Mes maux
mes maux je vous les livres
jetez les livres puisqu'il ne s'agit pas
d'écorce d'encre
ni de sèves bleues de poètes d'îles
écartelées
mes maux je vous les livres
prenez-les au vol
nus
comme des oiseaux sans plume
pour signer un temps
à tire-d'aile
la lune a froid aux yeux
voilà que je vous parle sans maudire
la tempête cérébrale qui pense la mort
sous le vent
les tremblements de terre
sommant cette terre de ne pas trembler
sous la foulée des ombres folles
voilà que je vous parle sans maudire
ma terre sur pilotis
avec du sang dans son parterre
terre ligotée
corps enterré
ombre face au mur
murmurant lingot de garces et de garçons
minés par la terre aux mille poussières virales
ici
c'est du sang qu'on verse
pour rafraîchir la tête des blessés par balles
nos réveils préfèrent le son du fucil
au sang du coq
Un jour les muses …
Un jour les muses poseront nues
pour les poètes
un jour la poésie sortira du marché de la poésie
la poésie sortira de sa tanière
et prendra la route toute seule
comme une grande
ce sera un jour de fresque
un jour peint
sans chevalet
avec des nuances hautes en couleurs
ce jour se boira clair comme une source
se mangera par grappes
mûres de fruits
de beaux fruits qui exploseront de rire
dans le jus de la bouche
l’horizon se donne couché
en toute déraison devant la phrase
un jour viendra
où les muses poseront nues pour les poètes
LE SANG VISIBLE DU VITRIER
Frankétienne
…il y a miracle dans la durée
et trop de rouille pour dire l’usure
l’homme qui parle
avec excès d’oiseaux dans la bouche
garde dans sa cage des couleurs thoraciques
pour atteindre en plein cœur
les frondes de la barbarie
toutes les chasses gardées des faussaires
criant merde dès leurs réveils
aux accoucheurs de fleurs dans l’insomnie
île est douleur
cette grippe du pèlerin pour sa terre aviaire
terre qui ne lèche pas la neige
mais qui se laisse coucher
par des songes de tramways
dans un tohu-bohu d’arc-en-ciel
aux écailles d’avant-pluie
p.127-128
Fort de tous mes morts, je suis en droit et en devoir d'affirmer, comme citoyen en pleine crise d'adolescence, que le sujet de la mort ne fait aucun écran à mon espace-temps. Je vis dangereusement ma vie, le temps de télécharger toutes mes enfances comme antidote et antivirus de la vieillesse.
malgré les ampères, les chakras de lucioles, ma parole de nuit
n'arrive toujours pas à pondre une simple ampoule
- Mais suffit-il de refouler la nuit en soi
pour aboutir à une explosion de lumière
une explosion
de lumière
Avec Marc Alexandre Oho Bambe, Nassuf Djailani, Olivier Adam, Bruno Doucey, Laura Lutard, Katerina Apostolopoulou, Sofía Karámpali Farhat & Murielle Szac
Accompagnés de Caroline Benz au piano
Prononcez le mot Frontières et vous aurez aussitôt deux types de représentations à l'esprit. La première renvoie à l'image des postes de douane, des bornes, des murs, des barbelés, des lignes de séparation entre États que l'on traverse parfois au risque de sa vie. L'autre nous entraîne dans la géographie symbolique de l'existence humaine : frontières entre les vivants et les morts, entre réel et imaginaire, entre soi et l'autre, sans oublier ces seuils que l'on franchit jusqu'à son dernier souffle. La poésie n'est pas étrangère à tout cela. Qu'elle naisse des conflits frontaliers, en Ukraine ou ailleurs, ou explore les confins de l'âme humaine, elle sait tenir ensemble ce qui divise. Géopolitique et géopoétique se mêlent dans cette anthologie où cent douze poètes, hommes et femmes en équilibre sur la ligne de partage des nombres, franchissent les frontières leurs papiers à la main.
112 poètes parmi lesquels :
Chawki Abdelamir, Olivier Adam, Maram al-Masri, Katerina Apostolopoulou, Margaret Atwood, Nawel Ben Kraïem, Tanella Boni, Katia Bouchoueva, Giorgio Caproni, Marianne Catzaras, Roja Chamankar, Mah Chong-gi, Laetitia Cuvelier, Louis-Philippe Dalembert, Najwan Darwish, Flora Aurima Devatine, Estelle Dumortier, Mireille Fargier-Caruso, Sabine Huynh, Imasango, Charles Juliet, Sofía Karámpali Farhat, Aurélia Lassaque, Bernard Lavilliers, Perrine le Querrec, Laura Lutard, Yvon le Men, Jidi Majia, Anna Malihon, Hala Mohammad, James Noël, Marc Alexandre Oho Bambe, Marie Pavlenko, Paola Pigani, Florentine Rey, Yannis Ritsos, Sapho, Jean-Pierre Siméon, Pierre Soletti, Fabienne Swiatly, Murielle Szac, Laura Tirandaz, André Velter, Anne Waldman, Eom Won-tae, Lubov Yakymtchouk, Ella Yevtouchenko…
« Suis-je vraiment immortelle, le soleil s'en soucie-t-il, lorsque tu partiras me rendras-tu les mots ? Ne te dérobe pas, ne me fais pas croire que tu ne partiras pas : dans l'histoire tu pars, et l'histoire est sans pitié. »
Circé – Poèmes d'argile , par Margaret Atwood
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