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EAN : 9782364260856
72 pages
Al Manar (16/05/2017)
3.83/5   3 notes
Résumé :
L'été, les rêves agitent les voilages
mieux que la brise
et parlent de disparition.

Les roses suspendent un drap bleu aux fenêtres
je reste derrière
ce monde soluble dans la lumière
où les pierres brûlent et renaissent sans qu'on les voie.

Cécile A. Holdban est poète et peintre. Elle a publié plusieurs recueils, accompagné de ses dessins une trentaine de livres d'artistes et traduit différents poètes d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
L'ÉTÉ : DU PLUS PROFOND A LA SINGULARITÉ DE LA PEAU. (Une lecture)

Arrêtons-nous un instant chez un autre poète (nulle provocation. Prendre seulement temps de la distance avant de mieux nous pénétrer de la lecture encore vive) et voyons ce qu'il dit de cette saison - qui n'est pas sans résonance avec le beau recueil illustré des tendres dessins de Bobi + Bobi -, avant que d'apprécier ce dont nous proposons une humble, très humble et fort partiale lecture :

l'été : un éblouissement comme est la neige,
Celle qui vient légère et ne dure pas,
Et rien de nous n'en trouble la lumière
D'eau qui s'est condensée puis s'évapore.

Yves Bonnefoy.

Mais c'est loin d'être assez !

On entre toujours dans l'univers de Cécile A. Holdban à petit pas - à pas comptés comme on l'eût peut-être dit dans les paysages anciens de l'enfance - car il faut, que de l'infime détail, de la minuscule apparition de vie, de cette explosion retenue des souffles et des sens puisse surgir - «l'été, les rêves agitent les voilages» -, prendre forme, se dessine ou même, plus précisément se peigne la toile d'une vie à mille lieues d'une contemplation d'elle. Alors, et alors seulement, ce qui semble à l'oeil commun inexact ou inaudible, à l'oreille incertaine inlassablement inconnu, à la peau mal préparée, une saison à nulle autre pareille, certes ! mais de soleil, de farniente et de palabres noctiluques tout juste, tout au plus d'amitiés en attente des souverains renouveaux sous le scel rayonnant de l'astre apollinien, tout cela vrai sans nul doute, mais si peu ou déjà trop au regard de la Poète dont les craquelures offrent, à qui prend acte d'écoute profonde et respectueuse du dit, le sens profond, et quel ! d'une saison aux douceurs trompeuses autant qu'elles sont véridiques, âpres en même temps qu'elles sont bénéfiques, amères comme sont inextinguibles les faims et les soifs de l'autre, cet autre soi-même, unique, interminables comme une courre aux accents dorénavant célestes :

J'ai longtemps creusé ton visage
avec mes yeux
des rivières en crues larges de tant de pluies

j'avais une faim de bois,
de chevreuils de course et d'aubier
et les forêts naissaient au galop de mon souffle.

Dès lors, tout devient parfum et nectars, cascades d'ors, pluies immaculées, vrombissement extravagant des abeilles en travail ; le presque rien participe du grand Tout à égale distance, à égale valeur que nos habituels arbitraires d'importance, dans une sorte de parti pris des choses que nous ne saurions réaliser si Cécile A. Holdban ne savait nous les montrer de mots et de touches sensibles - on se prend à songer à quelque merle impossible se rejouant à l'infini telle gymnopédie, telle gnossienne, telle délicate sarabande -. La tendresse maladroite et perdue des enfances n'est jamais bien éloignée, qui se pose en ces mots, par dessus l'oiseau mort :

«Mais comment me détacher
de ce geste de petit enfant,
ton cou blanc replié sous l'aile
la grâce encore tendre
du corps que la vie a quitté ?»

Que faut-il alors, pour trouver grâce à la vie ? le centre ou le décentrement ? le désir ou l'obscur sentiment de son éloignement futur ? S'agit-il seulement de se laisser aller - mais totalement - à la folie d'une sensualité magique qui passerait tant par le baiser que les mains, par le toucher et l'oubli, par le regard de l'autre et par la multiplicité des je en sa rencontre ?

«Je suis en morceaux
libre, puisque je chante
éparpillée dans le cosmos
fragments de miroir plantés au ciel
les étoiles nous regardent enfin.»

l'eté, chez Cécile A. Holdban, n'est pas cette saison suprématiste des seules extases érotiques sous les feux ardents, provocants, de Phoebus. Ce n'est pas plus - même si, parfois - le temps rustique et sauvage des moissons, des blés resplendissants de leur blondeur violente, des amours inachevables n'ayant à proprement parler ni début, ni fin que les au revoir oublieux. l'eté traduit plus justement un temps en suspension, mieux perceptible sous le couvert d'une forêt, dans la saveur d'un souvenir, fut-il de pluie sous la paupière, de ressac et d'océan. l'eté, c'est peut-être le moment où la nuit prend toute son importance, d'être le révélateur d'un monde abreuvé de couleur auparavant et lorsque l'astre solaire nous dévora de son zénith, la nuit durant laquelle la vie et la mort s'entremêlent aux vives eaux,

«C'est la nuit, des mains embrassent l'eau
pour retenir ton reflet
sur ce pays aux yeux éteints.»

à la respiration des petites bêtes :

«les insectes tracent le réseau
de cités et d'empires
invisibles à nos yeux.»

l'eté, c'est aussi ce temps qui prend source, par son solstice, en des moments païens et sacrés du monde, rejetons de dieux multiples - le Kalevala nous y invite, et la Grèce des antiques nations - ou fils de la Bible et des processions mariales. Car ce temps est de tous les rêves d'envol et de foi, le temps des rites immémoriaux, de cette dévotion éternelle à la terre-mère transfigurée par l'assomption de celle annoncée vierge, dans une religion (relegere plutôt que religare, même s'il n'est pas question ici de relancer de vieilles polémiques) plus récente, mais qui semble se situer dans un temps antédiluviens. On y croise même le rappel fortuit à d'impossibles divinités ancestrales - la tarasque s'y fait délicat coquillage : «conques de dragons aux veines délicates» - et, à l'instar de ces oiseaux intercesseurs des anciens celtes, canards, oies ou cygnes, le pélican au bec étrange et nourricier, symbole médiéval du sacrifice et de la générosité maternelle, anonyme et sublime, lourd sans doute mais blessé, a pour autre qualification :

«De l'autre côté du sable
il vient, c'est lui
un destin, ou sans nom,
l'image qui versera l'eau de mémoire
le pélican à l'aile brisée
qu'on regarde avancer vers les vagues.»

Mais cette ombre de la destinée n'avance pas seul, malgré la distance et l'annonce faite à sa fin :

«Bien au-dessus de lui,
d'autres volent
le cercle sans nom accompagne l'adieu."

Ultime témoignage, ascension dernière accomplie à la manière des antiques sous la forme d'un fragile et ténu Ouroboros aviaire - serpents et oiseaux ne sont-ils pas d'une même antédiluvienne fratrie ? -, interminé et accompli, interminable et momentané, signe magique du retour des êtres, de la lumière et des ombres, de toute éternité, alpha et omega de temps se prolongeant de proche en proche, d'été en été, parce qu'aucune fin ne porte en elle, généreuse, sa seule finalité.

Peut-être.
Peut-être tout cela, et mille autres robes de fête, mille autres gouttes éparses, mille autre chagrins, mille autre soupirs de peau, mille autres autre. Ce serait omettre un moment essentiel de la poésie de Cécile A. Holdban : qu'elle est toute de détails et de finesse, toute enfouie dans ces mots évidents d'une poésie à fleur de lèvre, de ces vers qu'on aurait aimé avoir su dire avant elle, tant ils éclatent d'évidence à ras la vie telle qu'elle est par le dehors et par le dedans, mais dont elle a, seule, le secret :

«Dans le verger la paire de pie s'est tue
tout le jour en habit elles dissimulent l'or
du ciel clos dans l'oeil.»

Et plus encore lorsque le verbe se fait chair, que la chair se donne à la parole :

«Il n'y a que cela :
cette caresse de mot
ce poème de peau.»

Tout est là, ou peu s'en faut, telle une chrysalide prête à l'explosion de cette vie infime et grande, contenue dans sa gangue de soie, dérisoire, indispensable.
«La vie commence là», nous affirme un peu plus tard la poétesse évoquant une Ève. La vie commence là, et y retourne, au coeur de cet été, au coeur de la terre et des eaux, dans le ventre des femmes et au beau milieu du silence. Il suffit d'un rien, de se laisser prendre par ces vers faussement simples mais ciselés toujours avec la patience de l'artisan qui sait la lenteur irrémédiable du monde, la fragilité de la rose, la profondeur de «la langue [qui] gronde enfle et s'étend».

Une belle et généreuse leçon de chose.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
HIÉROGLYPHES

Sur le banc de bois quelques pommes rouges
se rident, petites joues
si on passe le doigt
sur la peau qui doucement sèche
on sent l'eau du dedans et le sucre à la bouche
mais seul le rouge reste.

Dans le verger la paire de pie s'est tue
tout le jour en habit elles dissimulent l'or
du ciel clos dans l’œil.

Tout est là pour qui sait le voir
le soir pas encore vaincu,
l'écorce, les herbes hautes
froissées comme nos mains
on rassemble les graines dans le bleu de nos robes.
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De la pointe du doigt
puis de la paume entière
effleurer un visage,
doux ou rugueux
l'épaule, la main
ou le galbe du sein
quelques grains de beauté
le pays qu'ils composent.

Il n'y a que cela :
cette caresse de mots
ce poème de peau.
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HIÉROGLYPHES


extrait 2/2

J’ai longtemps creusé ton visage
avec mes yeux
des rivières en crue larges de tant de pluies

j’avais une faim de bois,
de chevreuils de course et d’aubier
et les forêts naissaient au galop de mon souffle.

Enfin je t’ai trouvé
au centre de la nuit où te jetait mon rêve
tu étais un grand orme rouge abattu par l’orage

le vent jouait entre mes mains et tes racines
et sur tes branches radiantes
chuchotaient des lèvres invisibles.
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Sœurs
Extrait 2/2 
 
Il fallait pour qu’elles partent, ouvrir grand
les yeux et les fenêtres, tous les passages
qu’on avait obturés par peur de l’orage
les meubles et les rideaux s’agitaient, tremblaient,
dans une couleur dorée de crépuscule

et les ailes des oiseaux grandissaient
comme des satellites, voltigeaient
réinventant la naissance du geste

le chien devenait fou
lui aussi tournait comme un derviche
son corps trempé
faisait rayonner les gouttes…

Elles surent l’instant précis, la seconde
où l’orage bascula de l’autre côté du ciel
rassemblant le vent sous leurs ailes

elles tracèrent un grand arc du sofa jusqu’à l’eau
qui gonflait sous les arbres.

Depuis, souvent je prie
pour les voir à nouveau…
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Voilà ma vie depuis longtemps.

Dans mes mains, tu souffles
des fleurs de pissenlit
et puisque je suis là, je sais
où vont toutes ces paroles
d’abeilles à la ruche, de truites à la source,
d’hirondelles aux toits
mais il suffit
que le jour se craquelle
même infimement
comme une huile trop épaisse
un Turner au soleil blanc :

Alors la nuit entre
goutte après goutte derrière mes yeux
et projette du vent, de grands arbres mouvants,
un fracas d’ailes dans le silence.
Tu dois, pour me rejoindre
descendre dans un chaos de lignes
de longs escaliers de pierre.
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Vidéo de Cécile A. Holdban
Avec Arthur H, Rim Battal, Seyhmus Dagtekin, Maud Joiret, Sophie Loizeau, Guillaume Marie, Emmanuel Moses, Anne Mulpas, Suzanne Rault-Balet, Milène Tournier, Pierre Vinclair & les musiciens Mathias Bourre (piano) et Gaël Ascal (contrebasse) Soirée présentée par Jean-Yves Reuzeau & Alexandre Bord
Cette anthologie reflète la vitalité impressionnante de la poésie francophone contemporaine. Quatre générations partagent des textes pour la plupart inédits. La plus jeune a 17 ans, les plus âgés sont nonagénaires. Ils sont ainsi 94 à croiser leurs poèmes sur la thématique du désir, un mot aussi simple que subversif.

ADONIS – ARTHURH – Olivier Barbarant – Linda MARIA BAROS Joël BASTARD – Rim BATTAL – Claude BEAUSOLEIL – Tahar BEN JELLOUN – Zoé BESMOND DESENNEVILLE – Zéno BIANU – Carole BIJOU – Alexandre BONNET-TERRILE – Alain BORER – Katia BOUCHOUEVA – Julien BOUTREUX – Nicole BROSSARD – Tom BURON – Tristan Cabral – CALI – Rémi Checchetto – William CLIFF – François de CORNIÈRE – Cécile COULON – Charlélie COUTURE – Laetitia CUVELIER – Seyhmus DAGTEKIN – Jacques DARRAS – Michel DEGUY – Chloé DELAUME – René Depestre – Thomas DESLOGIS – Ariane DREYFUS – Renaud EGO – Michèle FINCK – Brigitte FONTAINE – Albane GELLÉ – Guy GOFFETTE – Cécile GUIVARCH – Cécile A. HOLDBAN – Philippe JAFFEUX – Maud JOIRET – Charles JULIET – Vénus KHOURY-GHATA – Anise KOLTZ – Petr KrÁL – Abdellatif LAÂBI – Hélène LANSCOTTE – Jean LEBOËL – Yvon LE MEN – Perrine LEQUERREC – Jérôme LEROY – Hervé LETELLIER – Sophie LOIZEAU – Lisette LOMBé – Mathias MALZIEU – Guillaume MARIE – Sophie MARTIN – Jean-Yves MASSON – Edouard J.MAUNICK –
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