout ses bouquins dans la foulée.
Sex, drugs et Rock'n Roll.
Ce livre pue comme l'odeur d'un cendrier plein, de cadavres de bières et reste de bouffe sur la table basse, avec des toilettes détruits par des fêtards qu' on ne connaissait pas, le canapé plein de personnes en train de décuver, à moitié habillées, à moitié à poils.
On reprend un café et la vie continue. Faut bien s'en sortir. L'écriture peut être ? C'est vrai que dans la famille Fante, y'a du talent au bout de la plume. Encore faut-il être assez sobre pour la faire fonctionner, et avoir une histoire à raconter. Et puis merde hein, on n'a qu'à écrire notre quotidien. Il y a du sexe, des magouilles, le soleil de LA, des bonnes vannes et des insultes. Tout le monde y appréciera quelque chose. Personne ne veut de cette vie. Mais tout le monde l'imagine.
J’ai compris que j’avais en fait envie de mourir. L'idée était simple et elle trottait dans ma tête. J’étais fatigué : crevé par mes obsessions sans fin, mon cerveau ruminant sa douleur et le vide absurde qui remplissait ma vie dénuée de sens. La mort serait un soulagement. Et aujourd’hui était un bon jour pour crever.
J'ai travaillé avec quatre types qui se sont suicidés, sobres. Quatre types comme moi. Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ? Je suis un mec qui veut y arriver – faire des trucs bien – mais j'y arrive pas. Pourquoi j'en veux toujours à mon patron et pourquoi je fais peur aux mômes ? Pourquoi, après des années d'abstinence, je continue à péter la gueule des mecs qui me font des queues-de-poisson sur la route ?
« Être chauffeur de limousine à L.A. est une drôle de façon de gagner sa vie. Un peu comme de bouffer de la merde au cul d’un chien, pour faire plaisir à Dieu le Père. La clientèle de Dav-Ko L.A. était principalement constituée d’oiseaux de nuit et autres zombies : riches producteurs suramphétaminés ou jeunes stars du rock aussi cons que gâtés, rappeurs style gangsta avec le flingue enfoncé dans le calbute, anciens acteurs alcooliques privés de permis, et une tripotée de frimeurs pétés de thune. Des êtres humains incarnant les pires travers de L.A. : un ego surdimensionné et beaucoup trop de blé. »
... j' ai été accueilli par Dennis, l' homme à tout faire de Che-Che , un grand blond d' un mètre quatre-vingt-cinq .Ce type semblait tout droit sorti d' une pub pour Calvin Klein.../... Dennis avait tout du débile : dix-neuf ans , né à Paramus,études de footballeur puis premiers pas dans le mannequinat .Un pois chiche dans la tête. ( p 183)
Harlan Coben