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EAN : 9782363083593
207 pages
Arléa (04/01/2024)
4.25/5   6 notes
Résumé :
Premières à éclairer la nuit, ce sont quinze miniatures, quinze vies minuscules de femmes qui traversent l'Histoire autant qu'elles sont traversées par elle.
Premières à éclairer la nuit, ce sont quinze miniatures, quinze vies minuscules de femmes qui traversent l'Histoire autant qu'elles sont traversées par elle. Quinze poètesses de divers continents qui racontent le XXe siècle à travers leur propre récit de mère, de soeur, d'amante ou d'épouse. Chacune s'ad... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Je recommande vivement la lecture de Premières à éclairer la nuit, de Cécile A. Holdban (Arléa, janvier 2024), que je viens de lire quasiment d'une traite, contrairement à mes habitudes. Ces Premières sont 15 poétesses du XXe siècle, de toutes origines géographiques (hormis la France), certaines célèbres (Anna Akhmatova ou Sylvia Plath par exemple), d'autres qui m'étaient jusqu'ici totalement inconnues (l'iranienne Forough Farrokhzad ou l'italienne Antonia Pozzi par exemple) – et c'est l'une des vertus de ce livre que de nous les faire découvrir. Chaque poétesse, introduite par un court poème et un portrait, fait l'objet d'une dizaine de pages.

On pourrait croire à une sorte de manuel littéraire. Il n'en est rien, car Cécile Holdban ne se contente pas de dresser un portrait de ces femmes : elle les incarne, se glissant dans leur chair, faisant sienne leur esprit souvent tourmenté, s'assimilant même leur langue, en incorporant à son texte (qui prend la forme d'une lettre de la poétesse à un proche – et Cécile Holdban évoque avec raison à ce propos « les voix qui montent des tombes du cimetière de Spoon River »), en incorporant donc à son texte des bribes de leurs poèmes, simplement distinguées par l'italique. Il s'agit donc d'une oeuvre littéraire, d'autant plus passionnante qu'à travers ces 15 « miniatures », nous parcourons un éventail assez large d'expériences et de sentiments.

Ce livre est aussi l'occasion pour Cécile Holdban de soulever quelques questions opportunes, par exemple sur l'existence ou non d'une poésie spécifiquement féminine, à quoi elle répond que cette idée est réductrice : « ... en chaque personne, il est probable que ces deux pôles – féminin et masculin – coexistent et se manifestent, avec plus ou moins de force ou de vigueur, parfois tour à tour. » Et d'ajouter : « Et même si, peut-être pour des raisons autant physiologiques que culturelles, ce pôle féminin s'est manifesté dans l'écriture par une sensibilité et une sensualité plus incarnées, un lien au monde vivant plus ancré, ces caractéristiques ne sont pas pour autant l'apanage des femmes ». Manifeste est aussi le poids de l'Histoire et de la religion.

Quant à moi, m'a frappé le fait que sur les 15 poétesses, 7 se sont suicidées, une autre l'a tenté, plusieurs ont séjourné en hôpital psychiatrique, ce qui fait que bien peu de ces femmes ont vécu une existence normale. Que faut-il en conclure ? Vérité profonde, qui lierait la pulsion de l'écriture à l'attrait de la mort (qu'on devrait donc retrouver à l'identique chez les hommes), ou effet physiologique, fruit « d'une sensibilité et une sensualité plus incarnées » ou encore biais méthodologique, comme disent les scientifiques : attirance de Cécile Holdban pour ces femmes tourmentées, évidemment plus propres à nourrir une oeuvre littéraire ? Quoi qu'il en soit, c'est l'un des mérites de ce livre que de nous inviter à une réflexion plus large que la seule appréhension de ces 15 destins individuels.
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Il y a d'abord l'évidente beauté de ce titre, « Premières à éclairer la nuit », par une autrice engagée sur les terrains connexes de la poésie, de la peinture et de la traduction. Dans un livre récent, « Toutes ces choses qui font craquer la nuit » (Editions Exopotamie, 2023), dans lequel elle instaurait un dialogue entre textes et peintures, il était semblablement question d'un affrontement avec les ténèbres pour les forcer à reculer.
Ces premières, ce sont quinze femmes, figures marquantes de la poésie du XXème siècle, qui s'adressent à une personne proche d'elles, enfant, parent, amant(e), époux, consoeur, confrère. A chacun(e) elles écrivent une lettre très personnelle d'égale longueur, autour d'une dizaine de pages, que Cécile A. Holdban fait précéder d'une première page avec au recto leur nom, une brève citation en guise de titre et la reproduction en italiques de quelques vers de leur oeuvre, tandis que leur photo, souvent en plan rapproché, occupe le verso. Pour être complet, il faudrait ajouter que chaque lettre comporte de nombreuses citations de leurs poèmes, ce qui témoigne autant du sérieux de l'entreprise que de son originalité : l'autrice du livre se met clairement au service de ces créatrices des quatre coins du monde, que les circonstances ont rendues inégalement célèbres, mais dont la totalité des textes signalent une forte inscription dans l'Histoire. Celle qui ouvre le volume est la Finlandaise Edith Södergran née à Saint-Pétersbourg en 1892 et qui écrivait en suédois. Elle fait figure d'aînée de la petite consoeurie réunie par Cécile A. Holdban. Elle est aussi celle qui apparaît peut-être le plus obsédée par la mort. A l'autre bout du volume se tient l'Américaine Anne Sexton, née dans le Massachusetts en 1928 et qui est sans doute allée le plus loin dans les profondeurs de l'intime féminin. Entre elles deux se présentent des figures majeures telles Marina Tsvetaïeva, Ingeborg Bachmann, Nelly Sachs, Anna Akhmatova, Sylvia Plath, Gabriela Mistral ou Antonia Pozzi. Et d'autres moins connues, du moins en Europe, comme la Sud-africaine Ingrid Jonker, l'Iranienne Forough Farrokhzad, ou encore l'Argentine Alejandra Pizarnik. A qui il faudrait ajouter Gertrud Kolmar, Janet Frame et Karin Boye. Ici réunies, toutes se racontent et racontent le XXème siècle, certes sous une extraordinaire diversité d'angles mais en partageant la même singularité d'un regard féminin.
Pour cela Cécile A. Holdban dans ces lettres a moins choisi la restitution littérale d'une parole, à laquelle elle eût été forcément infidèle, qu'une neutralité stylistique qui donne à son superbe livre son unité et sa puissance émotive. Elle y emploie le ton naturel de la conversation avec un proche, glissant tout du long des citations tirées de l'oeuvre de ses épistolières. Comme autant d'amorces de dialogue. Dans sept cas sur quinze, leurs vies se sont achevées par un suicide. Pour beaucoup, il y eut les passages par les hôpitaux psychiatriques. Elles eurent en effet à connaître la terreur stalinienne, le nazisme et la Shoah, l'apartheid… Et continûment, non pas en arrière-plan mais en élément déterminant de leur existence, leur situation de femme. le livre fait admirablement ressortir cette manière de double déterminisme. Ce que résume dans un fulgurant quatrain cité par Cécile A. Holdban, la Suédoise Karin Boye, s'adressant à son amante juive allemande Margot Hanel, qui en 1941 se suicida un mois après elle :
« Et tant que tu n'as pas atteint cela / cela : mourir et devenir, / tu erres en pur étranger / dans une vie crépusculaire »
« Meurs et deviens !» (« Stirb und werde ! ») en écho au poème de Goethe sur la nécessaire métamorphose de l'être.
Dans une préface qui éclaire très précisément son projet, l'autrice se présente elle-même dans le sillage de ces femmes : « C'est parce que ces poétesses ont été traversées par cette Histoire -dont j'ai hérité une part par mes grands-parents- que leur oeuvre résonne en moi. » Sa propre grand-mère fut une ressortissante de la double monarchie austro-hongroise, un monde disparu. Entre elle et les quinze dont les voix se sont mises à parler en elle, s'est ainsi instaurée une proximité. Son livre en résulte, donnant consistance à la conversation qu'elle ne cesse d'entretenir avec celles que l'on pourrait considérer comme de grands modèles. Admirable et bouleversant.

Lien : https://jclebrun.eu/blog/
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Libre et fragile se disent au masculin et au féminin.
Ce livre se présente en histoires conjuguées au temps du souvenir, avec les portraits en noir et blanc, comme un album photos de famille.
Cécile A. Holdban est poète, peintre et traductrice. Elle sait peindre et traduire comment, dans ces quinze vies souvent abrégées, la poésie a fait de la fragilité une liberté, et un usage du langage qui, au-delà de l'émoi "saura donner sens pour soi".
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critiques presse (1)
LeFigaro
13 février 2024
L'écrivaine se glisse dans la peau et dans la voix d'une quinzaine de romancières et de poètes du XXe siècle.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
À vingt ans, j’ai essayé de mourir
  
  
  
  
À vingt ans, j’ai essayé de mourir. J’ai attendu qu’il n’y ait personne à la maison, maman était allé assister à la retransmission en direct du sacre d’Elisabeth II chez une voisine, et je me suis cachée dans un recoin de la cave. C’est assez facile à réaliser dans une cave, c’est assez facile de rester là et d’attendre. Tout était confus en moi. J’avais de terribles insomnies, la moindre contrariété me plongeait dans une profonde crise dépressive, et je me griffais les jambes jusqu’au sang. Je voulais vraiment mourir. Je l’avais déjà dit à maman. Je lui avais même proposé de mourir ensemble. Cette fois-là, j’ai laissé un mot pour dire que j’étais partie me promener et que je serais de retour le lendemain. Il paraît que j’étais dans le coma depuis plus d’un jour lorsqu’on m’a retrouvée. On m’a envoyée dans une clinique privée, le McLean Hospital, où les soins furent financés par Mrs Prouty. Elle m’avait invitée chez elle, après que je lui ai écrit un petit mot pour la remercier. (…) Nous avons parlé autour d’un thé et de sandwiches au concombre. Cette conversation a agi comme un révélateur pour moi. Elle m’a demandé si j’avais écrit sur ma famille, et je lui ai répondu que je la trouvais trop ordinaire. Mais elle a répondu que si ma famille était peut-être ordinaire pour moi, elle ne l’était pas pour elle, Mrs Prouty, ni pour les autres, et que je disposais d’un formidable matériel.


Sylvia Plath – 1932-1963 – à son mari – infidèle -, le poète Ted Hugues
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« Il fallait d’abord avoir envie de vivre »
  
  
  
  
J’avais aussi accroché au mur cette phrase d’Artaud dont j’aurais voulu faire ma devise : ‘Il fallait d’abord avoir envie de vivre’. Mais pour ne pas oublier, comme Virginia Woolf ou Cesare Pavese que j’admirais tant, j’avais écrit dans mon journal : Ne pas oublier de me suicider. Ou trouver au moins une manière de se défaire du je, une manière de ne pas souffrir. De ne pas sentir. De ne pas sentir surtout. (…) J’ai passé cinq mois à l’hôpital psychiatrique Pirovano. Les cinq derniers mois de ma vie. Cela ne m’a pas empêchée de tout essayer : cachets, gaz, corde. Comment faire comprendre que la mort volontaire est chez moi une vocation absolue


Alejandra Pizarnik – 1936-1972, à son père Elías
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un certain I.A.
  
  
  
  
Dans un programme éducatif à la télévision, un certain I.A. Richards expliquait “comment écrire un sonnet”. Je t’ai téléphoné, maman, tu te souviens ? Je redoutais que tu me repousses encore. Tu étais la seule personne au monde que je connaisse qui avait écrit des poèmes. Je n’avais personne d’autre vers qui me tourner. Je t’ai téléphoné et je t’ai demandé : “Qu’est-ce qu’une image ?” Cette fois tu ne m’as pas rejetée. Tu m’as expliqué et j’ai osé te montrer mon premier sonnet. Nous étions enfin proches lorsque ton cancer a métastasé


Anne Sexton – 1928-1974 – à sa mère
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J’étais éprise de liberté
  
  
  
  
J’étais éprise de liberté et, dans ce pays, la seule liberté possible pour une femme c’était de choisir son mari. Je crois que la détermination de mon amour a fait peur à Parviz. Du haut de mes seize ans, comment aurais-je pu deviner que je venais déjà de vivre la moitié de ma vie ? J’impressionnais ce grand jeune homme presque trentenaire ! J’ai surmonté tous les obstacles : son hésitation, l’hostilité de ma mère et de la sienne (je crois que mon père n’était pas mécontent à l’idée de voir partir ses enfants, pressé qu’il était de retrouver sa maîtresse pour se remarier avec elle). On m’a punie, on m’a enfermée, on m’a battue. Je n’ai pas cédé. J’étais certaine de mon amour. Là est peut-être mon erreur. En réalité, j’aimais plus l’amour que Parviz


Forough Farrokhzad – 1935-1967, à son fils adoptif Hossein Mansouri, recueilli dans une léproserie iranienne
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Tout le monde l’appelait
  
  
  
  
Tout le monde l’appelait Swart Fanie. Pour moi, il a toujours été Oupa. J’adorais quand Ouma racontait comment elle l’avait épousé, alors qu’elle était amoureuse de son frère qui passait son temps à imiter le chant du coq. Oupa était un homme très drôle, très affectueux. Nous riions beaucoup ensemble. Lui m’a aimée. Il était si content quand je venais sur son lit, alors qu’il devait rester alité, souvent plusieurs jours, à cause de son arthrite. Difficile d’imaginer que, pendant la guerre des Boers, il avait tenu tête à un officier anglais venu réquisitionner ses mules et ses charrettes. Oupa avait déchiré devant lui le document officiel qu’il lui avait tendu, sûr de son fait …”


Ingrid Jonker – 1933-1965, parlant de son grand-père à son – redoutable – père Abraham Jonker
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Videos de Cécile A. Holdban (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Cécile A. Holdban
Avec Arthur H, Rim Battal, Seyhmus Dagtekin, Maud Joiret, Sophie Loizeau, Guillaume Marie, Emmanuel Moses, Anne Mulpas, Suzanne Rault-Balet, Milène Tournier, Pierre Vinclair & les musiciens Mathias Bourre (piano) et Gaël Ascal (contrebasse) Soirée présentée par Jean-Yves Reuzeau & Alexandre Bord
Cette anthologie reflète la vitalité impressionnante de la poésie francophone contemporaine. Quatre générations partagent des textes pour la plupart inédits. La plus jeune a 17 ans, les plus âgés sont nonagénaires. Ils sont ainsi 94 à croiser leurs poèmes sur la thématique du désir, un mot aussi simple que subversif.

ADONIS – ARTHURH – Olivier Barbarant – Linda MARIA BAROS Joël BASTARD – Rim BATTAL – Claude BEAUSOLEIL – Tahar BEN JELLOUN – Zoé BESMOND DESENNEVILLE – Zéno BIANU – Carole BIJOU – Alexandre BONNET-TERRILE – Alain BORER – Katia BOUCHOUEVA – Julien BOUTREUX – Nicole BROSSARD – Tom BURON – Tristan Cabral – CALI – Rémi Checchetto – William CLIFF – François de CORNIÈRE – Cécile COULON – Charlélie COUTURE – Laetitia CUVELIER – Seyhmus DAGTEKIN – Jacques DARRAS – Michel DEGUY – Chloé DELAUME – René Depestre – Thomas DESLOGIS – Ariane DREYFUS – Renaud EGO – Michèle FINCK – Brigitte FONTAINE – Albane GELLÉ – Guy GOFFETTE – Cécile GUIVARCH – Cécile A. HOLDBAN – Philippe JAFFEUX – Maud JOIRET – Charles JULIET – Vénus KHOURY-GHATA – Anise KOLTZ – Petr KrÁL – Abdellatif LAÂBI – Hélène LANSCOTTE – Jean LEBOËL – Yvon LE MEN – Perrine LEQUERREC – Jérôme LEROY – Hervé LETELLIER – Sophie LOIZEAU – Lisette LOMBé – Mathias MALZIEU – Guillaume MARIE – Sophie MARTIN – Jean-Yves MASSON – Edouard J.MAUNICK –
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