Beau livre entre poésie et aquarelle s'entremêlant sous la plume de
Bruno Duborgel,
La petite aquarelle respire l'odeur de la peinture figée sur la toile de Zoran Music, ces teintes pastelles vivent une vie nouvelle hors du regard des puristes, couchées sur le papier par la prose de notre professeur en miroir avec ces ouvres reproduites dans ce livre.
Bruno Duborgel est un professeur de philosophie puis maître de conférences à l'Université Lyon 2 et d'esthétique et sciences de l'art à l'Université Jean Monet de Saint-Étienne, il est aussi auteur de nombreux ouvrages spécifique sur l'art.
Ce style de livre est nouveau pour moi, venir dans la peinture par les mots,
La petite aquarelle est une oeuvre de Zoran Music, un peintre et graveur slovène de la nouvelle École de
Paris.
Zoran Music « observe » cette nature pour communier avec elle, la pénétrer au plus profond de sa chair et selon ses mots avec « bonheur » s'y identifie, dans ce Paysage rocheux, aquarelle sur papier de 1978 d'un format minimaliste pour y faire entrer ses amateurs,
Bruno Duborgel invite les lecteurs à découvrir ce paysage au plus loin de notre regard, pour s'y disperser comme Zoran Music vers cette formule si belle de
Gaston Bachelard, de l « 'immensité intime ». Ce cycle pictural entre 1977 et 1980 est une succession de paysages, telles les Alpes Italiennes, les escarpements de Fontainebleau et les moraines minérales des Dolomites. Il y a dans ces reproductions un paysage majuscule, une forme d'identité commune à cette série,
Bruno Duborgel nous guide dans cette oeuvre Paysage rocheux. de son souvenir d'enfance, Zoran Music, les paysages du Karst immuable à son regard respiraient « un paysage universel et éternel » pour en être la « matrice », une façon de revivre cette intemporalité. Il y a dans le souvenir de notre artiste, un transfert avec ses tableaux, il n'oublie pas dans ses oeuvres, ou celle-ci sont ces souvenirs, ce vase communiquant façonne la condition humaine selon notre peintre. Notre regard innocent, novice semble être marqué surtout par l'abstraction de
la petite aquarelle, ce paysage se trouble, comme ce passé de l'abstraction de Zoran Music entre 1957-1962, inextricable du paysage à l'abstraction est osmotique, voire oxymorien aussi, une ambiguïté de l'artiste hanté par ses paysages de son enfance et de la peinture byzantine aussi.
Le passé de Zoran Music hante ses oeuvres, les paysages de son enfance mais aussi, Dachau, le camp de concentration où il fût envoyé lors de la deuxième guerre mondiale, il devient le prisonnier au matricule N° 128231, de novembre 1944 à avril 1945 à la libération du camp par les américains, il dessina la mort en cachette, plus de deux cents
dessins, l'horreur des cadavres parsème ce paysage, « paysage » exprime pour Zoran de quelque chose de terrible, mais comme beaucoup de grands noms de la littérature,
Charles Baudelaire,
Platon et
Victor Hugo, il y a une « Beauté hideuse », ce paradoxe trouble toute l'oeuvre de Zoran Music, lorsque un leitmotiv caresse ses paysages, « la vérité de la mort », comme paysages rocheux, 1977-1980 ; les Motifs végétaux,1972-1973, ou Venise, 1980-1983.
La petite aquarelle est autopsiée avec une minutie religieuse, son format, sa texture, ses teintes, ses défaut, sa qualité, sa perspective visuelle, son souvenir et enfin sa respiration artistique et morale. La rondeur est aussi pour notre artiste une période, où le paysage semble se reposer,
Van Gogh écrivait « La vie est probablement ronde », Zoran Music traverse la vie à la mort, l'enfance est véhiculé dans ses paysages.
Ce livre est une magnifique célébration sensuelle et artistique de l'oeuvre de Zoran Music à travers
La petite aquarelle, un paysage aux multiples facettes que notre regard ne transperce pas toute suite, cette perception nouvelle offerte par
Bruno Duborgel place cette peinture dans une dimension errante et vagabonde, celle infime de son auteur.