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EAN : 9782070137718
128 pages
Gallimard (31/10/2013)
3.88/5   30 notes
Résumé :
"J'ai écrit ce qu'il y a de plus grand, cela ne fait aucun doute, mais c'est aussi de cette façon que j'ai tétanisé la littérature allemande pour quelques siècles. J'aurai été, mon cher, avait dit Goethe à Riemer, le tétaniseur de la littérature allemande. Ils sont tous tombés dans le piège de mon Faust."
La férocité de Thomas Bernhard fait rage dans les quatre récits rassemblés ici en un volume, selon son souhait. Qu'il s'agisse de Goethe mourant, de la hain... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Quelques mots sur Thomas Bernhard ou le Diogène autrichien, pissant dans le tonneau de la fierté nationale grâce à une écriture hypnotique, un verbe enragé et une ironie inoxydable.

“Car tous les matins, nous sommes obligés de nous rappeler que nous sommes le fruit de la terrible démesure de nos parents, qui nous ont engendrés dans une véritable mégalomanie procréatrice, nous jetant dans ce monde toujours plus atroce et répugnant que réjouissant et utile. Nous devons notre désarroi à nos géniteurs, notre impuissance, toutes les difficultés auxquelles, jusqu'à la fin de nos jours, nous sommes incapables de faire face.”

Qu'il s'agisse des derniers mots de Goethe ou de son improbable rencontre avec Wittgenstein, de parents tortionnaires ou de la putréfaction des nations européennes à commencer par sa patrie autrichienne, Bernhard ne mâche pas ses mots.

“Dans la bibliothèque, et plus précisément au contact de certains livres, même s'ils ne les qualifiaient pas explicitement de philosophiques, j'allais perdre l'équilibre et être précipité, irrémédiablement.”

Cet écrivain, paradoxalement célébré dans son pays honni, est un furibond qui n'a de cesse, dans les quatre courts récits que comporte ce recueil, de régler ses comptes avec la mondanité et la parentalité.

Ainsi, c'est d'abord ses propres parents qu'il exècre “combien de fois ont-ils dit qu'ils me préfèreraient un chien”. Mais aussi, les parents en général « les parents engendrent des enfants et consacrent toute leur énergie à les détruire » et dont les conséquences dépassent de loin la cellule nucléaire « c'est le système parental qui au bout du compte se mue en système universel, auquel personne n'échappe ».

Quant aux européens ils « s'ennuient à périr et n'ont de cesse, à seule fin d'échapper à ce mortel ennui européen, de se mêler, à tout instant et à tout lieu, des affaires de ce que l'on appelle le tiers-monde. »

Bernhard est aussi un solitaire qui aimait se retirer dans sa campagne autrichienne : « Mon désir de communiquer s'était étiolé, à force de le réprimer en moi depuis tant d'années ». Cela me rappelle la maxime du moraliste Sébastien Roch Nicolas de Chamfort : « on me reproche le goût de la solitude. Je suis plus accoutumé à mes défauts qu'à ceux des autres. »

Pour apprécier au mieux ces textes, aux longues phrases répétitives, saccadées par des « lui dis-je » surabondants, mieux vaut s'isoler et lire à voix haute « vous dis-je » !

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Il s'agit d'un recueil de quatre nouvelles, parues en volume à titre posthume, si tout au moins deux des textes avaient parus précédemment dans Die Zeit (1982). La première édition française ne comportait que ces deux textes, que Bernhard souhaitait voir éditer ensemble, le volume en poche y adjoint deux autres nouvelles.

Le premier texte, qui donne son titre au volume, évoque, à l'occasion du 250e anniversaire de la mort de Goethe, justement les derniers moments du plus célèbre des écrivains allemands. Bien évidemment il le fait à la manière de Thomas Bernhard, c'est à dire iconoclaste, remettant en cause le statut d'icône de Goethe. Il s'agit même d'une sorte d'uchronie : Goethe souhaite ardemment, avant sa mort, rencontrer Ludwig Wittgenstein, qu'il appelle son fils spirituel, et avec qui il voudrait débattre du « doutant et du non-doutant », un exemplaire du Tractus logico-philosophicus sous l'oreiller. Or Wittgenstein est né une cinquantaine d'années après la mort de Goethe… C'est donc une manière de désacraliser la figure du grand écrivain, jusqu'à transformer de manière irrévérencieuse ses dernières paroles. Encore une fois il s'agit de déboulonner l'idole, d'alléger le poids du grand héritage, se libérer de l'héritage des pères.

Les trois textes suivants traitent de la famille, de son horreur, de son rejet. de la manière dont elles brisent, mutilent. Dans « Montaigne. Un récit. » le narrateur a le soutien des textes de Montaigne. « Je n'ai jamais eu ni père ni mère, mais j'ai toujours eu mon Montaigne ». le texte est étrangement poignant, il dit une souffrance, mais aussi une consolation, celle de cette philosophie, de la littérature, des textes qui ne sauvent peut-être pas, mais qui permettent au moins, de rendre les choses plus supportables, dans quelques instants de grâce.

Les deux derniers textes, peuvent sembler des sortes d'imprécations. Retrouvailles, vis-à-vis de la famille, et Parti en fumée vis-à-vis d'un ancien ami, et aussi comme souvent vis-à-vis de l'Autriche, son pays natal. C'est drôle et féroce, mais terriblement douloureux aussi. Comme rarement chez Bernhard s'exprime une souffrance, les imprécations, les cinglantes ironies, les condamnations sans appel, paraissent être, de manière explicite causées par ces blessures, ces cruelles expériences, que le narrateur, si proche de l'auteur, laisse entrapercevoir. Il y a une tristesse un peu crépusculaire dans ces textes, très touchante.

Il y a dans quatre nouvelles un résumé de l'oeuvre de Bernhard, même si ce ne sont sans doute pas ses oeuvres les plus abouties, elles sont quand même excellentes. Et peut-être plus faciles pour une première approche, premièrement parce que relativement brèves, et aussi à cause de cette expression d'une souffrance qui adoucit la rage et la férocité qui habitent les oeuvres de Thomas Bernhard.
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Recueil de quatre petits récits, publié après la mort de l'écrivain, "Goethe se mheurt" est peut-être une oeuvre de Bernhard par laquelle on peut commencer pour une première découverte mais surement pas celle par laquelle il aurait fallu commencer pour se représenter globalement l'auteur et sa production.
Passons sur la traduction française, ratée selon moi, du titre allemand : "Goethe schtirbt" est une déformation orthographique du correct "Goethe stirbt" (Goethe meurt), scht et st se prononçant en allemand de façon identique, sauf variation régionale éventuelle bavaroise ou autrichienne, dans laquelle sch prendrait plus de volume, ce que restitue mal l'improvisation française "mheurt" qui, avec beaucoup d'imagination, oriente au mieux vers un mugissement, peu congruent.

C'est ce volume patoisant que Bernhard semble opposer, dans le premier récit qui prête son titre à l'ouvrage, à l'emphase prétentieuse et pathétique de Goethe mourant, plaisamment figuré comme voulant à tout prix rencontrer le philosophe de la logique et du langage, Ludwig Wittgenstein qui ne naîtra qu'un demi-siècle plus tard et qu'il déclare reconnaître comme son fils spirituel. Pour apprécier, il faut selon moi, aduler ou détester Goethe, ce qui est chose facile mais aussi, plus exigent, connaître a minima la pensée (évolutive) de Wittgenstein et l'opinion que Bernhard en avait. Pas gagné.

Dans les trois autres récits, "Montaigne", "Retrouvailles", "Parti en fumée", Bernhard déclare sa flamme à Montaigne et semble régler de vieux comptes avec l'emprise meurtrière des parents sur leurs enfants ainsi qu'avec l'Autriche et son peuple.
Sans connaître l'oeuvre de Bernhard, on appréciera difficilement ce que certains articles prétendent, à savoir que les thèmes chers à Bernhard se retrouvent dans ces récits. En revanche, on prendra correctement la température de son style, qui intègre des alternances de phrases assez courtes et très longues, au long desquelles, pourtant, on ne se perd pas, la flexibilité d'expression, tantôt relevée, tantôt courante, des progressions de pensée en spirale jusqu'à ce qu'explose enfin le noeud de ce qui devait être formulé.

Un premier p'tit verre qui titille les papilles .
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J'ai découvert Bernhard pendant les années de plomb. .Alors qu'en 'Allemagne les jeunes demandaient des comptes, l'Autriche échappait à cette autocritique. A lui seul; il a incarné ce besoin de lucidité, une posture morale, la mauvaise conscience d'un pays autiste qui refuse toute responsabilité dans WWII. Sa haine de l'Autriche est parfois pesante, mais ici sur quatre nouvelles c'est supportable. le recueil vaut d'abord par la première nouvelle. L'agonie de Goethe et le mensonge pour la postérité. Tout Bernhard est là. Mentir pour préserver une réputation est insupportable pour lui. Cette exigence
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traduction avisée du titre germanique Goethe schtirbt (au lieu de stirbt)

4 (trop) courts récits au style pugnace et parfois excessif, mais très revigorant
la nouvelle la plus réussie, la plus longue également, "retrouvailles" avec certaines pages hilarantes (p86 et p94 en édition Gallimard) donne vraiment à réfléchir
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
"Tous les matins, nous sommes obligés de nous rappeler que nous sommes le fruit de la terrible démesure de nos parents, qui nous ont engendrés dans une véritable mégalomanie procréatrice, nous jetant dans ce monde toujours plus atroce et répugnant que réjouissant et utile."
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Naturellement, les bonnes femmes ne savaient même pas qui était Wittgenstein, avait dit Kräuter à Riemer. Elles pensaient que Kräuter était fou. Ce Wittgenstein est d'un seul coup devenu l'être le plus cher à Goethe, aurait dit Kräuter aux cuisinières, ce sur quoi elles l'auraient tenu pour fou. Inlassablement, Kräuter avait arpenté la maison de Goethe, toujours selon Riemer, répétant que Wittgenstein est l'être le plus cher à Goethe, et tous, en l'entendant, se seraient touché le front de consternation. Un penseur autrichien ! s'était apparemment exclamé Kräuter en présence du médecin qui venait soigner Goethe deux fois par jour, sur quoi le médecin (…) lui avait dit qu'il était devenu fou (…)
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Lui-même, me dit Riemer, avait parlé plusieurs fois avec Goethe au cours des trois derniers jours, deux fois en présence de Kräuter, que Goethe avait supplié de rester constamment à ses côtés, jusqu'au moment ultime, mais aussi une fois tout seul, étant donné que Kräuter, apparemment indisposé par l'irruption de Riemer dans la chambre de Goethe, avait subitement quitté celle-ci, sur quoi Goethe, me dit Riemer, avait tout de suite commencé à lui parler, comme au bon vieux temps, du doutant et du non-doutant, exactement comme aux premiers jours du mois de mars, lorsque, toujours selon Riemer, Goethe était en permanence revenu sur le sujet, sans relâche et avec la plus grande concentration, après s'être presque exclusivement consacré, fin février - comme pour se livrer à un exercice matinal quotidien avec lui, Riemer, c'est-à-dire sans Kräuter, en l'absence donc de celui que Riemer qualifiait régulièrement d'esprit inane et de guetteur du trépas goethéen-, au Tractatus logico-philosophicus et avoir, de façon plus générale, qualifié la pensée tout entière de Wittgenstein de celle qui d'un coup se rapprochait le plus de la sienne, et même de celle qui venait prendre son relais, soulignant, toujours selon Riemer, que sa pensée propre avait inexorablement fini par être recouverte, si ce n'est complètement supplantée, par la pensée wittgensteinienne, précisément au moment où elle avait atteint le stade définitif, celui du choix entre ce que Goethe, tout au long de sa vie, avait été bien obligé d'identifier et de reconnaître comme l'ici et ce que, tout au long de sa vie, il avait dû identifier et reconnaître comme le là.
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Les maisons familiales sont toujours des cachots, rares sont ceux qui parviennent à s'en évader, lui dis-je, la majorité, c'est à dire quelque chose comme quatre-vingt-dix-huit pour cent, je pense, reste enfermée à vie dans ce cachot, où elle est minée jusqu'à l'anéantissement, jusqu'à mourir entre ses murs.
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Les Européens s'ennuient à périr et n'ont de cesse,à seule fin d'échapper à ce mortel ennui européen,de se mêler,à tout instant et en tout liei,des affaires de ce qu'on appelle le tiers monde.Ce côté missionnaire est l'un des vices allemands,qui,à ce jour n'a toujours causé que des malheurs,plongeant sans cesse le monde dans de nouvelles crises .Avec son répugnant bon dieu,l'église a séjà empoisonné l'Afrique,désormais elle empoisonne l'Amérique latine.L'église catholique est l'empoisonneuse,la destructrice,l'annihilatrice du monde,voilà la vérité"
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Le 17 mars 2021 a disparu le comédien Jacques Frantz.
Sa voix de basse, puissante, vibrante et expressive, était particulièrement appréciée dans l'art du doublage. C'est tout naturellement que, en 2007, il a rejoint les grandes voix de « La Bibliothèque des voix » pour immortaliser dans un livre audio l'ancien acteur shakespearien désabusé dans la pièce de Thomas Bernhard « Simplement compliqué ».
Nous partageons cet extrait pour lui rendre un dernier hommage et adressons nos pensées émues à sa famille.
- - - Le texte imprimé de « Simplement compliqué » de Thomas Bernhard a paru chez L'Arche Éditeur, en 1988. Direction artistique : Michelle Muller.
+ Lire la suite
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