Dans une vieille chanson, une négresse nous raconte :
Si tu as fait des sottises,
Si tu as fait des sottises,
Tu seras châtié.
Si tu as fait des sottises,
Tu verras que tes sottises,
Finiront par causer ta perte.
Je binais la terre derrière ma case,
j'étais comme une jeune volaille,
Qu'on a capturée pour la vendre.
Je n'avais pas brisé de pot de terre,
Je n'avais pas bosselé de plat d'étain,
Cependant, l'on m'a prise et vendue.
On les traitait comme de jeunes volailles. Leurs hommes étaient souples et minces. Hommes et femmes étaient doués d'un heureux caractère. Ils craignaient la précipitation, ne savaient pas se hâter, aimaient les couleurs vives, les tambours bruyants, les lentes décisions. Ils connaissaient les gorges profondes au coeur de la forêt tropicale, où le vacarme des cascades d'eau pulvérisée n'est dominé que par les courts orages de l'après-midi. Ils avaient vu les hippopotames s'accoupler sous la pleine lune. Ils savaient que la bile du crocodile est un poison violent qui agit rapidement. Ils pensaient que la graisse sous la peau de la lionne peut servir d'onguent contre les rhumatismes. Mais ils n'avaient jamais vu la mer, jamais vu une roue, jamais rencontré un homme blanc. Désormais ils se rapprochaient lentement de tout cela. Un par un. Pas à pas. La mer, la roue et l'homme blanc. Derrière eux, les malades qui ne pouvaient plus suivre jalonnaient la route. Des hommes, des femmes et des enfants gisaient à un point ou à un autre de la piste, terrassés par la fièvre des marécages.