Ouvrage passionnant par la richesse de son contenu et par sa résonnance avec notre époque.
La première peur pour nos ancêtres était d'abord le manque alimentaire qui les obligeait à manger parfois avec réticence et en sachant que leur nourriture était dangereuse. Au-delà de cette situation extrême la crainte était celle de la qualité des nourritures connues et celle des effets des nourritures inconnues (voir la difficulté de la pomme de terre à intégrer les potagers).
Nous vivons aujourd'hui sous la protection de normes et d'organismes chargés de les faire respecter. Les anciens essayaient eux aussi, avec leurs moyens, de mettre les denrées sous contrôle mais la science et les techniques n'étant pas ce qu'ils sont aujourd'hui, les hommes devaient acquérir de l'expérience et avoir un comportement « animal » vis-à-vis de la nourriture en se fiant à tous leurs sens. Pour autant ils ne négligeaient pas les règles et les sanctions en particulier pour assurer la sécurité de la viande.
Cette étude montre la progression des sciences appliquées à la nourriture, de l'industrialisation et des craintes (souvent légitimes) qu'elle a provoqué,
Une place importante est faite aux épidémies des troupeaux et aux risques sur les hommes. Comme de nos jours les gouvernants devaient prendre des décisions lourdes de conséquences sur le plan économique en s'appuyant sur des hommes de science qui n'en n'avaient guère et n'étaient pas d'accord entre eux. Les querelles scientifiques furent nombreuses et comme souvent tranchées par les générations suivantes.
Il en ressort que la phrase « on nous fait manger n'importe quoi» est une des plus permanentes de l'histoire, que la relation entre alimentation et santé a toujours été connue, que tricher sur la qualité des aliments est de tous les âges et que rien de pire qu'un scandale alimentaire pour un pouvoir en place.
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Comme quoi le souci de traçabilité ne date pas d'aujourd'hui. Un livre dense, à lire en prenant son temps, qui montre comment, de la brebis clavetée à la vache folle, les peurs humaines ont peu changé depuis le Moyen Age. La manière de comprendre l'hygiène, elle, a bien évolué, et nous ne risquons heureusement plus d'acheter de la morue dessalée dans le caniveau!
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.....Une sentence du Parlement, confirmée par un arrêt en 1631, est prononcée contre les pères Lustucru. Ils doivent faire amende honorable au bord de la Seine en jetant les chats écorchés et décapités qu'ils entreposaient dans leur garde -manger, et crier à haute voix en forme de repentance : " Braves gens, il n'a pas tenu à moi et à mes sauces perfides que les matous que voici ne fussent pris pour de bons lapins . "
Depuis 1955, les français ne connaissent plus le danger de sous-alimentation et de rationnement, et cette réalité est si bien intégrée que la peur de manquer n'existe plus dans nos sociétés "de consommation". Par un phénomène quasi compensatoire, à la peur de la pénurie s'est substituée celle de l'aliment malsain. Dans notre société il n'y a place que pour une peur alimentaire, de plus en plus envahissante. N'est ce pas ce qui nous fait considérer qu'il devait en être de même dans les temps passés ? Une peur, soit, mais pas deux, tel serait le raisonnement courant...
Le porc focalise toutes les peurs. Est-ce parce que c'est le seul animal élevé exclusivement pour nourrir les hommes? Est-e parce que l'homme est fait comme le cochon? C'est une opinion partagée par tous les gens du commun et savants, tel Henri de Mondeville "le ventre dessous d'omme, se sont des boiaux, est semblable au ventre du porcel". L'homme par ses viscères se rattache très étroitement aux mammifères en général, et au porc en particulier
L'essentiel de la vigilance étatique se ramène à cela faire en sorte de ne pas jeter l'effroi dans la population...Les hommes au pouvoir semblent plus préoccupés de relations publiques que de santé publique, craignant par dessus tout l'effet d'annonce. La maxime de d'action politique se résume t-elle en France à ne pas lutter contre le risque , mais les effets psychologiques du risque ? L'affirmer serait peut-être trop tranché.