Ya Ding fut un auteur brillantissime dans les années 80 et 90, un métissage culturel franco-chinois singulièrement heureux. le talent de
Ya Ding fleurit dans ses cinq romans dont son premier «
Le Sorgho Rouge » qui rencontra un grand succès. En revanche, il en fut autrement pour ses livres suivants, pourtant toujours portés par une belle écriture.
J'avais eu le bonheur de suivre cet auteur au fil des parutions dont je conservais un souvenir heureux, mais fatalement devenu un tantinet imprécis avec le temps.
Récemment j'ai relu le « Cercle du petit ciel » qui m'a une nouvelle fois littéralement transporté du coté du Mon Emei. Là il s'agit du dernier livre de l'auteur (1994), «
La jeune fille Tong », avant malheureusement pour ses lecteurs, qu'il se consacre, semble t-il, à une activité commerciale dans le vin.
«
La jeune fille Tong » nous fait pénétrer au plus profond de l'univers du Tao.
Il existe trois dimensions dans cet univers. A l'origine, il y a les « pères fondateurs », légendaires ou pas, peu importe, comme pour
Homère les écrits sont là.
Lao Tseu,
Tchouang Tseu,
Lie Tseu offrent une approche philosophique. le taoïsme est devenu ultérieurement une religion, en rivalité avec le bouddhisme, une synthèse étant opérée avec l'école « Chan » exportée au Japon pour devenir le « Zen ». Parallèlement à ces écoles philosophiques et pratiques se développerent également des rituels magiques, censés apporter une longue vie, voire l'immortalité. Parmi ces rituels, fleurirent des préceptes d'une alchimie sexuelle. Ces pratiques magiques mettent en oeuvre des pouvoirs et selon la sagesse de leurs auteurs, elles peuvent relever de la magie blanche ou noire.
Le récit de «
La jeune fille Tong » s'inscrit dans un inquiétant usage de ces pouvoirs. Une jeune fille Tong (du nom de l'ethnie, rien à voir avec des chaussures estivales tendance…), Zé-Lain, fille unique du chef du village s'apprête à célébrer ses seize ans, age qui marque le passage rituel à la période adulte. Dans la nuit, elle est rituellement agressée, s'agit -il d'un fantôme, d'un esprit, d'un homme ? Elle découvre avec consternation et horreur au matin que sa marque au bras, sa tache de vermillon qui « atteste » de sa virginité, a disparu.
Dans un premier temps, elle tente désespérément de dissimuler le problème et de reconstituer une marque, en vain. Dans le petit village, la rumeur devient certitude et le père se suicide.
Mais le maléfice se poursuit et s'amplifie, désormais l'énergie vitale de Zé-Lain est littéralement aspirée et elle devient extérieurement une vieille femme.
Zé-Lain doit s'enfuir et s'engage dans la profondeur des forêts et des montagnes dans des tribulations de plusieurs années.
Sa quête la conduira au mont Hua, une des montagnes sacrées
« Le Tai le plus majestueux
Le Houan le plus surprenant
L'Emei en revient la plus élégante
Mais le mont Hua est le plus dangereux »
Au terme de ces différents apprentissages acquis auprès de plusieurs maîtres Tao, dont le plus important, « Le Grand-Maitre-Avalant-Les-Rochers », Zé-Lain devient une experte dans l'art d'absorption.
Elle peut alors envisager de finaliser sa longue quête pour rétablir l'équilibre dans la Voie.
Un livre au style ciselé, envoûtant et privilégié pour faire entrevoir une des facettes de l'univers du Tao.
Cette relecture ne fait naturellement que raviver les regrets provoqués par le silence de
Ya Ding.
Un silence quasi rimbaldien.