Il s'agit d'un recueil de quatre nouvelles, parues en volume à titre posthume, si tout au moins deux des textes avaient parus précédemment dans Die Zeit (1982). La première édition française ne comportait que ces deux textes, que Bernhard souhaitait voir éditer ensemble, le volume en poche y adjoint deux autres nouvelles.
Le premier texte, qui donne son titre au volume, évoque, à l'occasion du 250e anniversaire de la mort de
Goethe, justement les derniers moments du plus célèbre des écrivains allemands. Bien évidemment il le fait à la manière de
Thomas Bernhard, c'est à dire iconoclaste, remettant en cause le statut d'icône de
Goethe. Il s'agit même d'une sorte d'uchronie :
Goethe souhaite ardemment, avant sa mort, rencontrer
Ludwig Wittgenstein, qu'il appelle son fils spirituel, et avec qui il voudrait débattre du « doutant et du non-doutant », un exemplaire du Tractus logico-philosophicus sous l'oreiller. Or Wittgenstein est né une cinquantaine d'années après la mort de
Goethe… C'est donc une manière de désacraliser la figure du grand écrivain, jusqu'à transformer de manière irrévérencieuse ses dernières paroles. Encore une fois il s'agit de déboulonner l'idole, d'alléger le poids du grand héritage, se libérer de l'héritage des pères.
Les trois textes suivants traitent de la famille, de son horreur, de son rejet. de la manière dont elles brisent, mutilent. Dans «
Montaigne. Un récit. » le narrateur a le soutien des textes de
Montaigne. « Je n'ai jamais eu ni père ni mère, mais j'ai toujours eu mon
Montaigne ». le texte est étrangement poignant, il dit une souffrance, mais aussi une consolation, celle de cette philosophie, de la littérature, des textes qui ne sauvent peut-être pas, mais qui permettent au moins, de rendre les choses plus supportables, dans quelques instants de grâce.
Les deux derniers textes, peuvent sembler des sortes d'imprécations. Retrouvailles, vis-à-vis de la famille, et Parti en fumée vis-à-vis d'un ancien ami, et aussi comme souvent vis-à-vis de l'Autriche, son pays natal. C'est drôle et féroce, mais terriblement douloureux aussi. Comme rarement chez Bernhard s'exprime une souffrance, les imprécations, les cinglantes ironies, les condamnations sans appel, paraissent être, de manière explicite causées par ces blessures, ces cruelles expériences, que le narrateur, si proche de l'auteur, laisse entrapercevoir. Il y a une tristesse un peu crépusculaire dans ces textes, très touchante.
Il y a dans quatre nouvelles un résumé de l'oeuvre de Bernhard, même si ce ne sont sans doute pas ses oeuvres les plus abouties, elles sont quand même excellentes. Et peut-être plus faciles pour une première approche, premièrement parce que relativement brèves, et aussi à cause de cette expression d'une souffrance qui adoucit la rage et la férocité qui habitent les oeuvres de
Thomas Bernhard.